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Les infections urinaires

Publié le 1 décembre 2002
Par Florence Bontemps
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Les patients, souffrant d’infections urinaires, en majorité des femmes, doivent respecter la posologie et la durée du traitement antibiotique afin d’éviter les récidives.

Symptômes

La cystite est une inflammation de la vessie et/ou de l’urètre. Elle est caractérisée par des brûlures mictionnelles, des besoins impérieux et plus fréquents. La pyélonéphrite aiguë signifie l’atteinte du rein. Elle est souvent caractérisée par une douleur lombaire et une fièvre.

Diagnostic

• On parle de cystite simple chez la femme de 15 à 65 ans, en dehors d’une grossesse, d’une rechute (on parle de rechute au delà de quatre infections par an) ou d’un terrain particulier (diabète…). La lecture d’une bandelette réactive trempée dans des urines fraîches, pratiquée au cabinet du médecin, permet d’établir la forte présomption d’une infection : nitrates et leucocytes positif, sans identifier le germe en cause.

• On parle de cystite compliquée chez la femme enceinte, en cas de rechute ou de terrain particulier (femme âgée, diabète, immunodépression, malformation urinaire…), chez l’homme et l’enfant. On pratique un examen cytobactériologique des urines (ECBU) et un antibiogramme.

• La pyélonéphrite signifie l’atteinte du rein et est suggérée par des signes cliniques (douleur lombaire, fièvre). L’ECBU établira le diagnostic infectieux

Type de traitement

Le traitement nécessite des antibiotiques qui soient actifs au niveau du rein et de la vessie. On distingue les traitements antibiotiques courts (minute) monodose ou en trois jours, les traitements antibiotiques longs en cinq jours minimum et les traitements discontinus. En pratique de ville, ils sont généralement administrés par voie orale sous forme de comprimés, gélules ou sachets.

Traitement minute

Ce traitement, indiqué dans les cystites simples, est probabiliste, c’est-à-dire qu’on prescrit un antibiotique à élimination urinaire, efficace sur la grande majorité des bactéries rencontrées, mais sans faire d’analyse de germes. Les traitements monodoses ou courts (trois jours) sont recommandés, car ils sont mieux suivis et diminuent les effets secondaires.

Traitement long

L’ECBU ayant permis d’isoler le germe responsable et de tester sa sensibilité aux antibiotiques, le traitement relève d’une antibiothérapie adaptée au germe pendant au moins sept jours.

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• Chez la femme enceinte : beaucoup d’antibiotiques étant contre-indiqués, on utilise les bêtalactamines administrées pendant sept à dix jours : amoxicilline, céfaclor, céfadroxil, céfalexine, céfatrizine, céfradine… Un contrôle de l’ECBU une fois par mois est conseillé jusqu’à l’accouchement.

• Chez l’homme, la cystite isolée, rare, est le plus souvent associée à une prostatite qui doit généralement être traitée par voie parentérale à l’hôpital.

• Chez l’enfant : en cas de cystite, les traitements minutes ne sont pas validés chez l’enfant, et les fluoroquinolones sont contre-indiquées (toxicité vis-à-vis des grosses articulations jusqu’à la fin de la croissance). On a recours au cotrimoxazole (Bactrim suspension buvable), à l’acide nalidixique (Négram suspension) ou à une bétalactamine. En cas de reflux vésical (de la vessie vers les reins), un traitement antibiotique au long cours (plusieurs mois) peut être prescrit. Les posologies sont très faibles, de l’ordre de 20 % de celles utilisées en traitement. À cette concentration, l’antibiotique agit en empêchant l’adhésion des bactéries sur la paroi de la vessie. Les reflux vésicaux responsables d’infections urinaires chez l’enfant ont tendance à s’améliorer spontanément avec l’âge.

Traitement discontinu

Lorsque les cystites récidivent plus de quatre fois par an, après avoir éliminé une cause organique curable, il est classique d’instaurer une prévention par antibioprophyllaxie au long cours. On administre de petites doses d’antibiotiques de façon continue (tous les jours) ou discontinue (deux ou trois jours par semaine) pendant six à douze mois, parfois plus. Les antibiotiques utilisés sont les sulfamides (Bactrim), la nitrofurantoïne (Furadantine, Furadoïne, Microdoïne), ou certaines quinolones (Négram forte, Pipram fort, Noroxine, Oflocet).

Les médicaments

Les fluoroquinolones

Elles peuvent être administrées en traitements minutes (Péflacine monodose, Monoflocet, Uniflox) ou en traitements de trois jours (Logiflox, Noroxine). Les traitements de cinq jours et plus (Ciflox, Enoxor, Oflocet) sont réservés à des cas particuliers (cystites compliquées, récidivantes…).

• Effets indésirables : toutes les fluoroquinolones ont en commun deux effets indésirables à bien connaître :

– Le risque de tendinite. Il peut aller jusqu’à la rupture du tendon d’Achille. Même si la douleur est unilatérale, les deux tendons d’Achille doivent être mis au repos par une contention appropriée ou par le port de talonnettes. La survenue de tendinite contre-indique définitivement l’utilisation des fluoroquinolones. Ce qu’il faut dire au patient : en cas de douleurs tendineuses survenant pendant ou juste après la prise de l’antibiotique, il faut interrompre immédiatement le traitement et contacter le médecin.

– Le risque de photosensibilisation : il existe pendant la durée du traitement et les trois ou quatre jours suivant l’arrêt. Ce qu’il faut dire au patient : éviter soleil et UV, porter des vêtements couvrants et appliquer une crème solaire d’indice élevé y compris les quatre jours qui suivent l’arrêt du traitement.

De plus, les fluoroquinolones peuvent être responsables de troubles neurologiques : convulsions, confusion, étourdissements et de myasthénie. Elles doivent être utilisées avec prudence en cas d’antécédents de convulsions ou de myasthénie.

• Interactions

– Antivitamines K : toutes les quinolones sont susceptibles d’augmenter l’effet anticoagulant des antivitamines K (Préviscan, Sintrom…) et donc le risque d’hémorragie chez les patients sous anticoagulants. Il ne faut pas hésiter à contacter le médecin prescripteur pour qu’il renforce le contrôle de l’INR pendant le traitement et après son arrêt.

– Fer : les fluoroquinolones forment avec le fer des complexes non absorbés par l’intestin, ce qui diminue l’efficacité du traitement antibiotique. Laisser un intervalle de deux heures entre la prise de fer et celle de fluoroquinolones.

– Caféine : les fluoroquinolones diminuent son métabolisme.

Les quinolones de première génération

Largement utilisées il y a une dizaine d’années (Négram forte, Pipram fort, Apurone), elles nécessitent un traitement de cinq jours minimum, et ne sont donc plus recommandées en première intention. Leurs effets secondaires concernant le risque de tendinite et de photosensibilisation sont les mêmes que pour les fluoroquinolones.

La fosfomycine

Conditionnée sous forme de sachet, elle est destinée au traitement minute de la cystite simple de la femme (Monuril, Uridoz). La prise de nourriture ralentit l’absorption de la fosfomycine, et réduit les concentrations urinaires. Ce qu’il faut dire à la patiente : le sachet doit impérativement être pris soit le matin à jeun, soit deux à trois heures avant le repas, soit le soir au coucher, mais jamais au moment des repas. Toujours uriner avant la prise.

• Effets indésirables : quelques nausées ou diarrhées peuvent survenir. Ils disparaissent spontanément sans traitement.

• Interactions : non significatives.

Les sulfamides

Pour traiter la cystite simple, Bactrim et Eusaprim sont administrés en dose unique et Rufol en trois jours.

• Effets secondaires

Ils sont parfois graves (surtout pour Bactrim et Eusaprim) :

– réactions cutanées allergiques généralement modérées mais pouvant aller jusqu’au syndrome de Lyell (nécrose épidermique gravissime),

– modifications de la formule sanguine (chute des plaquettes, agranulocytose, aplasie médullaire…).

De plus, si les boissons sont insuffisantes, il existe un risque de cristallisation dans les urines.

Ce qu’il faut dire au patient : en cas de réaction cutanée, arrêter le traitement et contacter immédiatement le médecin. Boire au minimum deux litres par jour pour éviter la formation de cristaux.

• Interactions

– Methotrexate : les sulfamides antibactériens déplacent le méthotrexate lié aux protéines plasmatiques et augmentent son taux sanguin jusqu’à des valeurs toxiques (toxicité hématologique). Cette association est contre-indiquée.

La nitrofurantoÏne

• Effets indésirables : troubles digestifs fréquents (atténués par la prise au cours des repas), parfois réactions cutanées.

• Interactions : la nitrofurantoïne peut augmenter l’effet des anticoagulants.

L’acide nalidixique

Il nécessite au moins cinq jours de traitement et n’est plus recommandé comme traitement des cystites simples.

• Effets indésirables : L’exposition au soleil ou aux UV est déconseillée. Troubles neurosensoriels (céphalées, vertiges, troubles visuels…) possibles.

• Interactions : l’acide nalixidique peut augmenter l’effet des anticoagulants avec risque hémorragique.

Conseils

Hydratation

• En prévention : les cystites sont favorisées par l’insuffisance d’hydratation. Il est indispensable de boire deux litres d’eau (suggérer les tisanes, thé léger, soupe, jus de fruits…) par jour.

• En traitement : en cas de cystite débutante, le premier conseil à donner est d’augmenter les boissons pour « laver » la vessie de ses germes, tout en urinant toutes les deux heures. Cela peut suffire à enrayer un début d’infection.

Hygiène

Pour limiter le risque de contamination, il faut :

– après être allé à la selle, s’essuyer d’avant en arrière pour éviter de ramener les germes fécaux vers le méat urinaire,

– éviter la macération : privilégier les sous-vêtements coton, ne pas porter de pantalons serrés, changer de maillot de bain après la baignade, éviter les bains moussants ou à remous.

– conseiller aux femmes sujettes aux cystites d’uriner après chaque rapport sexuel.

Alimentation

Il faut lutter contre la constipation (fibres, légumes verts, huile de paraffine deux ou trois jours par semaine…). En cas de constipation, la stase fécale entraîne une multiplication des bactéries au niveau du périnée, et donc un plus grand risque d’infection urinaire.

Suivi du traitement

• Observance : le rôle d’un antibiotique est de tuer l’ensemble des germes pathogènes responsables de l’infection. Un traitement mal suivi ou interrompu tue les bactéries les moins résistantes mais ne tue pas les germes les plus virulents, exposant ainsi à une récidive. Il faut expliquer la posologie et la durée du traitement et insister sur le suivi exact de la prescription.

• Précautions d’emploi

– Le Monuril ou Uridoz doivent être pris impérativement loin des repas car l’alimentation réduit leur efficacité.

– Les fluoroquinolones obligent le patient à ne pas s’exposer au soleil pendant le traitement et les quatre jours suivants, d’appeler immédiatement le médecin en cas de douleurs au niveau des tendons et de diminuer sa consommation de thé et de café.

Prévention

Lorsqu’une patiente demande conseil pour des symptômes de cystite avant d’aller voir le médecin, il faut être rigoureux dans sa démarche. Un traitement officinal ne sera proposé que si les réponses aux questions suivantes sont toutes négatives :

– « Avez-vous de la fièvre ou mal aux reins ? »

– « Avez-vous déjà souffert de cystite récemment ? »

– « Êtes-vous enceinte ? »

– « Êtes-vous diabétique ? »

– « Êtes-vous suivie pour une autre pathologie (immunosuppresseurs, cortisone) ? »

Si la réponse est non à toutes ces questions, on peut conseiller à la patiente de boire beaucoup (2 litres/jour) en urinant toutes les deux heures et d’associer un antiseptique urinaire (Mictasol), qui ne tue pas les germes présents mais évite leur multiplication. Les symptômes doivent s’améliorer rapidement. Si la réponse est oui à l’une des questions, ou si les symptômes ne s’améliorent pas en 24 heures, la consultation médicale est obligatoire.

Gros plan

ECBU : le recueil d’urines stériles

1 Le pratiquer au réveil (4 heures au minimum sans avoir uriné)

2 Procéder à une toilette à l’eau et au savon

3 Eliminer le premier jet

4 Recueillir dans un flacon ou verre stérile

5 Transporter au laboratoire très vite (4 heures au maximum au réfrigérateur)

Pourquoi les fluoroquinolones provoquent-elles des palpitations chez certains patients ?

La plupart des fluoroquinolones diminuent le métabolisme hépatique de la caféine et augmentent le taux sanguin de caféine. Si le patient ne limite pas sa consommation de café et de thé pendant le traitement, il peut souffrir de nervosité, d’insomnie et de palpitations.

Pourquoi l’homme est-il moins sujet aux infections urinaires que la femme ?

Pour une raison purement anatomique ! L’urètre étant plus long chez l’homme que chez la femme (16 cm contre 3 cm), la vessie est plus éloignée du méat urinaire donc mieux « protégée » des contaminations microbiennes.

Pourquoi les cystites sont-elles fréquentes à la ménopause ?

La ménopause diminue l’acidité vaginale et entraîne une sécheresse des muqueuses qui favorisent les infections. En cas de cystite récidivante, on utilise des crèmes à base d’œstrogènes en application locale sur la vulve.

Faut-il faire systématiquement un ECBU de contrôle après une cystite ?

Non s’il s’agit d’une cystite simple. Oui un mois après le traitement, s’il s’agit d’une cystite compliquée.

Quels sont les facteurs favorisants des cystites chez la femme ?

Des boissons insuffisantes (favorisent la stase des bactéries dans la vessie) ; les rapports sexuels (microtraumatismes locaux) ; la constipation (augmente la fermentation intestinale et le risque de migration de germes fécaux) ; les traitements antibiotiques (modifient la flore intestinale et vaginale) ; les bains moussants ou bains à tourbillons ; les vêtements synthétiques moulants (favorisent la macération).

Les facteurs favorisants sont-ils les mêmes chez l’homme ?

Non, ils ne sont pas d’ordre hygiénodiététique. L’infection urinaire survient lorsqu’un obstacle empêche la vidange complète de la vessie : hypertrophie de la prostate, tumeur, calcul urinaire.