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BIENS SOCIAUX : En user sans en abuser
Mieux vaut prévenir que guérir. Même si les abus de biens sociaux ne sont pas légion en pharmacie, ce délit n’étant pas prévu pour des associés en SNC, ils pourraient demain devenir davantage d’actualité avec le développement des sociétés d’exercice libéral.
L’abus de biens sociaux est l’une des « stars » des délits pénaux. Ce délit est commis par le responsable d’une société qui, de mauvaise foi, fait des biens ou du crédit de la société un usage contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement. L’abus de biens sociaux est un type de détournement de biens. Il peut également avoir pour objet le crédit de la société, c’est-à-dire sa renommée commerciale née de la bonne marche de l’entreprise, de son capital, du volume et de la nature des affaires.
Les personnes pouvant être déclarées coupables de ce délit sont notamment les gérants de SARL, le président, les administrateurs ou les directeurs généraux de SA, les gérants de société en commandite par action et les dirigeants de fait, c’est-à-dire toute personne qui, directement ou indirectement, aura exercé la gestion, la direction ou l’administration d’une société dans laquelle il n’est pas indéfiniment responsable du passif social. Les SNC ne sont donc pas concernées.
Intérêt social.
Clef de voûte de l’acte d’abus de biens sociaux, la notion d’intérêt social n’est pas clairement définie et fait l’objet d’interprétations divergentes. Elle est perçue différemment par le juge pénal et le juge fiscal, car ils n’ont pas la même finalité : d’un côté, le juge pénal sanctionne au nom de la société, de l’autre, le juge fiscal va tenter de réintégrer des sommes qui ont contribué à la diminution du bénéfice imposable. Ainsi, un acte qualifié d’anormal sur le plan fiscal n’implique pas nécessairement qu’il soit contraire à l’intérêt social. Cela peut être le cas lorsque le dirigeant prouve qu’il n’a pas disposé des fonds détournés à des fins personnelles. Par exemple, l’utilisation d’une caisse noire pour payer des salariés clandestins peut ne plus être automatiquement considérée comme contraire à l’intérêt social et donc ne pas être constitutive d’abus de bien social, même si elle est pénalement condamnable. Le flou reste la règle en la matière. Par exemple, faire payer sa contravention par l’entreprise est un acte anormal de gestion. Mais si l’on rapporte la preuve que cette contravention due à un mauvais stationnement a permis d’être à l’heure à un rendez-vous très porteur pour la signature d’un contrat, ne peut-on alors parler d’intérêt social ?
Jurisprudence.
Comme utilisation frauduleuse des fonds sociaux par un dirigeant, on peut citer :
– Des avances de caisse non justifiées et non régularisées.
– La mise à disposition, à son profit personnel, de sommes revenant à la société, en s’octroyant des rémunérations abusives ou des avantages.
– Les rémunérations, même autorisées, peuvent être constitutives d’abus dans le cas où celles-ci sont excessives ou sans contrepartie suffisante. L’appréciation du caractère excessif et donc abusif de la rémunération se fera en prenant en compte la capacité financière de la société et sa situation. Le dirigeant devra prendre en considération la situation de la société pour faire évoluer sa rémunération.
– Toute rémunération qui serait perçue sans respect des procédures en vigueur dans la société. Par exemple, un gérant de SARL qui perçoit une rémunération sans que celle-ci ait été fixée par l’assemblée générale.
– Des dépenses personnelles passées en frais généraux sans aucune pièce justificative à l’appui. Par exemple, la prise en charge par la société des frais d’assurance, d’entretien et de location de véhicule à usage privé, ou encore du loyer et des charges de la résidence principale du dirigeant.
– La facturation par sa société de travaux effectués au profit d’une autre société dont il était le gérant de fait.
– L’émission de traites de complaisance pour aider une société dirigée par un ami ou un confrère.
– Le versement de fonds provenant de la société à un maire en vue de le corrompre pour qu’il prenne une décision favorable à la société lors de l’attribution d’un marché.
– Le fait pour un dirigeant de s’approprier des sommes de ventes sans factures qui doivent normalement revenir à la société.
– Le fait d’engager la signature sociale par l’acceptation d’effets de complaisance.
– Le fait que le prévenu ait utilisé des fonds détournés pour régler des dépenses de construction de sa maison qui auraient dû être payées par lui-même est également constitutif de recel d’abus de biens sociaux même s’il n’a pas disposé personnellement des fonds détournés.
– Le paiement par la société des experts ou avocats alors que les poursuites concernent les dirigeants personnellement.
– Le paiement par la société de primes d’assurances couvrant les dirigeants en cas de mise en cause de leur responsabilité.
– Le fait, pour un dirigeant, de faire financer par la société l’acquisition de biens dont il aura un usage personnel ou de financer des dettes personnelles par la société.
– Le fait de faire effectuer par la société des travaux à son domicile personnel.
– L’emploi à des fins personnelles du matériel ou du personnel de la société (par exemple une femme de ménage).
– Le paiement des amendes encourues par le dirigeant, que ce soit à la suite de condamnations ou de simples infractions au code de la route.
– Le compte courant débiteur (dette de l’associé vis-à-vis de la société et donc inscrite à l’actif du bilan) dans les sociétés de capitaux.
Sanctions pénales et civiles.
La peine encourue est un emprisonnement de un à cinq ans et une amende de 300 Euro(s) à 375 000 Euro(s) ou l’une de ces deux peines. Ainsi, une condamnation définitive supérieure à un an d’emprisonnement, sans sursis, pour un abus de biens sociaux, contraindra un pharmacien à céder ses parts. En ce qui concerne les SEL, il convient de prévoir dans les statuts la modalité suivante : « Sauf si telle est la volonté des associés fondateurs, l’associé professionnel extérieur, s’il est frappé d’une interdiction d’exercer pour une durée au plus égale à un an, ne perd pas tous les droits attachés aux parts qu’il détient. » En effet, la perte d’office des droits attachés aux parts ne concerne que le professionnel extérieur interdit d’exercer pour une durée supérieure à un an ou définitivement.
Mais rassurez-vous, l’emprisonnement est pratiquement toujours assorti du sursis. Sont susceptibles de faire l’objet de réparations civiles les personnes morales ou privées qui ont pu subir un préjudice (par exemple une privation de revenus), c’est-à-dire la société elle-même et ses actionnaires, voire ses créanciers. Enfin, la prescription court du jour où l’emploi abusif des biens sociaux a pu être constaté ; elle est de trois ans.
Pour échapper aux poursuites, le dirigeant peut invoquer son absence de mauvaise foi. Mais il faut savoir que, selon la Cour de cassation, la mauvaise foi du dirigeant peut résulter d’une imprudence ou d’une négligence. La difficulté principale dans ce cas réside dans l’appréciation exacte de cet élément constitutif de l’abus de biens sociaux. En effet, la chambre criminelle de la Cour de cassation précise que « le seul fait qu’une dépense sociale ait eu un objet illicite ne suffit pas à caractériser un usage contraire à l’intérêt social ».
A noter aussi que le fait de restituer des sommes utilisées ne fait pas disparaître le délit.
La complicité et le recel sont des faits différents qui peuvent être poursuivis séparément. Le simple fait de profiter des fruits d’un abus de biens sociaux pourra être qualifié de recel. C’est ainsi que l’on a vu se développer des poursuites contre des bénéficiaires de « largesses ».
A retenir
– L’abus de biens sociaux est un délit relatif à la gestion des sociétés.
– L’acte contraire à l’intérêt social doit être conjugué à la mauvaise foi du dirigeant et à la recherche d’un intérêt personnel pour constituer le délit d’abus de biens sociaux.
– Pour que le délit soit établi, il faut aussi que le dirigeant ait su qu’il agissait contrairement à l’intérêt social de son entreprise.
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