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Où sont les biotechnologies françaises ?
Si l’on n’y prend garde, les médicaments du futur seront surtout américains, canadiens ou suisses. Un rapport commandité par le ministère des Finances à un groupe d’experts tire la sonnette d’alarme sur l’état du secteur des biotechs en France. Ils préconisent des mesures d’aides financières et juridiques aux sociétés françaises spécialistes de la recherche sur le vivant.
Plus de 50 % des nouveaux médicaments sont liés aux biotechnologies et 90 % des sociétés de biotechnologies se situent dans le champ de la pharmacie ou des technologies associées. Tirés du rapport « Relever le défi des biotechnologies » remis le 20 mars par un groupe d’experts au ministre des Finances, ces pourcentages laissent rêveur.
Diagnostic et prévention, thérapie génique, thérapie cellulaire…, médiatisées depuis quelques années, les nouvelles technologies ont trouvé leur place dans le secteur de la santé, à tel point que pour la Commission européenne, le marché européen de la biotechnologie pourrait valoir plus de 100 milliards d’euros d’ici à 2005. Mais la France risque bien de rater le coche. Car un fossé sépare notre pays des Etats-Unis : 4 500 personnes en France, 40 000 en Europe sont employées dans ce secteur contre 160 000 au pays de l’oncle Sam. Et même si leur nombre a doublé en quatre ans, la France compte seulement 240 entreprises de biotech, l’Europe 950 contre 1 273 outre-Atlantique…
Certes, des produits issus des biotechs sont déjà sur le marché mais ils sont américains, canadiens ou suisses. Ainsi l’Américain Amgen, leader mondial, a obtenu l’autorisation de l’Europe pour son médicament Kineret dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, tandis que son confrère Genentech a déjà lancé plusieurs produits comme Herceptin contre le cancer du sein et Rituxan contre le lymphome. Le Suisse Serono vient d’obtenir le feu vert de la Federal Drug Administration pour Rebif, son traitement contre la sclérose en plaques. Côté français, les premiers médicaments ne sont pas annoncés avant 2004. Les leaders, Genset, Transgène ou NicOx, en sont encore au stade de la recherche ou à peine en phase II du développement de leurs futurs médicaments (voir encadré).
« Sécuriser les premiers pas des chercheurs »
L’urgence est là. « Si la France devait manquer le tournant des biotechnologies, son industrie pharmaceutique, déjà fragilisée, serait condamnée », s’alarment les auteurs du rapport. C’est que les biotechs sont une source de développement pour les laboratoires qui ont besoin de trouver sans cesse à fabriquer et commercialiser de nouveaux médicaments. Leur méthode : passer des contrats le plus en amont possible avec de jeunes sociétés qui travaillent sur des domaines de recherche pointus afin de recueillir les fruits de leur découverte. Pour cela, encore faut-il que ces « jeunes pousses » aient les moyens d’exister.
S’appuyant sur les critiques des industriels, les experts préconisent un programme d’action pour soutenir la recherche sur le vivant en France. En matière de recherche publique d’abord. Objectifs : augmenter le budget de la recherche civile dans un cadre pluriannuel en ciblant la recherche fondamentale, intensifier le recrutement de chercheurs et ingénieurs, développer la mobilité entre les métiers de la recherche, les organismes et les universités, en facilitant le passage du public vers le privé.
Mais pour cela, « il faut sécuriser les premiers pas des chercheurs » et donc financer l’innovation. Sociétés de recherche avant tout, non productrices de richesses dans l’immédiat, les entreprises de biotechnologies ont besoin de capitaux pour démarrer avant de pouvoir faire appel au capital-risque ou aux laboratoires pharmaceutiques. Des premières mesures ont été annoncées en octobre 2001 comme la création d’un fonds d’amorçage doté pour l’instant de 60 millions d’euros. Dans le même esprit, les experts préconisent donc d’investir dans un fonds (0,5 à 2 MEuro(s)) dès le début du processus de création, l’attribution d’une dotation exceptionnelle à l’Anvar (100 MEuro(s) sur trois ans), le tout accompagné de mesures d’exonération fiscale.
Multiplier les génopoles sur tout le territoire
Parallèlement, ils souhaitent la multiplication de technopoles régionales qui, réunies sur un même site, favorisent les liens entre les structures de recherches, les laboratoires publics ou privés et les entreprises locales. Exemple le plus significatif : le Génopole d’Evry où est installé le Centre national de génotypage, le Centre national de séquençage, une vingtaine de laboratoires académiques et 40 entreprises installées ou en cours de création.
La valorisation de l’innovation doit s’accompagner aussi d’un environnement réglementaire favorable. En Europe, le dépôt de brevets est long et coûteux : 30 000 Euro(s) en moyenne, soit trois à cinq fois plus qu’aux Etats-Unis ! Le rapport propose que l’Europe s’aligne sur les Américains, en adoptant une directive communautaire sur la brevetabilité des inventions biotechnologiques : « Si la brevetabilité du génome […] ne peut être acceptée, à partir du moment où la notion d’invention est démontrée avec potentialité d’applications industrielles, rien ne s’oppose à la brevetabilité d’un gène. »
Enfin, les auteurs militent pour la recherche sur l’embryon, un sujet au coeur de la loi sur la bioéthique, en suspens jusqu’à la prochaine session parlementaire. Ils souhaitent aussi que ces actions soient initiées par le prochain gouvernement et qu’une mission interministérielle se charge de suivre leur mise en application. Utopique ?
Trois biotechs françaises à la loupe
Genset : la société, qui a levé début mars 30 millions d’euros sur deux ans auprès de la Société générale, se concentre sur les secteur de l’obésité, du diabète et du système nerveux central pour lesquels elle dispose d’une banque de 4 000 protéines. La protéine « vedette » qu’elle a identifiée, la famoxine, a une double indication dans le diabète et l’obésité. Des essais de phase I sont prévus mi-2002 sur des patients modérément obèses. Pas de lancement prévu avant 2006. La société affiche une perte de 39,3 millions d’euros en 2001 pour un CA de 19,5 millions d’euros.
Transgène : créée en 1979 (70 % du capital détenu par BioMérieux-Pierre Fabre), Transgène conçoit et développe notamment des technologies de transfert de gènes, appelées vecteurs, en particulier des vecteurs basés sur le virus de la vaccine, des Adénovirus et des vecteurs synthétiques. Exemple : un vecteur adénoviral, porteur d’une cytine appropriée, directement injecté dans la tumeur va traiter les tumeurs comme le mélanome et le cancer du rein. La société qui détient 5 produits en développement clinique dont 2 en phase II affiche 21,9 millions d’euros de perte pour un CA de 1,26 million d’euros. Une trésorerie de 71,8 millions d’euros (pour partie de BioMérieux-Pierre Fabre et de l’Association française de myopathie) financera son développement jusqu’en 2005.
NicOx : créée en 1996, NicOx axe sa recherche sur des composés libérateurs d’oxyde nitrique. La société a passé en 1998 un accord de licence avec AstraZeneca pour que ce dernier développe et commercialise des NO AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens libérant de l’oxyde nitrique). Produit leader : le HTC-1026, dérivé nitré du flurbiprofène, en phase I/II dans l’urticaire de contact, et le NCX-4016, dérivé de l’acide acétylsalicylique, principe actif de l’aspirine.
Bilan : 3 millions d’euros de perte pour un CA de 5,6 millions d’euros fin 2000. Une levée de fonds de 55,4 millions d’euros effectuée en mai 2001 va lui permettre de poursuivre le développement de produits, pour certains jusqu’en phase II avant de céder la licence à des industriels pharmaceutiques.
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