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L’insomnie

Publié le 1 septembre 2003
Par Florence Bontemps
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Plus de 30 % des Français souffrent d’insomnie, et 8 % prennent des somnifères régulièrement. Pourtant, le somnifère n’est qu’une partie du traitement. Les conseils sont essentiels.

Définition

L’insomnie est un symptôme a priori banal qui peut toutefois avoir des retentissements handicapants dans la journée : troubles de la mémoire, difficultés de concentration, irritabilité, fatigue chronique. Elle se traduit par différentes perturbations du sommeil : difficultés d’endormissement, réveils fréquents et prolongés, réveils précoces ou encore sommeil de durée adéquate mais non réparateur. À noter toutefois que l’insomnie reste un symptôme subjectif étant donné que chaque individu a des besoins en sommeil qui lui sont propres et qui, de plus, se modifient avec l’âge. Il est dans certains cas (suspicion de pathologie sous-jacente) utile de pratiquer un enregistrement du sommeil mais le diagnostic d’insomnie se base généralement sur la plainte du patient.

Types d’insomnies

• Insomnies transitoires. De quelques jours à trois ou quatre semaines, ces insomnies sont généralement liées à des douleurs aiguës (dentaires, ORL), l’environnement (bruit, froid, lumière), un mode de vie inadapté (prise d’excitants, horaires irréguliers), certains médicaments ou à un stress (examen, soucis familiaux ou professionnels).

• Insomnies chroniques. Elles peuvent être dues à une pathologie (affection psychiatrique, maladie d’Alzheimer), une douleur chronique, l’alcoolisme chronique ou encore au syndrome d’impatience des jambes. Mais la plupart de ces insomnies sont dites psychophysiologiques.

But du traitement

Le traitement consiste d’abord à tenter d’éliminer la cause éventuelle de l’insomnie. Ensuite il vise à améliorer la qualité de sommeil par une meilleure hygiène de vie, des méthodes de relaxation et éventuellement un traitement médicamenteux : essentiellement les hypnotiques.

Les hypnotiques

D’après le rapport alarmant d’Édouard Zarifian, de mars 1996, les Français sont de gros consommateurs de somnifères d’autant qu’une fois leur traitement instauré, ils restent fidèles à leurs médicaments (plus de cinq ans), ce qui va à l’encontre des recommandations. Leur utilisation à long terme ne peut qu’entraîner une majoration de leurs effets secondaires et l’apparition d’une dépendance. L’arrêté du 7 octobre 1991 limite la durée de prescription à quatre semaines, à l’exception de l’Halcion et de Rohypnol (deux semaines). Dès le début de la prescription et lors de la délivrance à l’officine, la phase d’arrêt doit être envisagée avec le patient (par exemple un jour sur deux la dernière semaine). Il n’existe pas de produit idéal, même si les molécules récentes ont moins d’effets secondaires que les plus anciennes.

Les benzodiazépines

Toutes les benzodiazépines possèdent à des degrés différents quatre propriétés : anxiolytique (diminue l’anxiété), myorelaxante (entraîne un relâchement musculaire), anticonvulsivante et hypnotique. Mais elles diffèrent par leur rapidité d’action et leur temps d’action (demi-vie). Les molécules utilisées comme hypnotiques ont des demi-vies brèves ou moyennes. Elles sont rapidement éliminées de l’organisme, alors que celles utilisées comme anxiolytiques ont des demi-vies longues qui permettent d’atteindre des concentrations stables sur vingt-quatre heures.

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Les médicaments

• Efficacité. Les benzodiazépines entraînent une diminution du temps de latence avant l’endormissement, ainsi qu’une diminution du nombre et de la durée des éveils nocturnes. Leur efficacité est incontestable.

• Effets secondaires.

– Somnolence et confusion : le sommeil sous benzodiazépine ne reproduit pas le sommeil naturel. Toutes les benzodiazépines induisent une modification de la structure du sommeil avec diminution du sommeil paradoxal. Elles entraînent un risque de somnolence dans la journée, des pertes de mémoire, un état de confusion. En cas d’utilisation prolongée chez la personne âgée (parfois plusieurs dizaines d’années), des troubles de la mémoire permanents peuvent survenir, ainsi que des accès confusionnels ou d’amnésie, des troubles de la vigilance, des troubles de l’équilibre avec risque de chute nocturne (en particulier chez la personne âgée qui se lève la nuit pour aller aux toilettes et tombe sous l’effet du somnifère).

– Effets respiratoires : toutes les benzodiazépines augmentent le nombre d’apnées du sommeil chez les personnes présentant cette pathologie (voir « Gros plan »).

– Accoutumance : au-delà d’un mois de traitement, l’effet des benzodiazépines s’épuise. Le patient a alors tendance à augmenter les doses pour obtenir le même effet.

– Syndrome de sevrage : l’arrêt brutal des benzodiazépines consommées depuis plusieurs mois ou années peut entraîner un syndrome de sevrage, c’est-à-dire un rebond d’insomnie, de l’anxiété avec irritabilité, des tremblements, des palpitations. Un traitement ancien ne doit donc jamais être arrêté brutalement. La diminution se fait par un quart de comprimés, de façon progressive. Même pour un traitement court, il est préférable de prévoir un arrêt progressif.

• Contre-indications. Les benzodiazépines sont contre-indiquées en cas d’insuffisance respiratoire sévère et chez les patients souffrant d’apnées du sommeil. Elles ne doivent pas non plus être prescrites en cas d’insuffisance hépatique (risque d’encéphalopathie). Elles sont à éviter chez la femme enceinte, en particulier au cours du dernier mois, car le nouveau-né peut souffrir d’hypotonie et de détresse respiratoire dès sa naissance, ou, rapidement, d’un syndrome de sevrage.

• Interactions. Comme tous les hypnotiques, les benzodiazépines ne doivent pas être associées à l’alcool, qui augmente le risque de sédation. En outre, le triazolam (Halcion) ne doit pas être associé à certains antimycosiques (itraconazole, kétoconazole) qui augmentent son effet sédatif.

• Règles de délivrance. Leur durée maximale de prescription est de quatre semaines. Les ordonnances, même prescrites pour plusieurs mois, ne peuvent pas être renouvelées au-delà des quatre premières semaines. Pour deux spécialités (Rohypnol et Halcion) ayant entraîné des toxicomanies, la règle de prescription est encore plus drastique : quatorze jours au maximum. Ces deux molécules ont un délai d’action très court et entraînent une levée d’inhibition et une amnésie. De plus, pour le Rohypnol, la délivrance doit être fractionnée par périodes de sept jours, sauf si le prescripteur indique clairement « Délivrance en une seule fois ».

Les apparentés des benzodiazépines

Ce sont des produits dont la structure est différente de celle des benzodiazépines mais qui agissent sur les mêmes sites. On trouve dans cette classe le zopiclone (Imovane) et le zolpidem (Stilnox). Leurs effets secondaires et contre-indications sont globalement les mêmes que celles des benzodiazépines, mais ils présentent plusieurs avantages :

– pas de modification du sommeil paradoxal ;

– moins de risque d’accoutumance et de phénomènes de rebond au sevrage ;

– moins d’effets indésirables sur la mémoire.

Ils doivent donc être préférés aux benzodiazépines mais les contraintes restent les mêmes : prescription courte (quatre semaines au maximum), arrêt programmé dès la prescription ou la délivrance de l’ordonnance, mêmes contre-indications et interactions que les benzodiazépines.

Les antihistaminiques

On utilise l’effet secondaire sédatif des antihistaminiques de première génération. La plupart sont délivrés sans ordonnance. Attention toutefois aux effets secondaires : sécheresse de la bouche, rétention urinaire, troubles de l’accommodation, confusion chez le sujet âgé. Ils sont contre-indiqués en cas d’adénome de la prostate, car ils entraînent un risque de rétention urinaire aigu (le patient ne peut plus uriner et doit être sondé en urgence), ainsi que dans certains glaucomes (risque de crise de glaucome aigu pouvant entraîner une cécité définitive si la prise en charge n’est pas assez rapide). Les antihistaminiques ne doivent pas être utilisés plus de quelques jours.

Les antidépresseurs

Ils sont prescrits lorsque l’insomnie est due à un syndrome dépressif, en particulier en cas de réveils matinaux précoces. En dehors de toute dépression, certains antidépresseurs sédatifs comme l’amitriptyline (Laroxyl) ou la miansérine (Athymil) peuvent être prescrits à faible dose pour lutter contre les réveils multiples. Ils sont alors efficaces immédiatement (alors que leur effet antidépresseur n’apparaît qu’après trois semaines).

Suivi du traitement hypnotique

Éducation

Quand le médecin a prescrit un somnifère pour la première fois, il faut rappeler le risque de dépendance à ces produits. Rappeler qu’un traitement doit rester de courte durée. Le patient doit en effet être mis en garde. Car les Français ont tendance à sous-estimer les effets secondaires du somnifère et poursuivre un traitement qui les rend très vite dépendants. Enfin, l’arrêt du somnifère entraîne une insomnie rebond. Le patient doit en être informé pour l’identifier et ne pas la confondre avec une reprise de ses insomnies.

Sevrage

Si le somnifère est pris depuis plusieurs années, il est essentiel que le sevrage se fasse sous contrôle médical et de façon très progressive. Il peut également parfois être pratiqué en milieu hospitalier de façon brutale en remplaçant les benzodiazépines par des antihistaminiques, qui entraînent moins de dépendance. Le soutien psychologique du patient est essentiel. Parfois, chez la personne âgée, il est préférable de maintenir un traitement hypnotique léger plutôt que de risquer de décompenser un équilibre fragile.

Phytothérapie

La phytothérapie ne présente les effets secondaires et le risque de dépendance des médicaments psychotropes. Elle peut être prescrite sous formes de gélules de plantes (Eschscholtzia, valériane, passiflore, aubépine, ballote…), de tisanes ou de spécialités en comprimés (Euphytose, Spasmine…).

Homéopathie

C’est un remède de choix chez les enfants et la femme enceinte, car il n’a pas d’effets secondaires ni de contre-indications.

Traitement non médicamenteux

Méthodes spécifiques

D’autres techniques peuvent être essayées : relaxation, sophrologie, psychologie comportementale. L’association Sommeil et Santé peut être contactée (tél. : 01 46 32 50 04 ; www.sommeilsante.asso.fr). L’intérêt de la relaxation dans les troubles du sommeil est reconnu au niveau international. Ces techniques doivent être apprises avec des spécialistes.

Règles d’hygiène de vie

Dans le cas d’insomnies transitoires, des règles d’hygiène de vie suivies peuvent suffire à rétablir une bonne qualité de sommeil et éviter d’entrer dans l’« engrenage » du somnifère.

La journée

– Éviter les excitants après 16 heures (café, thé, Coca-Cola, vitamine C).

– Pratiquer un sport ou un exercice physique dans la journée. C’est un conseil à rappeler en particulier aux personnes âgées qui ne se fatiguent pas assez dans la journée pour avoir sommeil le soir.

– Réduire la sieste. Encore un conseil pour la personne âgée ! Vingt minutes pour éviter qu’elle n’empiète sur le « capital sommeil » de la nuit.

Le soir

– Éviter les repas lourds, copieux, difficiles à digérer, et l’alcool qui favorise l’endormissement mais aussi les réveils nocturnes en deuxième partie de nuit.

– Éviter les douches ou bains chauds avant le coucher : ils vont à l’encontre de la physiologie du sommeil puisque la température corporelle baisse pendant la nuit.

– Éviter l’exercice intense (physique ou intellectuel) qui mobilise l’attention juste avant le coucher.

– Veiller à ce que la chambre soit au calme (utiliser au besoin des boules Quies ou équivalentes), aérée, à température modérée (< 18 °C). Choisir une bonne literie.

– Ne se coucher que lorsqu’on a sommeil. Par contre, l’heure du lever doit être régulière, quelle que soit la durée de la nuit passée. Une grasse matinée ne « rattrape » pas une mauvaise nuit car ce ne sont pas les mêmes stades de sommeil.

En cas de réveil nocturne

Ne pas rester au lit, se lever et ne se recoucher que lorsque la sensation de sommeil revient.

Existe-t-il des médicaments pouvant provoquer des insomnies ?

Oui, la théophylline, la méthyldopa, la lévodopa, les corticoïdes (en particulier chez les enfants), les hormones thyroïdiennes entre autres peuvent entraîner des insomnies.

L’altitude peut-elle entraîner une insomnie ?

Oui, il existe une « insomnie d’altitude » qui survient généralement à plus de 4 000 mètres, mais peut fréquemment survenir dès 2 500 mètres. Elle est liée à l’hypoxémie (mauvaise oxygénation du sang) provoquée par l’altitude.

Le syndrome des jambes sans repos existe-t-il réellement ?

Oui, ce syndrome existe et est assez courant. Il est caractérisé par des fourmillements ou picotements non douloureux mais désagréables qui disparaissent lorsque le patient bouge les jambes, mais réapparaissent aussitôt, retardant considérablement l’endormissement. Le traitement fait appel aux agonistes dopaminergiques et à la L-dopa.

Qu’est-ce que la narcolepsie ?

C’est une maladie qui correspond à une exagération du besoin de dormir, accompagnée d’accès pendant lesquels le sommeil devient irrésistible.

Peut-on être réveillé par le grincement de dents de son conjoint ?

Oui, c’est possible… et très désagréable. Il s’agit du bruxisme, qui, outre le fait qu’il réveille souvent le conjoint, entraîne chez le patient une usure dentaire et des douleurs orofaciales. Le traitement comporte la relaxation et des myorelaxants pris au coucher.

Pourquoi le dauphin ne dort-il jamais ?

Comme l’albatros, il possède la capacité de faire dormir en alternance ses deux hémisphères cérébraux et paraît donc ne jamais dormir. Tous les autres mammifères ont besoin de dormir. La privation de sommeil entraîne des troubles neuropsychiques voire la mort.