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Le retour aux sources
Combien sont-ils ces officinaux « en solo » ? Une centaine en France estime le centre de gestion agréé de Lille-Roubaix-Tourcoing, le plus souvent en zone rurale ou en montagne. Vocation ou contrainte ? Bonheur ou galère ? Destins croisés d’une quinzaine de ces « dinosaures ».
Exercer tout seul, peu d’entre vous y avait songé
La pharmacie que Didier Martignac, 30 ans, vient d’acquérir dans un petit village du Tarn disposait d’une équipe sur laquelle il comptait bien s’appuyer. Seulement voilà, la préparatrice partie faire une carrière de visiteuse médicale, l’assistante en congé de maternité et, pénurie oblige, il lui a fallu goûter aux joies du jonglage entre gestion, administration et comptoir. « Moins ça durera mieux cela vaudra », estime Didier Martignac.
Il faut espérer que le manque de personnel n’oblige pas nombre d’entre vous à connaître telle mésaventure. Encore moins celle de cette officinale du Nord qui s’est retrouvée seule après avoir dû licencier ses salariés pour des problèmes d’endettement. Néanmoins, jeunes installés désireux de soigner leur résultat net, déçus du management ou amoureux de la solitude, certains ont aussi fait un choix de cet exercice très particulier.
Et si vous étiez un jour amené à les imiter ?
Amoureux du désert vert
La canne à pêche a sa place dans un coin de l’officine. Installé à 300 mètres d’un plan d’eau, Jean-Pierre Leblanc s’en va provoquer la truite chaque matin. A Châtelus-le-Marcheix (Creuse), le cadre et la qualité de vie sont le luxe des 358 habitants. « C’est pourquoi je ne prends pas de congés, sourit le pharmacien. Là où je vis les gens viennent en vacances, et moi je me ressource toute l’année… » La nature est sa passion – particulièrement l’observation des insectes -, après la pharmacie, bien entendu.
Tout cela a un prix : il faut accepter une activité limitée aux ressources d’un secteur de 750 clients avec un revenu net mensuel de 1 200 Euro(s). « La secrétaire de mairie et le cantonnier sont mieux lotis, compte tenu des heures de travail. » C’est peu mais suffisant pour quelqu’un qui se déplace le plus souvent à vélo, qui possède une petite voiture ancienne et n’a guère de besoins.
Un vrai choix de vie : « Je me suis installé là pour vivre près de ma souche familiale. Je dispose de tout le temps nécessaire pour le conseil. Ici, sept personnes sur dix ont plus de 75 ans, et la moitié d’entre elles ne sont plus autonomes. Je vends à 95 % des produits remboursés ; il faut beaucoup livrer. J’ai le sentiment de servir vraiment, de répondre à un besoin fondamental. »
La commune est un quasi-désert vert sans activité. Mais, dirigée par un maire charismatique, elle a réussi à conserver une épicerie, un salon de coiffure, une crêperie (en été), un café-hôtel et un garage. Et même un médecin qui vient consulter à mi-temps. Sans son pharmacien, que deviendrait Châtelus ?
Pour sa terre natale
J‘étais installé à Bressuire avec mon épouse ; nous étions huit et je m’occupais de gestion, d’un groupement d’achat… Ici, cela me manque. » Pour retourner sur sa terre natale, Serge Nougier a racheté voici six ans la pharmacie de Nouic, 487 habitants, aux confins du Limousin et de la Charente, dans un secteur de chalandise où vivent 1 500 personnes souvent âgées. Une officine trop petite pour deux pharmaciens (610 000 Euro(s) de CA) : Madame a repris une officine à Limoges.
« Je ne suis pas embêté par le personnel, explique Serge Nougier. Les ordonnances sont les mêmes à 90 %, leur fréquence est constante, les médecins du chef-lieu de canton groupent en général les visites… Il faut travailler six jours par semaine, porter les médicaments le soir, assurer la mise en place des matériels de MAD, les prescriptions d’oxygène, être formé à la chimio à domicile et aux traitements spéciaux. C’est une bonne école, que je recommanderais à un débutant ! »
Pas de stress au travail, mais une charge lourde… Aux 60 heures hebdomadaires s’ajoutent les temps de trajet, les difficultés de remplacement. « Je pars en général quinze jours en été ; l’an dernier j’ai trouvé une remplaçante pour la première semaine, j’ai fermé pendant la seconde. Cet été, pour un petit problème de santé, j’ai éprouvé la même difficulté. » Aussi Serge Nougier songe-t-il à vendre. Il a développé l’activité qui progresserait encore si un médecin prenait la place de celui qui est parti l’an dernier. Mais voilà : pour un médecin comme pour un pharmacien, la destination campagne ce n’est plus guère dans le vent.
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