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La migraine

Publié le 1 mars 2003
Par Christine Julien
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La prise en charge de la migraine repose sur l’élimination des facteurs déclenchants, le traitement de la crise et éventuellement un traitement de fond prophylactique.

Principe du traitement

Le traitement de la crise a pour but de faire disparaître les symptômes de la migraine. Le traitement de fond est destiné à réduire le rythme des crises. Le succès de chacun des traitements suppose de suivre à la lettre la stratégie thérapeutique recommandée, en particulier la fréquence des prises. Les traitements de fond et de la crise n’étant pas toujours compatibles, il faut surveiller attentivement chaque association médicamenteuse.

Le traitement de la crise

Le traitement de la crise repose sur des médicaments dits non spécifiques, utilisés seuls ou en association et des médicaments spécifiques que sont les dérivés de l’ergot de seigle et les triptans. Ils sont généralement administrés par voie orale. Les formes injectables, plus efficaces, sont utilisées en cas d’échec des autres voies d’administration. En cas de nausées et vomissements, les voies rectale et nasale sont préférables. La prise ne se fait qu’au moment des crises et ne doit pas être trop fréquente, ni quotidienne, sous peine de risque toxique lié aux molécules et de survenue d’une accoutumance avec apparition d’une céphalée de sevrage entre les prises. Le médicament de la crise doit être pris le plus tôt possible, exception faite des triptans qui sont à éviter pendant l’aura neurologique.

Les médicaments non spécifiques

Ils sont utilisés dans le traitement de la crise migraineuse-modérée. Ce sont principalement les antalgiques comme l’aspirine, le paracétamol, la noramidopyrine en monothérapie ou en association et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).

• L’aspirine. En monothérapie, sa posologie ne doit pas dépasser 2 g par jour. Dans des spécialités comme Migpriv ou Cephalgan, l’aspirine est associé au métoclopramide qui facilite la résorption digestive de l’aspirine et agit sur la stase gastrique, les nausées et les vomissements, fréquents lors de la crise migraineuse. Chaque sachet contient 900 mg d’aspirine susceptibles, en cas de surdosage, d’entraîner des accidents allergiques, des bourdonnements d’oreille et des céphalées. Le métoclopramide est un neuroleptique « caché » qui peut induire des dyskinésies disparaissant à l’arrêt du traitement.

• Le paracétamol. Il possède une grande marge thérapeutique. À dose toxique (10 g/j), ce produit engendre cependant une hépatotoxicité qui peut se manifester à des doses usuelles notamment chez les alcooliques, les boulimiques ou anorexiques. On le retrouve associé au dextropropoxyphène, à la caféine ou à la codéine (Di-Antalvic, Propofan…). Il faut mettre en garde contre l’utilisation régulière de ces produits, fréquemment incriminés dans la survenue d’une pharmacodépendance et de céphalées chroniques ou de sevrage.

• La noramidopyrine. Elle expose au risque d’agranulocytose imprévisible, indépendante de la dose administrée, rare mais mortel dans 10 % des cas. Le patient doit surveiller l’apparition de fièvre, angine ou ulcérations buccale, signes d’accident hématologique, auquel cas il doit arrêter immédiatement le traitement et prévenir son médecin.

• Les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Ce sont le naproxifène, l’ibuprofène, le kétoprofène et le diclofénac. Parmi leurs effets secondaires, il faut en particulier surveiller les troubles digestifs et le risque hémorragique.

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La migraine expliquée Les médicaments de la crise de migraine

Les médicaments spécifiques

Ils sont réservés aux crises sévères qui résistent aux produits non spécifiques.

Les dérivés de l’ergot de seigle : il s’agit du tartrate d’ergotamine et de la dihydroergotamine. Leur activité découle de leur action vasoconstrictrice puissante sur les artères cérébrales.

–  Le tartrate d’ergotamine est associé à la caféine qui augmente et accélère sa résorption dans Gynergène caféiné et dans Migwell.

–  La dihydroergotamine , du fait de sa mauvaise biodisponibilité, est utilisée par voie sous-cutanée (Dihydroergotamine-Sandoz) et par voie nasale (Diergospray), la voie orale étant réservée au traitement de fond. Contre-indications : femme enceinte et allaitante, enfant, insuffisance coronaire ou vasculaire cérébrale, artérite, maladie de Raynaud. La présence d’un anti-histaminique dans Migwell le contre indique en cas de glaucome et d’adénome prostatique. Votre conseil : il faut éviter de se moucher après l’utilisation du spray nasal de DHE. Après ouverture du flacon, la solution a une durée d’utilisation maximum de huit heures. Pour ces produits, il est primordial de ne pas dépasser les posologies journalières, hebdomadaires voire mensuelles recommandées, afin de prévenir la survenue d’effets indésirables graves comme l’« ergotisme », vasoconstriction périphérique sévère pouvant mener à une nécrose des extrémités : tout fourmillement ou douleur au niveau des extrémités impose une consultation. Rappeler aux utilisateurs que l’utilisation prolongée de ce type de produits favorise la survenue de céphalées chroniques.

• Les triptans. Lors de la crise de migraine, il y a une déplétion en sérotonine. Ces médicaments, agonistes sérotoninergiques, vont entraîner une vasoconstriction intracrânienne et ou une diminution de l’inflammation. Ils soulagent 60 à 80 % des crises de migraine en deux heures. Ils ne doivent pas être pris pendant la phase de l’aura, comme pour les vasoconstricteurs ergotés, mais au moment de la phase céphalgique de la crise. Leur prescription est limitée à l’adulte entre 18 et 65 ans. Contre-indications (liées aux effets vasoconstricteurs) : antécédents d’ischémie vasculaire, syndrome de Raynaud, HTA mal équilibrée, certains troubles du rythme, antécédents d’AVC. La contre-indication est absolue avec les IMAO et les dérivés de l’ergot de seigle qui peuvent déclencher de sévères phénomènes de vasoconstriction. Il est indispensable de respecter les délais d’attente entre les prises. Votre conseil : prévenir le patient d’une possible sensation d’oppression thoracique dans les minutes suivant la prise du médicament. En cas d’allaitement, il est possible d’utiliser un triptan à condition de suspendre l’allaitement pendant 24 heures après la prise.

Traitement de fond

Il devient nécessaire d’instaurer un traitement de fond lorsque les crises sont trop fréquentes (plus de quatre par mois) ou trop longues (trois à quatre jours). Le traitement de fond est jugé efficace lorsqu’il permet de réduire la fréquence des crises dmoins 50 %. Afin d’évaluer l’efficacité du traitement de fond qui doit être suivi pendant au moins trois mois, le patient doit noter sur un carnet la fréquence, la durée et l’intensité des crises.

En cas de survenue d’une crise, rien ne sert d’augmenter les doses du traitement de fond. Aucune molécule n’ayant démontré de supériorité d’efficacité, le choix du traitement repose sur les effets indésirables, les contre-indications, les interactions et les pathologies associées.

Les bêtabloquants

Le propranolol et le métoprotol sont indiqués dans la migraine sans aura. D’autres bêtabloquants seraient efficaces mais n’ont pas d’AMM dans le traitement de la migraine. Contre-indications : asthme, insuffisance cardiaque, bradycardies, maladie de Raynaud. Votre conseil : ces traitements provoquent asthénie et baisse de résistance à l’effort qui peuvent être handicapants. Ne jamais arrêter le traitement brutalement.

Les antagonistes de la sérotonine

Contrairement aux traitements de la crise qui font appel aux agonistes dopaminergiques, le rythme des crises est ralenti par l’administration d’antagonistes dopaminergiques variés : pizotifène, oxétorone, indoramine.

• Le pizotifène. Contre-indications : risque de glaucome par fermeture de l’angle et risque de rétention urinaire. Votre conseil : en raison du risque de somnolence, prendre le médicament le soir, éviter l’alcool et la conduite.

• L’oxétorone. Contre-indications : grossesse et hyperprolactinémie. Votre conseil : tout comme pour pizotifène, éviter l’alcool et la conduite.

• Le méthysergide. Il est réservé aux migraines sévères et résistantes aux autres thérapeutique. Contre-indications : insuffisance hépatique ou rénale sévère, hypertension artérielle sévère, syndrome de Raynaud. Votre conseil : pour éviter le risque de fibrose rétropéritonéale (prolifération cellulaire au niveau des lombaires qui compresse les uretères et les gros vaisseaux), le traitement doit être interrompu pendant un mois, tous les quatre à six mois.

Le traitement de fond de la migraine

La dihydroergotamine (DHE)

Elle est utilisée par voie orale dans le traitement de fond bien que son efficacité ne soit pas prouvée. Contre-indications : avec les macrolides qui favorisent l’apparition d’ergotisme. Votre conseil : la prise doit se faire pendant le repas pour éviter la survenue de nausées.

La flunarizine (Sibélium)

L’utilisation d’un antagoniste calcique, lorsque les autres thérapeutiques sont inefficaces, se justifie par l’existence d’une surcharge calcique cérébrale lors de la migraine. Contre-indications : antécédents de syndromes dépressifs, maladie de Parkinson, antécédents de syndromes extra-pyramidaux. Votre conseil : prendre le médicament au coucher, éviter la conduite.

L’indoramine (Vidora)

C’est un alpha-bloquant. Contre-indications : antécédent d’angine de poitrine ou d’insuffisance cardiaque, maladie de parkinson. Votre conseil : attention aux somnolences en début de traitement.

Autres médicaments

D’autres médicaments ont montré leur efficacité en traitement de fond de la migraine sans pour autant avoir l’AMM (autorisation de mise sur le marché) dans cette indication.

• Le valproate de sodium, anti-épileptique, est utilisé hors AMM dans la migraine. Son hépatotoxicité le contre-indique en cas de maladie hépatique et le réserve à des migraines résistantes.

• Les AINS : les mieux évalués sont le naproxène, le fénoprofène, le flurbiprofène. Les principaux effets secondaires digestifs (gastrite, ulcère) limitent leur utilisation dans le temps. Ils sont contre-indiqués en cas d’ulcère gastrique en évolution, insuffisance hépatique ou rénale sévère, enfants de moins de 15 ans, grossesse et allaitement. À noter : ils sont déconseillés chez la femme en cas de port de stérilet dont ils diminuent l’efficacité.

• L’amitriptyline (Laroxyl, Elavil) et le vérapamil (Isoptine) sont utilisés hors AMM dans certains cas particuliers.

Hygiène de vie

Le patient doit apprendre à bien se connaître afin d’identifier les facteurs déclenchants d’une crise de migraine et si besoin modifier son mode de vie.

Boissons

Vin blanc, champagne, digestifs, sont souvent incriminés dans l’apparition des crises. L’alcool en général est à proscrire.

Alimentation

Certains aliments sont à éviter, tels que le chocolat, les fromages fermentés, la cuisine chinoise riche en glutamate de sodium, les graisses cuites, le hareng, le gibier, les charcuteries. Des habitudes alimentaires peuvent engendrer des crises : le jeûne, l’irrégularité des prises alimentaires avec l’hypoglycémie de la mi-journée, l’arrêt ou la diminution de la consommation de café, la consommation d’aliments glacés… Il est donc recommandé au migraineux de corriger s’il y a lieu ses habitudes alimentaires.

Prévention du stress

Les patients doivent apprendre à gérer le stress de leur vie quotidienne (travail, famille), mais aussi le repos car il est fréquent qu’une détente brutale (vacances) engendre une migraine dite « migraine de week-end ». Les méthodes de relaxation et les psychothérapies cognitivocomportementales sont particulièrement indiquées.

Sevrage tabagique

L’arrêt du tabac peut donner à lui seul de bons résultats.

Prévention

La migraine n’est pas toujours considérée comme une maladie à part entière par l’entourage, voire par le patient lui-même. De plus, beaucoup de personnes pensent à tort qu’on ne peut réellement la soulager. Ils ne consultent pas leur médecin mais font une surconsommation médicamenteuse qui peut devenir à risques. Le préparateur qui constate l’achat de plus en plus important d’a ntalgiques peut jouer un rôle primordial en incitant le patient à consulter son médecin traitant. De plus, le patient a parfois besoin d’une prise en charge spécialisée pour faire face à la migraine qui peut devenir un réel handicap. Pour trouver l’adresse d’une consultation spécialisée, vous pouvez contactez l’association France Migraine, au 59, avenue Kléber, 75116 Paris, tél. : 01 47 27 27 29.

Les traitement non médicamenteux

– Des gestes simples. Chaque migraineux a ses « trucs » pour soulager la douleur : repos dans le calme et l’obscurité, compresses glacées ou bouillantes sur les points douloureux, verres teintés, sucre, café…

– Les méthodes de relaxation ont un effet thérapeutique grâce à l’application de notions simples de chez les patients qui ont établi un lien entre stress et céphalée migraineuse.

– Acupuncture, yoga, homéopathie.

Cas particulier de la migraine cataméniale pure

Chez les femmes souffrant de migraine uniquement pendant leurs règles et dont les cycles sont réguliers, l’estradiol en gel percutané (Œstrogel) a une excellente efficacité préventive : 1 mesure de 2,5 mg de gel à appliquer 48 heures avant la date prévue de survenue de la migraine et à poursuivre les sept jours suivants.

La pilule peut-elle favoriser les migraines ?

Certaines pilules ou traitements hormonaux fortement dosés peuvent occasionner des migraines chez les sujets prédisposés. Dans le cas de la contraception, une femme doit utiliser une pilule faiblement dosée en œstrogène ou un progestatif pur.

Oligothérapie et phytothérapie contre la migraine ?

La grande camomille ou grande chrysanthème (Tanacetum parthenium) est utilisée dans le traitement et la prévention de la migraine en réduisant le nombre et la sévérité des crises. C’est une phytothérapie contre-indiquée chez la femme enceinte et allaitante ainsi que chez les patients sous anticoagulant.

Le cobalt est utilisé comme modificateur de terrain au cours des états migraineux.

Comment soigne-t-on un enfant migraineux ?

Les médicaments utilisés dans la crise sont essentiellement l’aspirine ou le paracétamol. En deuxième intention, les dérivés de l’ergot de seigle sont prescrits à partir de 10 ans et à demi-dose. Les triptans sont contre-indiqués. Si un traitement de fond est indispensable, on utilise les bêtabloquants ou le pizotifène (Sanmigran) à partir de 12 ans.

Qu’est-ce que l’on entend par état de mal migraineux ?

Il est défini par une ou des crises de migraines successives persistant au-delà de 72 heures. Souvent favorisé par un abus médicamenteux ou un syndrome anxio-dépressif, il se soigne par une injection sous-cutanée de sumatriptan ou, en cas d’échec, nécessite une hospitalisation.

La migraine peut-elle être le signe d’une pathologie grave ?

De véritables urgences existent. Une céphalée dite « en coup de tonnerre », brutale, sévère et variant de quelques minutes à quelques heures peut précéder un AVC. L’aggravation rapide d’une céphalée ou son apparition brutale accompagnée de vomissements, de raideur de la nuque peut évoquer une maladie de Horton, une méningite, un hématome sous-dural…

Quel médicament pour une femme enceinte ?

On constate souvent une diminution voire un arrêt des crises lors des grossesses. Cependant, si une crise survient, on conseille le paracétamol. En deuxième intention, on peut recourir aux AINS pendant les six premiers mois de la grossesse.

Si un traitement de fond s’avère indispensable, le médecin prescrira un bêtabloquant.