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Le rêve sous haute sécurité
La saga de la DHEA continue. Après son statut de médicament, elle vient d’obtenir son inscription officielle à la « Pharmacopée ». Un pas de plus en faveur de la qualité des préparations magistrales.
Souvenez-vous : « cure de jouvence », « pilule antivieillissement », « élixir de vie »…, la DHEA occupa en 2001 le devant de la scène médiatique… et commerciale, suscitant l’intérêt des consommateurs (-trices) en quête désespérée d’un élixir de jeunesse. Alors qu’il n’existe encore aucune AMM accordée à ce jour à la DHEA, sa délivrance en officine sous forme de préparation magistrale était et est toujours possible. Seulement voilà. Ne figurant pas à la Pharmacopée, sa dispensation relevait de l’entière responsabilité du pharmacien. A lui donc de garantir la qualité de la DHEA délivrée. Mais quels contrôles effectuer ? La question était sans réponse jusqu’au 11 janvier dernier, date de l’inclusion de la prastérone (DHEA) au sein de la Pharmacopée.
La fin du flou.
« Le pharmacien peut désormais délivrer de la DHEA dont les critères de qualité et de pureté ont été définis par un référentiel validé, explique Jean-Hugues Trouvin, directeur de l’évaluation des médicaments à l’Afssaps. J’estime que cette monographie donne les moyens réglementaires aux officinaux de travailler dans la légalité. »
Cette mesure met un terme au flou réglementaire jusque-là persistant. Car si le pharmacien se devait de contrôler la poudre de DHEA qu’il recevait, nul n’ignore que dans la plupart des cas il n’en avait pas les moyens, les officines équipées d’un spectrophotomètre étant plutôt rares. A l’heure actuelle, les pharmaciens qui se fournissent auprès d’un établissement pharmaceutique n’ont plus à se soucier des contrôles mais ne sont cependant pas dispensés d’une identification (encore faut-il qu’ils disposent du matériel !) : point de fusion, caractères organoleptiques et chromatographie sur couche mince.
Les pharmaciens investis dans la sous-traitance considèrent cette monographie comme une nécessité pour enfin travailler avec l’approbation des législateurs. Et Dominique Martin-Privat, titulaire à Montpellier, rapporte : « Au début, nous avons fait identifier chaque lot reçu par le laboratoire de chimie analytique de la faculté. Cela n’avait aucune valeur réglementaire mais les résultats des tests nous ont permis de faire entièrement confiance à notre fournisseur. »
Des abus limités.
Pour les fournisseurs justement – dont certains ont participé à l’élaboration de la monographie -, ce texte officiel arrive à point nommé. Jusque-là, chacun avait établi son schéma analytique dans son coin. « C’est une excellente chose », estime Maël Lerat, pharmacien responsable à la Cooper. « C’est une mesure de santé publique indispensable. Cela va éviter les abus de certains fournisseurs et limiter les risques toxiques », résume Alain Montel, de Distri B3. Ainsi, les pharmaciens peuvent désormais demander aux fournisseurs une fiche analytique (lorsque celle-ci n’est pas transmise), preuve de la qualité de leurs préparations. « Maintenant, l’inspection de la pharmacie peut saisir les stocks de DHEA dans les officines et faire vérifier par l’Afssaps que la matière première correspond bien aux critères officiels de qualité », informe Jean-Hugues Trouvin.
Efficacité non démontrée.
Conclusion : légalité rime avec sécurité mais certainement pas avec efficacité ! « En aucun cas une monographie ne reconnaît aux substances une quelconque vertu thérapeutique, elle ne mentionne aucune indication », informe-t-on à l’Afssaps, dont les conclusions du rapport d’experts (juillet 2001) à propos de la DHEA sont claires : « Aucune preuve formelle d’efficacité dans les pathologies associées au vieillissement n’a été établie. »
Le rapport entre le bénéfice démontré et les risques encourus (baisse du taux de HDL-cholestérol, induction ou aggravation des cancer hormonodépendants) incite à la prudence. D’ailleurs, la DHEA a obtenu le statut de médicament principalement dans le but d’une déclaration des effets secondaires à la pharmacovigilance.
Force est de constater que l’engouement pour la plus médiatique des hormones connaît une nette diminution. « Nous sommes loin de la folie connue en 2001 », révèle-t-on chez Distri B3, dont les ventes se sont stabilisées à 60 % du marché réalisé cette année-là. « Aujourd’hui les ventes sont moins disséminées. Il existe un grosse consommation chez les pharmaciens sous-traitants », confie Maël Lerat.
Incontestablement, les mises en garde de l’ordre des médecins et la prudence de l’Afssaps ont porté leurs fruits du côté des prescripteurs. Le rêve sur ordonnance n’est donc pas encore d’actualité. En attendant la suite des études sur la DHEA, une autre hormone fait son entrée dans les préparations magistrales alors qu’elle ne figure pas à la Pharmacopée : la Méladinine. Une situation au goût de déjà-vu…
A noter : La délivrance de la DHEA
– Impérativement au vu d’une ordonnance.
– La prescription doit respecter le cadre de l’étude « DHEage » : elle doit s’adresser aux personnes de plus de 60 ans.
– Un dosage sanguin doit être réalisé avant la prise et environ un mois après le début du traitement.
– Effets secondaires possibles : hirsutisme, acné.
– Contre-indications : cancers hormono-dépendants (sein, prostate, utérus…).
– Ne pas associer au THS.
– Effets escomptés selon l’étude « DHEage » : augmentation de la densité osseuse, de la libido et de l’hydratation cutanée chez les femmes de plus de 70 ans.
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