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Pharmacienne & préparatrice

Publié le 1 mars 2005
Par Dominique Fonsèque-Nathan
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Fatia Kharthi a fait une carrière à l’envers. Docteur en pharmacie en Algérie, elle est préparatrice en France. D’autres seraient amères, pas elle.

Il y a deux manières de considérer la vie de Fatia Kharthi. Façon pessimiste, on considère que c’est un gâchis d’avoir fait cinq ans d’études à l’université d’Annaba (Algérie), d’en être sortie avec un doctorat de pharmacie, et de travailler aujourd’hui comme préparatrice à Strasbourg. Façon optimiste, on observe que Fatia et son époux, professeur de lycée, s’en sont bien sortis. C’est cette explication que soutient Fatia. « D’autres compatriotes ont eu moins de chance. Ils ont fait un doctorat, ne peuvent plus revenir en Algérie et galèrent dans leur vie professionnelle. Il faut toujours relativiser. » Elle poursuit : « ce n’est psychologiquement pas toujours facile d’exercer un métier différent de celui pour lequel j’ai été formée. Mais je ne me plains pas. Nous vivons en France depuis 18 ans, nous gagnons notre vie, nos filles sont des élèves brillantes. Ce n’est pas si mal ! »

Elle pensait repartir au pays. En 1987, Fatia a 24 ans et un diplôme de pharmacien en poche. Son avenir est tracé. Elle ouvrira une pharmacie dans son pays. En attendant, elle suit son mari, étudiant en microélectronique, à Strasbourg. Tout en passant trois DU à la fac, elle est serveuse dans une winstub alsacienne. Fatia trouve du travail pour un an comme assistante de laboratoire. « Je ne cherchais pas un poste fixe, je voulais seulement percevoir un salaire en attendant de rentrer au pays. Je pensais que notre installation était provisoire. » De fait, elle ne pense pas faire valider son diplôme. Au fil des années, le climat politique se détériore en Algérie et il est impossible au couple de rentrer au pays. Résultat, Fatia enchaîne les CDD. Elle est contractuelle au CHU de Strasbourg, laborantine dans un laboratoire homéopathique, travaille à la pharmacie de la prison…

Son projet : passer le concours de pharmacien hospitalier. Lasse d’enchaîner les CDD, elle veut trouver un emploi moins précaire. Sa vie est en France. « J’ai pensé à faire valider mon diplôme, mais il aurait fallu repasser le concours de première année pour être admise en cinquième année. Je n’ai pas eu le courage. » L’officine attire toujours Fatia. Elle se lance. En 1996, elle est en contrat de qualification à la Pharmacie Marie Curie. Un an plus tard, elle décroche son BP de préparatrice et commence à exercer. « J’aime ce métier mais, au fil du temps, je me rends compte qu’il y a peu d’évolution pour moi. Désormais, je vais me battre pour passer le concours de pharmacien hospitalier. C’est possible pour les étrangers avec de l’expérience. Cela prendra le temps qu’il faudra mais j’y parviendrai. Ce sera dommage de quitter l’officine, mais quel avenir nous propose-t-on ? » Toujours philosophe, elle ajoute : « mais quoi qu’il arrive, la vie peut être belle, car j’ai trouvé en France un port d’attache. »

Fatia Kharthi

1963 : naissance à Sétif (Algérie).

Septembre 1987 : doctorat de pharmacie (biologie).

Novembre 1987 : arrivée à Strasbourg.

1991 : naissance de sa fille.

1997 : BP de préparatrice en pharmacie.

1997 : préparatrice à la Pharmacie Marie Curie.

2003 : préparatrice à la Pharmacie Jung.

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