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Ces métiers à (re)découvrir
Rayonniste, secrétaire, esthéticienne, diététicienne… L’officine s’ouvre à d’autres métiers et bouscule le duo traditionnel préparateur/pharmacien.
On les nomme stockistes. On devrait les appeler magasiniers, emballeurs, conditionneurs, rayonnistes si l’on s’en tient aux qualifications professionnelles figurant dans la grille des salaires de l’officine. Mais stockiste, ça veut dire ce que ça veut dire. Les six stockistes de la Grande Pharmacie Gerbaud, la plus grande de Nîmes (Gard), gèrent l’ensemble des stocks de A à Z : ils réceptionnent les commandes, les pointent, étiquettent, achalandent les rayons et mettent en réserve. « Ce métier correspond à mes goûts pour les mathématiques, confie Audrey Lombardi, 24 ans, j’aime organiser, ranger, classer, compter… » La jeune fille a d’abord travaillé deux ans comme vendeuse dans un magasin de chaussures, puis deux ans dans une officine à Marseille. Aussi, quand elle a déménagé à Nîmes son expérience a séduit le titulaire Christian Gerbaud. « J’essaie d’employer les bonnes personnes au bon poste, en fonction de ce qu’elles savent et aiment faire, explique-t-il. Il me semble plus efficace de laisser la gestion des stocks à des stockistes, la parapharmacie à des spécialistes, les papiers à la secrétaire, le médicament aux pharmaciens et aux préparateurs… » Pour lui, c’en est fini du schéma classique pharmaciens/préparateurs/apprentis. « L’important pour moi est de veiller à la cohésion de l’équipe, à ce que chacun se sente un élément actif de l’entreprise. » Car avec ses trente-sept salariés pour un chiffre d’affaires annoncé de « 7,9 millions d’euros sur les douze derniers mois », la Grande Pharmacie Gerbaud est une véritable PME, classée en quatorzième position au dernier « Top 100 » du mensuel Pharmacien Manager. Certes peu représentative du paysage officinal français, où la pharmacie moyenne emploie actuellement cinq personnes. Mais qui préfigure peut-être quelques grands traits du visage de l’officine de demain.
Dix métiers représentés
« Quand j’ai commencé dans ce métier, il y a vingt-cinq ans, c’était avec un stylo et une machine à calculer à rouleau. Aujourd’hui, nous avons vingt-deux ordinateurs. On n’exerce plus comme il y a un quart de siècle. » Si l’homme a su faire prospérer son affaire, il y a été au départ forcé et contraint pour ne pas fermer boutique. Car, dans les deux ans qui suivent son installation en 1979, contre toute attente, deux officines s’installent dans son périmètre vital, dont l’une à deux cents mètres de son pas de porte. « J’aurais pu croquer des tranquillisants, j’ai retroussé mes manches. J’ai fait un maximum de gardes et j’ai joué mes atouts, mon sourire et ma compétence. » Avec la loi Neyer de 1988 qui accorde la liberté des prix, Christian Gerbaud passe la vitesse supérieure et développe la parapharmacie. Dans la foulée, il fait figure de précurseur quand il embauche une secrétaire puis une responsable achat. En 1996, c’est le tournant avec un transfert. Il triple son effectif qui passe de douze à près de quarante personnes, toutes à temps plein, à quatre exceptions près. Dix métiers sont aujourd’hui représentés : pharmaciens (dix), préparateurs (huit), conseillères en parapharmacie (trois), stockistes (six), mais aussi esthéticienne, responsable des stocks, des achats, responsable administratif, secrétaire et femme de ménage ; auxquels s’ajoutent deux stagiaires étudiantes en pharmacie et quatre apprentis préparateurs.
www.porphyre.comCritère de recrutement : l’ouverture d’esprit
Chantal Vailhé, préparatrice, a vu la pharmacie évoluer depuis 1986 : « Quand j’ai commencé, il fallait être très polyvalent, explique-t-elle. Maintenant, il faut être pointu dans une spécialité. » De plus, l’arrivée des conseillères en parapharmacie a permis aux préparateurs d’être plus présents au comptoir médicaments. « Tout le monde est à sa place. Me concernant, ma compétence s’arrête à l’esthétique. Pas question de m’occuper de pathologies cutanées », assure Monique Salomon, esthéticienne recrutée l’an dernier après avoir travaillé pendant onze ans dans une parfumerie. « Les clients – ils sont un millier par jour – viennent rarement pour un seul produit, ils vont être tentés par un savon en promotion ou un shampooing en rayon », constate Monique Salomon. Et le conseil fait le reste… « L’officine, ce n’est pas que le médicament, fait remarquer le titulaire, d’autant que la marge dégressive lissée est passée de 33,44 % à 21 %. Si l’on veut continuer à payer ses salariés, il faut aussi vendre de la parapharmacie et se réapproprier un marché qui nous a filé entre les doigts au profit de la grande distribution. Sur cent shampooings vendus en France, quatre le sont en officine. Il nous faut inverser la tendance. » Et pour doper les ventes, rien de tel que d’avoir un personnel compétent pour chaque tâche. Titulaire d’un bac commercial, précédemment déléguée commerciale de laboratoire, Carole Firion est responsable achats pour la parapharmacie et la médication familiale, une pharmacienne ayant en charge le médicament. « Beaucoup de pharmaciens titulaires ne veulent pas déléguer, observe-t-elle. Pourtant, il n’y a vraiment pas besoin d’être scientifique pour acheter : il suffit de savoir négocier et de travailler en confiance. Moi, j’achète comme si c’était mon argent. » Quand il recrute, le titulaire ne se fie pas seulement au diplôme, il attend du candidat une ouverture d’esprit et une volonté de progresser. « Lorsque Marjorie Pagano est arrivée comme apprentie préparatrice, elle avait en poche un DUT action commerciale, une expérience de travail dans la grande distribution et une certaine impertinence, raconte-t-il. Je n’allais pas lui faire remplir des gélules. Aujourd’hui, elle est devenue mon bras droit. Elle est responsable du merchandising, du marketing, du développement, bref, c’est pratiquement elle qui dirige l’entreprise. »
Du changement aussi dans les petites officines
Reste que l’apparition de nouveaux métiers est plus ou moins significative selon la taille de l’officine. « L’embauche d’esthéticienne, de comptable ou de responsable achats reste l’apanage des grandes officines, poursuit Philippe Gaertner. Les petites officines tendent à employer un personnel dédié pour le ménage et le suivi administratif. Mais la charge de travail n’est pas suffisante pour embaucher un rayonniste et les demandes en parapharmacie sont trop épisodiques pour nécessiter la présence d’une esthéticienne. » Le groupement de pharmacies IFMO, implanté en Alsace, a établi ce même constat et trouvé une solution originale pour ses adhérents avec la mise à disposition de diététiciennes et de dermocosmétologues à temps partiel. « Une cinquantaine d’officines ont actuellement recours à des diététiciennes qui sont présentes à l’officine une demi-journée à une journée et demi par semaine, indique Dominique Schmidt, pharmacien à Niederbronn-les-Bains (Bas-Rhin) et président du groupement. Nous réfléchissons actuellement à une formule similaire de secrétariat volant, notamment pour la gestion du tiers payant. » Ceci dit, les petites officines devront faire des choix. Contrairement aux grandes, elles ne pourront se permettre d’accueillir tous les spécialistes. Et les préparateurs devront rester polyvalents. Pour autant, ils ont tout intérêt à se former pour se muscler dans une ou plusieurs spécialités. Pour Jean-Michel Aguié, 43 ans, préparateur et « bras droit » du titulaire de la Pharmacie des Papillons à Montereau, c’est une évidence : « Il faut que les jeunes préparateurs prennent conscience de la nécessité de ne pas rester les deux pieds dans le même sabot, de ne pas se contenter de leur diplôme, d’acquérir des compétences. » D’ailleurs, sur fond de formation continue bientôt obligatoire, les formations proposées par les organismes agréés, les groupements, les laboratoires, ne manquent pas et, au contraire, se multiplient : dermocosmétique, diététique, maintien à domicile, homéopathie, phytothérapie, médicament… Pour autant, les formations complémentaires diplômantes ouvertes aux préparateurs sont rares, hormis la formation de conseillère en dermocosmétique du Centre Boticelli de Paris, créée en 1996. Cela devrait changer avec la création prochaine de certificats de qualification professionnelle dans différentes spécialités. Créés par la profession, il donneront droit à une valorisation salariale.
Les métiers de l’officine passés au crible
Évolution du métier de préparateur, émergence des nouveaux métiers à l’officine… Ces thèmes seront au cœur du contrat d’étude prospective lancé par la Commission paritaire nationale de l’emploi (CPNE) pour lequel un cabinet spécialisé vient d’être choisi. Mission : réaliser un état des lieux, déterminer le contenu des nouvelles formations et nouveaux métiers liés à l’officine, brosser le tableau du paysage officinal à l’horizon 2015. Le cabinet devrait remettre sa copie d’ici fin 2005 et une nouvelle grille de salaires suivra dans la foulée. « La grille de classification devrait être assez fortement resserrée, avec une réduction du nombre de métiers et l’introduction de quelques nouveaux métiers », indique Pierre Harmel, président de la CPNE et vice-président de l’UNPF (Union nationale des pharmacies de France) chargé des affaires sociales. « L’apparition de nouvelles tâches nécessitait la prise en compte de nouveaux métiers, commente de son côté Jean-Pierre Lamothe, vice-président de la Fédération des syndicats des pharmacies de France. Il va de soi qu’on ne peut être opposé à ces autres métiers, qui sont une bonne chose pour l’officine car ils permettront aux pharmaciens et préparateurs de se consacrer à la délivrance du médicament. » Les syndicats représentant les salariés de l’officine ne s’opposent pas non plus à l’arrivée de ces nouveaux métiers. Une bonne chose pour Céline Tuso, secrétaire départementale FO-pharmacie dans les Alpes-Maritimes : « À condition qu’ils soient réellement employés selon leur qualification, estime-t-elle. On a vu des personnes servir au comptoir sans diplôme et je crains de nouvelles dérives… » Pour Michel Le Diréach, chargé de mission CFDT « santé-sociaux », « c’est logique, il va de soi qu’on ne peut être opposé à ces autres métiers, étant acquis pour tout le monde que la pharmacie d’officine est en pleine mutation ».
(1) UTIP : Union technique intersyndicale pharmaceutique.
(2) ANFPP : Association nationale pour la formation professionnelle de la pharmacie.
La possibilité d’évoluer
« Ici, quels que soient le diplôme ou la qualification, il y a possibilité d’évoluer car le titulaire délègue beaucoup », se félicite Marjorie Pagano. Même type de philosophie à la Pharmacie des Papillons, à Montereau (Seine-et-Marne), où les titulaires, Jean-Jacques et Jean-ChristopheMercier, sont à la tête d’une équipe d’une vingtaine de personnes : trois autres pharmaciens, sept préparateurs dont, là aussi, un préparateur « bras droit », une esthéticienne, deux conseillères beauté, deux caissières, une secrétaire, une conditionneuse et une femme de ménage. Jean-Jacques Mercier a notamment eu l’idée de séparer l’acte pharmaceutique de l’acte de vente. Le pharmacien ou le préparateur délivre au comptoir, puis invite le client à passer en caisse pour payer. Les conseillères beauté sont, quant à elles, présentes dans l’espace parapharmacie, toujours sur le qui-vive, prêtes à conseiller le client. « Pour la parapharmacie, on est passé du libre-service au libre-service assisté, un atout pour accroître sa clientèle », confirme Daniel Sincholle, titulaire de la Pharmacie des Arceaux, à Montpellier. Son officine, classée en douzième position au « Top 100 » de Pharmacien Manager, emploie trente personnes dont seize pharmaciens (deux associés titulaires compris), quatre caissières, une esthéticienne, une diététicienne, huit rayonnistes, une secrétaire, un comptable et un seul préparateur ! Daniel Sincholle et son associée Anne-Marie Malbec ont perpétué l’organisation mise en place par leurs prédécesseurs « qui préféraient n’avoir que des pharmaciens au comptoir » (sic). Si la délivrance des médicaments devient la chasse gardée du pharmacien, quelle sera la place demain pour le préparateur ? Est-il voué à disparaître ? On n’en est pas là. Philippe Gaertner, président de l’UTIP (1), organisme de formation, et ex-président de l’ANFPP (2), se veut rassurant : « Premièrement, toutes les officines n’ont pas les moyens de rémunérer exclusivement des pharmaciens. Deuxièmement, imaginer que les quelque 45 000 préparateurs en activité vont être remplacés par des adjoints est complètement irréel, étant donné la pénurie. » Et le titulaire Jean-Jacques Mercier de confirmer : « Impossible pour moi de trouver un adjoint. Et pourtant je propose pour vingt-six heures par semaine le coefficient 600, avec tous les après-midi libres, y compris le samedi et le mercredi. » Alors, est-ce que ce ne sont pas les nouveaux métiers qui font de l’ombre aux préparateurs ? « Pas du tout, estime Christian Gerbaud. J’essaie de développer leurs points forts. C’est simplement dommage que leur formation soit si rétrograde. On passe des heures à leur enseigner les préparations, alors qu’ils n’en font plus, tandis que l’aspect commercial du métier est complètement occulté. Remarquez, il en va de même pour le pharmacien qui n’a aucune notion de la rentabilité d’un rayon sortant de la fac. »
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