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LES ENFANTS AU SOLEIL

Publié le 4 mai 2002
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Cette année encore, ça risque de chauffer sur les plages ! Dure épreuve pour la peau des enfants trop souvent surexposés. Toute la lumière sur les risques solaires encourus par ces chères petites têtes blondes et pleins feux sur la photoprotection.

Les dessous de la lumière

La saga des UV

Les UV qui atteignent la peau ne représentent que 10 % du spectre solaire, le reste étant composé pour 50 % de rayons infrarouges (800-2 500 nm) et pour 40 % de lumière visible (400-800 nm).

Les UVC (200 à 280 nm), caractérisés par leur courte longueur d’onde, sont filtrés par l’ozone. La peau est donc soumise aux radiations UVB et UVA.

Les UVB (280 à 320 nm)

Ils représentent 2 % des UV totaux reçus par la peau et sont très énergétiques.

Caractéristiques

Ils sont arrêtés par les vitres mais traversent l’eau. L’eau n’arrête que les grandes longueurs d’onde (UVA).

Au niveau de la peau, 70 % d’entre eux sont arrêtés par la couche cornée. Seuls 20 % atteignent l’épiderme et 10 % pénètrent jusqu’au derme.

Influence de l’environnement

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Les UVB traversent l’atmosphère difficilement. Plus le soleil est proche de la Terre, plus la quantité d’UVB est importante. Ainsi le pouvoir érythématogène des UVB est 100 fois plus fort en été qu’en hiver.

De même, le taux d’UVB contenu dans le spectre augmente avec l’altitude, environ de 4 % tous les 300 m. A 1 500 m, il est donc 20 % supérieur à celui reçu au bord de la mer. La latitude intervient également, le soleil se trouvant à la verticale sous les tropiques.

Plus le rayonnement est oblique, plus il est absorbé par l’ozone et l’atmosphère. A l’inverse, une quantité maximale d’UVB passe les mailles de la couche d’ozone entre 10 heures et 14 heures en été.

Les UVA (320-400 nm)

Ils constituent 98 % des UV et sont beaucoup moins énergétiques que les UVB.

Caractéristiques

Ils passent à travers le verre des vitres mais sont arrêtés par l’eau.

Au niveau cutané, la majorité des UVA traverse la couche cornée, 20 à 30 % d’entre eux pénètrent jusqu’au derme profond.

Influence de l’environnement

Les UVA traversent facilement l’atmosphère. L’environnement a moins d’influence que pour les UVB.

Le rayonnement solaire

Le soleil est un faux ami

Les effets des rayons UV sur la peau d’un enfant sont à la fois bénéfiques (pigmentation, synthèse de vitamine D) mais aussi souvent délétères.

Le coup de soleil ou érythème actinique

La réaction inflammatoire

Survenant dans les heures suivant une exposition solaire importante, le coup de soleil est essentiellement dû à l’action des UVB qui déclenchent une réaction inflammatoire.

Une dose 1 000 fois supérieure d’UVA est nécessaire pour obtenir une réaction similaire. Après un coup de soleil, les kératinocytes entament leur programme de mort cellulaire (apoptose). Cette élimination naturelle des cellules ayant reçu des dégâts trop importants d’ADN permet la destruction de cellules potentiellement cancéreuses.

Le phototype

Il conditionne le risque d’attraper un coup de soleil. Les pigments mélaniques au niveau de la peau sont de deux types : les eumélanines, brunes ou noires, et les phæomélanines jaunes, brunes ou rouges. La répartition de ces pigments est variable, déterminant ainsi le phototype de chacun et par suite l’aptitude à se défendre face au soleil : phototype 0 (albinos), 1 (roux à peau laiteuse), 2 (blonds à peaux claires), 3 (blonds à châtains de carnation claire et mate), 4 (bruns à peau mate), 5 (bruns à peau très mate), 6 (peaux noires).

Les cancers cutanés

Les cancers cutanés sont directement liés aux expositions solaires.

La cancérogenèse

Elle résulte de différents facteurs.

Des altérations d’ADN surviennent au niveau des gènes, facilitant la multiplication cellulaire (oncogènes) ou bien s’opposant à la prolifération des cellules (gènes suppresseurs). La mutation du gène p53 (suppresseur) en particulier aboutit au développement de cancers. En effet, le gène p53 permet à la cellule de se mettre au repos afin de réparer les lésions d’ADN induites par les UV.

La photo-immunosuppression est due à la diminution de l’action des cellules de Langerhans. Sous l’effet des UV, ces cellules ne peuvent plus jouer leur rôle de rejet des cellules anormales.

Longtemps, les effets mutagènes ont été attribués aux seuls UVB. Il est désormais clairement établi que les UVA participent aussi à la cancérogenèse indirectement via la production de radicaux libres.

Les carcinomes

On en dénombre environ 60 000 nouveaux cas par an en France. Directement liés aux dommages provoqués par les UV au niveau de l’épiderme, ils apparaissent le plus souvent sur les zones exposées au soleil. Le risque augmente (par 2 ou 3) chez les sujets à peau claire, bronzant peu et ayant été exposés aux UV pendant l’enfance.

Le carcinome basocellulaire (90 % des cas) se développe à partir de 40 ans sous forme de petite lésion translucide perlée. Il résulte d’une altération au niveau d’une cellule souche épithéliale. Les carcinomes spinocellulaires (10 % des cas) sont dus à l’endommagement de kératinocytes. Ils apparaissent vers l’âge de 50 ans essentiellement chez les sujets blonds à peau claire et conduisent à des métastases dans 20 % des cas.

Le mélanome

C’est le plus redoutable des cancers de la peau. Il est responsable de plus de 1 000 décès par an en France. L’âge moyen du diagnostic se situe autour de 30 ans.

Il existe plusieurs facteurs de risque clairement établis :

– l’exposition solaire dans l’enfance : les expositions intermittentes mais intenses possèdent un effet plus nocif qu’une exposition permanente mais progressive ;

– la peau claire (phototypes 1 et 2) ;

– la présence de nævi : toute modification de forme, de couleur, d’aspect ou de taille, tout saignement d’un grain de beauté est un signe d’alerte devant amener à consulter un dermatologue. A noter cependant que 2/3 des mélanomes apparaissent sur une peau saine ;

– les antécédents familiaux : 8 à 10 % des mélanomes sont attribués à une prédisposition génétique.

Le vieillissement cutané

Il est imputable tout d’abord à la déshydratation des couches superficielles de l’épiderme.

Les UVA promoteurs de radicaux libres au niveau du derme et de l’épiderme détruisent les fibres de collagène et d’élastine et oxydent les lipides des membranes cellulaires. Les UVB, en agissant directement au niveau de l’ADN qui perd au fur et à mesure ses facultés de réparation, interviennent également mais dans une moindre mesure dans le processus de vieillissement.

Les effets délétères cutanés des UV à long terme

Photodermatoses

Les photodermatoses correspondent à des réactions de photosensibilisation liées à l’interaction d’une radiation lumineuse avec une substance photosensibilisante.

Cette substance peut provenir de l’organisme lui-même, ou bien plus fréquemment est apportée à la peau par contact direct (cosmétiques…), par voie sanguine (médicaments).

Dans les allergies solaires, les substances photoréactives responsables n’ont pas encore été identifiées.

Les photodermatoses endogènes

Elles peuvent être d’origine génétique :

– défaut de synthèse ou de transfert de mélanine : l’albinisme ;

– déficit congénital de réparation de l’ADN : xeroderma pigmentosum.

Elles peuvent également être imputables à des désordres métaboliques telles la pellagre ou la porphyrie cutanée.

Les photodermatoses exogènes

La phototoxicité

Dès lors que la peau contient suffisamment de substance phototoxique, la phototoxicité peut survenir chez tous les individus. Elle se manifeste quelques heures après l’exposition par un coup de soleil disproportionné par rapport à la quantité d’UV reçus. Egalement exagérée, la pigmentation obtenue peut prendre des mois voire des années pour disparaître.

Parmi les médicaments phototoxiques utilisés chez l’enfant ou l’adolescent, on retrouve les cyclines (traitement antiacnéique) et les phénothiazines (Théralène, Phénergan…)… Les produits locaux photosensibilisants sont principalement les parfums, l’essence de citronnelle, les dérivés de la bergamote, le peroxyde de benzoyle…

La photoallergie

Les photoallergies sont souvent saisonnières. Elles surviennent sur les zones exposées.

La photodermatose printanière juvénile, localisée électivement aux oreilles, guérit spontanément en 15 jours.

La lucite estivale bénigne reste rare chez l’enfant.

Protéger les enfants

Pourquoi ?

La peau de l’enfant est bien plus fragile que celle de l’adulte et conserve de nombreuses années la trace des coups de soleil. Protéger les enfants du soleil est donc une nécessité absolue.

Une peau immature

Tous les organes de la peau du nourrisson et de l’enfant ne sont pas pleinement fonctionnels. Corollaire : une peau d’enfant ne peut pas être assimilée à une peau d’adulte miniature !

-> Les glandes sébacées deviennent véritablement opérationnelles à l’âge de 7 ans. Pas étonnant que la peau des enfants soit plutôt sèche ! Une sécheresse qui ne fait que s’aggraver sous l’effet du soleil.

-> Les glandes sudoripares sont immatures jusqu’à l’âge de 3 ans. Ainsi, lors d’exposition à une forte chaleur, la production de sueur n’est pas assez abondante pour compenser l’énergie emmagasinée. Avec un risque accru de déshydratation, d’insolation voire de coup de chaleur.

-> Le film hydrolipidique est mince et déficient en raison de la faible production de sueur et de sébum. D’où un risque d’irritation et de desséchement important suite à l’exposition solaire.

-> La couche cornée est si fine qu’elle n’exerce pas son rôle de photoprotection.

-> Le derme apparaît 3 à 4 fois plus fin que chez les adultes. Il est immature jusqu’à 3 ans. Un excès d’UV va perturber l’élaboration des fibres de collagène et d’élastine.

-> Le système de défense immunitaire n’est pas encore optimal. Les cellules de Langerhans ne jouent pas pleinement leur rôle d’élimination des cellules endommagées par le soleil.

-> La flore saprophyte cutanée est faible, d’où un risque d’infection possible à la suite d’un coup de soleil ou d’un phénomène de macération.

Une mélanogenèse imparfaite

Même si à la naissance l’« équipement » des mélanocytes épidermiques est complet, la mélanogenèse s’avère probablement inférieure chez le nourrisson par rapport au grand enfant ou à l’adulte. Ainsi la mélanine ne peut exercer son rôle photoprotecteur, à savoir l’absorption de 90 % des UV ayant franchi la couche cornée.

Le phototype de l’enfant est déterminant pour apprécier le risque solaire. Bien que les peaux mates et noires soient protégées des coups de soleil et aient moins de risque de développer des cancers cutanés, la photoprotection des enfants se montre utile dans tous les cas, l’abus de soleil pouvant être dangereux même chez les personnes mélanocompétentes.

Le spectre de la photocarcinogenèse

Les études épidémiologiques ont montré que l’exposition solaire dans l’enfance constitue un facteur incontestable de risque de mélanome chez l’adulte.

Or l’enfance (plage, jeux extérieurs…) constitue une période de grande exposition solaire. La quantité de radiations solaires reçue est 1 à 3 fois plus élevée que chez l’adulte. On estime qu’à 18 ans, on a reçu 50 % du soleil de toute une vie. On sait aussi qu’une exposition intense pendant une courte durée est plus délétère que la même exposition répartie plus régulièrement.

Comment ?

Question sécurité, il faut opter pour les vêtements. Pas toujours facile lorsque les enfants pataugent… D’où l’utilité des écrans solaires.

La photoprotection vestimentaire

Les vêtements

Rien de tel pour filtrer les radiations solaires. Cependant, la protection dépend :

– de la matière et de la densité du tissage, avec par ordre de protection décroissante : le jean, les polyesters brillants, le velours, le coton et les matières synthétiques ;

– de la couleur : les couleurs foncées filtrent les rayons visibles et les UV alors que les couleurs claires filtrent les infrarouges (la chaleur).

On trouve sur le marché des T-shirts avec écrans solaires garantissant une filtration maximale. Encore plus ingénieux : la lessive avec filtres solaires qui imprègnent les vêtements au fur et à mesure des lavages (commercialisée aux Etats-Unis) ;

– de l’humidité : un T-shirt mouillé est nettement moins filtrant qu’à l’état sec.

Le chapeau

Il est indispensable pour protéger d’une éventuelle insolation et de coups de soleil sur le visage.

Les lunettes

Le port de lunettes de soleil devrait être systématique chez l’enfant en prévention du vieillissement prématuré du cristallin.

Le parasol

Intéressant en ce qui concerne la filtration des IR et donc la prévention des coups de chaleur. En revanche, il ne protège pas des UV réfléchis par le sol et/ou diffusés dans l’atmosphère et ne dispense pas de l’application de crème solaire.

Les crèmes solaires

Les crèmes solaires chez l’enfant sont utiles en complément de la photoprotection vestimentaire.

En raison des spécificités de la peau de l’enfant, un produit solaire de qualité spécifique enfant ou nourrisson doit réunir plusieurs caractéristiques :

-> protection des coups de soleil : filtration efficace des UVB ;

-> protection du vieillissement cutané : filtration efficace des UVA ;

-> prévention de la cancérogenèse : haute protection contre les UVB et les UVA ;

-> protection des coups de chaleur : filtration des IR ;

-> lutte contre le desséchement cutané : formulation eau dans huile ;

-> prévention de la photoallergie : absence de parfum dans la formule ;

-> tolérance maximale : emploi de filtres minimisant l’apparition d’allergie, tests spécifiques certifiant la parfaite tolérance ;

-> prévention d’une éventuelle toxicité : éviction des filtres supposés toxiques voire cancérigènes en raison du risque d’intoxication par passage transcutané (rapport surface cutanée/poids corporel important) ;

-> résistance à l’eau ;

-> résistance au soleil et à la chaleur : emploi de filtres ou d’écrans photostables.

Communiquez ! Attisez vos conseils

Si 88 % des Français ont conscience du risque solaire, 40 % seulement estiment prendre un risque personnellement (sondage BVA, 2000). Plus que jamais la prévention solaire est une nécessité. Au pharmacien de jouer son rôle d’acteur de santé publique. Une information d’autant plus percutante que les conseils sont valorisés et les produits mis en avant de façon attractive.

Côté vitrine

La vitrine doit arborer des couleurs vives et s’adresser aux petits comme aux grands. Pour vous démarquer de la profusion des vitrines solaires en période estivale, jouez la carte prévention plutôt que celle du marketing pur.

Le décor

Parsemez du sable sur le sol. Dispersez ça et là des jouets de plage : seaux, pelles, râteaux… Choisissez-les multicolores et complétez par quelques coquillages pour planter le décor. Ajoutez un parasol si vous en dénichez un de taille raisonnable…

Sur un côté de la vitrine, placez un tableau d’écolier sur lequel est inscrit à la craie « Soleil : permis de s’exposer en 5 leçons ». Préparez alors 5 panneaux sur lesquels sont inscrits les leçons d’une écriture d’enfant :

Leçon numéro 1 : « Je ne m’expose pas si mon ombre est plus petite que moi. »

Plantez une pelle dans le sable et orientez un spot pour obtenir une ombre courte.

Leçon numéro 2 : « Je porte un chapeau, des lunettes de soleil et un T-shirt. » Disposez alors les 3 éléments près du panneau.

Leçon numéro 3 : « Je joue à l’ombre. » Mettre l’affichette sous le parasol.

Leçon numéro 4 : « J’applique une crème protectrice souvent et toujours après la baignade. » Présentez vos solaires enfants.

Leçon numéro 5 : « Je bois souvent. » Montrez alors une bouteille d’eau et un biberon.

Le slogan : « Apprivoiser le soleil dès l’enfance » ou « Le soleil : s’en faire un ami »… Si vous disposez d’un panneau vitrine classique fourni par les laboratoires représentant un enfant au soleil, le slogan peut être mis sous forme de bulle dans la bouche de l’enfant : « Soleil : touche pas à ma peau ! », « Moi, j’ai apprivoisé le soleil… » ou « Le soleil, c’est pas toujours un ami… ».

Prévoir également un message pour les parents : « L’exposition excessive au soleil dans l’enfance est responsable de cancers cutanés à l’âge adulte ».

Côté rayon conseil

Le marché des solaires enfants est au beau fixe, résultat des différentes campagnes de prévention solaire.

N’hésitez pas à exposer vos produits solaires dès les premiers rayons pour susciter l’achat d’impulsion.

Prévoir un rayon spécifique pour les solaires destinés aux enfants et bien le signaler en reprenant un slogan de la vitrine ou en indiquant « spécial enfants ». Proposer toujours un tube en démonstration accessible aux enfants. Ainsi vous pourrez amorcer le dialogue en expliquant si besoin les raisons d’une texture épaisse.

Installer un présentoir de comptoir au moment des départs en vacances. Les clients achètent leurs solaires le plus souvent près de chez eux.

Affichez votre compétence : disposez des brochures ou confectionnez un document sur les risques solaires.

Côté argumentaire

Ouvrez systématiquement le dialogue sur la protection solaire de l’enfant lors des départs en vacances.

Expliquez les risques sans être forcément alarmiste. Evitez les « Si votre enfant s’expose sans protection, il a de grands risques de développer un cancer ». Positivez plutôt : « On le sait, le soleil est dangereux pour la peau. Cependant vous pouvez évitez bien des cancers en protégeant efficacement votre enfant. »

N’oubliez pas de conseiller aux mamans de bien hydrater la peau des enfants après l’exposition solaire.

Rappelez systématiquement l’importance de la protection vestimentaire, d’une hydratation correcte, de l’index UV… Bref, le conseil prime avant tout. Il faut donc persuader les parents d’acheter un produit solaire, mais aussi veiller à ce qu’ils l’utilisent à bon escient.

Myriam Loriol

Trois questions Jean-François Doré

Epidémiologiste spécialisé dans la cancérogenèse liée aux UV (INSERM U 453, Lyon)

Les écrans solaires préviennent-ils la formation de mélanomes ?

Non, et je suis tout à fait catégorique. Plusieurs études cas-témoins ont même mis en évidence un risque plus élevé de mélanomes chez les utilisateurs des crèmes solaires ! A l’heure actuelle, on peut juste affirmer que les écrans solaires assurent une prévention limitée uniquement du carcinome spinocellulaire et qu’ils évitent des coups de soleil. Mais, contrairement à une hypothèse souvent avancée, il n’existe pas de rapport entre le nombre de coups de soleil acquis pendant l’enfance et la présence de mélanome à l’âge adulte. Outre le type de peau, le véritable facteur de risque correspond à l’exposition au soleil pendant l’enfance. Il a d’ailleurs été démontré, pour les personnes nées sous les tropiques et revenues en pays tempéré, que le seul fait d’avoir vécu plus d’un an avant l’âge de 10 ans dans une région ensoleillée augmentait le risque de mélanome.

Alors, les crèmes solaires sont-elles tout de même utiles ?

Bien sûr, et leur qualité n’est absolument pas à remettre en cause. Le problème réside dans la façon de se comporter. Les gens se servent des écrans pour prolonger le temps d’exposition au soleil. Nous avons fait le test avec un IP 10 et un IP 30. Le groupe qui utilisait l’IP 30 sans le savoir a prolongé sa durée d’exposition de 25 %. Pour beaucoup, c’est l’apparition du coup de soleil qui détermine les limites de l’exposition, alors que les dégâts responsables de la cancérisation se font à bas bruit avant la survenue de l’érythème.

La protection solaire des enfants n’est pas inutile pour autant. Mais elle doit intervenir secondairement à la protection horaire et vestimentaire (sur les zones non couvertes).

Quel rôle joue la protection solaire sur l’apparition des nævi ?

Les études réalisées dans ce sens ne permettent pas de dégager de réelles conclusions. Nous savons seulement que la protection solaire retarde l’apparition des nævi. En revanche, le port de vêtements protecteurs diminue leur développement. Ils surviennent vers l’âge de 2 ans en fonction du capital génétique de chaque individu, sur un type de peau particulièrement exposé au risque de mélanome. Mais la tumeur se développe rarement sur un nævus préexistant. On apparente souvent un nævus atypique avec un mélanome in situ. Plus de la moitié de ces tumeurs frappent des personnes ne présentant pas de nævi.

Indices et filtres en questions

IPD, PPD, SPF… Pas toujours évident pour le pharmacien (et encore moins pour le consommateur !) de s’y retrouver dans la multitude des indices et la diversité des filtres. Réponses aux questions que vous vous posez.

La méthode d’évaluation du coefficient protecteur anti-UVB fait l’objet d’un consensus au niveau européen. Mais comment calcule-t-on le facteur de protection anti-UVA ?

Il n’existe pas à l’heure actuelle de méthode standardisée à l’échelle européenne pour les UVA. Chaque laboratoire applique sa propre méthodologie. Les indices ne peuvent donc se comparer que s’ils découlent du même mode de calcul. La tendance actuelle des laboratoires pharmaceutiques correspond à la mesure in vivo de la pigmentation UVA. Mais, là encore, il peut y avoir divergence sur la méthode utilisée. L’une mesure la dose pigmentogène immédiate (IPD) et l’autre la dose pigmentogène retardée (PPD), 2 heures après la fin de l’exposition aux UVA. Pour le même écran, l’indice de protection UVA varie en fonction du calcul : il peut par exemple correspondre à 40 avec l’IPD et à 14 avec la PPD.

Existe-t-il une correspondance entre le SPF et l’indice de protection UVA ?

Il n’y a aucun rapport entre le SPF, qui témoigne de la filtration des UVB, et l’indice de protection UVA. D’ailleurs, des produits uniquement anti-UVB ont été élaborés… jusqu’au jour où une expérience australienne (phénomène de Queensland) a mis en évidence l’apparition de mélanomes, et ce même avec des IP élevés. Par ailleurs, il faut savoir qu’à partir d’un IP 15, la protection vis-à-vis des UVB va de pair avec la possibilité de coup de soleil par les UVA. Pour une protection efficace, il faut une bonne corrélation entre le niveau de filtration UVB et UVA.

L’utilisation d’indices de protection de plus en plus élevés se justifie-t-elle ?

La commercialisation d’indices supérieurs à 40 présente un intérêt certain ;

– pour les personnes sujettes aux photosensibilisations déclenchées par des doses d’UV même minimes, bien inférieures à celles d’une dose érythémale normale, et qui ne peuvent être filtrées que par des produits antisolaires d’indice 60 et plus. En effet, ils ne laissent passer que moins de 2 % des UV ambiants ;

– pour les adultes à peau claire et les enfants puisque les quantités appliquées en pratique correspondent au quart de la dose test. Ainsi un IP 60 en laboratoire devient IP 15 dans les conditions réelles d’utilisation.

Faut-il préférerles écrans minéraux aux filtres organiques pour les protections solaires des enfants ?

La réponse est ambivalente. Si les écrans minéraux sont exempts de toxicité et assurent une parfaite tolérance, ils s’appliquent difficilement, blanchissent et ont tendance à s’agglomérer. La protection n’est alors pas homogène. La micronisation des écrans minéraux pallie ce désagrément cosmétique. Côté filtres minéraux, les plus toxiques ont été abandonnés (oxybenzones), laissant place à de nouveaux composés ayant fait l’objet de nombreux tests de tolérance. Bien que leur passage transcutané soit indéniable, ils présentent l’avantage de s’appliquer facilement. Ils contribuent alors à la bonne observance des applications (toutes les 2 heures). Enfin, les écrans organiques (Tinosorb) se caractérisent par une action en surface et une application aisée.

Il existe ainsi deux catégories de protection solaire enfant :

– les produits exclusivement minéraux,

– les crèmes associant écrans organiques ou filtres chimiques aux écrans minéraux.

Existe-t-il une réglementation spécifique aux produits solaires pour enfants ?

Absolument pas. Les crèmes solaires spécifiques enfants relèvent de la réglementation des cosmétiques. A savoir, l’indication de la composition détaillée sur l’emballage. Les filtres UV doivent figurer sur une « liste positive ». La revendication de l’indice de protection n’est pas obligatoire. En revanche, le fabricant doit s’assurer de l’innocuité du produit.

Côté tests, rien n’oblige à leur réalisation sur des enfants.

Pour en savoir plus

INTERNET

Site de l’association Sécurité solaire

http://www.infosoleil.com

Créée en 1994 par le photobiologiste Jean-Pierre Césarini (INSERM), l’association Sécurité solaire a pour but de sensibiliser et d’informer sur les risques liés au soleil. Le site web est particulièrement axé sur la météo solaire. Chaque jour vous pouvez consulter l’index UV de votre région. Vous pouvez même bénéficier de l’envoi gratuit et quotidien (par courriel) d’un bulletin de météo solaire. L’index UV élevé constituant un argumentaire de poids dans vos conseils de prévention. En ligne également, vous trouverez une multitude d’informations sur le rayonnement solaire, la couche d’ozone, les risques engendrés par les UV…

LIVRES

Peau et soleil

Pr Jean Meynadier, Dr Laurent Meunier, Editions Privat

Rédigé par des spécialistes en photodermatologie, cet ouvrage extrêmement détaillé apporte des renseignements précis sur les dangers de l’exposition au soleil. Richement illustré, il détaille les différents mécanismes de la photocancérogenèse, du vieillissement photo-induit et des photodermatoses. Sans oublier de faire un rappel sur la physiologie de la peau et sur les caractéristiques du rayonnement solaire. A noter également l’explication particulièrement claire des tests mesurant le taux de protection anti-UV. Bref, un livre à consulter pour devenir incollable sur les risques mais aussi les bienfaits du soleil.

L’index UV

L’index UV (de 1 à 9 et plus) quantifie l’intensité du rayonnement solaire à un endroit donné. D’utilisation recommandée par l’OMS, il représente le risque lié au soleil. Plus l’index UV est élevé, plus les dangers pour l’enfant sont importants. A partir d’un index 9, il est recommandé aux enfants de rester à l’intérieur.

– L’intensité du rayonnement varie au cours d’une même journée. Il est communiqué (rubriques météo des journaux ou sur le site http://www.infosoleil.com) pour une tranche de 2 à 4 heures autour du midi solaire (vers 14 heures en France, heure d’été).

Il varie également en fonction :

-> de la couverture nuageuse : les gros nuages sombres arrêtent 85 % des UV mais un voile nuageux en altitude laisse passer la quasi-totalité du rayonnement UV ;

-> de l’altitude, de la latitude et des saisons. L’index UV peut dépasser 20 au sommet du mont Kenya… ;

-> de la diffusion du rayonnement par les particules en suspension dans l’air. A midi, 30 à 50 % du rayonnement UV provient de la diffusion par le ciel ;

de la réverbération par le sol : la réflexion des UV est de 85 % pour la neige, 17 % pour le sable, 5 % pour l’eau et 3 % pour l’herbe.

– Un bon indice à défaut de l’index : ne pas exposer un enfant si son ombre est plus petite que lui. Attention ! : le rayonnement UV ne provoque aucun effet chaleur ! Lorsqu’il y a du vent, en altitude, la fraîcheur ressentie ne préjuge pas de l’index UV.

Soleil et vitamine D

Indispensable à la croissance et en particulier à la fixation du calcium, la vitamine D ou calciférol provient de l’alimentation d’une part et de la synthèse cutanée sous l’action des UVB (à partir du cholestérol) d’autre part. Le soleil n’a donc pas que des effets délétères car, sans lui, pas de croissance harmonieuse !

– Nos besoins en vitamine D à tout âge sont évalués à 400 UI/jour. Toute carence chez l’enfant est responsable de rachitisme. Les apports fournis par voie alimentaire (poissons gras, oeufs, foie, céréales) ne couvrent qu’un tiers des besoins. Le reste étant assuré par l’exposition solaire.

– En été pas de problèmes : il suffit d’une exposition quotidienne de 10 à 15 minutes pour une production satisfaisante. Mais en hiver, dans les pays de l’hémisphère Nord, l’intensité de la lumière est insatisfaisante pour une synthèse optimale de vitamine D. De plus, la pollution atmosphérique réduit l’efficacité du rayonnement solaire. D’où une supplémentation recommandée jusqu’à l’âge de 3 ans.

Cas de comptoir

Lubéron, 14 h. En ce mois d’août torride, la famille Jerisk passe par la pharmacie avant de partir en randonnée. Le nourrisson, porté en kangourou, « va tranquillement faire la sieste. La marche, ça le berce », vous raconte la maman.

Une promenade avec des enfants à 14 heures relève de l’inconscience. En été, le soleil atteint son zénith à 14 heures du fait du décalage horaire. Il faut donc éviter toute exposition entre 11 heures et 16 heures. De plus, avec la chaleur ambiante et celle surajoutée par le port en kangourou, le nourrisson est soumis à un risque important de coup de chaleur et de déshydratation.

Cas de comptoir

En cette fin de mois de juillet sur le littoral atlantique, les nuages abondants cachent le soleil. M. et Mme Peaurouge arrivent à l’officine. Leur fils de 7 ans a attrapé un coup de soleil. La maman s’interroge : « Pourtant, il n’y avait pas de soleil aujourd’hui… »

Les nuages ne dispensent pas d’une protection solaire. Même s’il fait moins chaud car les infrarouges sont arrêtés, il faut savoir que les nuages laissent passer plus de 80 % des UV. Même par temps couvert, il faut respecter les mesures de photoprotection.

Pleins feux sur le coup de chaleur

Caractérisé par une élévation de la température du corps au-delà de 40 °C, le coup de chaleur résulte d’un séjour dans une atmosphère surchauffée, en particulier après exposition au soleil. A l’origine de cette sensation de chaleur : les infrarouges.

– Le coup de chaleur peut survenir très vite chez les nourrissons et les jeunes enfants qui ont une faculté moindre à réguler leur température. Leurs réserves en eau sont plus faibles que celles des adultes et ils se déshydratent facilement sous l’effet de la chaleur.

– Outre une température élevée, on retrouve des vomissements, une perte de conscience, une tachycardie, un délire voire des convulsions. La peau est chaude et sèche.

– Le traitement du coup de chaleur représente une urgence pour éviter des séquelles neurologiques voire le décès de l’enfant. En attendant les secours, la victime doit être déshabillée, amenée dans un endroit frais (position latérale de sécurité en cas d’inconscience) avec des applications de serviettes mouillées sur la nuque et les bras. Si elle est consciente, la faire boire.

– Mieux vaut donc prévenir, c’est-à-dire donner à boire régulièrement et placer l’enfant à l’ombre.

Cas de comptoir

La famille Comède désire acheter une protection solaire pour Alexandre âgé de 5 ans. Sa soeur Juliette, 15 ans, le nargue : « Moi, je n’ai pas besoin de crème solaire. Sous le soleil, c’est magique, mes boutons d’acné disparaissent ! »

Le soleil, et surtout les UV, réduit l’inflammation des lésions acnéiques. Mais l’épaississement de la couche cornée entraîne une incrustation plus profonde des comédons et des micrystes. Résultat : l’amélioration estivale est en général suivie d’une poussée au retour des vacances, dès que la couche supérieure de l’épiderme s’amincit. Pour éviter cet effet rebond, Juliette doit utiliser une photoprotection. Il existe des produits adaptés aux peaux grasses et acnéiques (Exfoliac, Lutsine, Photakné…). Attention ! Les traitements antiacnéiques photosensibilisants (cyclines, isotrétinoïne, peroxyde de benzoyle…) doivent être interrompus au soleil.

Cas de comptoir

Madame Harpagon prépare avec votre aide sa trousse à pharmacie pour les vacances. Mais elle est formelle : « Pas besoin de crème solaire cette année, il m’en reste de l’année dernière. Et les produits sont à peine entamés. »

Les soins solaires ont en général une date de péremption de 3 ans en moyenne… à condition qu’ils ne soient pas entamés ! Tout produit déjà utilisé une année ne doit pas être repris l’année suivante. En effet, les variations de température au cours d’une année peuvent altérer la stabilité des filtres. De plus, le contact avec le sable ou les doigts sales représente un risque de contamination microbienne à ne pas négliger.

Cas de comptoir

Madame Blanbec part avec ses enfants en Espagne. Elle vous demande conseil quant au produit solaire à emporter et ajoute : « Pour Firmin, pas besoin de crème, il est déjà bronzé. »

Un bronzage même intense n’assure jamais une protection totale vis-à-vis du spectre UVA et UVB. Bien sûr, les risques de coups de soleil sont écartés mais les dégâts mois visibles au niveau des cellules demeurent. Il est donc prudent de conseiller une protection solaire aux enfants même bronzés.

Attention aux yeux !

De même que la peau, l’oeil reçoit toutes les radiations solaires. Tout comme la lentille d’un appareil photo qui fait converger la lumière vers la pellicule, le cristallin focalise la lumière vers la rétine.

Cette exposition du cristallin à la lumière et en particulier aux UV peut entraîner à la longue son opacification. L’OMS estime à près de 20 % le nombre de cataractes dues au rayonnement solaire.

– Les effets des UV étant cumulatifs, le port de lunettes filtrantes est donc recommandé dès le plus jeune âge. En particulier chez les myopes où le myosis important provoqué par une forte luminosité engendre des tractions au niveau de la rétine. Peuvent s’ensuivre des déchirures rétiniennes voire un décollement.

– Les lunettes ne sont pleinement efficaces que si elles sont munies de protections latérales. En leur absence, les verres foncés entraînent la dilatation de la pupille et permettent la pénétration des UV par les côtés.

– Moins grave, l’ophtalmie ou kératoconjonctivite due à l’absorption des UV par les tissus antérieurs de l’oeil. Elle survient fréquemment en altitude (ophtalmie des neiges) après une surexposition. Le sujet se plaint de sable dans les yeux, de larmoiements, de douleur et présente une conjonctive rouge et gonflée. Le traitement consiste à fuir la lumière et à utiliser un collyre cicatrisant (Uvéline…).

Solaires pour enfants : Mode d’emploi

Quel indice choisir ?

Une très haute protection (IP 40 à 60) les premiers jours ou en cas d’index solaire maximal.

Une haute protection (IP 20 à 40) en relais de l’indice 60 ou en cas d’ambiance solaire modérée.

Quand appliquer la crème ?

Avant de sortir en été mais aussi systématiquement toutes les 2 heures et après chaque bain. Ne pas oublier la protection lors des promenades.

Comment appliquer le produit solaire ?

Déposer la crème ou le lait en couche généreuse sur la peau. Ne pas vouloir faire pénétrer à tout prix, mais au contraire laisser un film visible qui permet de bien visualiser les zones protégées. Insister sur les zones sensibles : les épaules, les mollets, l’arrière des genoux, le visage, les oreilles et la nuque. Ne pas oublier d’appliquer un lait émollient après l’exposition.

Comprendre le SPF

– Le facteur de protection solaire (SPF), appelé encore indice de protection (IP), détermine la force de protection contre les UVB.

– Selon les recommandations du Colipa (Comité de liaison des associations européennes de la parfumerie), les laboratoires font appel à la même méthode de mesure. Le SPF est calculé en laboratoire, il correspond au rapport entre la dose érythémale minimale (DEM) sur la peau protégée et la DEM sur la peau non protégée par le produit filtrant.

– En pratique, une crème avec un SPF 20 laisse passer 1/20 des UVB. Ce qui équivaut à une protection de 95 %. Les SPF sont évalués pour une durée maximale de 2 heures et calculés pour un étalement de 2 mg/cm2 de peau, soit 4 voire 10 fois la quantité appliquée réellement par les consommateurs !

Cas de comptoir

Mme Debronze souhaite, pour ses vacances au bord de la mer, une protection d’indice élevé pour toute la famille y compris pour ses enfants Margot (6 ans) et Hugo (4 ans). Elle se décide pour un spray IP 30 et un produit pour peaux sensibles.

S’il est exact que les indices élevés et les produits pour peaux sensibles sont adaptés à la peau des enfants, les produits huile dans eau ne conviennent pas à leur épiderme à tendance sèche. Les sprays H/E ne sont donc pas recommandés. Les crèmes pour adultes à peau sensible peuvent s’utiliser chez l’enfant à condition qu’elles soient formulées eau dans huile et qu’elles soient très résistantes à l’eau. Il est toujours préférable d’acheter des crèmes formulées pour les enfants…