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Lucas passe de la buprénorphine à la méthadone
Insatisfait sous buprénorphine prescrite par son généraliste, Lucas T., 28 ans, est traité depuis trois semaines par méthadone, initiée par le centre d’addictologie. Le relais a été pris ce jour par le médecin généraliste traitant.
Ce que je dois savoir
Législation
• La méthadone est un médicament stupéfiant dont la primo-prescription est réservée aux médecins exerçant en Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) ou en service hospitalier, prison incluse. La prescription peut ensuite être déléguée à un médecin de ville choisi par le patient. La lettre ou l’ordonnance de délégation est présentée à la pharmacie, qui en garde une copie.
• La prescription, rédigée en toutes lettres, se fait sur une ordonnance sécurisée. Doit y figurer le nom de la pharmacie choisie par le patient.
• La durée maximale de la prescription de la méthadone en sirop est de quatorze jours, contre vingt-huit pour les gélules. L’ordonnance doit être présentée dans les trois jours après sa rédaction pour être délivrée dans sa totalité. Sauf mention expresse du prescripteur, la délivrance est fractionnée par périodes de sept jours.
• Un changement de médecin implique une nouvelle délégation par le centre primo-prescripteur.
Contexte
C’est quoi ?
• La méthadone est un médicament de substitution aux opiacés destiné à prendre en charge la dépendance induite par les opiacés licites et illicites (héroïne, morphine, codéine) ou les médicaments opioïdes, notamment antalgiques.
• La sensation de plaisir puis d’apaisement des tensions est de moins en moins marquée au fil des consommations, nécessitant de rapprocher les prises ; c’est la tolérance. Une dépendance s’installe, conduisant à consommer pour retrouver du plaisir, puis pour ne plus ressentir de mal-être physique et psychique traduisant un manque : agitation, agressivité, hypersudation, frissons, accélération du pouls, douleurs musculaires, nausées, diarrhées.
• Les principales complications de l’usage sont liées à une intoxication aiguë, potentiellement mortelle, et au risque infectieux lié à l’injection ou au partage de matériel avec transmission du VIH, des hépatites B ou C.
Quelle prise en charge ?
• Une prise en charge globale est nécessaire pour accompagner les changements de comportement afin de reprendre le contrôle de la consommation des opiacés, et éventuellement d’autres substances (benzodiazépines…).
• Deux médicaments de substitution aux opiacés sont disponibles : buprénorphine et méthadone. En pratique, la buprénorphine reste plus facile d’accès via la prescription par un médecin de ville. Agoniste antagoniste des récepteurs aux opioïdes, elle est moins « stabilisante » pour certains patients que la méthadone.
Objectifs
• Soulager l’état de manque et de craving (= besoin irrépressible de consommer) et les complications qui en découlent. n
• Disposer d’un antidote. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) recommande que toute personne sous opioïde médicamenteux ou illicite dispose d’un kit de naloxone, antidote aux opiacés
Médicaments
Méthadone
Agoniste complet des récepteurs aux opioïdes, principalement les récepteurs µ, la méthadone est ici indiquée comme traitement substitutif de la dépendance aux opiacés. Elle compense les effets de manque. Sa longue demi-vie évite les effets de pic plasmatique opiacé, source d’euphorie. Elle possède des propriétés analgésiques et antitussives et entraîne un syndrome de dépendance pharmacologique.
Nyxoid
Spray nasal renfermant de la naloxone, antagoniste ayant une très forte affinité pour les récepteurs opioïdes et déplaçant les agonistes. Il est indiqué dès 14 ans en traitement d’urgence des surdosages aux opioïdes, même suspectés.
Ce que je dis au patient
J’ouvre le dialogue
« Comment vous sentez-vous avec la méthadone ? » renseigne sur les risques d’effets indésirables qui nécessiteraient d’adapter la dose. « Où rangez-vous votre traitement ? » évoque les risques en cas d’ingestion accidentelle par l’entourage. « Qu’a dit le médecin sur le kit Nyxoid ? » aborde la gestion de l’antidote.
J’explique le traitement
Mécanismes d’action
• Méthadone. L’objectif est de pallier le manque et l’envie de consommer pour contrôler et, in fine, réduire sa consommation de substances illicites, sans provoquer d’effet euphorisant et de tolérance poussant à augmenter les doses.
• Nyxoid. La naloxone s’oppose aux effets des opiacés, héroïne ou méthadone, et prévient une intoxication aiguë potentiellement mortelle.
Mode d’administration
• Méthadone : au repas pour limiter les nausées.
• Nyxoid. Un kit renferme deux sprays nasaux à usage unique. Remettre le guide et la carte d’information présents dans le kit ou téléchargeable sur le site de l’ANSM. Proposer de reprendre les explications de l’utilisation du spray pour l’épouse ou autre. Appeler les secours avant d’employer le spray pour assurer les soins d’urgence post-administration ! Après une dose dans une narine, patient allongé, tête inclinée en arrière, une réponse est attendue dans les deux à trois minutes. Sinon, recommencer avec l’autre spray, avant de placer la personne en position latérale de sécurité si elle est inconsciente. La durée d’action des opiacés étant plus longue que celle de la naloxone, les effets de l’agoniste peuvent réapparaître lorsque ceux de la naloxone disparaissent, d’où un risque de résurgence de la dépression respiratoire après amélioration initiale, nécessitant aussi de réitérer la prise.
Effets indésirables
• Méthadone. Au début et s’estompant : euphorie, vertiges, sédation, nausées… En phase d’entretien : nausées, constipation, hypersudation. En cas de surdosage ou d’augmentation rapide de la posologie : somnolence, nausées, vomissements, hypotension, tachycardie, dépression respiratoire, lèvres bleues, risque de torsades de pointes et troubles du rythme cardiaque, coma.
• Nyxoid. Chez les personnes dépendantes aux opiacés, un syndrome de sevrage peut apparaître, avec agitation, vomissements… En l’absence d’opioïde, la naloxone n’a pas d’activité pharmacologique, donc mieux vaut l’utiliser par erreur que pas du tout !
J’accompagne
Traitement
L’alcool ou les dépresseurs centraux, benzodiazépines, antitussifs morphiniques… augmentent le risque de surdosage. Signaler la méthadone à tout médecin pour éviter des contre-indications avec les médicaments susceptibles d’induire des troubles du rythme : dompéridone, hydroxyzine, certains antibiotiques, citalopram… Attention aux laxatifs avec le risque d’hypokaliémie.
Risque d’ingestion accidentelle
Tenir le médicament hors de portée des enfants et ne pas l’ingérer devant eux. Ouvrir le sirop seulement juste avant et consommer la dose en entier. En cas d’ingestion par un sujet naïf aux opiacés, contactez immédiatement le 15.
Vente associée
Des lingettes déodorantes en cas d’hypersudation gênante dans la journée.
Avec tous nos remerciements à Stéphane Robinet, pharmacien en centre de soins.
(1) Méthadone : les précautions à prendre pour éviter un surdosage, ANSM, novembre 2022, et Surdosage et overdose d’opioïdes : point sur l’offre thérapeutique de la naloxone en France, mis à jour en décembre 2021.
Prescription
Dr V.
Lucas T., 28 ans, 69 kg.
Le 13 mars 2023
Ordonnance
• Chlorhydrate de méthadone AP-HP soixante milligrammes sirop
Soixante milligrammes par jour pendant quatorze jours.
• Nyxoid solution pour pulvérisation nasale
Un kit.
Délivrance à la pharmacie Porphyre.
Info +
→ La naloxone est aussi disponible en vente libre, en injection intramusculaire dans Prenoxad. Nyxoid est, lui, sur prescription médicale.
Info +
→ La délégation au médecin de ville se fait une fois le patient équilibré, après un délai dépendant des capacités d’autogestion du traitement.
→ Le traitement par méthadone est initié sous la forme sirop. La forme gélule est réservée aux patients traités depuis au moins un an par le sirop. La primo-prescription des gélules doit être faite par le centre de soins.
Le patient me demande
« Le sirop est amer. C’est possible de masquer le goût ? »
Le sirop renferme de l’orange amère. Je vous suggère de boire un verre d’eau après la prise ou de mélanger la dose à un verre de jus d’orange ou autre boisson sucrée, en veillant à tout boire ensuite. Attention, le jus de pamplemousse est déconseillé car il peut augmenter la quantité de méthadone dans votre sang et donc vous surdoser avec un risque d’intoxication.
À savoir : cette interaction n’est pas mentionnée dans les RCP (= résumé des caractéristiques du produit) !
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