Façonnages sans frontières
Les laboratoires de génériques s’emploient enfin à faire fabriquer le produit fini au meilleur coût, sans compromis sur la qualité. En voyageant.
En matière de façonnage, les génériques ne connaissent pas de limites géographiques, même si la grande majorité de ceux commercialisés en France est fabriquée en Europe, et essentiellement en France, sur des sites de fabrication agréés par l’Afssaps. « 100 % des génériques Arrow sont fabriqués en Europe dont 80 % en France », indique André Delhaye. Plus étonnant de prime abord, un laboratoire comme Teva Classics, qui produit plus la moitié de sa gamme dans son usine de production de Sens, fabrique quasiment pour tous les autres génériqueurs.
Evidemment, il est plus facile, pour un génériqueur, de changer de façonnier lorsque son médicament est fabriqué au niveau du groupe que dans le cadre d’un accord de licence. « Si le coût de fabrication d’un générique au sein de nos usines n’est pas compétitif, nous n’hésitons pas à faire appel à un façonnier extérieur », affirme Vincent Bouldoires (Ivax).
Peu d’exotisme. A l’intérieur des frontières de l’Union européenne, les laboratoires de génériques ont à peu de choses près les mêmes noms de façonniers sur leurs carnets d’adresses. La liste des plus connus se résume à une vingtaine. « EuroSourcing est le premier réseau européen des façonniers pharmaceutiques, visant neuf sites de production en Belgique, France et Allemagne, et regroupant plus de 500 employés et un chiffre d’affaires de plus de 60,7 millions d’euros, indique Frédéric Thomas (Arthur D. Little). Plus rarement, les génériqueurs vont chercher un façonnier à l’autre bout du monde, en Amérique du Sud, en Australie, en Océanie… » « Lorsque je dirigeais Bayer Classics, il m’est arrivé de faire fabriquer des génériques au Canada, en Irlande, en Islande, en Nouvelle-Zélande… », reconnaît Stéphane Joly (Ivax).
« Faire appel à des petits façonniers avec qui on prend un pari sur des objectifs de volume est financièrement intéressant, explique Vincent Bouldoires, mais n’est pas sans contreparties en termes d’investissements pour le laboratoire. Ceux-ci peuvent porter ponctuellement sur l’outil de production ou sur le transfert de compétences, concernant notamment la mise en place d’un système de gestion de la qualité. »
Quoi qu’il en soit, c’est un marché juteux pour cette profession qui, avant l’explosion des génériques, était à l’agonie. « La force des façonniers est de pouvoir produire des lots en petites quantités et de changer facilement de type de production », explique Frédéric Thomas.
Eviter toute dépendance. « Chacun se bat pour sécuriser sa capacité de production », livre Erick Roche (Biogaran). Bien qu’ayant investi dans des machines et augmenté leur cadence, les façonniers font preuve de peu de flexibilité et conservent une capacité de production limitée. Aussi, pour ne plus être dépendants d’eux, conserver une bonne maîtrise des coûts et se prémunir contre un éventuel effondrement des prix induit par les futurs prix de référence, plusieurs génériqueurs songent sérieusement à se doter d’outils logistiques et de conditionnement ou ont déjà commencé à investir. « Notre centre de conditionnement de Meyzieu est opérationnel depuis la fin octobre », annonce Maurice Chagnaud (Merck Génériques). « La capacité industrielle, au sens large, risque de devenir primordiale, à plus forte raison si la nouvelle donne sur le prix de référence est confirmée car, celui-ci tirant les prix vers le bas, les laboratoires de génériques devront savoir fabriquer moins cher », estime Pascal Voisin (Teva Classics). Selon lui, il pourrait y avoir une redistribution des cartes dans l’avenir, compte tenu du potentiel important du marché français, en fonction de la capacité des uns et des autres à produire beaucoup et à moindre coût.
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