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Plan Mattéi
Les médicaments dont l’efficacité est jugée insuffisante pourraient être déremboursés dans les trois ans et les produits généricables remboursés sur la base d’un forfait. Un projet de loi qui menace l’économie de l’officine.
Le médicament est dans le collimateur. Le ministre de la Santé Jean-François Mattéi n’y va pas de mains mortes. En projet : le déremboursement de plus de 600 médicaments et le remboursement revu à la baisse pour certains produits généricables. Objectif : limiter le trou de la sécu qui avoisinera en 2002 les 6,1 milliards d’euros. Or la consommation pharmaceutique en France est une des plus élevée du monde et augmente d’année en année. En 2001, les médicaments ont coûté 15,2 milliards d’euros ce qui représente une hausse de 8,6 % par rapport à 2000. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2003 (PFLSS) et les mesures réglementaires qui l’accompagnent comportent deux grandes mesures sur le médicament : la mise en place d’un forfait remboursement pour les produits généricables et le déremboursement pur et simple des produits à service médical rendu insuffisant. Ce projet de loi a été amendé puis voté le 31 octobre en première lecture par l’Assemblée nationale. Sa publication dans sa forme définitive interviendra à la fin de l’année à l’issue des navettes parlementaires. C’est pourquoi à l’heure où nous imprimons, certains aménagements sont à prévoir avant l’adoption définitive de la nouvelle loi. A noter l’amendement concernant la possibilité d’étendre la notion des génériques hors du répertoire officiel à des produits comme l’aspirine et le paracétamol qui n’ont pas de princeps.
Des centaines de médicaments déremboursés
Sur les 4 500 spécialités pharmaceutiques remboursées en France, 835 étaient considérées en 2001 comme présentant un service médical rendu (SMR) insuffisant. Il en reste quelque 650 commercialisés à ce jour. De plus, la prise en charge de la plupart est passée de 65 % à 35 % au cours des deux dernières années. Toutefois, les produits à SMR insuffisant sont toujours largement prescrits par les médecins et de fait remboursés par l’assurance maladie. Les derniers chiffres de la Cnam montrent qu’ils représentent 7,3 % des remboursements de médicaments, soit 1,1 milliards d’euros. À titre indicatif, sur les 100 premiers produits prescrits et remboursés, 23 répondent à ce critère. Ce sont essentiellement des veinotoniques (voir encadré). Avec le plan Mattéi, presque la totalité des produits à SMR insuffisant devraient être déremboursés. « Aucune liste n’est arrêtée mais cette mesure repose sur deux soucis : celui de la santé publique au regard de produits anciens peu efficaces et parfois déconseillés ; celui d’une solidarité plus adaptée », a déclaré le ministre devant la Commission des comptes de la sécurité sociale le 24 septembre dernier. Le déremboursement des médicaments à SMR insuffisant sera échelonné sur trois ans afin, selon le ministre, de « permettre aux patients et aux médecins de modifier leurs comportements et aux industriels d’adapter graduellement leurs stratégies ». L’ensemble des classes thérapeutiques concernées doit être réparti en trois groupes. Premier groupe concerné : les produits qui « n’ont plus leur place dans la stratégie thérapeutique actuelle », comme par exemple les sirops qui contiennent de faibles doses d’antibiotiques ou de cortisone. Deuxième groupe : les médicaments qui peuvent entrer dans une « logique d’automédication », comme le magnésium ou les veinotoniques. Enfin, troisième groupe : ceux qui ont une « utilité sociale sans alternative crédible » et qui ne peuvent faire l’objet d’une automédication, notamment les vasodilatateurs.
Les critiques des organisations professionnelles
Mis à part la grande majorité des médecins libéraux, qui ont décidé de jouer le jeu après avoir obtenu gain de cause sur l’augmentation de leurs honoraires, et la Cnam, qui applaudit au déremboursement des médicaments, les professionnels sont dans l’ensemble très critiques sur la politique du médicament de Jean-François Mattéi. « Pour les politiques, le trou de la Sécu, c’est toujours un pharmacien derrière son tiroir-caisse », déplore Patrick Fortier, président du Syndicat des pharmaciens de la Marne. « On sait très bien que ce n’est pas le médicament qui coûte le plus cher, mais on tape sur les professionnels libéraux parce que c’est plus facile, renchérit de son côté Jean-Marie Fonteneau, préparateur et vice-président de la CPNE (Commission paritaire nationale de l’emploi de la pharmacie d’officine) pour la CGT. La question est aussi de savoir si la Sécurité sociale doit être rentable ». Et celui-ci de s’étonner du déremboursement de médicaments qui ont obtenu leur AMM et qui ont été pris en charge pendant des années. « Ne va-t-on pas vers une médecine à deux vitesses, avec d’un côté les personnes qui pourront payer et se soigner, et de l’autre côté, ceux qui ne seront plus en mesure de s’acheter leurs médicaments ? », déplore-t-il. « Les patients qui en auront les moyens se paieront des assurances privées, les autres auront un accès aux soins réduit », ajoute de son côté le Dr Christian Bonnaud, du Syndicat de la Médecine Générale. Patrick Le Metayer, préparateur et responsable adjoint de la branche officine chez FO, partage sensiblement le même avis : « C’est l’assuré qui va devoir supporter les conséquences, et il y a de quoi être inquiet, s’insurge-t-il. Les femmes qui ont par exemple besoin de veinotoniques vont devoir payer plein pot maintenant, voire plus cher car les prix seront libres ». Michèle Guehring-Billard, présidente de l’amicale des préparateurs et préparatrice en milieu carcéral, s’inquiète aussi pour ses patients détenus. « Nous donnons souvent aux personnes détenues des produits jugés à SMR insuffisant, comme des veinotoniques en cas de crise hémorroïdaire. Mais si ces produits ne sont plus pris en charge par la sécurité sociale, l’hôpital ne voudra plus les acheter pour les détenus, et cela risque de poser de gros problèmes », s’exclame-t-elle. Seule la CFDT, qui détient par ailleurs la présidence de la Cnam, se félicite dans un communiqué du déremboursement des « médicaments inefficaces ». Restera une inconnue : le comportement des mutuelles complémentaires. Certaines devraient proposer de nouvelles prestations comme le remboursement de paniers de soin de produits non remboursées. Mais, rien n’est gratuit, les cotisations risquent d’augmenter…
Transfert de prescriptions ?
Du côté des pharmaciens, on accueille avec circonspection les annonces de déremboursement. « On peut mettre en doute l’honnêteté et la compétence des experts qui ont jugé que tel ou tel médicament présentent un SMR insuffisant. Ce sont des économistes et non des pharmacologues. Beaucoup de ces produits, par ailleurs peu coûteux, rendent bien des services », estime Patrick Fortier. Le puissant Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique (SNIP) estime quant à lui que le déremboursement programmé pourrait avoir les effets inverses que ceux escomptés en terme d’économies : « Les professionnels de santé concernés vont être tentés de prescrire d’autres produits, souvent plus chers. Ce transfert de prescription risque de peser de manière importante sur les comptes ». Pour le SNIP, ce déremboursement est par ailleurs « injustifié médicalement ». Le premier syndicat de médecins libéraux, la CSMF, précise quant à lui que les médecins continueront de prescrire ces produits.
Forfait de remboursement pour les groupes génériques
L’autre volet de la politique du médicament annoncée par Jean-François Mattéi concerne la mise en place d’un « forfait de remboursement » pour les médicaments appartenant à des groupes génériques. Cette réforme devrait changer en profondeur le mode de remboursement actuel. Aujourd’hui, la prise en charge à 35 % ou 65 % est calculée à partir du prix des produits, et ce quelles que soient les différences de coût. Le gouvernement entend désormais limiter le remboursement à « un tarif forfaitaire de responsabilité » fixé par arrêté du ministre sur les groupes génériques de son choix. Sont directement visés ceux où les génériques peinent à s’imposer face au princeps. « C’est une mesure de bonne gestion de notre assurance maladie, mais c’est également une mesure de responsabilisation des patients : libre à chacun de choisir un médicament « princeps » ou l’un de ses génériques, mais l’assurance maladie, donc le cotisant, ne paiera plus désormais le surcoût attaché à la marque », a précisé Jean-François Mattéi. Cette mesure est censée développer le marché des génériques, qui, selon les dernières données ne représente que 6 % du marché des médicaments en France. Le ministre, qui table sur une mise en application dès juillet 2003, estime que cette mesure devrait permettre d’économiser 300 à 350 millions d’euros.
L’économie de l’officine menacée
Les pharmaciens, engagés dans la substitution, craignent que la mise en place de ce forfait de remboursement, si elle est étendue à tous les groupes génériques, affaiblisse au final le marché des génériques. « La prise en charge sur une base forfaitaire de toutes les spécialités appartenant à un même groupe générique n’est pas sans risque dès lors que les fabricants de princeps, pour contrer leur perte de marché, aligneraient leurs prix à la baisse sur le forfait de remboursement », précise la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF) dans un communiqué. Selon la FSPF, ceci aurait pour conséquence d’une part de rendre inutile la prescription des génériques, d’autre part de rendre incompréhensible au regard des patients la substitution d’un princeps par un générique, les deux ayant le même prix. « Nous nous sommes beaucoup investis dans le développement des génériques. Aujourd’hui, on nous dit que ce n’est plus la peine. Car avec ce prix de référence, pourquoi continuer de promouvoir les génériques », déplore Patrick Fortier.
En effet, l’application d’un forfait de remboursement entraînerait de fait la suppression de la surremise commerciale jusqu’ici accordée aux génériques (10,74 % au lieu de 2,5 %). Reste donc à savoir si la mesure sera appliquée sur la plupart des groupes génériques ou au contraire limitée à quelques uns…. Les laboratoires génériqueurs leaders semblent quant à eux dubitatifs. D’autant que l’accord du 5 juin 2002 entre les caisses et les médecins, qui accordaient une revalorisation des honoraires contre la promotion des génériques à travers la prescription en DCI, s’est traduit par un bond considérable du chiffre d’affaire de ces laboratoires, depuis juillet.
La substitution plus que d’actualité
Il est clair que les modalités de la mise en place de ce forfait remboursement dépendront aussi beaucoup de la stratégie choisie par les industriels de la pharmacie. S’ils baissent les prix des princeps, la substitution sera moins intéressante pour les pharmaciens, le gain sur les génériques diminuant d’autant. Si ceux-ci maintiennent le princeps à un prix supérieur de 30 % au générique, comme c’est actuellement le cas, alors il reviendra aux professionnels de santé, médecins et officinaux, de promouvoir plus que jamais les génériques auprès de leurs patients. « Il ne faut pas que, demain, ce soient les patients qui paient la différence. Quand il existe un générique, le médecin doit le prescrire ou, à défaut, le pharmacien doit opérer une substitution afin que la responsabilité ne soit pas supportée seule par l’assuré », plaide Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité Française dans le journal d’informations interne de la Mutualité. En créant le forfait remboursement, le ministre de la Santé a voulu « responsabiliser » les patients. Mais encore faudrait-il que ceux-ci soient au courant qu’il existe pour tel ou tel médicament un générique disponible dans les officines. La prescription en DCI est encore loin d’être généralisée. Et si bon nombre d’officinaux se sont engagés dans le développement des génériques, certaines régions, comme l’Ile-de-France, sont à la traîne en matière de substitution. Aussi, afin de ne pas pénaliser les assurés sociaux, il semble nécessaire, en cas de différence de prix entre le princeps et le générique, d’expliquer l’intérêt des médicaments génériques. Au comptoir, il faudra non seulement expliquer au patient l’intérêt pour son porte-monnaie de la substitution, mais aussi leur annoncer que les médicaments qu’ils prennent depuis des années ne sont plus remboursés par la sécurité sociale. Les préparateurs vont finir par devenir de véritables relais pédagogiques des ministres de la santé… Force est de constater que la meilleure conduite à tenir est de continuer à développer la substitution. Car un sursaut de la substitution peut éviter la mise en place du forfait sur tel ou tel groupe de génériques. Un coup de pouce pour l’économie de l’officine, en ces temps difficiles pour le médicament.
RepèresLa place des médicaments à SMR insuffisant
Sur les 100 premiers médicaments prescrits et remboursés par l’assurance maladie, 23 sont des médicaments à SMR jugés insuffisants. Ces résultats, extraits de l’étude MEDIC’assurance maladie de la Cnam, montrent à l’évidence que ces spécialités sont toujours jugées utiles par les médecins pour traiter bon nombre de pathologies. Les produits les plus prescrits, et de fait les plus remboursés, sont les veinotoniques (Daflon, Ginkor, Endotelon, Veinamitol, Esberiven, Cyclo3). Certains médicaments enregistrent aussi de fortes augmentations en volume : Magne B6 (augmentation de 8 %), Mediator (9,3 %). Cystine B6 Bailleul (12 %). Globalement sur les 100 premiers produits, les présentations des spécialités à SMR insuffisant représentent 8,7 % des unités prescrites, 4,7 % des montants présentés au remboursement et 2,8 % des remboursements. Sur l’ensemble des spécialités remboursables (environ 7 000 présentations), la part des SMR insuffisants représente 10,9 % des montants présentés au remboursement, 7,3 % des remboursements et 20,3 % des unités prescrites.
Les 20 premiers produits prescrits et remboursés jugés SMR insuffisants
Content
Le projet de déremboursement de certains médicaments ou de certains produits à « service médical rendu » insuffisant apparaît logique dès lors que le gouvernement affiche clairement que cette décision résulte de ses choix et qu’il ne confond pas, pour l’opinion publique, prise en charge et efficacité.
En effet, même si ces médicaments sont moins utiles, ils ne sont pas pour autant inefficaces. Ils continueront donc d’être prescrits par les médecins si besoin.
Cette logique entre d’ailleurs dans une démarche plus large de « panier de biens et de services » déjà initiée en juin dernier pour la visite à domicile, approuvée par les médecins et comprises par les patients.
Dr Michel Chassang
Président de la Confédération des syndicats médicaux français
Pas content
Les principales mesures du projet de la loi de financement de la sécurité sociale concernant l’assurance maladie traduisent la volonté du gouvernement de privilégier une logique comptable sur celle de santé publique.
Comment comprendre en effet que l’on « dérembourse » des médicaments inefficaces alors que s’ils le sont réellement, il faudrait les interdire ? […]
La Confédération syndicale des familles (CSF) demande au gouvernement de s’engager dans une politique de santé publique visant à améliorer la qualité du système de santé et d’arrêter la politique de démantèlement de la sécurité sociale et de transferts des coûts sur les familles et les mutuelles. Les familles ne pourront pas constamment faire les frais de la politique du gouvernement au bénéfice d’intérêts catégoriels.
Emmanuel Rodriguez
Confédération syndicale des familles sondage zoom
ZoomLe projet Mattéi
Le ministre de la santé a présenté le 24 septembre devant la Commission des comptes de la Sécurité sociale son premier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PFLSS).
En voici les grandes lignes en ce qui concerne l’hôpital, la médecine de ville et le médicament.
Le plan « Hôpital 2007 »
Le plan Hôpital 2007 prévoit d’accélérer la réalisation des opérations d’investissement, de rénovation et de recomposition de l’offre hospitalière
Financement de l’investissement hospitalier, avec l’octroi d’un milliard d’euros. À partir d’un apport de 300 millions d’euros, l’État contractera des emprunts qui permettront une tranche d’investissement de 1 milliard d’euros pour rattraper la vétusté du patrimoine et des équipements hospitaliers.
Réforme du financement des hôpitaux publics et privés. Il est prévu des expérimentations en 2003 de la tarification à l’activité, avec une généralisation en 2004 de ce mode de financement. Le but du ministère de la santé est d’insuffler « une culture du résultat » dans les hôpitaux avec cette tarification à l’activité.
Amélioration de la gestion hospitalière, avec la création d’une mission permanente d’audit et d’expertise hospitalière.
Médecine de ville
Développement de l’évaluation, en particulier par le financement des actions proposées par les unions régionales des médecins libéraux (URML).
Démographie médicale : le projet de loi supprime le Mica (Mécanisme incitatif possible de cession d’activité, insaturé en 1997). Ceci devrait permettre aux médecins et aux infirmières qui le souhaitent de reprendre « une activité médicale complémentaire » après leur départ en retraite.
Plus de conseil, moins de contrôle : afin d’améliorer les relations entre les caisses d’assurance maladie et les professionnels de santé, le projet prévoit une modification des missions du service médical des caisses.
Médicaments
Déremboursement sur trois ans de la plupart des produits à SMR insuffisant
Forfait remboursement pour les médicaments appartenant à des groupes génériques
Accroissement des moyens des établissements de soins de 200 millions d’euros pour l’achat de médicaments innovants.
Mise en place d’une procédure visant à permettre l’accès au remboursement en ville en quelques semaines pour les médicaments jugés les plus innovants par la commission de transparence.
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