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Votre mutuelle décryptée

Publié le 1 octobre 2004
Par Claire Bouquigny et Claire Manicot
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Les salariés de l’officine cotisent à un régime de prévoyance collectif, le Groupe Mornay ou les AGF, pour les cadres. Mais ils connaissent mal leurs droits.

Je suis remboursé de mes frais de santé et j’ai eu une prime à chaque naissance, mais, à part cela, je ne sais pas ce à quoi j’ai droit », avoue Laure, préparatrice dans le Gard. « Les salariés de l’officine ne connaissent que l’aspect mutuelle complémentaire de leur régime et ignorent l’aspect prévoyance. Ils sont pourtant couverts en cas d’invalidité, d’incapacité de travail ou de décès, confirme Gabrielle Halegouet, préparatrice à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) et membre des comités de gestion des organismes de prévoyance. « Je n’ai jamais reçu de documentation », ajoute Laure. Et pour cause. Ce ne sont pas les salariés qui sont souscripteurs du contrat mais les pharmaciens titulaires. Ceux-ci sont tenus d’y affilier tous les salariés qui sont assujettis au régime général de la Sécurité sociale, et ce, dès leur entrée dans l’entreprise et quel que soit leur statut, qu’ils soient en contrat à durée déterminée ou indéterminée, employés ou cadres, apprentis, temps partiels, etc. 88 000 salariés non cadres et 18 800 cadres cotisent au Groupe Mornay, tandis que et 8 800 cadres cotisent aux AGF (Assurances générales de France). Avantage du contrat collectif : le bon rapport qualité/prix qui permet d’abaisser le coût des frais de gestion. Sans compter que l’employeur prend en charge une partie des cotisations. Intérêts fiscaux à la clé : la contribution patronale est exclue de l’assiette des cotisations sociales, tandis que les cotisations des salariés sont déduites du salaire net et donc non imposables. « Mais le principe de base est d’abord la solidarité, souligne Patrick Le Métayer, secrétaire fédéral de Force ouvrière-Pharmacie d’officine. Le montant de la cotisation n’est lié ni à l’âge, ni à l’état de santé, ni à la situation de famille de l’assuré. » À la différence des contrats individuels, il n’y a pas de critère d’exclusion ou de différenciation. « Même les salariés qui travaillent à temps partiel ont des prestations de prévoyance complètes, poursuit-il, sous réserve qu’ils travaillent plus de 16 heures par semaine et bénéficient de ce fait des prestations de la Sécurité sociale. »

La garantie frais de santé Maintien de garantie des frais de santé en cas d’interruption de travail

Distinction entre cadres et non-cadres

Petit bémol au principe de la solidarité : les prestations ne sont pas les mêmes pour tous. Distinction est faite entre cadres et non-cadres. Voire même, pour des points très spécifiques, entre cadres (adjoints) et assimilés cadres (préparateurs au-dessus du coefficient 300). Ceci dit, il n’est pas facile de savoir quel régime est le plus favorable. Si certaines garanties des cadres (dentaires, optique) semblent supérieures à celles des non-cadres, leurs cotisations sont aussi plus importantes. S’ils ont des avantages (leurs enfants peuvent être ayants droit s’ils étudient, en cas de décès le conjoint survivant bénéficie du maintien d’une couverture), leur régime présente aussi des points faibles : pas de prestations maternité systématique (option), des indemnités journalières à compter du quatrième jour en cas d’arrêt de travail pour accident (à compter du premier jour chez les non-cadres). Bref, cotisations et prestations sont difficiles à comparer, d’autant que les garanties sont exprimées de façon très variable : forfait, lettres clés, pourcentage du tarif de convention, des frais réels ou de plafond mensuel de la Sécurité sociale. « Pourtant, avec les préparatrices, nous avons comparé nos remboursements et constaté que dans l’ensemble c’était assez proche, regrette Pascale Agaccio, pharmacienne adjointe dans les Bouches-du-Rhône. Ce qui nous déplaît, c’est que nos conjoints ne puissent pas en bénéficier puisqu’ils ne sont pas des ayants droit. » En effet, seuls les conjoints non salariés sont considérés comme des ayants droit. À contrario, d’autres se plaignent : ils sont couverts par la mutuelle de leur conjoint, mais cotisent quand même au régime de prévoyance obligatoire de l’officine. Sur un plan plus global, la qualité du régime de prévoyance semble moyenne si on compare celui-ci avec d’autres régimes selon la méthode utilisée par les chercheurs de l’IRDES (Bulletin d’information n° 80 de février 2004), notamment pour les lunettes et les prothèses dentaires où les garanties offertes apparaissent faibles pour les non-cadres et moyennes pour les cadres. Par contre, « la convention collective est favorable aux arrêts de travail puisque le délai de carence pour les salariés non cadres n’est que de trois jours, ce qui est assez rare, certains contrats pouvant donner des carences de trente jours », souligne Martine Lerouet, responsable des assurances collectives au Groupe Mornay. Mais ne nous méprenons pas : ce ne sont pas les organismes de prévoyance qui fixent prestations et cotisations. Le régime de prévoyance est défini par la convention collective de la pharmacie et résulte d’une négociation entre syndicats de salariés et d’employeurs. « Les représentants des salariés et des employeurs ont la responsabilité de leurs comptes. En juin, ils adoptent ceux de l’année précédente et, en janvier, nous leur fournissons des comptes prévisionnels, rapporte Jean-François Pras, inspecteur des assurances aux AGF. Les syndicats salariés et patronaux négocient les niveaux de prestations, les cotisations et leur répartition entre employeurs et salariés. »

Cotisations Exemples de cotisations selon le salaire

Négociations

« Comme toute évolution a un coût, toute – augmentation doit être négociée et dépend de la capacité des employeurs et des salariés à payer », commente Dominique Drouet, secrétaire nationale à la fédération CFDT-Santé/Services sociaux. Les comités de gestion suivent également les évolutions de la législation. « Par exemple, quand est sorti le décret sur le congé paternité, nous avons discuté de l’opportunité de le prendre en charge ou non, explique Philippe Fernandez, directeur général de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. La proposition est discutée au comité de gestion puis nous la soumettons en commission paritaire nationale qui est l’organe souverain. Quand la décision est prise, nous nous retournons vers les gestionnaires que sont le Groupe Mornay et les AGF afin qu’ils adaptent les contrats. » Ces organismes suivent généralement les décisions de la branche professionnelle, mais ils peuvent aussi dans une certaine mesure, notamment en cas de déséquilibre financier, demander des modifications soit en augmentant les cotisations, soit en baissant les garanties. « Si on n’obtempère pas, ils peuvent dénoncer le régime », commente Dominique Drouet. Le problème s’est posé l’an dernier avec un accroissement des arrêts de travail pour maladie dans le régime des non-cadres. « Le risque incapacité/invalidité du régime de prévoyance était déficitaire, aussi il a été décidé de majorer la cotisation de ce risque. Les indemnités complémentaires versées en cas d’arrêt de travail sont passées, elles, à 82 % du salaire brut au lieu de 90 % auparavant. Ce qui est sans incidence sur le montant des indemnités puisque ce pourcentage correspond à 100 % du salaire net », explique Patrick Le Métayer. Pas de problème de ce type du côté des cadres, dont le régime est équilibré. « Ils consomment plus en frais de santé mais ils ont très peu d’arrêts de travail, et çà c’est vrai pour tous les secteurs professionnels », rapporte Jean-François Pras. Alors faut-il déshabiller les cadres pour rhabiller les non-cadres ? « Pas question, commente Patrick Le Métayer. Pourtant un régime unique permettrait de mieux mutualiser les risques, mais les employeurs y sont opposés et les mentalités n’y sont pas prêtes. » L’industrie pharmaceutique, les laboratoires d’analyses médicales et l’Uniphar ont adopté ce type de régime offrant des garanties identiques avec des taux de cotisations variables et adaptés aux salaires de chaque catégorie de salariés.

Garanties Incapacité de travail, Invalidité, Maternité, Paternité Prévoyance décès Exemples de remboursement

L’option des surcomplémentaires

« On aimerait cotiser plus pour être mieux remboursé », regrette Pascale Agaccio. « Les complémentaires santé ont de gros problèmes avec la Sécurité sociale qui dérembourse, explique Gabrielle Halegouet. Beaucoup de médicaments qui étaient remboursés à 65 % passent à 35 %, on le voit bien en officine avec le changement de couleur des vignettes qui ne sont plus blanches mais bleues. Ces médicaments continuent à être pris en charge à 100 % par le régime de prévoyance, mais pour financer ces 30 %, il faudra bien augmenter les cotisations… » Mais la branche officine n’est pas prête. La seule option possible est proposée par le Groupe Mornay : « Chaque titulaire est libre d’adhérer à la surcomplémentaire Pharma +, sous condition toutefois que l’ensemble des salariés l’accepte, le refus d’un seul pouvant bloquer cette possibilité », rappelle Martine Lerouet. Sinon, les salariés doivent choisir individuellement de cotiser à une surcomplémentaire. Certaines situations sont traitées au cas par cas par les organismes de gestion. Ainsi Caroline, qui a pris plusieurs mois de congé sans solde pour s’occuper de son enfant malade, a bénéficié d’une aide financière dans le cadre de l’action sociale : « Pour les frais d’orthodontie de mes enfants, je me suis fait rembourser par la Sécurité sociale et la mutuelle de mon époux. Le Groupe Mornay m’a versé ensuite un complément. »

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Repères

Un régime de prévoyance obligatoire pour tous

Le titulaire est tenu d’affilier ses salariés à un régime de prévoyance défini par la convention collective nationale de la pharmacie d’officine. Cet accord écrit résulte d’une négociation entre syndicats de salariés et d’employeurs. Il fixe le niveau des avantages conférés aux salariés et les règles particulières de mise en application pour les entreprises. La convention collective, applicable à toutes les officines, est recensée sous le numéro 3052. Sa dernière mise à jour date du 3 décembre 1997. Elle peut être consultée à la direction départementale du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle ou achetée aux Journaux officiels, 26, rue Desaix, Paris Cedex 15.

Une gestion par deux organismes

La gestion du régime de prévoyance des non-cadres a été confiée à l’Institut de prévoyance du Groupe Mornay (IPGM), et celle des cadres et assimilés (au-dessus du coefficient 300) aux AGF. Dans les faits, seuls un tiers des cadres sont affiliés aux AGF, car, pour ne pas interrompre des contrats en cours, de nombreux officinaux n’ont pas changé l’affiliation des cadres qui étaient rattachés au Groupe Mornay (APGME) avant 1997.

Garantie frais de santé et protection sociale

Le régime verse des prestations complémentaires de celles de la Sécurité sociale pour les frais de santé. Mais le régime est plus qu’une mutuelle complémentaire, il assure des prestations en cas d’incapacité de travail, de maternité ou paternité, de décès ou d’invalidité

Les ayants droit pour les garanties frais de santé

Ce sont : l’assuré, le conjoint ou le concubin de l’assuré, les enfants du concubin, le partenaire pacsé (seulement s’ils ont le statut d’ayant droit et bénéficient des prestations de Sécurité sociale à ce titre), les enfants de l’assuré à sa charge ou à celle de son conjoint (jusqu’à 20 ans s’ils suivent des cours de formation rémunérés). Et en plus, pour les cadres : les enfants étudiants de moins de 27 ans, les enfants handicapés à charge de moins de 28 ans, s’ils sont titulaires de la carte d’invalidité civil avant leur 21e anniversaire.

Où s’adresser ?

Groupe Mornay

Paris Nord, tél. : 01 40 02 82 90 et Paris Sud, tél. : 01 53 02 37 36 – 5 à 9, rue Van-Gogh, 75591 Paris Cedex 12 • Grand Ouest, tél. : 02 99 86 70 30 – 8, av. Henri-Fréville, 35200 Rennes • Centre-Est, tél. : 04 72 00 50 70 – 19, place Louis-Pradel, 69281 Lyon Cedex 01 • Méditerranée, tél. : 04 67 22 72 00 – Le Triangle, 26, allée Jules-Milhau, 34263 Montpellier Cedex 2 • Est, tél. : 03 83 34 28 00 – 7, rue du Grand-Rabbin-Haguenauer, 54053 Nancy Cedex • Sud-Ouest, tél. : 05 61 11 08 08 – 5, esplanade Compans-Caffarelli, bd Lascrosses, 31097 Toulouse Cedex 09 • Centre Océan, tél. : 05 45 36 40 27 – 75, bd Denfert-Rochereau, BP 86, 16103 Cognac Cedex.

AGF Collectives

Tél. : 01 58 85 15 00 – Tour Neptune – Centre de gestion 72/7 – CP0707 – 20, place de Seine – 92086 Paris-la Défense Cedex.