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Le contrat qui fâche

Publié le 25 mai 2002
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Prendre en charge l’OTC, la médication familiale et la dermocosmétologie, les assureurs en rêvaient, les AGF l’ont fait ! Le contrat de partenariat dont nous avons eu connaissance devrait être soumis début juin à tous les pharmaciens. Mais à peine né, il est déjà dénoncé…

C’est une petite révolution ! Début juin, la société SCS, Santé Conseil Service, filiale de l’assureur AGF, devrait proposer à tous les pharmaciens titulaires de signer avec elle un contrat de partenariat. Objectif pour SCS : offrir à ses clients le remboursement, total ou partiel, de certains produits et médicaments (OTC, médication familiale et dermocosmétologie), prescrits ou non, vendus aujourd’hui à l’officine mais non pris en charge par l’assurance maladie. La société a ainsi défini douze paniers thématiques (lire ci-dessous) totalisant une soixantaine de produits.

Avantage attendu pour le pharmacien : un afflux de clientèle fidélisée et le développement de la médication familiale. Mais voilà : le contrat proposé par SCS fait déjà figure d’épouvantail. Selon celui-ci, le pharmacien s’engage à ne pas dépasser des prix maximaux pour les produits et médicaments contenus dans les paniers. Mieux ou pire, s’agissant des produits de médication familiale et de dermocosmétologie ne figurant pas dans ces paniers et qui sont commandés en direct auprès du laboratoire fabricant, le pharmacien s’engage à « ne pas dépasser un prix de vente maximum mettant en oeuvre un coefficient multiplicateur n’excédant pas 1,60 pour la dermocosmétologie et 1,40 pour la médication officinale, à partir d’un prix catalogue ». « Ce sont des prix raisonnables, en adéquation avec le marché, explique Frédérick Cosnard, l’un des responsables de SCS. Quant aux coefficients, ils garantissent à nos assurés que la pharmacie dans laquelle ils se rendront pratique des tarifs raisonnables et que l’économie réalisée sur les produits des paniers n’est pas annulée par l’achat d’autres produits de l’officine. »

Les clients AGF et les autres…

Calcul fait, les prix maximaux proposés par SCS sont inférieurs de 2 à 10 % aux prix de vente moyens constatés par IMS. Ainsi donc, pour passer contrat avec SCS, certaines pharmacies devront rogner sur leurs marges tandis que d’autres auront logiquement intérêt à accroître leurs marges pour égaler le prix plafond. Conséquences possibles : un gel des prix sur les produits des paniers chez tous les pharmaciens affiliés et une discrimination entre clients d’une même officine. « Rien n’interdit qu’une convention avec une mutuelle engendre une modération tarifaire pour certains clients, assure la DGCCRF. Il est proposé un tarif maximum, or seule une tarification minimum est interdite. L’inquiétude porte plutôt sur l’affaiblissement de la concurrence et sur le choix des produits. N’est-il pas discriminant pour certains labos ? » D’autant que la liste de ces produits, leurs prix et les coefficients multiplicateurs sont susceptibles d’être modifiés « à tout moment à l’initiative de SCS », et que des réunions entre le pharmacien et SCS pourront « donner lieu à l’examen des pratiques tarifaires ». « Il s’agit ni plus ni moins d’une mise sous tutelle de l’économie de l’officine !, tempête Lucien Bennatan, président de Pharma Référence, s’exprimant au nom du Collectif national des groupements de pharmaciens. Le contrat tel qu’il est proposé aujourd’hui revient à signer un chèque en blanc. »

Le « oui mais » de l’Ordre

Les groupements ont aujourd’hui beau jeu de dénoncer ce contrat qu’ils négociaient en fait depuis plusieurs mois à leur profit. Mais l’Ordre est passé par là, exigeant que ce contrat soit proposé à tous les pharmaciens à titre personnel, sans discrimination d’aucune sorte. « Nous avons soulevé tout ce qui était contraire au code de déontologie dans ce projet, confirme Jean Parrot, président de l’Ordre. Mais en aucun cas nous ne leur avons donné de blanc-seing et jamais ils ne pourront se prévaloir de l’accord, du soutien ou d’un quelconque agrément de l’Ordre. Il s’agit maintenant d’un problème économique. Aux syndicats de monter au créneau s’ils le souhaitent. »

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Chose faite. La Fédération comme l’UNPF dénoncent ce contrat. « Comment signer un contrat ou seul l’assureur fixe les règles du jeu ? », interroge Jean-Marc Yzerman, responsable du dossier économique à la FSPF. « Il n’y a que des obligations pour le pharmacien et jamais il n’est question des patients, constate Claude Japhet, président de l’UNPF. Ce contrat encadre les seuls prix qui jusque là étaient libres dans nos officines. Il est inacceptable en l’état. »

Les six points cruciaux

1. Des prix de vente maximaux fixés sur les produits remboursés par les AGF.

2. Des coefficients imposés sur les produits hors paniers.

3. Un tiers payant assuré à la demande des assurés sur les produits des paniers.

4. Une liste des produits modifiable à tout moment par l’assureur.

5. Un contrat sans exclusivité.

6. Un numéro d’appel donnant à l’assuré les coordonnées des officines affiliées proches de chez lui.