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Publié le 20 avril 2002
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Le nombre de mutations a encore progressé d’un millier environ en 2001, selon la dernière enquête d’Interfimo. Le prix moyen France entière des officines est, lui, resté stable, à 85 % du CA TTC. « Croissance soutenue de la consommation des médicaments remboursables, stabilisation de la marge et des conditions de financement, effets sécurisants de la nouvelle loi de répartition, la tendance est plus favorable depuis deux ans », confirme Philippe Becker, de Fiducial Expertise.

Mais la prochaine élection présidentielle peut bouleverser la donne actuelle. « Le programme Jospin prévoit une augmentation de la taxation des plus-values à long terme de 26 % à 35 %, annonce cet expert-comptable, ce qui risque, si ce candidat est élu, de bloquer le marché. Les vendeurs ne voudront plus céder leur officine ou seront amenés à purger précipitamment leurs plus-values à 26 %. »

Apport personnel recommandé : 15 % à 20 %

D’autres nuages noirs pointent à l’horizon et en particulier la reprise par le prochain gouvernement des rênes de la maîtrise des dépenses ; pour le moment, la croissance des officines sur le premier trimestre 2002 est de l’ordre de 4,5 % à 5,5 %, selon Fiducial Expertise. Reste qu’il y aura toujours des pharmaciens prêts à faire le grand saut de l’installation.

La question de l’apport personnel a, bien sûr, été maintes fois soulevée. D’une année sur l’autre, Fiducial Expertise ajuste ses simulations financières en fonction des nouveaux paramètres du marché mais aussi, cette année, du passage à l’euro. L’officine prise en exemple réalise un CA TTC de 800 000 Euro(s) (5,25 MF). Elle est vendue 700 000 Euro(s), soit 87 % du CA TTC. Le coût total de l’investissement (hors travaux d’agencement) s’élève à 800 000 Euro(s) ventilé de la façon suivante : 700 000 Euro(s) pour l’achat du fonds, 70 000 Euro(s) de droits d’enregistrement, honoraires de rédaction des actes et commission d’agence et 30 000 Euro(s) de besoin en fonds de roulement (BFR) nécessaires au fonctionnement de l’entreprise.

L’excédent brut d’exploitation (EBE) sert normalement à rembourser les emprunts (capital + intérêt), autofinancer les petits investissements de l’officine, payer les impôts, financer l’accroissement du BFR lié au développement de l’affaire et à assurer le train de vie du titulaire. Dans notre exemple, il est supposé égal à 13,50 % du chiffre d’affaires hors taxes, soit 104 000 Euro(s). Le taux annuel de l’emprunt souscrit sur 12 ans par l’acquéreur est de 5,50 %, assurances incluses. Sur les quatre hypothèses d’apport personnel retenues par Fiducial Expertise (voir tableau), on remarque que seules les deux dernières, où l’acquéreur apporte 15 % et 20 % du montant à financer, correspondent à un revenu disponible pour le titulaire acceptable, en dessous duquel une banque consciencieuse ne donnera pas son accord de prêt.

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Les banques financent trop facilement

S’agissant de financement, Christian Denoyel, directeur de Solyphar, filiale de la Lyonnaise de banque (groupe CIC), n’est pas homme à manier la langue de bois. Un certain nombre d’opérateurs du marché en ont pris, avec lui, pour leur matricule. A commencer par les cabinets de transactions.

Christian Denoyel leur a reproché d’avoir un rôle trop commercial. « Leur objectif est de vendre l’affaire, explique-t-il. Les agences de vente de pharmacies sont souvent trop optimistes dans leurs prévisions. Les charges sont également trop souvent sous-estimées concernant les travaux à prévoir, le besoin en fonds de roulement, la fiscalité ou encore les coûts des licenciements économiques – or, avec les nouvelles dispositions de la loi, ils seront demain plus difficiles à réaliser et plus coûteux-. Par conséquent, si vous faites établir un plan de financement par ses soins, faites-le impérativement vérifier par votre expert-comptable ou une banque spécialisée, c’est leur boulot ! »

Ce banquier n’est pas tendre non plus avec ses pairs. Selon lui, les banques (généralistes) financent beaucoup trop facilement les officines. Et d’exposer le cas d’un titulaire dont le développement de la pharmacie était anormalement faible, avec une situation de revenus nets disponibles (environ 3 000 francs par mois) et de trésorerie très critique préfigurant un état de cessation de paiement, et qui a pourtant obtenu un accord de crédit pour réaliser des travaux en vue de relancer son affaire…

Pour Christian Denoyel, compte tenu de la situation financière du pharmacien, le prêt aurait dû normalement être refusé. « La banque doit être un partenaire et non pas un fournisseur d’argent. » Prudence aussi, toujours selon lui, avec les sociétés de cautionnement mutuel : « La mutualisation des risques permet à ces sociétés de faire un bon crédit et, derrière, un moins bon. »

Christian Denoyel a donc invité les pharmaciens à ne pas faire preuve de passivité au cours de toutes les démarches conduisant à l’installation. « Soyez inquisiteur ! Avant de signer un compromis, vérifiez toutes les informations données par l’agence ou le vendeur, recoupez les éléments en interrogeant l’expert-comptable, le grossiste ou les pharmaciens du secteur, demandez des attestations comptables sur le montant des rétrocessions, des ventes à des collectivités, le nombre de clients à traitement lourd, renseignez-vous à la mairie sur les projets d’urbanisme, étudiez en détail votre plan de financement avec la collaboration d’un professionnel expérimenté et spécialisé : expert-comptable ou banque… »

A retenir

A propos du montage financier

– Respect d’un apport personnel suffisant (15 % à 20 %).

– Maîtrise de l’endettement (quotité maximale du crédit égale à 100 % de la valeur du fonds).

– Politique de rémunération cohérente.

– Prise en compte de la fiscalité et des prélèvements sociaux.

A propos du ou des futurs titulaires

– Avoir un véritable projet professionnel.

– Etre patient et avoir du sang froid.

– Gérer le projet avec un esprit scientifique.

– En cas d’association, formaliser le plus précisément possible les rapports entre titulaires dans le cadre d’un réglement intérieur.

Les règles pour bien s’entendre avec ses associés

Entreprendre en association se fait toujours en espérant le meilleur et en prévoyant le pire : le « divorce ». Le règlement intérieur évitera de voir un simple conflit de personnes se terminer devant les tribunaux. Comme l’a expliqué maître Manry, de l’étude Havre Tronchet, ce document sert à préciser les modalités particulières des relations entre les associés. Des clauses prévoient dans les moindres détails les conditions de modalités de départ (volontaire ou forcé) de l’un des associés : motifs nécessaires, procédures à respecter, indemnisation éventuelle, modalités de cession de parts, exclusion d’un associé, etc.

Ce règlement comporte également des dispositions relatives à l’organisation du travail et aux décisions importantes prises à l’unanimité des associés (horaires des associés, ouverture de la pharmacie, embauche et licenciement, transformation de l’officine, orientation de la politique générale vis-à-vis des clients, etc.) ; aux absences et congés ; aux remplacements et à leur rémunération ; au service de garde ; aux prélèvements et aux frais personnels ; aux décisions de gestion ; à la rémunération et à la répartition des bénéfices, aux assurances (perte d’exploitation et responsabilité professionnelle) ; aux modalités de contestations et d’arbitrage en cas de litige… –

F.P.