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Retour sur agencements
On parle toujours avec enthousiasme de la nouveauté. Mais qu’en est-il à court, moyen et long termes, en matière de retour sur investissement, d’usure des matériaux ou encore d’obsolescence du concept ? Pour vous, des titulaires ont accepté de revenir sur leurs agencements. Avec parfois des regrets.
Jean-Dominique Tailhan, titulaire à Lamotte-Beuvron (41), voulait absolument une pharmacie en bois. Francis Ravaux a exaucé son souhait en concevant, en 2000, une officine « à l’ancienne », avec des corniches en médium rainuré laqué acajou, des tiroirs bas en placage de ronce de Java et du bois chaud rappelant les vieux meubles campagnards. Le sol, en grès cérame, a un rendu de pierre naturelle qui correspond bien à l’environnement.
Côté linéaires, on trouve des caissons simples avec joues et fonds en bois. Les étagères sont en verre. La signalétique, claire et sans sophistication, s’appuie sur des tôles laquées de couleur crème où viennent s’aimanter des lettres magnétiques vert anglais, amovibles.
« Au bout de deux ans, je reste satisfait avec une évolution annuelle de chiffre d’affaires de 20 % (+ 30 % en médication familiale), soit 5 % de plus qu’avant l’agencement. Mais c’est l’amélioration des conditions de travail de l’équipe – davantage de place, de postes informatiques, un contact plus qualitatif avec la clientèle – qui est le plus appréciable », analyse Jean-Dominique Tailhan.
Cependant, il regrette ses options trop « traditionalistes » et envisage un lifting : « Mon linéaire de parapharmacie, trop froid, manque un peu de modernité. Un peu plus de lumière ne nuirait pas ! J’envisage aussi de passer aux écrans plats… »
Quant au réagencement complet, il est prévu dans cinq ans, après l’amortissement du précédent.
Il y a deux ans également, Janick et Max Rey, installés à Sisteron (04), faisaient appel à Claude Droz, de la société Expression. Leurs voeux : un agencement sobre, discret avec des fonds de linéaire gris flanelle rehaussés par des touches de couleurs vives (joues de séparation et meubles linéaires de promotion jaune citron, tiroirs bas bleu vif). Les meubles glorifieurs au sein des linéaires sont dotés d’une tablette en demi-lune en bois laqué jaune, permettant une exposition de produits massive. Plus original : une table promotionnelle pour la parapharmacie en verre sablé de deux mètres de longueur, très design avec sa forme de virgule.
« L’impact sur le chiffre s’est peu fait sentir – 2 % de plus sur les produits à TVA 5,5 %, 6 % sur la parapharmacie -, mais nous n’avons aucun regret, même si quelques signes d’usure se sont déjà fait sentir au niveau du placage des joues et des tablettes de comptoirs. Nous continuons à apprécier les éléments promotionnels qui font vivre le rayon parapharmacie. En termes d’esthétique globale, l’agencement n’a pas vieilli. »
Max Rey regrette toutefois que sa magnifique table d’architecte soit désormais enfouie sous les présentoirs. « Elle a perdu de son impact visuel : c’est un peu le sort des « oeuvres d’art » dans un milieu commercial ! » De même, les comptoirs en forme de papillons se sont révélés à l’usage moins pratiques que des plots ronds classiques en termes de proximité avec le client. « Nous avons touché du doigt les limites de certaines innovations en matière de mobilier. »
Max Rey envisage de revoir également le réaménagement d’une zone en angle, dans un coin rétréci, qui reste très froide.
En 1999, Brigitte Denimal, Sophie et Gilles Crevits, titulaires de la pharmacie Parinor (93), ont demandé à Jean-Pierre Auchecorne (Interdesign) de réagencer leur officine. Depuis, quelques modifications ont été apportées (en 2001) mais les grandes options du départ ont été conservées : grandes voies d’accès pour aspirer les chalands, gondoles avec des jeux de lumières inspirées de Sephora, prise en charge conviviale de la clientèle grâce aux bergeries dotées de colonnes tournantes pour la médication familiale. Aux yeux des titulaires, l’ensemble est resté d’une grande modernité et le mobilier ne présente aucun signe de vieillissement.
« En parapharmacie, notre chiffre à fait un bond de un million d’euros en quatre ans, ce que nous attribuons en grande partie à l’agencement. Les deux colonnes de l’OTC sont efficaces, avec en moyenne + 30 à 40 % de ventes sur les produits exposés, mais elles limitent la quantité d’exposition. »
En revanche, les produits présentés en vitrine dans les bergeries se vendent moins bien. « Mais notre plus gros problème, c’est la lente érosion de l’activité « ordonnance » qui est passée de 220 à 190 par jour, liée au fait que les clients nous prenaient pour une para », explique l’un des titulaires.
Problème d’image, manque de croix, médicament pas assez présent…, un réaménagement s’est révélé nécessaire. Les titulaires ont donc demandé au concepteur de l’officine d’ajouter une croix et des totems à l’entrée pour décliner de façon visible les services et spécialités liées au médicament et à la santé. Coût du lifting : 40 000 euros. « Nous avons « remédicalisé » l’officine et, depuis un an, nous regagnons peu à peu des ordonnances. L’objectif est atteint ! »
La pharmacie Grand Vitrolles (13), de Patrick Campus et Yves Génoïno, a été agencée par Mobil M en 1997. Le concept, qui alliait les linéaires muraux Planus et Liparis, donnait un sens de circulation en U avec fermeture par portillons métalliques et sens interdit.
« Nous avons supprimé le portillon qui n’était pas automatique et posait des problèmes aux mamans avec leur poussette. »
« Nous avons par contre été globalement satisfaits du rapport qualité/prix de notre agencement qui a contribué au doublement du chiffre d’affaires en cinq ans. Aujourd’hui, nous réagençons complètement et nous agrandissons pour passer de 220 à 300 m2 à la vente. Les meubles, qui sont restés impeccables et n’ont rien perdu de leur modernité, vont être récupérés par l’un de nos assistants qui s’installe en Corse. »
Pour le nouvel agencement, les titulaires ont à nouveau fait appel à Mobil M qui développera son concept d’agencement multimédia, actuellement en test dans deux officines espagnoles.
Courant 1997, Jean-Paul Cren, Thierry Le Goff, Jean-Michel Piguel et Jean-Pierre Théallet, les quatre associés de la pharmacie Breiz-Izel à Quimper (29), ont également fait appel à Mobil M. A l’époque, leur agencement fait beaucoup parler de lui, avec notamment un système de passage en caisse par affichage de numéros (les clients étant alertés par le biais d’un vibreur). Ceci dans le but de supprimer les files d’attente mais aussi de laisser les clients circuler l’esprit tranquille dans l’espace de vente afin qu’ils puissent se laisser plus tenter par les produits exposés.
Les 250 m2 de surface de clientèle s’organisent autour d’un concept de « shops in the shop », marqués au sol par des changements de matériaux et de couleurs. « Nous avons une très belle pharmacie, estime Jean-Michel Piguel. Nous voudrions passer à une pharmacie efficace. Je suis toujours très satisfait du système de vibreurs qui reste un excellent concept. »
« Mais, avec le temps, l’agencement a montré ses limites. La rentabilité de la surface au mètre carré s’est révélée très insuffisante. Les zones de déambulation sont trop larges, les espaces trop grands. J’ai trop d’espace et pas assez de produits exposés. Nous n’avons pas trouvé la juste proportion… »
Jean-Michel Piguel aurait également souhaité une plus grande actualisation de son point de vente dans le temps avec un suivi régulier de l’agenceur. « J’avais fait le choix d’une signalétique sobre, focalisée sur des photos, avec de grandes thématiques en médication familiale. Aujourd’hui j’ai besoin de quelque chose de beaucoup plus précis, par marques et avec des accroches verbales fortes. » Les titulaires souhaiteraient aussi intégrer des moyens de communication multimédias, notamment des écrans plasma, ainsi qu’un marquage thématique au sol.
Anne et Stéphane Billiot et Valérie Charron ont repris depuis la pharmacie Croix-Dampierre à Châlons-en-Champagne (51). Ils ont hérité d’un agencement alvéolaire réalisé en 1992 par leur prédécesseur. Ce dernier avait dessiné lui-même les plans et dirigé les différents corps d’état.
« Nous avons juste changé l’agencement des gondoles centrales pour éviter la ligne droite entrée-comptoirs » commente Valérie Charron, qui estime que l’agencement a très bien vieilli en termes d’esthétique globale.
« Mais la conception alvéolaire autour d’une zone centrale, assez intimiste pourtant, a un certain nombre d’inconvénients. » Et de citer la multiplication des zones froides dans chaque alvéole, dont une partie n’est pas visible de l’entrée, une perte de place notable et les difficultés éprouvées au quotidien pour merchandiser des étagères de forme arrondie.
La pharmacie sera réagencée d’ici à deux ans, selon un concept beaucoup plus rectiligne avec une visibilité maximale de l’offre en parapharmacie qui sera placée à gauche de l’entrée. Une automatisation est également prévue.
Franck Cara, le tout nouveau titulaire de l’ex-pharmacie Challamel à Toulon, a été séduit immédiatement par l’agencement réalisé par Fahrenberger en 1998.
« Du mobilier haut de gamme, bien inséré dans l’environnement commercial de l’officine. »
Aujourd’hui, Franck Cara souhaite réagencer pour optimiser l’exposition des produits, l’éclairage et les flux de circulation : « Je vais conserver les meubles, les sols, tout l’aspect cossu de l’officine et modifier le sens de circulation qui, canalisé vers un comptoir à droite, empêchait les clients de circuler dans l’espace de vente. Ils s’agglutinaient aux poste 1 et 2, négligeaient le poste 3 et ne fréquentaient pas du tout le poste 4 qui avait d’ailleurs été supprimé par mes prédécesseurs. »
C’est avec Thierry-Pierre Paglia, de la société Pharmatonic, que Frank Cara a repensé son agencement : décalage des postes au fond de l’officine pour libérer les rayonnages en libre-service à droite en entrant et aménagement de la partie centrale avec des gondoles basses qui orienteront les flux à droite et à gauche (zone « réchauffée » par un double poste de délivrance). La façade va aussi être rénovée pour devenir plus attractive. « L’éclairage interne et externe va gagner en puissance et nous allons réaliser une zone de stock-tampon pour nous éviter les allers-retours en sous-sol. »
L’agencement de la pharmacie Amsellem-Gillet-Derache à Villemandeur (45) a été réalisé en 1993 par Les Ateliers du Marais (Francis Blackstone). Ses grandes options de départ : une lieu entièrement circulaire, très « cocon », autour d’une rotonde lumineuse centrale, déclinée en teintes boisées, avec des comptoirs en demi-cercles, un meuble artisanal de style apothicaire en demi-cercle également pour la phytothérapie.
« La pharmacie a conservé toutes ses qualités de chaleur et de rondeur. »
Sans réagencements ultérieurs, avec un développement de la diététique (cures hyperprotéinées) et de l’orthopédie, l’officine est passée de 1,8 MEuro(s) en 1995 à 2,75 MEuro(s) en 2002. « Je ne regrette rien au plan esthétique. Les matériaux étaient de très bonne qualité. Les nouveaux clients trouvent encore notre pharmacie belle. Les dalles de moquette chinée n’ont pas bougé. Le meuble d’apothicaire, quoique contenant aujourd’hui des produits dermocosmétiques, reste attractif. »
Selon les titulaires, l’officine a conservé aussi tous ses défauts : « Les clients entrent toujours par la porte secondaire, l’importance de la surface de vente les éloigne trop des linéaires et ils adoptent systématiquement un parcours en ligne droite jusqu’au comptoir. Les erreurs de conception du départ sont toujours plus pesantes avec le temps. »
Ce que Michel Amsellem attend maintenant avec impatience : un bon système qui permettrait de gérer esthétiquement et commercialement les présentoirs de comptoir.
Frédéric Roussel et Jean Occulti, de la pharmacie des Bruyères à Coubron (93), estiment eux aussi que leur agencement, réalisé par Louis Guélon il y a huit ans, s’est bien maintenu dans le temps.
« Notre pharmacie souffre tout à fait la comparaison avec des officines nouvellement agencées. Notre parti pris pour le haut de gamme – 280 000 Euro(s) pour 180 m2 de surface totale réagencée – a porté ses fruits. »
Tout n’est pas parfait cependant. La principale carence identifiée aujourd’hui est l’absence d’espace dédié à la confidentialité. « Le système de chaises à harnais pour les bébés au comptoir manque de confort n’est pas assez ludique. » Toutefois, l’agencement continue à jouer son rôle de séduction puisqu’il a sans doute contribué au… rachat récent de l’officine par un confrère !
C’est en 1994 que Gérard Pasdeloup, de la pharmacie du Point du jour à Dijon, fait réaliser son agencement par Christian Batteur. Son idée : faire de l’officine un lieu de vie, avec des sites de confidentialité, des couleurs vives, une circulation aisée, une signalisation des univers par des néons de couleurs. Mais aussi théâtraliser l’offre et les décors par l’intermédiaire d’une mise en valeur des produits par des aplats de couleurs en fond de linéaires, un décor solaire en partie haute, une vitrine orthopédie en mezzanine et des grandes images circulaires sous le plafond.
« J’ai aujourd’hui de gros problèmes d’obsolescence du concept dont les premiers symptômes se sont fait sentir en 1998 : usure des sols, électricité et climatisation défaillantes… Le concept est complètement dépassé et les zones froides sont importantes sur les 180 m2 de surface. » Gérard Pasdeloup envisage de réagencer sur 250 à 300 m2 à la vente et d’automatiser. Ses nouvelles options : un rond-point central avec plots éclatés tout autour pour chaque univers de produits.
Etudier avant d’agencer.
Alors, que peut-t-on tirer comme enseignements de ce retour sur agencements ? Tout d’abord, en pharmacie comme dans les autres circuits de distribution, les modes se… démodent (agencement alvéolaire, « shops in the shop »…). Que le design, c’est parfois très beau mais pas toujours très fonctionnel. Que la tradition n’a pas toujours que du bon. Que la confidentialité, cela se soigne, tout comme la lumière.
Attention également aux agencements très efficaces pour la parapharmacie mais qui volent la vedette à la pharmacie. La course aux espace de vente supplémentaires et de linéaires expose à de gros coups de froid, voire à des impasses ! Aujourd’hui, la tendance est d’ailleurs à un véritable travail de bureau d’étude avant agencement. Une démarche salutaire quand on constate que les principaux griefs des titulaires portent sur des erreurs de structuration de l’espace.
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