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La maladie de Crohn

Publié le 1 mai 2004
Par Florence Bontemps
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La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire chronique de l’intestin qui survient par poussées d’intensité variable, entrecoupées de rémissions plus ou moins complètes.

Définition

La maladie de Crohn est une affection chronique inflammatoire de l’intestin où alternent poussées inflammatoires et périodes de rémission (parfois supérieures à un an). Les poussées durent en général plusieurs semaines, entraînant douleurs intestinales, diarrhées, douleurs articulaires et altération de l’état général.

But du traitement

Traiter les poussées

L’objectif principal du traitement est la guérison des poussées évolutives et le maintien en rémission le plus longtemps possible. Les médicaments sont destinés à endiguer l’inflammation de l’intestin et stopper l’extension des lésions.

Soulager les symptômes

Les traitements symptomatiques sont adaptés à chaque patient. Ils ne sont pas spécifiques à la maladie de Crohn et ne seront donc pas développés dans cet article. Ce sont des antispasmodiques (Spasfon, Débridat, Viscéralgine, Avafortan…) pour lutter contre les douleurs, des ralentisseurs du transit intestinal (Imodium, Arestal…) en cas de diarrhée, des vitamines et minéraux en cas de carences, des antibiotiques en cas d’infections (Flagyl, Ciflox…).

Recours à la chirurgie

En cas d’intolérance, d’inefficacité des traitements médicamenteux ou de complication (perforation intestinale, occlusion, fistules), la chirurgie est parfois nécessaire. Elle signifie l’ablation de la partie de l’intestin malade mais elle ne met pas à l’abri de récidives.

Les médicaments

Les médicaments indiqués dans la maladie de Crohn pour traiter les poussées inflammatoires sont :

– la Salazopyrine et ses dérivés pour les poussées modérées,

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– les corticoïdes, réservés aux poussées plus sévères,

– les immunosuppresseurs lorsque les poussées réapparaissent fréquemment,

– le Remicade dans des cas très particuliers.

Salazopyrine

Indications : premier dérivé salicylé utilisé dans la maladie de Crohn, la Salazopyrine est efficace dans les poussées d’intensité légère lorsque l’atteinte est localisée au côlon. On la prescrit beaucoup moins depuis la sortie de ses dérivés qui présentent moins d’effets secondaires. Mode d’action : la Salazopyrine (sulfasalazine) n’est pas absorbée par l’intestin mais agit directement au contact de la muqueuse intestinale. En réalité, elle est constituée de deux molécules reliées entre elles par un pont. Seule l’une des molécules est active, la mésalazine ou 5-ASA. L’autre, la sulfapyridine, ne sert qu’à la transporter pour éviter que la 5-ASA ne soit détruite avant d’arriver au côlon. Dans le côlon, le pont est cassé par les germes locaux, et la Salazopyrine libère ses deux constituants. Malheureusement, la sulfapyridine est responsable d’effets indésirables (modifications de la formule sanguine…). Effets secondaires : la Salazopyrine présente un risque d’allergie grave, d’agranulocytose et d’atteinte des lignées sanguines. Une surveillance hématologique est recommandée au cours des deux premiers mois de traitement. Elle entraîne souvent des troubles digestifs, il faut donc prendre les comprimés au cours des repas. Une coloration brune des urines peut apparaître ainsi qu’une baisse de la fertilité (réversible) chez l’homme. Contre-indications : allergie à l’aspirine, allergie aux sulfamides, allaitement.

La maladie de Crohn expliquée Les médicaments contre la maladie de Crohn

Les dérivés de la Salazopyrine

Indication : ils ont une efficacité comparable à celle de la Salazopyrine pour des doses deux fois moindre. Ils sont prescrits en traitement d’attaque des poussées légères à modérées et en prévention des poussées aiguës pour les formes qui récidivent fréquemment. Mode d’action : ils’agit de formulations de 5-ASA seule qui ne sont pas détruites dans l’intestin. Pentasa, Rowasa et Fivasa comportent un enrobage protecteur et libèrent la 5-ASA à des niveaux bien spécifiques. Les formes suppositoires et lavements de 5-ASA sont parfois utilisées mais n’ont pas d’AMM dans la maladie de Crohn mais seulement dans la rectocolite hémorragique. Effets secondaires : le risque allergique est moindre. Des complications rénales peuvent survenir. Contre-indications : allergie aux salicylés (formules chimiques proches).

Les corticoïdes

Indications : l’activité anti-inflammatoire des corticoïdes est très efficace contre l’inflammation de l’intestin lors des poussées sévères ou modérées. C’est le traitement de référence, mais leurs nombreux effets secondaires ne les indiquent pas en prévention des rechutes. Mode d’action : les formes orales ont une action systémique, c’est-à-dire qu’elles agissent sur l’ensemble des organes. Les corticoïdes sont en général prescrits à pleine dose pendant la poussée, puis encore une semaine après l’obtention de la rémission. Ils sont ensuite réduits par paliers. Présentations : on utilise des formes orales (Cortancyl, Solupred…) ou des mousses rectales qui n’agissent que localement au niveau du rectum ou côlon gauche. Ces formes rectales sont à administrer le soir, en position couchée, et se gardent pendant la nuit. Une forme particulière de corticoïde oral est représentée par Entocort (budésonide). Il s’agit de gélules qui libèrent le principe actif au niveau de la région iléocolique. Au contraire des autres corticoïdes oraux, Entocort est très peu absorbé. Il n’est prescrit que dans certaines localisations, lors des poussées d’intensité légère à modérée. Un peu moins efficace que les corticoïdes classiques, il est bien mieux toléré. Effets secondaires : ils dépendent de la dose, de la durée du traitement et du mode d’administration : prise de poids due à une modification de la répartition des graisses, visage « lunaire » (le régime sans sel ne l’évite pas toujours), hirsutisme, alopécie, acné, mauvaise cicatrisation des plaies, ostéoporose à long terme (le patient doit être supplémenté en calcium et vitamine D3), fuite urinaire de potassium responsable de crampes et aussi risque vital en cas d’arrêt brutal d’un traitement. En effet, les glandes surrénales se mettent progressivement au repos et, en cas d’arrêt brusque (oubli des médicaments, vomissements empêchant la prise du médicament…), elles ne se « réveillent » pas assez vite pour reprendre la synthèse d’hormones essentielles. Contre-indications : celles de la corticothérapie : état infectieux, certaines viroses (varicelle, herpès, hépatites, zona…), état psychotique non traité, vaccin vivant.

Les immunosuppresseurs

Indication : on utilise les immunosuppresseurs dans les formes sévères de la maladie, chez les patients intolérants aux corticoïdes ou corticodépendants (lorsque les poussées reprennent dès que les corticoïdes sont arrêtés), ou si la maladie est mal contrôlée par des doses élevées de corticoïdes. Le traitement est souvent maintenu pendant plusieurs années. Mode d’action : ce sont des antimétabolites. Imurel inhibe la biosynthèse des nucléotides normaux entrant dans la composition des acides nucléiques. Ils ont souvent un délai d’action assez long (Imurel n’agit qu’après six à douze semaines) et doivent d’abord être associés aux corticoïdes le temps que leur effet se fasse ressentir. Présentations : Imurel (azathioprine) est disponible sous forme de comprimés. Le méthotrexate est parfois utilisé (mais sans que cette indication figure dans l’AMM) en injection intramusculaire (une injection hebdomadaire). Il est associé à de l’acide folique. Effets secondaires : ils ont une toxicité sur les cellules sanguines (globules rouges, globules blancs, plaquettes…) qui peut se manifester à tout moment du traitement. Une aplasie médullaire peut survenir en début de traitement. La formule sanguine doit être surveillée régulièrement. Ils augmentent la fréquence des infections virales (verrues, herpès…), surtout en cas de traitement associant immunosuppresseurs et corticoïdes. Contre-indications : l’association Imurel-Zyloric (allopurinol), pouvant favoriser une aplasie médullaire, nécessite de diviser les doses d’Imurel par 3 ou 4. Les vaccinations par vaccins vivants atténués sont contre-indiquées.

Remicade

Indication : Remicade (infliximab) n’est prescrit qu’en cas de maladie de Crohn sévère non contrôlée par un traitement par corticoïde ou immunosuppresseur, en milieu hospitalier.

Mode d’action : c’est un anticorps fabriqué par biotechnologie, destiné à neutraliser le TNF-alpha, un des médiateurs de l’inflammation actif dans la maladie de Crohn. Il est administré par voie intraveineuse. Contre-indications : tuberculose, insuffisance cardiaque.

Chirurgie

Elle ne permet pas la guérison, car même en retirant la portion atteinte l’inflammation peut reprendre ailleurs. Elle est pratiquée généralement en cas de complication (occlusion, abcès intra-abdominaux…). Elle consiste à supprimer la partie malade de l’intestin et à rétablir la continuité digestive par anastomose (accolement) des deux extrémités. En général, pour que cette anastomose cicatrise correctement, on créée de façon temporaire une stomie en amont, c’est-à-dire un abouchement de l’intestin directement à la peau de l’abdomen qui permet de dériver les matières fécales pendant deux à trois mois. Le patient porte donc une stomie (anus artificiel) avec des poches pour le recueil des matières ou un système d’irrigation qui permet de porter une minipoche ou une compresse entre deux séances d’irrigation. Après deux ou trois mois, la continuité de l’intestin est rétablie et la stomie refermée.

Hygiène de vie

Alimentation

• Au cours d’une poussée avec diarrhée : éviter les fibres (fruits, crudités, légumes verts) et le lait.

• En cas de sténose (rétrécissement) de l’intestin, éviter les aliments riches en fibres dures (choux, poireaux, radis, salsifis, oseille…) et les fruits secs comme l’arachide qui peuvent former un obstacle mécanique.

• Pendant les périodes de rémission, aucun régime ne semble nécessaire. La tendance est au régime pauvre en résidus (légumes secs, crudités, légumes à grosses fibres, melon, prunes, rhubarbe, céréales et pain complet).

• En cas de poussée intense ou de dénutrition, le médecin peut prescrire une alimentation entérale continue grâce à une sonde passée par une narine et descendant jusqu’à l’estomac. Le mélange nutritif est amené par un système de pompe et oblige le patient à limiter ses déplacements. Dans certains cas, une nutrition parentérale (par voie veineuse) est mise en place, ce qui permet la mise au repos complet du tube digestif.

Tabac

L’arrêt du tabac diminue le risque de poussées de la maladie. Il faut donc proposer au patient des moyens pour l’aider à arrêter de fumer : substituts nicotiniques, consultation dans un centre spécialisé…

Qualité de vie

Si l’espérance de vie n’est pas affectée par la maladie, la fréquence et l’intensité des poussées est extrêmement variable d’un patient à l’autre. Les rémissions (sous traitement) sont en moyenne de deux ans. Lors de leurs études, les patients sont souvent gênés ponctuellement pour passer des examens ou concours. Même si une réorientation professionnelle doit être envisagée chez 30 % des patients déjà dans la vie active, il n’y a pas de profession interdite. Le retentissement sur la vie sociale et les loisirs est variable. 20 % des patients s’estiment très gênés.

Sport

Toutes les activités sportives peuvent être pratiquées (en dehors des poussées). Une activité physique régulière (30 à 60 minutes de marche trois à quatre fois par semaine) permet de réduire le risque d’ostéoporose.

Psychologie

Les patients traversant des moments difficiles (douleurs abdominales, diarrhées, stomie…), le soutien d’un psychiatre ou d’un psychologue peut s’avérer nécessaire.

Sexualité, grossesse

La sexualité peut être perturbée lors des périodes de poussées inflammatoires mais en dehors elle n’est pas modifiée. La contraception par pilule ou stérilet est possible. En cas de grossesse, la plupart des médicaments sont autorisés, sauf le méthotrexate, l’infliximab et un antibiotique souvent prescrit, la ciprofloxacine. Dans certains cas, la chirurgie du rectum peut entraîner une impuissance chez l’homme et des douleurs lors des rapports chez la femme.

Voyages

Ils nécessitent de prendre certaines précautions : emporter son traitement en quantité suffisante, son ordonnance, et les garder avec soi en avion ; suivre les recommandations pour éviter la turista ; les vaccinations contre l’hépatite A, l’hépatite B et la typhoïde peuvent être pratiquées. Celle contre la fièvre jaune, l’encéphalite à tiques et l’encéphalite japonaise sont contre-indiquées en cas de traitement immunosuppresseur.

Soutien

Les patients pourront trouver information et soutien auprès de l’Association François-Aupetit : Hôpital Saint-Antoine, bât. J.-Caroli, 9e ét., 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris. Tél. : 01 43 07 00 49. Site Internet :

Gros plan

La maladie de Crohn chez l’enfant

On utilise les mêmes médicaments que chez l’adulte : Salazopyrine et dérivés, traitements corticoïdes les plus brefs possible, immuno-suppresseurs. À ce traitement s’ajoute la nutrition entérale par sonde nasale qui est un traitement à part entière chez l’enfant. La nutrition entérale est très efficace pour stopper une poussée, corriger le retard nutritionnel et prolonger les rémissions. L’enfant peut aller à l’école normalement, avec une pompe portable (taille d’un baladeur). Dans certains cas on préfère la nutrition parentérale (par voie intraveineuse), mais elle présente un risque infectieux.

Le maintien nutritionnel est primordial chez l’enfant, d’autant cette maladie entraîne un retard de croissance et un retard de puberté. Le décalage atteint souvent deux ans, et 30 à 50 % des enfants auront une taille définitive en dessous de la moyenne. Il est d’ailleurs fréquent que l’enfant ou l’adolescent soit déprimé à la fois par ses problèmes intestinaux et par son handicap physique (petite taille, retard pubertaire, bouffissures du visage). Mais s’il est bien soutenu par son entourage, l’enfant peut suivre une scolarité normale et envisager un avenir identique à celui de ses camarades.

Maladie de Crohn et rectocolite hémorragique

Ce sont toutes les deux des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin évoluant par poussées, mais la rectocolite hémorragique n’atteint que le rectum et le côlon, alors que la maladie de Crohn peut atteindre n’importe quelle partie du tube digestif. Ces deux maladies sont également appelées maladies inflammatoires chroniques intestinales. Leurs traitements sont assez proches.

À quel âge la maladie est-elle le plus souvent découverte ?

Le plus souvent, la maladie de Crohn est détectée entre 16 et 25 ans. Il est très rare qu’elle soit détectée chez l’enfant avant 10 ans.

Y a-t-il des médicaments à éviter ?

Oui, il faut éviter les AINS (dont l’ibuprofène : Advil, Nurofen, Upfen…), qui peuvent déclencher des poussées de la maladie.

Pourquoi faut-il absolument arrêter de fumer lorsqu’on souffre d’une maladie de Crohn ?

Le tabac augmente le nombre de poussées et accélère le risque de récidive.

Quel rôle joue le stress dans la maladie de Crohn ?

Il semble que le stress favorise le développement de la maladie, mais les études sont souvent contradictoires.

Le risque de rechute diminue-t-il avec le temps ?

Non, malheureusement, il persiste à long terme, et reste stable au cours du temps. Mais l’évolution est très variable d’un patient à l’autre.