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Dreux veut faire rêver les diplômés

Publié le 28 septembre 2002
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Pôlepharma, une association regroupant les entreprises pharmaceutiques d’Eure-et-Loir, entend valoriser leurs savoir-faire mais aussi favoriser le recrutement de jeunes diplômés. Et surtout les retenir dans la région.

La région Centre occupe une place prépondérante en tant que deuxième région française pour la production de médicaments (deux médicaments sur cinq y sont fabriqués). 83 entreprises y sont installées, employant environ 13 000 personnes. La plupart des grands laboratoires y sont présents : Baxter, Boiron, Servier, 3M Santé, Abbott, Novartis, Pfizer, etc.

Des six départements de cette région, l’Eure-et-Loir se taille la part du lion avec vingt-deux entreprises pharmaceutiques et 4 420 emplois soit 34 % de toute la filière régionale. Forts de cette situation, élus et professionnels locaux viennent de se regrouper à Dreux au sein de l’association Pôlepharma, dont l’objectif est de renforcer les liens entre les différentes entreprises, de valoriser leurs savoir-faire mais aussi de mener des actions concrètes comme la participation à des salons professionnels ou encore la constitution d’un groupement d’employeurs pour favoriser le recrutement de personnels.

Enfin, l’IMT (Institut des métiers et technologies des produits de santé) ouvrira une antenne afin de favoriser la formation et le recrutement de personnels qualifiés. Plusieurs laboratoires animent cette association (Norgine Pharma, Beaufour Ipsen, Abbott, Novo Nordisk).

Recherche jeunes pharmaciens. Dans cet environnement, les pharmaciens ont évidemment leur carte à jouer. « La création d’une filière d’excellence va nous aider, explique René Carouana, directeur des ressources humaines de Beaufour Ipsen. En donnant une nouvelle image à cette région et à la ville, nous allons peut-être attirer des jeunes qui seront sensibles à cette notoriété. Pour attirer des pharmaciens nous avons intérêt à construire un pôle industriel fort. »

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Certes les pharmaciens représentent une petite partie de l’effectif industriel. Ainsi, sur un effectif d’environ 400 salariés chez Beaufour Ipsen, seule une quinzaine de pharmaciens sont employés comme responsables ou directeurs de production, mais aussi au contrôle et à l’assurance qualité et bien sûr en recherche et développement. Dans ces entreprises, l’évolution de carrière peut être importante avec des emplois diversifiés, et cela d’autant plus que l’industrie pharmaceutique consacre une part importante de son activité à la recherche et développement : 14,5 % des effectifs de Beaufour Ipsen y sont affectés. « Nous recrutons en permanence des pharmaciens, poursuit René Carouana, et pour cela tous les moyens sont bons, les chasseurs de têtes, les cabinets de recrutement et bien sûr le bouche-à-oreille. Nous ne sommes pas encore dans une situation de pénurie, mais les recrutements sont cependant de plus en plus difficiles. »

L’industrie locale recrute en particulier de jeunes pharmaciens issus des facultés de Châtenay-Malabry ou de Tours avec si possible un petit bagage professionnel ou d’autres diplômes et notamment celui d’ingénieur. Ces jeunes sont alors recrutés au tarif du marché (2 600 euros bruts sur treize mois). Pour ce directeur des ressources humaines, « il n’est pas nécessaire de proposer des salaires supérieurs au marché, mais la difficulté est de conserver ces jeunes. Nous les gardons quelques années, nous les formons et souvent ils nous quittent malgré des salaires rapidement élevés, de l’ordre de 3 000 à 3 500 euros au bout de deux à trois ans. »

Dreux tente de retenir ses employés. François, jeune responsable de production, illustre parfaitement les propos de René Carouana. Après plusieurs années passées chez Beaufour, il vient de quitter le laboratoire pour travailler dans une autre région. « Ce n’est pas l’entreprise qui est en cause mais nous sommes fréquemment courtisés, en particulier par des entreprises mieux situées. » En clair, mieux situées qu’à Dreux, petite ville qui présente l’inconvénient d’être à la fois proche et loin de la capitale. « On y vient quelques années, le temps de trouver un point d’accueil plus sympathique », poursuit le jeune pharmacien. Pourtant les perspectives internes de carrière dans la région peuvent être intéressantes, depuis assistant avant de devenir responsable d’une production, puis d’un service et enfin directeur d’un site de production. Recruté comme assistant de production il y a trois ans, Pierre, pharmacien, trouve son travail passionnant : « J’ai été recruté pour 2 300 euros mensuels et j’en gagne aujourd’hui 3 430… avec des avantages. » Il prévoit lui aussi de changer de région…

Concurrence à Tours et Orléans. Au total, la zone d’emploi de Pôlepharma devrait regrouper quelques centaines de pharmaciens. Et les promoteurs de l’association espèrent que ces mêmes pharmaciens s’y fixeront durablement. Car d’autres villes comme Tours et Orléans sont sans doute plus attractives. Avec la présence de Dior, Sephora, Shiseido ou encore L’Oréal, la filière beauté-santé représente près de 23 % de l’emploi industriel de l’agglomération orléanaise. C’est d’ailleurs dans cette ville que les laboratoires Servier viennent d’annoncer la création d’un centre d’innovation galénique qui emploiera une cinquantaine de chercheurs dont une bonne part de pharmaciens.

La faculté de pharmacie de Tours a pris conscience de l’attractivité de l’industrie. Son doyen, Philippe Maupas, a d’ailleurs été à l’origine de la création de l’Institut des métiers et technologies des produits de santé, qui est devenu un lieu d’apprentissage unique pour la formation des professionnels. Un accord-cadre entre la faculté et l’IMT permettra dès la prochaine rentrée à vingt-cinq étudiants de cinquième et sixième année, option industrie, de passer un mois de formation à l’institut afin de se familiariser avec le monde industriel.

« Nous commençons à sentir les effets d’un numerus clausus trop faible, reconnaît Jacques Lacassagne, président du GREPIC (Groupement régional des établissements pharmaceutiques du Centre). Nous allons nous pencher sur la question pour tirer la sonnette d’alarme. »