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L’agrément à la clé

Publié le 1 octobre 2003
Par Christine Julien et Claire Manicot
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Avec en poche le certificat de technicien supérieur orthopédiste orthésiste, le préparateur permet à l’officine dans laquelle il exerce de développer l’activité orthopédique.

Une fenêtre sur l’horizon. Avec plusieurs carrières possibles : rester à l’officine, quitter l’officine pour l’hôpital ou un laboratoire, ou encore s’installer en toute indépendance. Voilà ce que représente le certificat d’orthopédie orthésiste. Il faut le souligner tant l’avenir du préparateur apparaît habituellement étriqué, avec la quasi inexistence de passerelles vers d’autres métiers.

Élargir l’activité de l’officine

À l’officine, le préparateur orthopédiste orthésiste apporte une valeur ajoutée indéniable. Son certificat ouvre droit à l’agrément sécurité sociale. Cet agrément est le sésame pour délivrer les orthèses inscrits au LPPR de catégorie 1, 3 et 4, les tarifier et obtenir leur remboursement auprès de la sécurité sociale pour les patients. Rappelons en effet qu’une officine ne peut délivrer de ceintures lombaires, de corsets orthopédiques ou de bas de contention sur mesure sans avoir obtenu d’agrément de la sécurité sociale. Si certains pharmaciens se forment eux-mêmes en passant un diplôme universitaire d’orthopédie (ouvrant droit également à l’agrément), ils aiment être assistés d’un personnel qualifié. « Après dix ans dans une première officine, mon certificat en poche, j’ai trouvé sans problème une officine qui souhaite développer l’orthopédie, témoigne Michel Matéo qui exerce depuis avril dernier dans la pharmacie du centre à Poissy (Yvelines). Mes titulaires m’ont chargé de faire connaître cette activité aux professionnels concernés, notamment à la clinique de chirurgie orthopédique voisine de l’officine. Je présente aux médecins ce que l’on sait faire en insistant sur nos moyens et nos capacités. »

Une formation temps plein sur un an

Car les compétences du préparateur orthopédiste orthopédiste sont réelles. À l’issue d’une formation temps plein de 1 700 heures sur un an, il est capable de concevoir, réaliser, adapter et appliquer des orthèses. De la tête aux pieds, du collier cervical sur mesure à la semelle orthopédique en passant par l’orthèse de la main et le corset orthopédique en tissu armé. La formation est proposée par l’ACPPAV de Poissy (Yvelines), par les Chambres de Commerces et d’Industrie de Marseille (Bouches-du-Rhône) et de Castres (Tarn), ainsi que par l’école Ecotev à Lyon (Rhône). D’autre part, on peut opter pour une formation continue sur dix-huit mois, répartie entre Paris (au S.N.O.F, syndicat national de l’orthopédie française) pour l’enseignement théorique (trois jours par mois) et Marseille, pour la partie pratique. Sur 1 700 heures de formation, 560 heures sont consacrées à la pratique : les élèves apprennent la fabrication de tout le petit appareillage référencé au LPPR. « Les stagiaires réalisent même les cages en acier pour les corsets, explique Serge Maximin préparateur responsable de la formation à l’ACPPAV depuis 1996, c’est un réel métier qui nécessite d’être manuel. » La plupart des cours théoriques porte sur l’anatomie physiologie pathologie (148 heures) dont le programme est ardu, et sur l’orthopédie (380 heures) : ceinture lombaire, orthèse de main, corset, prothèse mammaire, contention veineuse et appareils divers. La formation est assez pointue au niveau médical. Nous avons quasiment fait trois mois d’anatomie dont trois jours uniquement sur le système nerveux central, se souvient Michel Matéo. Outre 100 heures de gestion, comptabilité et législation, 40 heures sont consacrées à la communication.

Développer le sens du contact

Cet enseignement permet de développer chez le stagiaire, les qualités de compréhension, patience et discrétion nécessaires à la prise en charge de pathologies pouvant avoir des répercussions psychologiques chez le patient. Par exemple, lors de la prise en charge des femmes ayant subies une mammectomie. « Avoir un sein mutilé est traumatisant pour n’importe quelle femme. Il faut se comporter avec douceur sans brusquer, tout en montrant qu’on a les compétences pour trouver la prothèse qui convient, souligne Martin Douaouia titulaire du certificat. Cet enseignement comporte par ailleurs quatre stages (dix semaines au total), au cours desquels l’élève rencontre des professionnels chevronnés qui partagent leur expérience et qui sont des employeurs potentiels. Tel fut le cas pour Martin, embauché par son maître de stage au centre d’orthopédie de Bois-Le-Maître à Marseille après l’obtention du diplôme. Martin a d’ailleurs un parcours hors du commun. À l’envers. D’abord orthopédiste orthésiste, il est ensuite devenu préparateur. « Je voulais revenir à Apt (Vaucluse) et continuer à faire de l’orthopédie tout en ne désirant pas m’installer à mon compte. J’aime travailler en équipe. J’ai donc décidé de passer mon brevet de préparateur afin de trouver plus facilement du travail sur Apt. » C’est ainsi que Martin travaille depuis deux ans à la pharmacie Sautel dont la titulaire profite de son savoir-faire. Elle reconnaît qu’elle ne l’aurait pas embauché s’il n’avait pas été également préparateur. Si cette dynamique officinale elle-même titulaire d’un DU d’orthopédie dispose d’un spacieux local de 60 m2 dédié aux orthèses, cette activité n’est pas encore suffisamment importante pour employer un orthopédiste à temps plein. Martin jongle alors entre le comptoir et le local adjacent. Ce qui satisfait complètement son amour du contact avec les patients.

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Les candidats à la formation encore peu nombreux

« La demande en orthopédistes orthésistes qualifiés est impressionnante », souligne Julie Rigaud, chargée du développement de l’enseignement à la CCI de Castres-Mazamet, notamment dans le cadre des départs à la retraite. Jean Labarre, responsable de la formation à la CCI de Marseille a suivi l’évolution de cette profession. Il y a une demande permanente de la part des entreprises qui se créent ou d’entreprises à l’image des pharmacies qui développent cette activité en annexe. De plus, la demande augmente en secteur rural du fait de la nécessité d’un service de proximité pour les ruraux. L’accès à la formation est possible pour les préparateurs en pharmacie, les orthoprothésistes, podo-orthésistes, les bacheliers ou encore les titulaires BT d’aide orthopédiste. « Cette année, sur onze étudiants, cinq sont des préparateurs, les autres viennent de différents milieux professionnels, explique Serge Maximin. Nous accueillons une ergothérapeute, une podo-orthésiste, une commerciale qui exerçait dans le domaine de la contention veineuse, un bachelier 2003 et une aide-soignante qui travaille auprès d’handicapés. » En 25 ans, la CCI de Marseille a formé 660 orthopédistes orthopédiste dont un quart de préparateurs et, en 7 ans, Poissy a formé 67 professionnels dont un tiers de préparateurs. « Nous pourrions accueillir une promotion de 30 élèves chaque année mais nous avons du mal à recruter, continue Serge Maximin. D’une part, les préparateurs ne connaissent pas toujours cette formation, d’autre part, ils n’osent pas toujours demander à leur employeur. En fait, l’employeur ne peut refuser qu’une seule fois. » Mais le nerf de la guerre c’est le financement. Une fois obtenu l’accord de l’employeur, il faut entamer des démarches pour obtenir une prise en charge financière auprès du Fongecif et ce n’est pas gagné d’avance… Sandrine Lefeuvre qui vient de commencer sa formation à Poissy estime avoir eu de la chance, mais au bout de la deuxième tentative. Deux ans auparavant, j’ai demandé un congé individuel de formation qui m’a été refusé. J’ai fait une nouvelle demande cette année, acceptée celle-ci. Le Fongecif finance 96 % du coût de la formation et 100 % des frais de salaire. Il reste 495 € à ma charge ». Alain Grenon de la même promotion a dû faire preuve de persévérance. « Voilà quinze ans que je souhaite faire cette formation mais j’ai eu la malchance de changer d’employeur. Résultat, c’est à la troisième tentative que j’ai eu gain de cause. » Christophe Foucher a profité d’un licenciement économique pour se spécialiser dans l’orthopédie. Mais ce fut le parcours du combattant en ce qui concerne les démarches administratives, devant établir une convention de formation avec l’Assedic et obtenir une prise en charge du coût de la formation de la part du Fongecif. « Je perçois 75 % de mon salaire, une prise de charge de 84 % du coût de la formation, une indemnité 2 700 € pour l’hébergement et le transport, explique-t-il. C’est une année exigeante étant donné que je dois louer un studio sur place et fais des aller-retours Paris-Morbihan tous les week-end pour retrouver ma femme et mes enfants. Mais cela en vaut la peine, j’ai vraiment envie de changer de métier, de travailler plus près des patients. C’est très gratifiant de fabriquer une orthèse pour soulager une personne souffrante »

Des gratifications humaines et financières

L’orthopédie est une discipline complexe, très technique qui vise à corriger des défaillances, à permettre aux patients de recouvrer des potentialités corporelles quand la chirurgie montre ses limites. Un corps qui souffre, une locomotion difficile, des éventrations, l’orthopédiste est là pour tenter de trouver une solution. « C’est un métier de vocation dans lequel il y a une très grande richesse humaine, affirme Jean Labarre (CCI de Marseille), même s’il faut parfois avoir le cœur bien accroché. Mais malgré ce que vous pouvez voir, vous rendez la vie possible à cette personne ». Ce soulagement, cette « correction » grâce à une orthèse est une immense satisfaction pour ceux qui ont choisi ce métier. L’aspect manuel, prépondérant dans cette profession, prend également tout son sens dans le « sur-mesure », domaine-roi de l’orthopédiste orthésiste. Des semelles aux corsets, en passant par les bandages herniaires, la complexité et la diversité des anatomies révèle la haute technicité de cette spécialité.

De plus, cette compétence apporte aux préparateurs l’intérêt d’un savoir-faire à l’heure où les préparations sont tombées en désuétude. « Le préparateur a vu ses prérogatives évoluer ces dernières années et sa tâche essentielle est de délivrer des médicaments, constate Serge Maximin, lui-même titulaire de ce certificat, ce titre repositionne le préparateur en tant que collaborateur incontournable de l’officine ». C’est en faisant le même constat que Sandrine Lefeuvre, préparatrice depuis 1995, a décidé de suivre à son tour l’enseignement d’orthopédie à Poissy cette année. L’avenir des préparateurs est incertain, aussi bien en terme de responsabilités que de salaire, dit-elle. J’avais choisi le métier de préparatrice parce que j’aimais réaliser des préparations. Avec cette formation d’orthopédie, je retrouve une pratique manuelle en corrélation avec la santé.

Se sentir valorisé, c’est bien, être mieux payé parce qu’on est compétent, c’est mieux et c’est possible grâce à cette formation et son salaire conséquent à la clé. Effectivement, ce certificat est un titre homologué de niveau III, c’est-à-dire un niveau bac + 2 qui procure un salaire plus important que celui d’un préparateur.

PROMOTION 2003-2004 A L’ACPPAV DE POISSY

Céline Deregnieaux

21 ans

Tessancourt (78)

BP : 2003

Motivations : continuer après le BP dans l’élan des études.

Financement : personnel avec prêt étudiant.

Projet : contribuer à l’agrandissement d’une officine ou travailler à l’hôpital, à long terme, ouvrir un cabinet.

Sandrine Lefeuvre

32 ans

Sartrouville (78)

BP : 1995

Motivations : avoir une activité indépendante.

Financement : Fongecif (100 % du salaire + 96 % de la formation).

Reste à sa charge 495 €.

Dominique Daumas

36 ans

Thiverval-Grignon (78)

BP : 1989

Motivations : soulager les patients.

Financement : Fongecif (100 % du salaire + 96 % de la formation). À sa charge 495 €.

Projet : mi-temps à l’officine, mi-temps à l’hôpital. À terme, s’installer en cabinet.

Alain Grenon

49 ans

Sablonceaux (17)

BP : 1976

Motivations : le goût de la manipulation, l’envie de soulager les patients.

Financement : Fongecif (en totalité cours + salaires).

Projet : développer l’activité orthopédique au sein de l’officine ou reprendre un cabinet.

Christophe Foucher

35 ans

BP : 1989

Arradon (56)

Motivations : goût du contact avec le patient.

Financement : 75 % du salaire (Assedic). 84 % de la formation et 2700 € pour transport (Fongecif).

Projet : salarié dans une structure spécialisée puis création de son propre cabinet.

Certificat de Technicien supérieur orthopédiste orthésiste