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L’hypothyroïdie

Publié le 1 juin 2003
Par Florence Bontemps
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L’hypothyroïdie est une affection qui ralentit le métabolisme. Elle nécessite un traitement hormonal substitutif qui, s’il est bien suivi, permet au patient de vivre normalement.

Définition

L’hypothyroïdie traduit une production insuffisante d’hormones thyroïdiennes T3 (triiodothyronine) et T4 (tétra iodothyronine ou thyroxine), qui ont pour rôle de réguler le métabolisme général et la température corporelle.

Symptômes

L’hypothyroïdie se caractérise par un ralentissement général du métabolisme avec asthénie, perte d’appétit, faiblesse musculaire, constipation, ralentissement du rythme cardiaque. La peau devient sèche, écailleuse. Le patient souffre de frilosité permanente. Bien souvent, les symptômes ne sont pas aussi marqués, voire inexistants, et seuls les dosages hormonaux au cours d’un contrôle sanguin de routine révèlent l’affection. En France, l’hypothyroïdie congénitale fait l’objet d’un dépistage systématique à la naissance. En l’absence de traitement précoce, on peut observer une jaunisse prolongée, une grosse langue, des troubles digestifs ou un tonus musculaire insuffisant. À long terme, l’hypothyroïdie non traitée conduisait autrefois à un retard de croissance, moteur et intellectuel ou « crétinisme ».

Les causes

L’hypothyroïdie est dite « basse » quand il s’agit d’une atteinte de la thyroïde. L’hypothyroïdie est dite « haute » lorsque la thyroïde est normale mais qu’il existe une atteinte de l’axe hypathalamo-hypophysaire qui stimule et contrôle la sécrétion des hormones thyroïdiennes par l’intermédiaire d’hormones régulatrices, la TRH et la TSH.

L’hypothyroïdie congénitale

L’hypothyroïdie congénitale résulte généralement d’une malformation de la glande thyroïde, parfois d’une erreur de synthèse des hormones thyroïdiennes ou plus rarement d’une anomalie de l’hypophyse.

L’hypothyroïdie acquise

Chez l’adulte, les causes de l’hypothyroïdie sont diverses : carence alimentaire en iode (nécessaire à la synthèse des hormones), maladies auto-immunes comme la thyroïdite d’Hashimoto avec production d’autoanticorps qui détruisent progressivement la glande, traitement à l’iode radioactif d’une hyperthyroïdie, ablation chirurgicale de la glande (nodules, cancers…) ou, plus rarement, de l’hypophyse.

But du traitement

Le traitement de l’hypothyroïdie a pour but de pallier le manque d’hormones thyroïdiennes par un apport quotidien d’hormone T4 de remplacement. L’utilisation d’hormone T3 est beaucoup plus rare car elle a une action rapide mais très brève, difficile à contrôler. Le traitement antihypothyroïdieng doit être maintenu à vie (sauf rémission dans certaines thyroïdites auto-immunes).

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La mise en place du traitement

Quel que soit le patient, le traitement de référence est l’hormone thyroïdienne synthétique T4. La dose moyenne est de l’ordre 100 à 150 µg/jour. La T4 a une marge thérapeutique étroite ce qui signifie que la dose efficace n’est pas toujours facile à trouver. Or, si la posologie est trop faible, la substitution est inefficace et les symptômes d’hypothyroïdie réapparaissent ; si la posologie est trop élevée, des signes d’hyperthyroïdie apparaissent et peuvent rapidement être graves.

Chez le nouveau né

Toute hypothyroïdie chez le nouveau-né doit être traitée le plus rapidement possible (dans les sept à dix jours) pour éviter l’apparition de retard mental et de troubles de la croissance. On utilise la forme solution buvable de L-Thyroxine (environ 1 goutte par kilo) et on adapte la posologie selon l’âge, le poids et le résultat des dosages sanguins de TSH et de thyroxine. Dans la majorité des cas, l’hypothyroïdie est définitive, il faut faire comprendre à l’enfant l’importance de son traitement qu’il prendra à vie. Si le traitement est précoce est bien suivi, l’enfant se développera normalement.

Chez l’adulte

Chez l’adulte jeune en bonne santé, après une opération chirurgicale de la thyroïde, le traitement antihypothyroïdien peut être débuté d’emblée à pleine posologie, habituellement 100 µg/jour. L’adaptation posologique se fait après deux mois de traitement par paliers de 25 µg, en fonction du dosage de la TSH, une hormone hypophysaire qui reflète l’équilibre thyroïdien.

Chez la personne âgée et le sujet cardiaque

Chez la personne de plus de 65 ans ou souffrant d’une pathologie cardiaque, l’apport d’emblée d’une dose élevée de thyroxine entraîne une augmentation du travail du cœur et peut conduire à un accident ischémique aigu (infarctus du myocarde). Le traitement est donc débuté à posologie faible (25 µg/jour) sous surveillance hospitalière et augmenté toutes les trois semaines par paliers de 25 µg. Un bêtabloquant peut être prescrit en prémédication pour limiter le risque d’accident cardiaque. En cas de crise d’angine de poitrine, il faut diminuer voire suspendre la thyroxine et traiter la crise de façon classique par de la trinitrine en spray perlingual.

Les hormones thyroïdiennes

L-thyroxine T4

La L-Thyroxine existe sous deux spécialités différentes : la L-Thyroxine Roche et le Lévothyrox.

• La L-Thyroxine Roche existe sous forme de gouttes buvables, ce qui permet d’affiner la posologie, en particulier chez l’enfant (une goutte = 5 µg de T4). Toutefois, les gouttes doivent se conserver au réfrigérateur entre 2 et 8° C, avant comme après ouverture, ce qui en limite l’emploi. De plus un accident de surdosage lié à une difficulté à compter correctement le nombre de gouttes (mauvaise vue chez la personne âgée…) n’est pas impossible. La forme comprimés de L-Thyroxine Roche est dosée à 100 µg.

• Le Lévothyrox existe sous huit dosages différents, tous les 25 µg de 25 à 200 µg, ce qui évite en principe de couper les comprimés pour ajuster la posologie. Dans certains cas, une alternance entre deux dosages différents un jour sur deux est prescrite par le médecin pour ajuster définitivement la posologie. Il faut alors s’assurer que le patient comprenne bien l’alternance de son traitement et ne risque pas de cumuler par erreur les deux dosages dans la même journée.

Tri-iodothyronine T3

Bien plus puissante que la T4, la tri-iodothyronine ou liothyronine provoque une stimulation irrégulière du cœur, car elle entraîne des pics plasmatiques pendant lesquels le patient est en hyperthyroïdie pendant quelques heures. Son utilisation, seule (Cynomel) ou en association avec la thyroxine (Euthyral), est limitée à quelques cas particuliers, lorsqu’un effet rapide ou transitoire est souhaité, en particulier avant administration d’iode 131 ou dans certains nodules ou cancers TSH-dépendants

Administration

Le traitement se prend en dose unique le matin à jeun, car les aliments diminuent son absorption. Chez l’enfant, les gouttes ne doivent pas être mises dans un biberon car s’il ne le finit pas, on ne peut connaître la dose exacte ingérée. Il faut mettre les gouttes dans une petite cuillère avec de l’eau, les poser dans la bouche et attendre un quart d’heure avant le repas afin que les aliments ne gênent pas l’absorption du médicament. Si l’enfant a une régurgitation après son repas, inutile de redonner une nouvelle dose de thyroxine, on risquerait d’être en surdosage.

Risques

Effets indésirables

Hormis chez le patient souffrant d’une affection cardiaque, l’administration quotidienne de L-thyroxine peut être poursuivi à vie sans effet indésirable puisqu’elle ne fait que remplacer une hormone manquante. Rarement, une hypercalciurie survient chez l’enfant.

Surdosage

Le risque majeur du traitement substitutif reste un surdosage en hormones thyroïdiennes qui entraîne des signes d’hyperthyroïdie (tachycardie, tremblements, troubles du rythme cardiaque, excitabilité, insomnie, fièvre, sueurs, diarrhée…). En règle générale, la dose nécessaire varie peu mais les besoins peuvent varier temporairement lors d’un stress, d’une pathologie particulière ou de la prise d’une autre médicament. Le patient doit, dans ce cas, contacter le médecin, un dosage sanguin permet alors d’ajuster les doses.

Interactions médicamenteuses

Compte-tenu de la marge thérapeutique étroite de la L-thyroxine, il faut vérifier toutes les associations médicamenteuses avant délivrance.

– Les médicaments qui diminuent l’absorption des hormones thyroïdiennes seront pris au moins deux heures après : colestyramine (Questran), sels de fer, kayexalate, sucralfate (Ulcar) et les topiques gastro-intestinaux (Maalox, Topaal…).

– Les inducteurs enzymatiques (anticonvulsivants, griséofulvine, rifampicine…) augmentent la dégradation hépatique des hormones thyroïdiennes. En cas d’association, il faut augmenter la dose d’hormones pour éviter un sous-dosage et la diminuer à l’arrêt du traitement.

– À l’inverse, les hormones thyroïdiennes augmentent l’effet des anticoagulants (Sintrom, Previscan…) et donc augmentent le risque hémorragique. La posologie de l’anticoagulant doit être diminuée et ajustée en fonction de l’INR.

Suivi

Contrôle

Le dosage des hormones thyroïdiennes et de la TSH se pratique tous les quinze jours au début, puis un par trimestre voire un par an. Chez l’enfant, pour éviter la douleur de la prise de sang, conseiller de demander la prescription systématique d’un anesthésiant local type Emla, en patch ou crème, à appliquer une heure avant.

Consultation

Une fois que la posologie est adaptée, il est recommandé au patient une consultation de surveillance par an. Chez le nourrisson, un contrôle radiologique (main ou genou) permet de vérifier la croissance osseuse. Dans tous les cas, ne pas hésiter à consulter au moindre signe d’hypothyroïdie ou d’hyperthyroïdie afin de réajuster éventuellement le traitement.

Qu’est-ce que le coma hypothyroïdien ?

C’est une complication rare de l’hypothyroïdie, déclenchée chez des personnes dont le traitement est non ou mal suivi, par une infection, une exposition au froid, ou la prise de certains médicaments (somnifère, sédatif, bétabloquant, diurétique…). Elle nécessite une hospitalisation en unité de soins intensifs.

Y a-t-il plus de troubles thyroïdiens depuis la catastrophe de Tchernobyl en 1986 ?

Il y a plus de pathologies thyroïdiennes depuis une trentaine d’années mais pas spécialement après Tchernobyl. Par contre, il y a une meilleure détection de ces pathologies, avec donc plus de traitements par hormones thyroïdiennes.

Quels sont les médicaments qui peuvent entraîner une hypothyroïdie ?

Il s’agit surtout de l’amiodarone (Cordarone) et du lithium (Téralithe), qui peuvent surtout révéler une hypothyroïdie sous-jacente. Dans ce cas, on poursuit le traitement par amiodarone ou lithium et on traite l’hypothyroïdie par hormones thyroïdiennes.

Peut-on arrêter le traitement par hormones thyroïdiennes au bout de quelques années ?

Sauf dans des cas bien particuliers de rémission spontanée d’une maladie auto-immune, le traitement est poursuivi à vie.

Peut-on envisager d’avoir un enfant lorsqu’on est sous traitement par L-Thyroxine ?

Oui, c’est tout-à-fait possible. Le traitement ne doit pas être interrompu. Au contraire, la dose sera progressivement augmentée de 30 à 40 % au cours de l’évolution de la grossesse.

L’allaitement est-il possible ?

Oui, l’allaitement est possible car la lévothyroxine ne passe pas dans le lait.

Gros plan

De l’usage détourné des hormones thyroïdiennes

Les hormones thyroïdiennes ne doivent pas être prescrites dans le cadre d’un traitement amaigrissant. Elles ne sont jamais indiquées dans l’obésité sans hypothyroïdie.

• S’il est vrai qu’elles provoquent une accélération du métabolisme, et donc un amaigrissement, leur administration peut être dangereuse chez un patient ne souffrant pas d’hypothyroïdie. Elles peuvent entraîner des troubles cardiaques (tachycardie, troubles du rythme, aggravation d’une insuffisance cardiaque…), des tremblements, une anxiété accompagnée d’une insomnie, des sueurs et de la diarrhée.

• Le tiratricol ou TA3 (Téatrois, Triacana) métabolite de l’hormone T3, ne doit pas non plus être prescrit chez le patient obèse pour favoriser l’amaigrissement. Il est utilisé uniquement en situation d’urgence pour freiner la TSH, en particulier dans certains cancers thyroïdiens.