- Accueil ›
- Préparateurs ›
- Savoirs ›
- La douleur antalgiques de palier III
La douleur antalgiques de palier III
Les morphiniques sont prescrits dans les douleurs d’emblée intenses ou rebelles aux antalgiques de paliers I et II. Contrairement aux idées reçues, ils ne sont pas réservés à la fin de vie. Si leur efficacité est démontrée, leur inconvénient majeur est la constipation.
Définition
Les antalgiques de palier III, réservés aux douleurs intenses à très intenses, sont principalement dérivés de la morphine : on les regroupe sous le nom de morphiniques ou opioïdes. Ils ont en commun le même mode d’action et les mêmes effets indésirables. Hormis une exception (la buprénorphine), ils sont classés comme stupéfiants et obéissent à des règles de délivrance particulières.
Mode d’action
Les morphiniques agissent surtout au niveau « central », c’est-à-dire du cerveau et de la moelle épinière, en se fixant sur des récepteurs spécifiques baptisés « récepteurs mu ». La morphine et les autres opioïdes (fentanyl, hydromorphone, oxycodone, pentazocine, péthidine), s’emboîtent très exactement sur les récepteurs mu. Ce sont des agonistes purs. En revanche, la buprénorphine (Temgésic) est un opioïde spécifique. Elle s’emboîte au niveau du récepteur, mais pas de façon aussi complète que la morphine. Elle est moins efficace que la morphine et son action antalgique atteint un plafond à partir d’une certaine dose, ce qui n’est pas le cas de la morphine.
Indications
C’est l’intensité de la douleur qui détermine la prescription de morphiniques. Il faut en finir avec l’idée qu’une prescription de morphine est synonyme de fin de vie. Les morphiniques sont prescrits dans les douleurs rebelles aux antalgiques de paliers I et II. Ils agissent sur les douleurs par excès de nociception liées à des lésions tissulaires ou inflammatoires, mais pas sur les douleurs neuropathiques liées à des lésions du système nerveux (neuropathies du diabétique, membres fantômes, certaines névralgies). Ils sont donc prescrits en cas de :
• Douleurs de courte durée : en postopératoire, lors de soins douloureux (pansement d’escarre, d’ulcère) ou en attendant qu’un traitement étiologique fasse effet (traumatisme, rhumatologie…).
• Douleurs chroniques : traitement de fond chez le brûlé, le malade atteint de cancer ou de sida.
• Douleurs de fin de vie, lorsque les antalgiques de palier I et II s’avèrent inefficaces.
Contre-indications
Les contre-indications sont essentiellement l’insuffisance hépatique sévère et l’allaitement. L’utilisation de morphiniques est possible lors de la grossesse. Une surveillance du bébé à la naissance doit être alors envisagée pour prévenir le risque de dépression respiratoire.
Interactions
– Les morphiniques agonistes purs (morphine, oxycodone…) ne doivent pas être associés aux morphiniques agonistes-antagonistes (buprénorphine, pentazocine…), car le blocage compétitif des récepteurs aux opiacés diminue l’effet antalgique au lieu de l’augmenter.
– La prise d’alcool est déconseillée, car elle majore la somnolence.
Spécialités
On commence toujours par prescrire de la morphine orale à libération immédiate pour effectuer une « titration », c’est-à-dire pour trouver la plus petite dose efficace pour soulager le patient. Une fois la dose trouvée, pour simplifier l’observance, on peut utiliser des formes orales retards (LP), des patchs ou une pompe à morphine. Les autres dérivés de la morphine sont utilisés en cas d’intolérance à la morphine ou lorsque celle-ci n’est plus efficace.
Les antalgiques morphiniquesMorphine
• Formes orales à libération immédiate. Il existe deux spécialités : Actiskénan, et Sévrédol. Le sirop (Morphine Aguettant) est utilisé pour les plus petites doses. On commence par prescrire 5 à 10 mg toutes les 4 heures, à horaire fixe.
• Formes orales à libération prolongée. Kapanol LP, Moscontin LP et Skénan LP peuvent remplacer la morphine à libération immédiate dès que la posologie efficace est déterminée. La dose de morphine LP par 24 heures est répartie en deux prises. Exemple : 10 mg, six fois par jour d’Actiskénan seront remplacés par 30 mg matin et soir de Skénan LP.
• Formes injectables. La voie injectable intramusculaire ou intraveineuse directe est plutôt utilisée à l’hôpital. À l’officine, les formes injectables sont administrées à l’aide de pompes à morphine, par voie intraveineuse ou sous-cutanée voire par voie intrathécale. Elles se présentent sous forme d’ampoules de 1 ml, 5 ml ou 10 ml.
Dérivés morphiniques
• Patchs. Ils sont à base de fentanyl (Durogésic) et délivrent une quantité exprimée en µg par heure. Un patch de Durogésic 25 µg/heure délivre par jour l’équivalent de 60 mg de morphine orale. Le délai d’action est de 12 à 24 heures. Il faut donc associer de la morphine à libération immédiate les premières heures de traitement ou bien donner la dernière prise de forme LP au moment où l’on applique le patch. Le patch diffuse le fentanyl pendant 72 heures. Il doit être changé tous les trois jours, à horaire fixe, et appliqué sur une peau glabre et sèche en changeant de site à chaque pose. Le patch une fois retiré doit être replié en deux et rapporté à la pharmacie.
• Comprimés avec applicateurs. Il s’agit d’une nouvelle forme galénique, indiquée pour le traitement des accès aigus douloureux chez les patients déjà sous morphine : l’Actiq. Le comprimé est monté sur un applicateur qui permet de le placer contre la face interne de la joue en le déplaçant de temps en temps. Le comprimé fond en 15 minutes. Si le patient n’utilise pas la totalité du comprimé, avant de la jeter à la poubelle, l’applicateur devra être passé sous l’eau chaude jusqu’à dissolution du comprimé, cela afin d’éviter tout risque d’accident en particulier chez les enfants.
• Comprimés sublinguaux. Les comprimés sublinguaux de buprénorphine (Temgésic) sont les seuls opioïdes qui ne sont pas classés « stupéfiants » mais simplement sur liste I. Les comprimés se laissent fondre sous la langue, en moyenne trois fois par jour. Ne jamais les associer à la morphine (diminution de l’effet antalgique).
• Comprimés et gélules. Les autres dérivés morphiniques à libération immédiate (gélules d’Oxynorm) ou à libération prolongée (comprimés d’Oxycontin LP, gélules de Sophidone LP) permettent de disposer d’une alternative en cas de résistance ou d’intolérance à la morphine. Ils sont spécifiquement indiqués chez le patient cancéreux.
• Autres formes. Les suppositoires Eubine, et les formes injectables Fortal et Péthidine Renaudin ne sont plus guère prescrits à l’officine.
Délivrance
Règle propre aux stupéfiants
• Ordonnances sécurisées. La prescription de stupéfiants se fait sur ordonnance sécurisée, conformément à l’arrêté du 31 mars 1999 (voir encadré). En pratique, il faut :
– vérifier qu’il s’agit bien d’une ordonnance sécurisée,
– enregistrer l’ordonnance sur l’ordonnancier spécifique des stupéfiants,
– reporter sur l’ordonnance le numéro d’inscription à l’ordonancier, le cachet de l’officine, la date d’éxécution et la quantité délivrée,
– remettre l’original de l’ordonnance au patient,
– prévoir une photocopie qui sera jointe à la feuille de remboursement,
– prévoir une deuxième copie qui sera conservée pendant trois ans et classée par ordre alphabétique par nom de prescripteur, puis chronologique.
• Registre comptable. La délivrance doit être enregistrée par un pharmacien sur le registre comptable de stupéfiants.
• Durée de prescription. Elle dépend de la forme galénique : 7 jours pour les injectables mais 28 jours pour les formes administrées à la pompe à morphine ; 28 jours pour les formes orales et les patchs ; 7 jours pour les suppositoires.
• Délivrance à l’unité. Les boîtes de médicaments sont déconditionnées pour délivrer exactement la quantité prescrite.
• Délivrance en plusieurs fois. La délivrance est fractionnée pour certaines spécialités :
– patchs de Durogésic : prescription pour 28 jours mais délivrance maximale par tranche de quatorze jours ;
– comprimés d’Actiq : prescription pour 28 jours mais délivrance maximale par tranche de sept jours.
• Délivrance dans les 24 heures suivant la prescription. Si le patient ne se rend pas à la pharmacie dans les 24 heures suivant la prescription, on ne pourra pas délivrer la totalité du traitement. Les quantités de médicaments pour les jours écoulés entre la date de prescription et la date à laquelle vient le patient ne seront pas délivrées.
Cas particulier de la buprénorphine (Temgésic)
Le Temgesic n’est pas inscrit sur la liste des stupéfiants mais sur la liste I. Toutefois, il est soumis en partie à la réglementation des stupéfiants (arrêté du 20 septembre 1999). On prescrit notamment le Temgésic sur ordonnance sécurisée. Mais, contrairement aux stupéfiants, on délivre un nombre entier de boîtes, sans les déconditionner et on n’enregistre pas la délivrance sur le registre comptable des stupéfiants.
Gestion des prises
Des prises régulières
Dans les douleurs chroniques de forte intensité, les antalgiques doivent être administrés de façon régulière, préventivement avant la survenue de la douleur et non au moment de sa survenue. Prévoir des horaires fixes également pour les changements de patch.
Des interdoses au cas où…
Souvent le médecin donne à son patient une prescription complémentaire prévoyant soit une « interdose » supplémentaire de morphine à libération immédiate, soit un comprimé d’Actiq en cas de réapparition de la douleur ou bien en prévention d’un soin douloureux. Si le patient prend plus de deux interdoses par jour, le traitement de base sera augmenté progressivement par paliers.
Prévention des effets secondaires
Les morphiniques possèdent des actions indissociables de l’effet antalgique, responsables d’effets secondaires dont certains (comme la constipation) peuvent compromettre l’observance tellement ils sont gênants pour la vie quotidienne.
Fibres et laxatifs contre la constipation
Chez neuf patients sur dix, la morphine diminue les contractions du tube digestif qui font progresser le bol alimentaire. Il faut donc prévenir la constipation par une alimentation riche en fibres et une hydratation suffisante. De plus, le médecin devrait prescrire systématiquement des laxatifs dès le début de l’utilisation de morphine et ce tout au long du traitement. Si les laxatifs doux (Duphalac, Infibran) sont inefficaces, on peut utiliser des laxatifs drastiques (Jamylène, Pursennide).
Dépister les signes de dépression respiratoire
La morphine réduit la sensibilité des centres respiratoires à l’augmentation de la pression partielle en CO2 et peut provoquer une dépression respiratoire. La fréquence respiratoire (normale : 15 à 20 mouvements par minute) sera donc surveillée en début de traitement. L’apparition d’une somnolence (ou difficulté à se réveiller) ou au contraire d’une agitation doit inciter à appeler le médecin traitant. Ceci-dit, la dépression respiratoire survient rarement sous posologie classique et ce risque s’atténue en cas d’administration au long cours.
Reconnaître les effets psychiques
La morphine peut produire un état d’euphorie, de confusion, d’excitation, des cauchemars voire des hallucinations. Ces effets sont transitoires. Les signaler au médecin s’ils persistent.
Éviter les nausées
Des antiémétiques (Primpéran, Vogalène…) administrés avant la morphine peuvent être administrés d’emblée pour éviter les nausée et vomissments fréquents chez un tiers des patients. Ces effets s’atténuent en général en quelques jours.
Les autres effets
– La somnolence survient surtout en début de traitement (deux ou trois jours)
– Le prurit : il est passager.
Accompagnement
Dédramatiser
S’il s’agit d’un soin ponctuel ou d’une maladie dont on peut guérir, il faudra expliquer que les morphiniques sont donnés en fonction de la douleur et ne sont pas synonymes de fin de vie. S’il s’agit d’un patient en soin palliatif, il peut être important de rassurer la famille sur l’efficacité de la morphine.
Gestion du traitement à long terme
• Efficacité du traitement. Le soulagement de la douleur doit être évaluée régulièrement et les posologies réajustées si besoin (elles peuvent être augmentées quasiment sans limites tant que les effets indésirables peuvent être contrôlés).
• Arrêt du traitement. L’arrêt de la prise de morphine doit toujours se faire par paliers afin d’éviter un syndrome de sevrage : anxiété, irritabilité, frissons, bouffées de chaleur, sudation, vomissements…
• Dépendance en cas d’utilisation détournée. La morphine reste un stupéfiant qui peut donner lieu à une dépendance physique et psychique. Mais ce phénomène a été relativisé étant donné le rôle majeur des opioïdes dans le traitement de la douleur.
Thérapeutiques complémentaires
La prescription d’antidépresseurs ou d’anxiolytiques, les techniques de relaxation, de réadaptation comportementale, la psychothérapie de soutien sont utiles pour soulager l’anxiété ou l’éventuelle dépression associée. D’autres thérapeutiques antalgiques existent également : AINS, corticoïdes (très efficaces sur certaines douleurs osseuses), massages, cryothérapie ou chaleur…
Gros planReconnaître une ordonnance sécurisée
Devant une prescription de morphiniques, il faut vérifier qu’elle a été réalisée sur une ordonnance sécurisée. Le signe le plus évident au coup d’œil est la présence d’un carré double, bleu, généralement en bas à droite de la feuille. Le médecin y inscrit le nombre de médicaments prescrits.
L’ordonnance sécurisée répond à des critères précis :
• un papier filigrané blanc naturel sans azurant optique,
• une identification du prescripteur pré-imprimée en bleu d’une intensité donnée,
• un numéro d’identification par lot d’ordonnances,
• un carré double pré-imprimé en micro-lettres bleues.
Ces ordonnances, rédigées à la main ou par ordinateur, doivent comporter :
• le nom, la qualité du médecin, sa signature, la date,
• les nom, prénom, âge, sexe du patient, le nom du médicament prescrit, le dosage, la posologie en toutes lettres et la durée du traitement.
Les morphiniques sont-ils efficaces contre tous les types de douleur ?
Non, Les morphiniques ne sont pas efficaces en cas de lésions/agression des voies nerveuses : zona, post-amputation, polynévrites du diabétique…
En pratique quand décide-t-on de passer à la morphine ?
Si un patient n’est pas soulagé avec la dose maximale d’antalgiques de palier II (exemple : 6 comprimés par jour d’Efferalgan codéiné ou de Diantalvic).
Comment procède-t-on à l’arrêt du traitement si la douleur s’atténue ?
Progressivement. Il ne doit pas être arrêté brutalement sous peine d’un symptôme de sevrage (sueurs, malaise…).
Qu’est-ce que le Narcan ?
La naloxone (Narcan) est un antidote en cas de surdosage en morphine.
Les stupéfiants peuvent-ils être délivrés par les préparateurs ?
Oui mais comme pour tous les médicaments, sous le contrôle d’un pharmacien. En revanche, seul un pharmacien peut remplir le registre comptable des stupéfiants.
Peut-on administrer de la morphine chez l’enfant ?
Oui, dès six mois, à la dose initiale de 1 mg/kg/jour. Attention au risque de surdosage qui peut entraîner le décès par dépression respiratoire.
Gros planLa pompe à morphine
L’utilisation des pompes à morphine portables avec analgésie contrôlée par le patient (PCA : patient controlled analgesia), contribue à un meilleur maintien à domicile en améliorant la prise en charge des douleurs chroniques. En pratique, le patient porte sur lui ou à proximité une pompe électrique « pousse-seringue » qui diffuse en continu la morphine à travers un cathéter introduit par voie sous-cutanée, intraveineuse ou plus rarement par voie intrathécale (dans le liquide céphalo-rachidien). En cas de survenue d’un accès douloureux, il peut déclencher lui-même une injection de morphine. L’intérêt est d’utiliser des doses faibles de morphine avec possibilité de répéter souvent les injections. Plusieurs paramètres sont définis par le médecin : la posologie de base en continu, la dose de chaque bolus, la période d’interdiction (laps de temps minimal entre deux bolus) et la dose limite des 4 heures entre les bolus.
- Formation à la vaccination : pas de DPC pour les préparateurs en 2025
- [VIDÉO] De la grossesse à la naissance : un accompagnement en officine personnalisé proposé par Amandine Greco, préparatrice
- [VIDÉO] Accompagnement post-natal en officine : les papas aussi !
- Entretiens pharmaceutiques en oncologie : tous concernés !
- Océane vient d’être diagnostiquée narcoleptique