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L’hépatite C chronique

Publié le 1 octobre 2004
Par Christine Julien
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Infection transmise par le sang, l’hépatite C devient chronique chez huit patients sur dix.

La bithérapie interféron pégyléribavirine permet de guérir plus de la moitié des malades infectés à condition d’une observance stricte.

Définition

L’infection par le virus de l’hépatite C provoque une inflammation des cellules hépatiques. Elle passe généralement inaperçue au stade aigu. Elle est dite chronique si elle dure plus de six mois. Dans 20 % des cas, l’hépatite C guérit spontanément. Dans 80 % des cas, le virus persiste dans l’organisme, surtout dans les cellules du foie.

But du traitement

Il s’agit d’abord d’éliminer le virus. Ensuite, si le traitement n’est pas efficace, il s’agit de réduire l’activité de la maladie et de prévenir la survenue d’une cirrhose et d’un carcinome hépatocellulaire. L’objet de cet article concerne le traitement de l’hépatite chronique. Toutefois, si une hépatite aiguë est diagnostiquée, il est possible de la traiter (voir encadré) afin de réduire significativement le risque de passage à la chronicité.

Examens préalable

Les examens sanguins

• Recherche d’anticorps. On recherche la présence d’anticorps dirigés contre le virus de l’hépatite C (VHC) en cas de dépistage systématique (hémodialyse, don du sang), de fatigue inexpliquée ou chez un patient ayant des facteurs de risque.

• Dosage de l’ARN du virus. On recherche le signe de réplication du virus en déterminant son ARN dans le sérum. Si l’ARN est négatif, l’infection est guérie. Si ce n’est pas le cas, il faut poursuivre les investigations.

• Dosage des transaminases et typage du virus. Si l’ARN est positif, un bilan sanguin complet (formule sanguine, plaquettes, coagulation, fonction hépatique, recherche de coïnfections…) est effectué ainsi qu’une échographie abdominale. Le taux des transaminases et le type du virus vont orienter la conduite thérapeutique. Les transaminases sont des enzymes hépatiques qui augmentent lorsque les cellules du foie souffrent ou sont détruites. Il existe six types de virus ou génotypes, dont certains entraînent un plus fort taux de pourcentage de réussite au traitement : 80 % de guérison en cas d’infection par les génotypes 2 et 3 et 40 % pour le génotype 1.

La ponction biopsie du foie

Si les transaminases sont élevées (5 à 10 N) et si le génotype incriminé est 1, 4, 5 ou 6, une biopsie est réalisée. La ponction-biopsie hépatique est l’examen de référence le plus fiable pour évaluer la sévérité de l’hépatite chronique et pour poser l’indication du traitement. Le résultat s’exprime selon un score. Le plus utilisé est le score Metavir s’exprimant par les deux valeurs A et F. La lettre A exprime l’activité de l’hépatite (de 0 = aucune activité, à 3 = activité très importante) ; la lettre F indique le degré de fibrose ou atteinte du foie (0 = pas de lésion ; à 4 = cirrhose).

Choix du traitement

Abstention thérapeutique

• Si les transaminases sont normales (trois à quatre dosages sur six mois), on ne réalise ni biopsie ni traitement, car le risque d’évolution des lésions hépatiques est très faible. Toutefois, si le patient est jeune, le souhaite et a un génotype 2 ou 3 avec des manifestations extrahépatiques, un traitement peut être envisagé.

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• Si la ponction-biopsie donne un score Metavir F0 ou F1, une surveillance clinique et un dosage des transaminases sont renouvelés tous les six mois et une ponction-biopsie hépatique tous les cinq ans.

Les médicaments contre l’hépatite C chronique

Traitement

Il est instauré après biopsie si le score Metavir est supérieur ou égal à A2 et/ou F2.

Il est instauré sans biopsie préalable si les transaminases sont élevées (5 à 10 N) et le génotype incriminé est 2 ou 3.

Schémas thérapeutiques

Les médicaments utilisés sont des antiviraux : il s’agit des interférons alpha, standard ou pégylés, et de la ribavirine.

Bithérapie : interféron et ribavirine

Le traitement de référence est une bithérapie associant un interféron pégylé à la ribavirine durant 24 ou 48 semaines selon le génotype.

Monothérapie

– L’interféron pégylé en monothérapie est indiqué en cas de contre-indication à la ribavirine ou d’échec à la bithérapie.

– L’interféron standard est surtout utilisé chez les patients dialysés (contre-indication à la ribavirine) et dans l’hépatite aiguë (hors AMM) dans le cas où l’ARN viral est positif douze semaines après l’ictère.

– La ribavirine en monothérapie (non validée) est discutée pour les malades ayant une fibrose F3 ou une cirrhose, ou une intolérance ou une contre-indication à l’interféron.

Les médicaments

Les interférons

Ce sont des glycoprotéines synthétisées par les cellules immunitaires en réponse à une infection virale. Ils possèdent des propriétés antivirales, immunomodulatrices et antifibrosantes. Les interférons utilisés dans le traitement de l’hépatite C sont les interférons alpha, standard ou pégylés, fabriqués par synthèse. Administration : au frais entre + 2 et + 8° C, les interférons sont à sortir du réfrigérateur 30 minutes avant l’injection. Exceptionnellement, ils peuvent être transportés durant 48 heures à une température inférieure à 25° C. Ils sont administrés par voie parentérale, essentiellement en sous-cutané, durant 24 semaines en cas de génotype 2 ou 3, ou 48 semaines pour les autres. Contre-indications : hyper-sensibilité à l’interféron, affection cardiaque sévère, insuffisance hépatique ou rénale sévère, antécédents d’épilepsie et/ou atteinte des fonctions du système nerveux central, hépatite chronique avec cirrhose décompensée, maladies auto-immunes, transplantés sous traitement immunosuppresseur, troubles thyroïdiens non contrôlés, grossesse, allaitement. Effets indésirables : dose-dépendants et souvent réversibles, ils nécessitent une surveillance parfois jusqu’à 6 mois après l’arrêt du traitement. C’est le cas des manifestations psychiatriques à type de simple irritabilité ou d’insomnie pouvant aller vers un syndrome dépressif sévère (observé chez un tiers des patients). De même, la neutropénie, la thrombopénie et des troubles thyroïdiens induits par le traitement nécessitent une surveillance de l’hémogramme et de la fonction thyroïdienne. Le syndrome pseudo-grippal, fréquent après l’injection, est combattu avec du paracétamol ou de l’ibuprofène. L’alopécie, mal vécue par les patients traités, cesse à l’arrêt du traitement ainsi que l’anorexie, la perte de poids et les nausées.

Interférons alpha standard

Ce sont les interférons alpha-2a (Roféron-A), alpha-2b (IntronA et Viraféron) et alfacon-1 (Infergen). Présentés sous forme injectable (généralement en sous-cutané), ils s’administrent à raison de trois injections par semaine (lundi, mercredi et vendredi ou mardi, jeudi et samedi) durant six mois et sont poursuivis encore six mois en cas d’efficacité thérapeutique chez un patient infecté par un génotype 1 ou en cas de monothérapie.

Interférons alpha pégylés

Ce sont les interférons pégylés alpha-2a (Pegasys) et alpha-2b (Viraféronpeg). Ce sont des interférons standard auxquels on a « greffé » une molécule de polyéthylène-glycol ou PEG. Cela permet de diminuer la clairance rénale de l’interféron, de prolonger sa demi-vie et d’augmenter sa concentration plasmatique. Ils ont ainsi un schéma d’administration simplifié : une seule injection par semaine en sous-cutané dans l’abdomen ou la cuisse en changeant de site à chaque fois, durant 24 semaines ou 48 semaines en cas de génotype 1.

La ribavirine

La ribavirine (Copegus, Rebetol) est un analogue nucléosidique synthétique présentant une activité antivirale sur de nombreux virus. La prescription doit s’accompagner d’un formulaire d’accord de soins et (pour la femme) de contraception signé par le patient sur lequel le médecin indique la réalisation d’un test de grossesse préalable. Sur l’ordonnance de renouvellement doit également figurer la notification de la réalisation d’un test de grossesse mensuel. Contre-indications : la ribavirine est formellement contre-indiquée chez la femme enceinte en raison de son fort pouvoir tératogène. Attention (mise en garde pour les officinaux aussi) : ne pas manipuler pendant la grossesse des comprimés ou des gélules altérés ! Le suivi d’une contraception chez les patients traités est nécessaire ainsi que chez leur partenaire. La contraception devra être poursuivie pendant quatre mois après arrêt du traitement chez la femme traitée (ainsi que son partenaire) et pendant sept mois après arrêt du traitement chez l’homme traité (ainsi que chez le partenaire). Si la partenaire d’un homme traité est enceinte, l’homme devra utiliser des préservatifs durant toute la grossesse. Autres contre-indications : allaitement, hypersensibilité à la ribavirine, thalassémies, drépanocytose, antécédents de pathologie cardiaque sévère, insuffisance rénale chronique ou clairance de la créatinine inférieure à 50 ml/min. Administration : les repas doivent comporter suffisamment de graisses. Prendre un petit déjeuner substantiel (tartines beurrées et confiture ou équivalent). Effets indésirables : la sécheresse cutanée induite par la ribavirine doit être prévenue dès le début du traitement par l’application d’une crème hydratante juste après la douche sur une peau encore humide. La sécheresse oculaire et buccale est soulagée par des larmes ou salive artificielles.

Efficacité du traitement

Le principal critère de jugement de l’efficacité du traitement est la réponse virologique prolongée, c’est-à-dire la normalisation de l’activité des enzymes hépatiques et l’absence de détection de l’ARN viral, 24 semaines après l’arrêt du traitement. La bithérapie permet de guérir plus de la moitié des patients. Mais l’hépatite C reste encore aujourd’hui une maladie difficile à traiter dans certains cas. Elle est la deuxième cause de cirrhose et de transplantation hépatique en France, après l’alcool. La rechute se définit par la réapparition de l’ARN viral sérique dans les 6 mois qui suivent l’arrêt du traitement alors que sa recherche était négative en fin de traitement. La non-réponse se définit par la persistance de l’ARN viral sérique à la fin du traitement. Des essais sont en cours pour déterminer la conduite thérapeutique.

Vie quotidienne

Psychologie

L’hépatite C chronique est souvent associée à la menace d’un cancer du foie. Si cette évolution est possible, elle reste faible. Il faut rassurer les patients. Par ailleurs, les effets indésirables du traitement constituent un obstacle à l’observance. Encourager les malades. Les troubles dépressifs, la fatigue voire la perte de cheveux disparaissent à l’issue du traitement.

Prévention : éviter la transmission

La vie en collectivité présente peu de risque de transmission de l’hépatite C. Couvrir cependant toute plaie avec un pansement en cas d’activité sportive. Il est aussi recommandé de se faire dépister lorsqu’on vit ou que l’on a vécu avec une personne VHC positive. La prévention consiste surtout à éviter tout contact de sang à sang.

• Contraception : rappeler la nécessité absolue d’une contraception pendant le traitement et dans les mois suivant l’arrêt d’un traitement à la ribavirine : quatre mois pour la femme traitée et sept mois pour l’homme traité. Le port d’un préservatif s’impose en cas de rapports où du sang peut être présent (pendant les règles, rapports anaux, infections ou lésion génitales). Conseiller le dépistage chez tout partenaire de sujet infecté. Il n’y a pas de risque de transmission par le baiser (à moins de saignements de la bouche).

• Hygiène : il est conseillé de ne pas partager les objets de toilette pouvant être en contact avec du sang : rasoir, ciseaux à ongles, brosse à dents et matériel d’épilation. Assiette et couverts ne nécessitent pas de désinfection particulière.

• Soins et actes invasifs : conseiller les patients d’informer les soignants (infirmière, dentistes, pédicure, biologiste…) de leur statut sérologique en cas de soins ou d’acte invasifs où du sang peut être présent.

Alimentation

Le patient peut manger ce qu’il veut. Il n’y a pas de régime alimentaire avec l’hépatite chronique. La seule recommandation est de ne pas prendre du poids voire d’en perdre en cas de surcharge pondérale (pour limiter le développement de la fibrose hépatique).

Boisson

Une consommation d’alcool régulière est un facteur de progression de la maladie vers la cirrhose et diminue la réponse thérapeutique. Il est primordial de ne pas boire d’alcool, voire très occasionnellement et pas plus de deux verres pour les femmes et trois pour les hommes. Les malades cirrhotiques traités (score Metavir supérieur à F3) doivent cesser toute consommation d’alcool même minime. Éviter également tous les médicaments alcoolisés (sirop, ampoules d’extraits…) et conseiller d’utiliser d’autres formes galéniques. Une hydratation correcte est indispensable pour limiter le syndrome pseudo-grippal induit par l’interféron et la fatigue.

Activité physique

Une activité physique régulière est conseillée malgré la fatigue occasionnée par la maladie et/ou le traitement. Durant le traitement, il est possible d’envisager un mi-temps thérapeutique. L’interféron occasionne des troubles de la concentration et de lpouvant nuire à son activité professionnelle.

Grossesse

La transmission maternofœtale est de l’ordre de 5 % si la mère est virémique mais ne contre-indique pas une grossesse. En cas de coïnfection par le VIH, la transmission est multipliée par quatre ou cinq. Informer les hommes traités par ribavirine d’utiliser des préservatifs si leur compagne est enceinte, et ce jusqu’à l’accouchement car la ribavirine est présente dans le sperme.

Soutien psychologique

Le besoin d’information, l’écoute, l’appui psychologique nécessitent des oreilles attentives. Certaines associations aident à la gestion des démarches administratives, notamment en cas de contamination accidentelle.

• SOS Hépatites, BP 88, 52103 Saint-Dizier. Tél. : 03 25 06 12 12.

Fax : 03 25 06 99 54.

• Hépatites Info Service, tél. : 0 800.845 800

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Traitement de l’hépatite aiguë

L’hépatite aiguë est rarement diagnostiquée. Toutefois, la présence d’un ictère ou un examen de dépistage à la suite d’un contact sanguin accidentel peut la révéler. Elle guérit spontanément dans 50 % des cas. On la traitera si l’ARN viral est toujours détecté dans le sérum douze semaines après le début de l’ictère.

On utilise l’interféron alpha :

• soit 5 millions UI par jour pendant 4 semaines, puis 5 millions UI trois fois par semaine pendant 20 semaines,

• soit 10 millions UI/jour jusqu’à la normalisation des transaminases.

L’association à la ribavirine ou l’utilisation d’interféron pégylé sont en cours d’évaluation.

Est-ce que le taux d’augmentation des transaminases est proportionnel à la gravité de la maladie ?

Non.

La ponction hépatique est-elle le seul moyen d’apprécier le degré de fibrose ?

Des marqueurs biologiques de fibrose dosés dans le sang sont en cours d’évaluation pour éviter une ponction-biopsie hépatique (Fibrotest/Actitest…).

Quelles sont les chances de guérison d’une hépatite chronique C avec une bithérapie interféron pégylé-ribavirine ?

Les sujets contaminés par un génotyope 2 ou 3 ont environ quatre chances sur cinq d’être guéris par un traitement de 24 semaines. Pour un génotype 1, les chances sont de une sur deux avec un traitement de 48 semaines, et pour un génotype 4 elles sont de deux sur trois avec 48 semaines de traitement.

Une hépatite C peut-elle être fulminante ?

Les hépatites aiguës C d’évolution sévère ou fulminante sont exceptionnelles et leur survenue pourrait être favorisée par l’existence d’un portage chronique du virus de l’hépatite B.

Qu’est-ce qui peut aggraver une hépatite chronique C ?

Outre l’alcool à bannir, les patients coïnfectés par le VIH ont des lésions histologiques hépatiques plus sévères et une évolution plus fréquente et plus rapide vers la cirrhose.

Est-ce qu’une femme VHC positive peut transmettre le virus à son enfant en l’allaitant ?

L’allaitement n’est pas associé à un risque accru de transmission du VHC de la mère à l’enfant.