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Le palmarès des CFA

Publié le 1 mai 2004
Par François Cusset
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Les 66 établissements préparant au BP en 2003 ont obtenu des résultats très contrastés. Palmarès, comparaisons et analyses.

Une première. Les taux de réussite à l’examen du BP de l’ensemble des établissements y préparant sur le territoire national n’avaient jamais été publiés. Et pour cause : seul le ministère de l’Éducation nationale recueille chaque année la totalité des résultats, mais à l’échelle académique. Faute de structure fédératrice regroupant tous les centres de formation, les taux de réussite par établissement ne sont pas disponibles. L’ANFPP dispose de ceux de ses adhérents, « qui représentent deux tiers des centres et 85 % des jeunes en formation », indique son président Philippe Gaertner. Et y veille d’ailleurs jalousement en se refusant de les communiquer : pas question de rompre avec une tradition de confidentialité, plus ou moins compréhensible… Pour collecter les résultats des 66 établissements ayant préparé au BP en 2003 – ils sont 67 cette année –, il faut vraiment le vouloir : bonjour les obstacles ! Ici et là, des fonctionnaires de rectorat d’académie en panne de bonne volonté ou de pratique transparente de l’information publique. Ailleurs encore, un service de la formation et de l’apprentissage d’un conseil régional en plein changement de système informatique. Titillé, Porphyre a tenu à relever le défi. Sans passer forcément par les établissements car, nous avait-on prévenu, certains refuseraient de donner leurs résultats. L’intention n’est pourtant pas de nuire. Mais d’offrir une vision globale et, en avançant quelques explications sur des résultats très hétérogènes, de contribuer au débat sur la poursuite de l’harmonisation des conditions d’études et d’examen d’un brevet professionnel obtenu chaque année par près de 4000 jeunes.

Petits et gros effectifs

Avec un taux de réussite de 98,31 %, le CFA de la chambre de commerce et d’industrie d’Avignon a accédé en 2003 à la première marche du podium national. Un taux record d’autant plus exemplaire si on le rapproche d’une moyenne nationale qui s’est établie à 70,64 % d’après notre enquête. Même si, avec 59 candidats – un seul recalé –, la promotion avignonnaise 2003 n’était pas parmi les plus fournies de l’Hexagone. En deuxième position (97 %), le CFA de la CCI du Mans présentait quant à lui 34 candidats. Celui de Poitiers pointe à la troisième place (94,2 %, 52 candidats) suivi par ceux de Grenoble (92,3 %, 65), de Rivery-lès-Amiens (87 %, 78, tous en formation continue) et l’Institut de formation pharmacie-santé (IFPS) de Saint-Laurent-du-Var (85,98 %, 157). Septièmes ex-aequo, les CFA de Nîmes (73 candidats), Guilherand-Granges (65) et Limoges (20) affichent un taux de réussite de 85 %. Premier constat, seuls des petits établissements – moins de 80 candidats présentés à l’examen – forment ce peloton de tête, à l’exception de l’IFPS de Saint-Laurent-du-Var. Premier au palmarès 2003, le CFA d’Avignon avait déjà connu un très joli taux de réussite de 95 % en 2002 après un 100 % en 2001 ! Pharmacienne responsable pédagogique, Florence Hertel explique modestement : « Chez nous, c’est un peu familial, avec douze à quatorze formateurs – dont quatre permanents. Ils maîtrisent bien le référentiel et s’investissent beaucoup. Nous présentons en général 50 à 65 candidats et nous les voyons tous en entretien individuel à l’inscription pour mesurer leur degré de motivation. » Deuxième de la classe nationale, le CFA de la CCI du Mans avait enregistré un taux de réussite record de 97 % en 2001, un seul des 30 candidats n’avait pas décroché son BP. L’année précédente, par contre, le taux de réussite n’avait été que de 58 % (25 reçus sur 43 candidats). « Plus il y a de candidats, plus le taux d’échec est important, reconnaît Blandine Drouin, responsable du secteur pharmacie au CFA de la CCI du Mans depuis quatre ans. Un petit effectif nous permet de les suivre de très près. » Le directeur du CFA de Marseille-Provence (263 candidats en 2003, 65 % d’admis) résume une analyse très largement partagée : « On ne peut pas comparer ce qui n’est pas comparable, soutient à juste raison Robert Bichaud. Les gros établissements implantés dans des zones fortement peuplées ont un recrutement très large, à l’opposé des petits centres de départements à faible population. Alors oui, on peut éventuellement comparer les résultats des gros établissements entre eux et de la même manière ceux des petits. Mais pas tout et n’importe quoi. »

Niveaux disparates à l’inscription

Bac, BEP ou CAP, le niveau des élèves à l’inscription est plus ou moins disparate selon les CFA et explique aussi pour beaucoup les grands écarts constatés en taux de réussite au BP. Les statistiques de l’ANFPP (qui regroupent une partie des CFA) sont tout à fait significatives à cet égard : sur 2 922 candidats, 72,28 % des bacheliers ont obtenu leur BP en 2003, 67,99 % des titulaires du CAP et 31,26 % des diplômés BEP carrières sanitaires et sociales. La promotion 2003 avignonnaise se composait de trente-cinq bacheliers, dix-huit titulaires d’un CAP mention complémentaire et six BEP carrières sanitaires et sociales. Parmi les bacheliers, 4 ou 5 bac S, mais aussi des ES, SMS, STL option biochimie et des L. Comme tous les établissements publics, le CFA d’Avignon n’est bien entendu pas autorisé à sélectionner ses élèves. D’autant que tous, ces dernières années, sont en contrat d’apprentissage. Mais l’établissement joue cependant la carte de la dissuasion auprès de certains : « Non seulement nous les voyons tous avant l’inscription, mais nous les revoyons ensuite avec des pharmaciens titulaires en recherche d’apprentis, explique Florence Hertel. Nous leur attribuons alors une note d’évaluation prenant en compte une série de critères précis comme leur présentation, leur capacité à s’exprimer, une éventuelle première expérience de stage en pharmacie, etc. Pour les BEP carrières sanitaires et sociales, nous avons mis en place un test de positionnement en biologie et chimie. Si les résultats s’avèrent catastrophiques, nous essayons d’expliquer que ça va être très dur… » « Nous ne procédons à aucune sélection, assure Blandine Drouin, du CFA de la CCI du Mans. Mais nous avons peu de BEP carrières sanitaires et sociales et il ne reste que quelques jeunes issus du CAP. » Les trois centres de l’Association régionale des cours professionnels de la pharmacie (ARCPP) de Villeneuve-d’Ascq, Anzin et Le Portel recrutent « principalement des bacheliers, surtout SMS et S », indique leur directeur Denis Hochart. Mais sur 302 candidats présentés en 2003, « seulement » 194 ont décroché leur BP : un taux global de réussite de 64 %, en recul de 9 % par rapport à 2002. L’épreuve pratique a été fatale à de nombreux élèves, essentiellement en commentaire technique écrit et en TP de préparations. « Nous avons de plus en plus de bacheliers et nos résultats au BP s’améliorent depuis quelques années », atteste Olivier Allo, de l’Institut de formation pharmacie-santé (IFPS) Côte d’Azur de Saint-Laurent-du-Var, préparateur au nombre des trois permanents de l’institut et vice-président de l’ANFPP.

Conditions d’études

Si le nombre de candidats présentés à l’examen et leur niveau influent beaucoup sur les chances de réussite à l’examen, le régime et les conditions d’études sont également à prendre en considération. À Avignon, le régime est de 415 heures par an au lieu des 400 heures de minimum réglementaire. « Nous organisons des réunions de révision et nous avons beaucoup de relations avec les entreprises, souligne Florence Hertel La profession nous aide bien à doper la formation des jeunes. » La qualité du millésime 2003 au CFA du Mans ne doit rien au hasard non plus : effectif réduit, 420 heures d’enseignement par an, quinze formateurs dont deux à plein temps, deux examens blancs, un bilan professionnel à l’officine, le CFA du Mans offre lui aussi un beau panel de conditions favorables. À l’IFPS de Saint-Laurent-du-Var, une quarantaine de formateurs dont trois permanents dispensent 400 heures de cours à une centaine de candidats. Même nombre d’heures d’enseignement et 28 enseignants au CFA de Talant (Côte-d’Or, 76,92 % des 143 candidats reçus). « Entre une préparation au BP en 800 heures ou en 1 100 heures ou plus comme c’est le cas dans certains CFA, les résultats à l’examen ne peuvent pas être au même niveau, estime son directeur Olivier Kirsch. Le nombre d’heures de formation est déterminant. » Dans les centres de l’ARCPP, le régime d’études varie en fonction des statuts et des niveaux à l’inscription. « Depuis quatre ans, nous avons une méthode de travail spécifique, explique Denis Hochart, avec des groupes de niveau différencié en fonction du niveau de diplôme ou d’études. » Si les salariés et les élèves en contrat de qualification n’ont droit qu’aux 400 heures légales par année, « cela va de 424 heures à 496 heures pour les autres, selon le type de bac », précise le directeur de l’ARCPP. Enfin, une section spécifique de 1 200 heures en trois ans et de 13 élèves au maximum a été mise en place pour les titulaires de BEP carrières sanitaires et sociales.

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Sujets interacadémiques ou pas

Autre question centrale : qui définit les sujets ? Jusqu’à la fin des années 90, ils étaient établis à l’échelle de chaque académie. À l’exception des académies d’Île-de-France « où nous sommes depuis vingt ans en interacadémique », indique Roger Halegouet, préparateur enseignant au Centre de formation des préparateurs en pharmacie (CFPP) de Paris. Depuis ont vu le jour des interacadémies, à deux, trois et jusqu’à sept académies (Grand Est). En règle générale, les sujets interacadémiques sont plus difficiles. « L’interacadémique permet d’égaliser les sujets, estime Philippe Gaertner. À défaut de sujets uniques communs à toutes les académies, parvenir à cinq ou six sujets serait déjà bien. » Selon le directeur de l’Association des cours professionnels de pharmacie, santé, sanitaire, social et environnement (ACPPAV), qui regroupe les CFA de Poissy et de Juvisy, les très bonnes notes obtenues aux épreuves pratiques dans certaines académies s’expliquent aisément : « Les élèves refont cinq ou six fois pendant l’année un vingtaine de préparations qui ressortent à l’examen, avance Jean-Pierre Gril. Ce n’est pas du tout le cas en Île-de-France où nous n’avons aucune idée des sujets qui vont sortir. » Pharmacienne titulaire en Meurthe-et-Moselle, enseignante au CFA de Nancy depuis 1984 et rédactrice des « Annales » des éditions Porphyre depuis trois ans, Valérie Peltre met également en cause la grande diversité des sujets : « En particulier pour le commentaire technique d’ordonnance qui devrait correspondre à l’exercice quotidien du préparateur, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Presque tous les commentaires tournent autour de la faute lourde, ce n’est pas normal : où est alors la recherche de connaissances, de synthèse ? » Et Valérie Peltre de cerner le cœur de la problématique en soutenant que l’on ne peut sérieusement comparer les résultats « que si l’on compare les sujets et, surtout, les corrigés ». Incontestablement, tous les candidats de France ne sont pas logés à la même enseigne. « Qu’attend-on des élèves pour le commentaire d’ordonnance ?, questionne encore Valérie Peltre. Dans l’académie de Nancy-Metz, où il n’y a jamais eu de taux de réussite au BP supérieur à 60 % au cours des vingt dernières années, nous exigeons un commentaire très développé, de deux et demie à quatre pages. Alors que dans d’autres académies j’ai vu des corrigés d’une page, des questions tellement floues que je n’aurais pas pu y répondre, et même un corrigé faux l’an dernier… »

Encore très peu d’échanges de correcteurs

Ah, les corrections ! Voilà un vaste chantier d’harmonisation à peine lancé, même si « les notations se rapprochent de plus en plus grâce au travail effectué dans ce sens par l’ANFPP », salue Roger Halegouet. « J’aimerais bien que l’on échange les correcteurs, lance Olivier Allo, vice-président de l’ANFPP. Mais pour l’instant, nous n’en sommes qu’à l’harmonisation des cours et des sujets. » À quelques très rares exceptions près cependant, comme au sein de l’interacadémie du Grand Est, ainsi qu’en témoigne Olivier Kirsch : « Les CFA de Talant et de Besançon échangent des correcteurs pour l’épreuve pratique – à l’origine de 90 à 95 % des échecs à l’examen – depuis la session 2000. Une commission mixte a été mise en place comprenant un correcteur de Besançon, un correcteur de Talant et un professionnel. Cela a été difficile lors des deux premières années, mais nous corrigeons aujourd’hui dans les mêmes conditions. » Voilà sans aucun doute un exemple à suivre jusqu’à parvenir à un examen interacadémique à l’échelle nationale. En attendant, les modifications intervenant dès cette session 2004 (voir la rubrique « Repères ») semblent très généralement bien accueillies. « Nous ne pouvons pas être mécontents de la suppression du zéro éliminatoire parce que nous l’avons demandé, commente Roger Halegouet. Mais c’est de l’hypocrisie : un zéro à l’épreuve pratique sera de toute façon quasiment impossible à rattraper. En fait, c’est surtout pour arranger l’Éducation nationale qui avait trop de recours… Le seul cadeau fait aux élèves à partir de cette session 2004, c’est la suppression des notes négatives en cas de réponse fausse ou de non-réponse. Cela me semble tout à fait normal car dans la réalité de l’exercice, quand un préparateur ne sait pas, il demande au pharmacien. » Heureux candidats 2004 ? Rendez-vous dans quelques mois pour en juger à la lumière des résultats…

Content

« Fidèles à notre méthodologie »

Je suis bien évidemment très heureuse vis-à-vis des jeunes, des maîtres d’apprentissage et des enseignants. Le travail des jeunes en formation s’est révélé payant. Je suis satisfaite de la collaboration avec les maîtres d’apprentissage qui participent à ce résultat. Enfin, je rends hommage à l’équipe pédagogique qui ne ménage pas ses efforts et fait preuve de disponibilité pour obtenir de tels résultats. Nous savourons ces résultats mais, rien n’est jamais acquis. Avec chaque promotion, c’est un nouveau challenge. Nous ne sommes pas à l’abri d’un échec. Mais d’année en année, nous gardons la même méthodologie pour offrir le plus de chance à nos élèves : contrôle trimestriel, deux examens blancs en deuxième année.

Florence Hertel

Responsable de formation du CFA de pharmacie d’Avignon

Pas content

« 2003 : un accident de parcours »

Si ce palmarès avait été réalisé l’an dernier, nous serions dans le peloton de tête avec un taux de réussite de 92 % et depuis trois ans, nous étions au-dessus de 80 %. Je considère l’année 2003 comme un accident sur l’ensemble de l’académie de Lille qui a chuté d’environ 20 %. Nous avons essayé d’analyser cet échec. La majorité des élèves ont été éliminés au commentaire technique écrit. Curieusement, ils sont passés à côté d’une dose maximale dépassée, trop évidente et ont donc cherché des anomalies qui n’existaient pas. J’espère bien des résultats plus satisfaisants pour 2004. Ce n’est pas gagné d’autant que nous présenterons 90 candidats contre 46 l’an dernier et pratiquement tous les élèves sont désormais formés en deux ans. Sans compter les réformes annoncées pour la session prochaine.

Étienne Coquet

Responsable de formation au CFA de pharmacie de Douai