La répartition dénonce le scandale des quotas industriels
Le contingentement par certains laboratoires de produits chez les grossistes n’est pas un fait nouveau. Dans la ligne de mire : les exportations parallèles. Mais le phénomène s’amplifie selon la répartition, qui montre les dents et agite le spectre de pénuries sur le marché français.
La position particulière de MSD et de nombreux autres laboratoires, notamment Glaxo, en général américains, est de nature dans les semaines qui viennent à perturber très gravement l’approvisionnement, tant à la CERP Bretagne Nord que chez d’autres confrères répartiteurs. » S’adressant ainsi par courrier le 10 janvier à l’Afssaps, Daniel Galas, directeur général de la CERP Bretagne Nord, mettait en cause le contingentement de certains médicaments, faisant référence à une autre lettre du 10 décembre 2001 où le répartiteur avançait qu’il ne serait pas en mesure de répondre à la demande en Vioxx 25 mg, vu le quota insuffisant attribué par MSD pour le second semestre 2001. Des quotas ? Le système n’est pas nouveau. « MSD nous contingente lourdement depuis cinq ans », indique-t-on à la CERP Bretagne Nord, qui cite aussi GSK, Lilly ou Pfizer. Bayer, lui, s’y était essayé dès le début des années 90.
Des quotas liés aux parts de marché
Mais un pas supplémentaire a semble-t-il été franchi avec des quotas non plus en fonction des volumes mais en fonction des parts de marché de chaque répartiteur, ce qui figera la concurrence. Si MSD n’a « aucun commentaire à faire sur le sujet », Lilly est plus prolixe, par la voix de son directeur juridique Dominique Beurrier : « Des allocations trimestrielles sont désormais fixées en fonction des parts de marché du répartiteur sur le marché français relevées par le CIP. C’est le concept de « supply chains management », destiné à éviter toute surproduction. Mais on a les moyens de production pour éviter toute pénurie. » Chez Pfizer, Gérard Bouquet, vice-président des affaires publiques, confirme aussi que les quantités disponibles sont maintenant calculées en fonction des parts de marché, « tout en laissant un espace pour le jeu de la concurrence »…
Parallèlement, il semble que les filiales des grossistes français spécialisées dans l’« export pur » ne soient plus approvisionnées par ces laboratoires. « Ce sera le cas à partir du 1er avril », confirme-t-on aussi chez Lilly. Pfizer admet de son côté avoir rompu ses relations commerciales avec les sociétés exportatrices. « Des contentieux sont en cours, les tribunaux trancheront. » En fait, cette stratégie des laboratoires n’a qu’un seul but : empêcher les exportations parallèles, via les grossistes français ou leurs filiales export, vers les pays où le médicament est vendu à prix fort. « L’export, qui peut représenter de 10 à 40 % du CA de certaines sociétés, nous permet de compenser notre différentiel de marge par rapport à nos voisins, la nôtre étant la plus faible d’Europe », explique Daniel Galas, qui est aussi vice-président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) et président de la CERP France.
Premier commandé, premier livré
Tout semble donc en place pour un bras de fer dont les officinaux et surtout les patients feront les frais sur le terrain. Mécaniquement, il est en effet évident que cette situation conduira ponctuellement à des ruptures de stock sur notre sol. Aussi, Daniel Galas invite « chaque répartiteur responsable de sa mission de santé publique » à écrire aux officinaux pour expliquer ce système de contingentement, prévenir du risque de manquants et, le cas échéant, y joindre les références incriminées avec une liste non exhaustive des autres produits de même classe thérapeutique non contingentés : « Nous ne saurions vous conseiller de prévoir un surstockage de ces produits contingentés […], lit-on dans un projet de courrier aux officinaux. Si l’interruption brusque de tel médicament s’avérait préjudiciable à un traitement de longue durée […], vous pourriez si nécessaire prévenir le prescripteur de prévoir le médicament de remplacement parmi les produits non contingentés dont nous vous proposerons une liste… »
Gérard Bouquet, lui, renvoie la balle aux grossistes : « En 2001, nous avons connu une pénurie sur un produit de prise en charge des épileptiques, due certes à des problèmes d’approvisionnement mais aussi au fait qu’un répartiteur avait pris la liberté d’en vendre une partie à l’étranger. Il est important que les répartiteurs prennent la responsabilité de servir leurs clients nationaux. »
Mais la bataille stratégique pourrait bien se jouer devant le Conseil de la concurrence, voire la Cour de justice européenne, le conseil d’administration de la CSRP ayant en effet décidé à l’unanimité de monter au créneau. « Ce qu’ils préconisent est inquiétant. Quant à un éventuel contentieux, nous en avons déjà deux au Conseil de la concurrence chez Lilly avec des répartiteurs exportateurs. Je ne vois pas ce qu’ils peuvent faire de plus », déclare Dominique Burrier.
En attendant, la CERP Bretagne Nord envisage que les clients soient servis dans l’ordre des commandes, export inclus. Autrement dit, les produits exportés seront pris sur le stock correspondant au marché français. « Les grossistes font ce qu’ils veulent des produits livrés, lance Dominique Beurrier. Mais j’ai du mal à imaginer qu’ils procèdent ainsi. » De leur côté, l’OCP et Alliance Santé se refusent à tout commentaire.
L’issue de ce dossier pourrait avoir des conséquences sur l’économie de l’officine, car comme le révèle Daniel Galas, « c’est cette petite différence dans nos comptes de résultats qui nous permet de maintenir services et remises aux pharmaciens ».
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