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Les glaucomes

Publié le 1 novembre 2003
Par Florence Bontemps
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D’évolution chronique ou aiguë, le glaucome est une pathologie grave qui expose au risque de cécité. Un diagnostic rapide et un traitement adapté permettent néanmoins d’éviter les complications.

Définition

Le glaucome est une pathologie qui correspond à un défaut d’évacuation de l’humeur aqueuse. Deux types de glaucome totalement différents existent. Ils ont en commun le risque d’évolution vers la cécité.

Le glaucome chronique

Description

Dans le glaucome chronique ou « à angle ouvert », de loin la forme la plus fréquente, il existe une pression trop élevée à l’intérieur de l’ œil qui rend difficile l’écoulement de l’humeur aqueuse et provoque la est une affection qui évolue dégradation lente et irréversible du nerf optique. Cette affection évolue lentement de manière silencieuse sans que le patient ne souffre d’aucun symptôme. Au bout de plusieurs années seulement, elle aboutit à une perte du champ visuel en périphérie de l’image, alors que la vision centrale reste nette. S’il n’est pas pris en charge à temps, ce type de glaucome peut aboutir à la cécité totale, mais il n’y a jamais d’urgence à traiter.

Facteurs de risque

Les facteurs de risque sont l’âge (plus de 40 ans), l’hérédité, de diabète, la myopie, la prise de corticoïdes oraux. La population noire est la plus touchée.

Médicaments

Le traitement du glaucome chronique à angle ouvert est basé sur l’instillation de collyres diminuant la pression intraoculaire. L’objectif de pression intraoculaire recherché se situe autour de 21-22 mmHg, mais la cible dépend aussi des chiffres initiaux et de l’âge du sujet.

Laser et chirurgie

Si les traitements médicamenteux sont insuffisants, le traitement au laser qui permet de rendre le trabéculum plus perméable est envisageable. Enfin, on aura recours à la chirurgie pour faciliter l’écoulement de l’humeur aqueuse en ôtant un fragment de trabéculum.

Evolution et prévention

Le glaucome ne donne aucun symptôme avant de nombreuses années. Lorsque les premiers signes de perte de vision apparaissent, il est déjà trop tard. On ne peut pas réparer les lésions du nerf optique mais tout au plus stopper leur évolution. D’où l’intérêt d’une surveillance régulière de la tension oculaire à partir de 40 ans.

Un contrôle doit être pratiqué tous les six mois par un ophtalmologiste. On ne guérit pas d’un glaucome. Le traitement doit être poursuivi à vie avec la meilleure observance possible. Comme pour toutes les maladies chroniques asymptomatiques, il est utile de rappeler au comptoir périodiquement l’intérêt du traitement médicamenteux.

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Le glaucome aigu

Description

Le glaucome aigu ou « à angle fermé » est beaucoup plus rare. C’est une obstruction soudaine des canaux de drainage de l’œil. L’humeur aqueuse présente dans le globe oculaire, sécrétée en permanence, ne peut plus s’écouler. La pression à l’intérieur de l’œil augmente en quelques heures, déclenchant une crise aiguë, le plus souvent unilatérale. Les symptômes sont très marqués : globe oculaire dur et très douloureux, œil rouge, photophobie, vue brouillée.

Facteurs de risque

Ce type de crise ne survient que chez des sujets prédisposés par une configuration particulière de l’œil chez qui l’angle iridocornéen est particulièrement étroit. En particulier les Asiatiques, les hypermétropes (dont l’œil est court) et les personnes âgées dont le cristallin est épaissi. À tout moment, ces sujets risquent une fermeture brutale de l’angle responsable de l’obstruction des canaux de drainage. Cette crise est généralement déclenchée à la faveur d’une mydriase favorisée par l’obscurité, mais surtout par les médicaments parasympatholytiques (atropine et dérivés) et sympathomimétiques (adrénaline et dérivés). Sont concernés les collyres dilatateurs (Mydriaticum, Néosynéphrine, Atropine), les antihistaminiques de première génération, certains antiparkinsoniens, antidépresseurs, les neuroleptiques, vasoconstricteurs…

Les glaucomes expliquésLes médicaments contre les glaucomes

Traitement de l’urgence

Le traitement d’une crise aiguë est une urgence absolue. La cécité définitive peut survenir en quelques heures. En milieu hospitalier, on associe des médicaments hypotonisants : le Diamox intraveineux qui réduit la sécrétion de l’humeur aqueuse et du mannitol en perfusion pour diminuer la pression intraoculaire. Par ailleurs, des collyres myotiques (Glaucostat, Pilocarpine) sont instillés dans l’œil malade toutes les dix minutes au départ puis de façon plus espacée. Si la crise est unilatérale, l’autre œil sera soigné également pour éviter le déclenchement d’une crise latérale. Ces collyres sont continués un à trois jours jusqu’à résolution totale de la crise.

Prévention de la récidive

• Chirurgie. Une fois la crise passée, il faut mettre en place un traitement préventif des récidives inéluctables. Il consiste à faire un « trou » dans l’iris ou iridectomie, par chirurgie ou au moyen d’un laser, permettant la circulation de l’humeur aqueuse par un « court-circuit ». Ce traitement préventif est bilatéral car les deux yeux sont prédisposés.

• Médicaments à éviter. Les médicaments parasympatholytiques et alphasympathomimétiques peuvent provoquer une crise de glaucome aigu par fermeture brutale de l’angle iridocornéen. Même si le patient a subi une iridectomie préventive, il est préférable qu’il évite ces produits. Or, de nombreux produits de médication familiale peuvent contenir ce type de produits, en particulier la pseudo-éphédrine (Actifed, Rhinadvil, Rhinureflex, Dolirhume…) ou les antihistaminiques (Nautamine, Mercalm, Nausicalm…). Il faut donc à l’officine, lors de toute délivrance de ces produits, bien vérifier que le patient n’a pas d’antécédents de glaucome aigu.

Médicaments

Le traitement médicamenteux est le traitement de fond du glaucome chronique ; il limite son évolution. Dans la crise du glaucome aigu, le traitement médicamenteux (surtout les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique et les collyres myotiques) est utilisé avant la chirurgie en milieu hospitalier.

Collyres bêtabloquants

• Mode d’action. Ils agissent en diminuant la sécrétion d’humeur aqueuse. Leur activité a tendance à s’épuiser avec le temps. On les associe alors à d’autres molécules.

• Effets secondaires. Même administrés sous forme de collyre, les bêtabloquants passent dans la circulation générale et peuvent entraîner des effets secondaires comme des troubles de la conduction cardiaque, une bronchoconstriction, de la fatigue, une mauvaise irrigation des extrémités… Il est donc particulièrement important pour ces collyres d’appuyer sur l’orifice du canal lacrymal quelques instants après l’instillation pour limiter le passage systémique. Localement, les collyres bêtabloquants peuvent provoquer une irritation et une sécheresse oculaire.

• Contre-indications. Du fait de leurs effets systémiques potentiels, ils sont contre-indiqués en cas d’asthme sévère, d’insuffisance cardiaque non contrôlée, de bradycardie importante, de maladie de Raynaud et de troubles circulatoires périphériques. En cas de diabète mal équilibré, ils risquent de masquer les premiers symptômes annonciateurs d’une hypoglycémie. Le port de lentilles de contact est déconseillé car les bêtabloquants diminuent la sécrétion lacrymale.

Alpha-2-agonistes

• Mode d’action. Ils diminuent à la fois la synthèse et la sécrétion d’humeur aqueuses.

• Effets secondaires. Ils peuvent être responsables d’effets cardiaques. L’apraclonidine (Iopidine) ne doit être prescrite que pendant une durée brève (un mois) pour renforcer un traitement hypotenseur insuffisant. Son effet s’épuise rapidement. La brimonidine (Alphagan) entraîne fréquemment une allergie locale et une sécheresse buccale.

• Contre-indications. Les alpha-2-agonistes sont contre-indiqués en cas d’antécédents de pathologie cardio-vasculaire sévère, de traitement par certains antidépresseurs et de port de lentilles.

Inhibiteurs de l’anhydrase carbonique

• Mode d’action. Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique, enzyme présente en particulier au niveau de l’œil, modifient les échanges ioniques et réduisent la sécrétion d’humeur aqueuse. Ils peuvent être utilisés par voie orale (acétazolamide, Diamox). Mais, donnés par voie orale, leurs effets indésirables sont nombreux en particulier chez le sujet âgé (hypokaliémie, agranulocytose), et on les réserve surtout au traitement du glaucome aigu, per os ou en IV. Des molécules dérivées de l’acétazolamide ayant une meilleure pénétration oculaire sont efficaces sous forme de collyres, avec moins d’effets indésirables.

Collyres antiglaucomateux en association

• Effets secondaires. Administrés localement, ils sont bien tolérés mais peuvent être responsables de sensation de goût amer dans la bouche, d’allergies locales et de troubles de la vision pendant les minutes qui suivent l’instillation.

• Contre-indications. Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique peuvent diminuer l’hydratation cornéenne. Ils sont donc incompatibles avec le port de lentilles de contact. Ils sont également contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère.

Alpha-2-agonistes

• Mode d’action. Ils augmentent l’excrétion de l’humeur aqueuse en diminuant la résistance du trabéculum, sorte de filtre qui assure l’évacuation de l’humeur aqueuse.

• Effets secondaires. Le myosis qu’ils entraînent peut provoquer des troubles de la vision et de l’accommodation. Ils sont de ce fait peu prescrits.

• Contre-indications. Les myotiques sont contre-indiqués en cas de risque de glaucome à angle fermé.

Analogues des prostaglandines

• Mode d’action. Cette nouvelle classe représente un réel progrès thérapeutique. Les analogues des prostaglandines augmentent l’écoulement de l’humeur aqueuse. Ils abaissent la pression intraoculaire de 30 % environ, et sont plus efficaces que les bêtabloquants. Une seule administration quotidienne est suffisante (alors qu’il faut généralement deux instillations par jour avec les autres collyres), ce qui améliore l’observance.

• Effets secondaires. Il peut s’agir de prurit oculaire, de céphalées, mais surtout de modification de la couleur de l’iris par augmentation de la teneur en mélanine des mélanocytes. Cet effet fréquent (un cas sur six ou sept) est bénin mais peut être gênant si un seul œil est traité.

• Contre-indications. Le port de lentilles de contact est contre-indiqué pendant le traitement. La grossesse, ainsi que l’allaitement, sont aussi des contre-indications.

1- Se laver les mains à l’eau et au savon.

2- Tirer la paupière vers le bas avec l’index et le pouce pour former une poche et instiller une goutte de collyre.

3- Pour minimiser le passage dans la circulation générale, appuyer sur les orifices des canaux lacrymaux contre la cloison nasale avec le doigt pendant quelques minutes (ou à défaut fermer les paupières pendant 3 à 4 minutes).

! S’il y a plusieurs collyres à instiller, attendre 5 minutes entre deux collyres.

A-t-on une sensation d’œil gonflé lorsqu’on souffre de pression oculaire élevée ?

Non, on ne ressent aucune gêne pendant des années. Le premier symptôme qui apparaît à la longue est une diminution du champ visuel. C’est pourquoi il est prudent de faire mesurer périodiquement sa pression oculaire à partir de 40 ans.

Lire ou regarder la télévision ou un écran d’ordinateur peut-il aggraver un glaucome ?

Non, il n’y a aucune incidence. Le stress n’a également aucun rôle.

Le glaucome atteint-il les deux yeux ?

En général oui, mais parfois avec un léger décalage chronologique entre les deux yeux.

La mesure de la pression oculaire est-elle douloureuse ?

Non, l’œil est anesthésié au préalable par quelques gouttes de collyre anesthésiant.

Est-ce qu’on peut avoir une pression intraoculaire élevée même si on ne souffre pas d’hypertension artérielle ?

Oui, toutefois, l’hypertension artérielle est un facteur de risque de glaucome chronique.

Peut-on avoir un glaucome sans augmentation de la pression intraoculaire ?

Oui, il existe des glaucomes à tension normale, avec atteinte des fibres optiques sans hyperpression oculaire. Ils seraient dus à une perfusion artérielle insuffisante au niveau du nerf optique, favorisant l’ischémie. L’atteinte des fibres optiques pourrait également être d’origine dégénérative.

en pratique

Comment conserver les collyres ?

• Les flacons classiques : la plupart des collyres présentés en flacon contiennent un conservateur et peuvent s’utiliser pendant deux semaines après ouverture (certains quatre semaines). L’inconvénient est que l’instillation à long terme de conservateurs est parfois responsable d’allergie.

• Les unidoses ne contiennent pas de conservateurs et de ce fait diminuent les risques d’allergie. Chaque unidose doit être utilisée aussitôt après ouverture et jetée immédiatement après.

• Les flacons sans reprise d’air sont remplis sous vides et bénéficient d’un système sans reprise d’air (par exemple, la solution peut être contenue dans un sachet souple qui diminue de volume au fur et à mesure de l’utilisation du collyre, évitant l’entrée d’air) et d’une membrane filtrante contre la contamination microbienne. Ils sont généralement utilisables quatre semaines après ouverture.

• Les collyres à conserver au réfrigérateur, Phospholine iodide, Xalatan et Xalacom contiennent des principes actifs sensibles à la chaleur. Avant ouverture, ils doivent être conservés au réfrigérateur, et après ouverture, à température ambiante inférieure à 25 °C.