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Le paludisme

Publié le 1 mars 2004
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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Le paludisme est en France une pathologie d’importation des voyageurs. Un traitement et des mesures de protection sont vivement conseillés en zone endémique. En cas de paludisme déclaré, la prise en charge est une urgence médicale.

But du traitement

Prévention

La prévention est nécessaire pour tout voyageur qui se rend dans une zone à risque, y compris pour les personnes étrangères qui retournent après des années dans leur pays d’origine. La prévention consiste d’une part à éviter les piqûres de moustiques et, d’autre part, à prescrire des médicaments à visée prophylactique.

Traitement curatif

En cas de paludisme déclaré, le traitement est une urgence médicale qui permet de soulager la crise et d’éviter l’évolution vers un paludisme grave potentiellement mortel.

Éviter les piqûres de moustiques

Aucune molécule ne garantit une protection absolue, le plasmodium ayant acquis de nombreuses résistances. Éviter les piqûres de moustiques (surtout nocturnes) reste donc un rempart essentiel à la maladie.

Les moustiquaires

Sont à recommander les moustiquaires imprégnées par des dérivés de la pyréthrine :

– deltaméthrine : Cinq sur Cinq, K-Othrine ;

– perméthrine : Mousticologne.

Préimprégnées ou vendues avec kit d’imprégnation, les moustiquaires sont efficaces durant six mois. Pour éviter le passage des moustiques sous le voilage, border la moustiquaire sous le lit.

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Les vêtements

• Choisir des vêtements couvrants : couvrir au maximum la peau exposée en portant des pantalons, chemises à manche longue et chaussettes de couleur claire, moins attirantes pour les moustiques.

• Pulvériser de la perméthrine en spray à 4 % sur la face externe des vêtements (il y a un risque de démangeaison si la pulvérisation est faite à même la peau), ce qui protège des piqûres pendant un mois et pendant six à huit lavages : Insect Écran Vêtements, Repel Insect Vêtements, Moustifluid Lotion Tissus et Vêtements…

• Imprégner par trempage les vêtements ou les tissus avec de la perméthrine à 8 %. Efficacité de deux à six mois : Insect Écran Voilage, Repel Insect Voilage…

Les répulsifs

Présentés sous forme de lotion, crème, spray ou stick, trois répulsifs cutanés sont reconnus efficaces. Effets secondaires : rares, dermites allergiques. Attention cependant aux fortes concentrations ou en cas d’ingestion; risque d’intoxication grave allant de céphalées, confusion jusqu’au coma ou dépression respiratoire. Contre-indications : la femme enceinte. Application : appliquer dès la tombée de la nuit sur les parties découvertes du corps, visage compris, en évitant les yeux et les muqueuses. On peut les pulvériser sur les vêtements mais l’efficacité est de courte durée (environ deux heures). Possibilité de diffuser dans une chambre avec des diffuseurs électriques, une réserve liquide d’insecticide ou des tortillons fumigènes.

• N,N-diéthylméthyltoluamide (DEET) : Insect Écran Adultes, Ultrathon, Mousticologne Zones infestées. C’est le répulsif le plus résistant à la sueur, à l’eau, à la chaleur. Indiqué chez l’adulte et l’enfant de plus de 10 ans. Pour des concentrations optimales entre 35 et 50 %, protection de quatre à six heures en moyenne.

• EHD ou éthylhexanediol ou 35/35 : Insect Écran Enfant, Mousticologne Europe : c’est le produit de choix chez l’enfant de moins de 10 ans. Concentrations optimales entre 30 et 50 %, mauvaise résistance à la chaleur, courte durée d’action (deux heures). Nécessité de répéter souvent l’application.

• DMP : Ezalo Crème, concentration optimale à 40 %, durée d’action courte (une heure et demie) et efficacité moindre.

Prophylaxie médicamenteuse

Selon la zone à risque

Tous les médicaments ont pour mécanisme d’action l’inhibition de la multiplication du plasmodium à un stade donné. À l’heure actuelle, face aux résistances multiples, aucun n’est fiable à 100 %. Au médecin de choisir le traitement adapté en fonction du voyageur (éventuelles contre-indications), de la durée et des conditions de séjour, mais surtout du lieu de séjour qui sont classés en zones selon le risque d’exposition et les résistances du plasmodium.

• Pays du groupe 0 :

• Zones théoriquement sans paludisme. Aucune chimioprophylaxie n’est nécessaire.

• Zones de transmission faible : traitement préventif non indispensable. Mais consulter un médecin dans les mois suivant le retour à l’apparition de la moindre fièvre.

• Pays du groupe 1 : zones sans chloroquinorésistance. Le traitement préventif recommandé est la chloroquine.

• Pays du groupe 2 : zones de chloroquinorésistance. La prévention associe la chloroquine et le proguanil (Paludrine, Savarine en association) ou l’atovaquone et le proguanil (Malarone). L’association atovaquone-proguanil (Malarone) peut être utilisée comme alternative à l’association précédente.

• Pays du groupe 3 : zones de chloroquinorésistance élevée ou de multirésistance. La prophylaxie repose essentiellement sur la prise de méfloquine (Lariam). L’association proguanil-atovaquone peut être recommandée, en particulier dans les zones de méfloquinorésistance (Thaïlande, Laos, Cambodge…), ou en cas d’intolérance à la méfloquine. Enfin, chez l’adulte et l’enfant de plus de 8 ans, la doxycycline peut être prescrite s’il existe de fortes résistances ou des contre-indications absolues au Lariam.

Médicaments

• Chloroquine. Mode d’action : inhibition de la multiplication du parasite sous sa forme schizonte, dans les globules rouges. Administration : 100 mg tous les jours à la même heure ou 300 mg deux fois par semaine, pour une personne de 50 kg au moins. Commencer la prise la veille du départ ou le jour de l’arrivée dans la zone à risque. Continuer pendant tout le séjour et quatre semaines après le retour. Contre-indications : rétinopathies. Précautions : prendre après les repas au plus tard après midi pour éviter les troubles digestifs et du sommeil. Sirop et comprimés ont un goût très amer qui peut, en cas de mélange, rendre inconsommables les aliments. Attention d’éloigner le produit des enfants, la marge thérapeutique étant étroite et l’intoxication potentiellement grave. En cas d’utilisation prolongée, le risque de toxicité rétinienne impose une surveillance annuelle chez l’ophtalmologiste après trois ans de traitement. La chloroquine est utilisable chez la femme enceinte ou qui allaite.

• Proguanil + chloroquine. Mode d’action : agit au niveau du cycle hépatique en inhibant la synthèse d’acide folique du plasmodium et, ainsi, la multiplication de celui-ci. On l’associe toujours à la chloroquine car de nombreuses souches de Plasmodium y sont résistantes. Modalités : prendre 200 mg de proguanil avec 100 mg de chloroquine quotidiennement, à la même heure. Commencer la veille du départ ou le jour de l’arrivée dans la zone à risque. Continuer pendant tout le séjour et quatre semaines après le retour. Précautions : prendre après un repas pour éviter les troubles gastriques. Utilisable pendant la grossesse et l’allaitement. Une spécialité, la Savarine, réunit dans un même comprimé 100 mg de chloroquine et 200 mg de proguanil. Le schéma de prise et les précautions d’emploi sont les mêmes que pour les deux autres.

• Atovaquone. En association avec le proguanil dans la Malarone. Mode d’action : inhibition de la réplication de l’ADN du Plasmodium falciparum, surtout sur les formes hépatiques. Modalités : pour les personnes pesant au moins 40 kg, un comprimé de Malarone chaque jour à heure fixe la veille du départ, durant le séjour et sept jours après le retour. Précautions : prendre la Malarone au milieu d’un repas ou avec une boisson lactée pour favoriser son absorption. La Malarone favorise l’observance du traitement puisqu’il ne faut le continuer qu’une semaine après le retour. Les effets secondaires gastro-intestinaux sont moins fréquents qu’avec l’association chloroquine-proguanil.

• Méfloquine. Mode d’action : inhibition de la multiplication des parasites dans leur cycle érythrocytaire. Modalités : prendre 250 mg de Lariam par semaine pour le sujet de 50 kg au moins. Pour les autres, 5 mg/kg par semaine. Commencer au moins dix jours avant le départ pour évaluer la tolérance neuropsychique du produit. Elle doit être poursuivie quatre semaines après le retour. Contre-indications : insuffisance rénale ou hépatique sévère, grossesse et allaitement, enfants de moins de 15 kg, antécédents de convulsions ou de dépression. Précautions : prendre le produit au cours d’un repas pour éviter les troubles digestifs. Utiliser avec prudence en cas d’antécédents psychiatriques, le Lariam étant parfois corrélé à l’apparition de troubles neuropsychiques. Utiliser une contraception pendant le traitement et la poursuivre trois mois après le retour.

• Doxycycline. Mode d’action : inhibition de la synthèse protéique du Plasmodium au niveau des formes érythrocytaires. Modalités : prendre 100 mg/jour. Commencer la veille du départ et poursuivre quatre semaines après le retour. Contre-indications : grossesse, allaitement et enfant de moins de huit ans à cause du risque de coloration des dents et d’hypoplasie de l’émail dentaire. Précautions : prendre au milieu du repas avec un grand verre d’eau, au minimum une heure avant le coucher pour éviter le risque d’œsophagite. Penser à se protéger du soleil (vêtements longs, écran total) car il y a un risque important de photosensibilisation.

Traitement du paludisme déclaré

En cas de fièvre, nausées, fatigue, consulter un médecin, même plusieurs mois après le retour du voyageur. Le diagnostic d’une crise de paludisme doit être précoce pour éviter l’évolution vers une forme grave. Le choix de la molécule prend en compte l’âge du patient et le risque d’effets secondaires de chaque molécule, leur efficacité étant comparable.

Crise non compliquée

L’apparition d’une crise nécessite une hospitalisation de 24 heures au moins pour la mise en place du traitement et la surveillance de la tolérance.

Paludisme à Plasmodium falciparum

• La quinine : alcaloïde dérivé du quinquina, c’est l’antipaludéen le plus ancien. Chez l’adulte, c’est le traitement de premier choix. On peut l’utiliser chez l’enfant mais peu de formes galéniques sont appropriées. Modalités : utilisée généralement per os mais aussi en perfusion IV. Contre-indications : troubles de la conduction, myasthénie sévère et antécédents d’hypersensibilité. Précautions : La dose curative provoque des acouphènes, vertiges et nausées qui n’empêchent pas la poursuite du traitement. La faible marge thérapeutique rend dangereuse la voie intraveineuse pour ce produit : toute erreur de dosage peut se traduire par une toxicité grave à titre de cécité définitive par atteinte rétinienne, de surdité, de convulsions et d’un arrêt cardiaque.

• La méfloquine : deuxième traitement de choix chez l’adulte, elle est utilisée par voie orale à dose curative qui impose le décubitus durant 24 heures sous surveillance médicale. Pas de contre-indications absolues pour le traitement curatif mais un risque majeur d’effet indésirable neuropsychique.

• L’halofantrine : antipaludéen majeur au mécanisme d’action comparable à celui de la quinine. Compte tenu des effets secondaires cardiaques graves, on l’utilise exceptionnellement chez l’adulte en cas de chloroquinorésistance. Par contre, c’est un médicament de référence pour l’enfant car très bien toléré et de présentation galénique adaptée. L’halofantrine est contre-indiquée chez la femme enceinte et allaitant.

• Autres : l’association sulfadoxine-pyriméthamine (Fansidar) qui est à l’origine d’agranulocytoses graves et de syndromes de Lyell est réservée en cas de contre-indication aux autres antipaludéens. L’association proguanil-atovaquone (Malarone) peut être indiquée en curatif chez l’adulte et l’enfant de plus de douze ans, à raison de quatre comprimés en une prise pendant trois jours.

Autres paludismes

Le traitement des autres formes de paludisme (malariae, vivax et ovale) diffère de celui à Plasmodium falciparum : il consiste en la prise d’une dose de charge de 600 mg de chloroquine puis 300 mg par jour pendant trois jours et 15 mg de primaquine les quinze jours suivants : la primaquine est disponible en hôpital sous autorisation temporaire d’utilisation.

Traitement de la forme grave

La forme grave du paludisme est une urgence absolue. Elle exige une prise en charge en service de réanimation. Le traitement est la quinine par voie intraveineuse, en perfusion de quatre heures ou continue en seringue électrique jusqu’à obtenir une concentration sanguine en quinine comprise entre 10 et 15 mg/kg. Puis on prend le relais avec la quinine par voie orale pendant au moins sept jours. Si le patient revient d’un voyage dans une zone de chimiorésistance, on associe à la quinine de la doxycycline à raison de 100 mg toutes les douze heures pendant sept jours ou de la clindamycine. En cas de contre-indication formelle à la quinine ou de résistance, l’artémisinine, extrait de la plante Artemisia annua, peut être utilisée par voie intramusculaire en hôpital sous le nom d’artéméther, nécessitant une autorisation temporaire d’utilisation.

Traitement en zone isolée

Quand le voyageur est isolé et ne peut rejoindre une structure médicale avant douze heures, le médecin doit prévoir un traitement de réserve à commencer dès que la fièvre apparaît. Par ordre de préférence, quinine, méfloquine ou pyriméthamine-sulfadoxine sont utilisées. Avec, éventuellement, la doxycycline associée à la quinine quand il existe un risque de résistance, en particulier en Amazonie et Asie. Le traitement de réserve ne dispense pas d’une consultation médicale le plus vite possible.

Pour les vaccinations internationales et conseils aux voyageurs, s’adresser au centre médical de l’Institut Pasteur, 211, rue de Vaugirard, 75015 Paris, tél. : 0140613800,

Gros plan

Protéger l’enfant voyageur

Le paludisme peut débuter chez l’enfant de manière insidieuse et évoluer rapidement avec, contrairement à l’adulte, des possibles séquelles neurologiques. Insister sur la protection individuelle par moustiquaire et répulsif, attention cependant au DEET qui peut s’avérer toxique au-delà d’une concentration à 10 %. Préférer le diéthyltoluamide à 30 %. Seuls la chloroquine et le proguanil sont sans danger chez l’enfant, la méfloquine ne peut être utilisée avant 15 kg, la doxycycline est contre-indiquée, aussi faut-il éviter de voyager avec un enfant jeune dans un pays du groupe 3. Ne pas laisser les traitements à la portée des enfants, leur marge thérapeutique n’est pas grande et les intoxications fréquentes. Les accès palustres seront traités avec la quinine, l’halofantrine est également utilisée à partir de 10 kg sous surveillance cardiaque.

Qu’est-ce qu’un état de prémunition ?

C’est un état d’immunité relative des personnes vivant en zone d’endémie : le parasite les infecte toujours mais elle ne développe pas la maladie. La prémunition disparaît après un ou deux ans en dehors de la zone endémique.

Pourquoi seule l’anophèle femelle pique ?

Car le sang est indispensable à la maturation de ses œufs.

Le paludisme peut-il se transmettre entre hommes ?

Oui, par voie placentaire entre mère et enfant, par voie sanguine ou par une greffe d’organe.

Peut-on être contaminé par le paludisme à l’aéroport ?

Si ça reste exceptionnel, on ne peut exclure la piqûre d’un moustique infesté importé par un avion en zone non endémique.

Quels traitements peut-on envisager pour le futur ?

De nombreux vaccins sont à l’essai même si, pour le moment, aucun n’est commercialisé.

La climatisation protège-t-elle des moustiques ?

Elle éloigne les moustiques et les rend moins agressifs mais ne suffit pas à éliminer tout risque de piqûres.

Pourquoi ne prend-on la Malarone que sept jours après le retour ?

Car elle agit dès le premier stade de l’infection, au niveau hépatique, et éradique donc rapidement la contamination par le parasite.

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Femme enceinte et paludisme

Les risques du paludisme chez une femme enceinte sont la fausse couche, l’accouchement prématuré, un enfant mort-né ou de petit poids, voire le décès de la mère. Mieux vaut qu’elle éviter de séjourner en zone impaludée. Elle peut cependant voyager dans les pays du groupe 1 et 2 en prenant obligatoirement un traitement préventif : chloroquine pour le groupe 1, association chloroquine-proguanil pour le groupe 2. Le séjour en zone impaludée du groupe 3 est par contre déconseillé, méfloquine et doxycycline n’étant pas indiquées aux femmes enceintes. Si c’est indispensable, on pourra envisager une prophylaxie par l’association atovaquone-proguanil mais les risques de ce produit sont encore mal connus. Bien sûr, la prévention par moustiquaire et vêtements longs est indispensable, d’autant que les répulsifs ne sont pas indiqués pendant la grossesse. Les accès palustres supposés ou réels qui pourraient survenir malgré tout seront traités par quinine sans danger.

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Paludisme et expatriés

Certains produits sont mal tolérés ou à la longue provoquent des effets indésirables comme l’atteinte rétinienne de la chloroquine. Bien souvent, au-delà de trois mois, les expatriés choisissent de ne pas prendre de médicaments préventifs. Leur rappeler toutefois des règles de base :

– Se protéger des piqûres de moustiques :

vêtements longs, moustiquaires imprégnés et insecticides dès la tombée de la nuit.

– Avoir toujours sous la main un traitement de réserve adapté à la zone habitée : si la personne est isolée (sans possibilité de consulter un médecin), prendre ce traitement dès l’apparition de fièvre.

– Pour les femmes enceintes et les jeunes enfants, mettre en place automatiquement une chimioprophylaxie adaptée.