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Les jeux sont faits
Adopté mardi par une commission mixte paritaire de sept sénateurs et sept députés, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2003 a été adopté mercredi par l’Assemblée nationale (277 voix pour 88 contre).
Le Sénat devait examiner le même texte jeudi soir pour une dernière lecture se limitant à une explication de vote. Sauf annulation de certaines dispositions par le Conseil constitutionnel, nous vous présentons ici les principales mesures vous intéressant dans le PLFSS 2003, qui prévoit un objectif de dépenses de l’assurance maladie en hausse de 5,3 % à 123,5 MdEuro(s), avec une enveloppe de soins de ville en hausse de 5,6 %.
Les mesures concernant le médicament
– Tarif de remboursement. Il y aura donc bien un tarif forfaitaire de remboursement (tarif de référence) applicable aux groupes « génériques » pour lesquels le taux de substitution est jugé insuffisant. Si l’on sait que le tarif de remboursement sera fixé discrétionnairement par le ministre, on ne sait pas, en revanche, comment sera fixé son montant. Peut-être sera-t-il, comme le souhaitent les génériqueurs, calculé sur la base d’un prix moyen pondéré par les volumes du princeps et de ses génériques. On ignore également à partir de quel seuil ce tarif sera appliqué : moins de 30 % ou 40 % de taux de pénétration des génériques dans un groupe ? S’agira-t-il, à l’inverse, d’une incitation positive avec des seuils à atteindre dans un laps de temps défini ? Mystère. En tout état de cause, pour éviter que les pouvoirs publics n’utilisent cette arme qui pourrait affecter marges et remises, un seul mot d’ordre : « génériquez dans ces groupes ! ».
– Des remises plafonnées à 6 % jusqu’en 2004. Le plafond de remise accordé sur les princeps et les génériques concernés par un forfait de remboursement sera de 6 % du prix de vente au pharmacien jusqu’au 30 juin 2004 et de 2,5 % au-delà. Le taux de 6 % correspond à la moyenne entre les taux actuels de 2,5 % (sur le prix de vente au pharmacien) sur les princeps, et 10,74 % (sur le prix fabricant hors taxes équivalant à 9,7 % sur le prix de vente) sur les génériques.
Le ministre de la Santé justifie cette mesure par l’application du forfait de remboursement qui supprime « de fait » le travail de substitution du pharmacien dans le cadre de la dispensation d’un générique, qui avait justifié selon lui un taux de remise plus élevé.
– Elargissement de la notion de générique. Le PLFSS élargit la définition des génériques aux molécules tombées dans le domaine public, mais pour lesquelles aucune spécialité de référence n’est identifiée, comme l’aspirine et le paracétamol. « Le kilo de paracétamol est acheté en gros 4 euros, la boîte de 12 comprimés est vendue 2 euros. Je vous laisse imaginer la marge… », a lancé Jean-François Mattéi lors des débats au Sénat pour justifier cette mesure qui devrait conduire à la création de 15 à 17 nouveaux groupes « génériques ». Du coup, l’amendement visant à créer des groupes d’équivalence est définitivement abandonné.
– La fin du corridor. Face à une prescription libellée en DC ou dans le cadre du droit de substitution, « la délivrance ne doit pas entraîner une dépense supplémentaire […] supérieure à la dépense qu’aurait entraînée la délivrance de la spécialité générique la plus chère du même groupe ». Le pharmacien pourra donc délivrer n’importe quel générique et éventuellement délivrer le princeps dont le prix est tombé au niveau des génériques. Ainsi le PLFSS signe-t-il la fin du corridor de prix qui prévoyait que l’écart de prix entre la spécialité délivrée et la spécialité la moins chère ne devait pas dépasser un montant fixé par arrêté (jamais appliqué).
– La taxe sur les ventes directes supprimée. Une victoire pour les dépositaires, les laboratoires et l’UNPF, qui en avait fait son cheval de bataille (lire Le Moniteur n° 2466). Cette taxe porte sur le CA réalisé directement auprès des officines sur les spécialités remboursables hors génériques et médicaments orphelins. Elle avait été instituée pour compenser les obligations de service public des grossistes-répartiteurs. Ceux-ci devraient donc logiquement continuer de suspendre le référencement des nouveaux médicaments, mesure de rétorsion prise il y a deux semaines, et refuser de payer leur contribution trimestrielle à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) sur le CA consolidé de l’ensemble des distributeurs en gros.
Les mesures concernant les maisons de retraite
Après avoir senti à nouveau le vent du boulet, les officinaux ont réussi leur coup en refaisant exclure le médicament du forfait de soins des maisons de retraite. La profession se retrouve donc exactement dans la même situation qu’après le vote de la loi sur les droits des malades en mars dernier (voir Le Moniteur n° 2448). Les officinaux peuvent se trouver dans trois cas différents.
1° Ceux qui ont répondu à un appel d’offres dans le cadre d’une convention tripartite établissement-DDASS-conseil général, signée avant le 5 mars 2002 (le médicament est alors inclus dans le forfait de soins de l’établissement) : ils doivent honorer ce contrat durant la durée de la convention (5 ans) ou jusqu’à la signature d’une nouvelle convention tripartite ou d’un avenant.
2° Ceux qui fournissent un établissement n’ayant pas encore signé de convention tripartite : les patients en cure médicale entrent dans le cadre d’un appel d’offres et sont « alimentés » par la ou les officines l’ayant remporté ; les autres patients ont le libre choix de leur pharmacien.
3° Ceux qui fournissent un établissement ayant signé une convention tripartite après le 5 mars : il n’y a plus de cure médicale, donc plus d’appel d’offres et plus de marché « réservé » à telle officine. Chaque patient a le libre choix de son pharmacien.
Enfin, le PLFSS repousse la date limite de signature d’une convention tripartite pour les établissements au 31 décembre 2005. La coexistence des trois cas de figure ci-dessus pourrait donc durer jusqu’à cette date selon la situation de chaque établissement.
Les mesures concernant l’industrie
– Prix libre et inscription accélérée au remboursement. Le PLFSS donne la possibilité aux laboratoires de déposer eux-mêmes un prix pour un médicament jugé innovant et de bénéficier d’une inscription accélérée au remboursement. Concrètement, selon Jean-François Mattéi, l’industriel fera une offre de prix (normalement de niveau européen) au Comité économique des produits de santé, qui dira oui ou non, sans négociation. En cas de refus, c’est la procédure de négociation habituelle qui prévaudra.
Les produits à amélioration du service médical rendu (ASMR) de niveaux 1 (majeure) et 2 (importante) seront concernés si l’on en croit les commentaires du ministre. Pour les ASMR 3 (modérée), le caractère innovant pourra être reconnu « si le médicament apporte quelque chose de nouveau ».
Enfin, les détails de cette procédure accélérée seront négociés dans le cadre du prochain accord-cadre Etat-Industrie, et non par les seules autorités, comme prévu initialement.
– Baisse des taxes sur la promotion. La taxe sur les dépenses de promotion porte désormais sur les rémunérations (et charges) de toute nature des visiteurs médicaux, mais épargne maintenant les frais liés à leur activité (logement, véhicule, restauration…).
Les investissements publicitaires dans la presse médicale pour des produits remboursables seront, eux, exonérés pour les journaux bénéficiant un numéro de commission paritaire (c’est-à-dire ayant un nombre d’abonnés réels conséquent) ou d’un agrément… qui reste à inventer.
– Sanctions financières. Sont confirmées les sanctions financières vis-à-vis des laboratoires :
1° En cas d’interdiction de publicité par l’Afssaps : jusqu’à 10 % du CA hors taxes du produit réalisé en France 6 mois avant et 6 mois après l’interdiction.
2° Si le laboratoire n’a pas fourni toutes ses informations à la commission de la transparence en vue de la fixation d’un SMR ou d’une ASMR : au maximum 5 % du CA hors taxes réalisé par le laboratoire dans le dernier exercice.
A noter
L’idylle entre Mattéi et les médecins continue. Les lettres clés flottantes sont supprimées ; idem pour les comités régionaux, censés permettre aux caisses de contester le volume de certaines prescriptions. Enfin, le PLFSS donne une base juridique aux gardes des médecins libéraux, qui relèvent de l’intérêt général et sont une activité distincte de l’activité de jour ; il donne la possibilité de les rémunérer par forfait (par l’assurance maladie). Le système imaginé pour les médecins intéressait fortement la FSPF (voir Le Moniteur n° 2447).
Il est créé un Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé composé de sénateurs et de députés. Mission : « contribuer au suivi des lois de financement de la Sécurité sociale ». Il procédera à des évaluations et contrôlera la cohérence des conventions passées entre la CNAM et les professions de santé avec l’ONDAM.
Le budget de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont la mise en place est actuellement en cours, est fixé à 70 MEuro(s) pour 2003.
« Insuffler une culture de résultat à l’hôpital »
Le PLFSS 2003 crée un fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, fusion de deux fonds existants, qui sera doté de 450 MEuro(s) en 2003. Il financera aussi les essais de tarification à l’activité (à la pathologie), l’une des principales mesures du plan « Hôpital 2007 » présenté la semaine dernière par Jean-François Mattéi. En 2003, une quarantaine d’établissements volontaires, après appel d’offres, expérimenteront ce mode de financement pour une généralisation dès 2004. Pour Daniel Lenoir, directeur de la CNAM, on pourrait imaginer que la tarification à la pathologie soit à l’avenir étendue à la ville.
A noter aussi qu’un mode de dotation plus adapté devrait financer les activités d’intérêt général des CHU : recherche, enseignement, urgences… Enfin, un groupe de travail va réfléchir à de nouvelles procédures d’achats groupés entre établissements. Globalement, le ministre de la Santé se place dans la même optique que la Cour des comptes qui vient d’épingler la gestion hospitalière : « Il faut y insuffler une culture de résultat et pas seulement de moyens. »
Katell Prigent
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