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Des préparateurs dans l’action

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Travailler dans un cadre idyllique en bord de mer n’est pas forcément de tout repos ! Bien sûr, il y a la plage… Mais les préparateurs des stations balnéaires doivent aussi faire face au rythme soutenu des demandes générées par le tourisme. Témoignages.

Dominique Lacroix préparateur saisonnier à Porto-Vecchio, en Corse

C’est en couple et en contrat de saisonnier que ce Basque de 32 ans a choisi de travailler à Porto-Vecchio, dans la plus importante pharmacie de Corse-du-Sud. Au rythme de quarante-cinq heures par semaine, il lui faut rester particulièrement vigilant lors de la délivrance des ordonnance tout en prenant le temps pour le conseil. Heureusement, pour souffler, il y la sacro-sainte sieste et la plage (mais le dimanche uniquement !)

Parfois, quand la chaleur lâche prise, Dominique Lacroix met son short et ses baskets et rentre chez lui au pas de course : treize kilomètres pour rallier le bungalow mis à sa disposition par ses patrons. Là, au milieu du maquis, il loge durant la saison estivale avec sa compagne, préparatrice saisonnière dans la même officine. Parfois, il va jouer au tennis ou au squash. Le sport et un régime « sans tabac, sans alcool », c’est une question d’hygiène de vie pour lui. Et aussi, une manière d’étendre ses jambes lourdes et de se défouler après une longue journée passée au comptoir de la Pharmacie des Quatre Chemins. Il commente : « J’ai l’habitude de travailler pendant que les autres sont en vacances. Dans une ville touristique comme Porto-Vecchio, la population résidente est multipliée par six l’été, il y a beaucoup plus de monde à l’officine ! En juillet et en août, les clients se succèdent sans interruption du matin au soir. Le métier est extrêmement varié. En plus des ordonnances, nous sommes beaucoup sollicités pour des conseils en OTC et en parapharmacie. Mon truc, c’est de rester attentif en permanence et de vérifier systématiquement l’ordonnance quand l’automate transmet les médicaments. Je prends toujours le temps qu’il faut pour cela, même si les autres clients attendent. J’ai la chance d’avoir des patrons qui nous laissent faire correctement notre métier. » Pour tenir le cap des quarante-cinq heures hebdomadaires, il n’a pas d’autre solution que « d’accepter sereinement de travailler du lundi au samedi non stop » en attendant Septembre, où il a le temps de profiter un peu mieux des beautés de la Corse avant de repartir comme saisonnier dans les Alpes. « Je ne sais pas si je continuerais longtemps à exercer de cette manière. On verra. Après plusieurs années comme préparateur en CDI au même endroit, j’avais besoin d’un changement complet. L’avantage désormais est de mieux gagner ma vie. Je suis logé gratuitement et ne paie ni l’eau, ni l’électricité. » L’inconvénient ? « On a tendance, avec ma compagne, à parler beaucoup trop de la pharmacie et aussi à être un peu isolés. »

Valérie Aprahamian préparatrice à La Ciotat (13)

« Ici, avec la mer et le soleil, vous êtes toute l’année en vacances ! » Cette réflexion de vacanciers amuse Valérie, l’exaspère parfois, mais cette préparatrice reconnaît que travailler au bord de la Méditerranée est un plaisir de chaque saison. « L’été, je nage beaucoup, l’hiver, place aux balades sur les chemins forestiers qui longent la côte, de Saint-Cyr-les-Lecques-la-Cadière à la calanque de Port-d’Alon et Bandol. » Entre Marseille et Toulon, La Ciotat est une petite ville de 40 000 habitants l’été, où se côtoient plage de sable fin et calanques ombragées, léchées par une eau transparente au bleu changeant. Le bruit assourdissant des cigales berce la sieste de Valérie, qu’elle fait après le déjeuner estival pris au bord de l’eau. « Je m’autorise 20 minutes à l’ombre, sans oublier de mettre un réveil ! » Ensuite, direction la Pharmacie de l’Aurore où cette jeune femme de 39 ans travaille depuis cinq ans, avec une grande autonomie, au sein d’une équipe décontractée de quatorze personnes. « L’été, les matinées sont peu chargées, l’essentiel de la journée se joue entre 17 et 20 heures. » Débarquent alors les « radis », ces touristes bicolores rose carmin et blanc qui, dès leur arrivée, se sont étalés en plein soleil en oubliant les conseils de protection les plus élémentaires. « Ils viennent après leur première journée de plage désappointés, en confiant qu’ils n’avaient jamais attrapé de coup de soleil auparavant. Comme si le soleil brûlait la peau uniquement à La Ciotat ! » Moqueuse, elle rajoute : « Et après avoir acheté de la Biafine, ils réclament une crème à l’indice le plus bas pour pouvoir bronzer rapidement… » Même si la Pharmacie de l’Aurore est éloignée des plages, quelques touristes étrangers s’y égarent parfois, leurs demandes aussi. « Les Anglais cherchent souvent des rasoirs ou de la “droguerie”, à l’instar de ce qu’ils ont dans leurs propres pharmacies. » Mais la palme de l’été revient à la sempiternelle question touristique – souvent parisienne ! : « Est-ce que vous avez ce produit ici ? » Est-ce la beauté du site ou l’absence de stress qui génère ce plaisir que l’on devine dans les yeux de Valérie, installée face à l’île Verte, sous les canisses ? « Je suis à dix minutes du boulot. Je n’ai pas de souci pour me garer devant la pharmacie et je peux rentrer chez moi entre midi et deux. L’été, je déjeune sur la plage. Lorsque je travaillais sur le port, nous partions en scooter des mers déjeuner d’un sandwich sur l’île Verte. La pharmacie disposait d’une douche pour se dessaler au retour avant d’attaquer l’après-midi. » Des moments de détente bien appréciés, car pour Valérie, comme pour de nombreux officinaux en bord de mer, les congés ne commencent que lorsque les touristes partent.

Anne-Valérie Calamel préparatrice sur le bassin d’Arcachon (33)

En tout début d’après-midi, Anne-Valérie a souvent les cheveux encore mouillés quand elle sert ses clients au comptoir. Elle profite de la pause déjeuner pour s’offrir un petit plongeon rafraîchissant dans l’Atlantique. « C’est l’avantage de travailler à deux pas de l’océan », avoue Anne Valérie, 41 ans, préparatrice à la pharmacie de Petit-Piquey, l’une des quatre officines de la presqu’île du Cap-Ferret, sur le bassin d’Arcachon. Et la jeune femme n’en finit pas de faire l’éloge de son cadre de vie au travail. « J’aime les odeurs, les couleurs, le matin, quand je passe en voiture devant la conche de Claouey, en venant de Bordeaux. » Sans compter « un titulaire (Michel Lamothe) et une équipe sympas ». Cela lui permet de supporter les longs trajets entre son domicile bordelais et Petit-Piquey. Ex-enseignante au CFA de Bordeaux, Anne Valérie n’a repris le chemin du préparatoire qu’au bout d’un break de dix ans qu’elle s’est volontairement accordé pour élever ses deux garçons. Elle a accepté les conditions particulières proposées par son titulaire. L’exercice officinal dans un endroit de villégiature impose parfois un rythme de travail « pas comme les autres » . « Je dispose d’un contrat d’intermittent avec 1 200 heures de travail dans l’année, une annualisation du salaire et trois mois de vacances en août, décembre et février/mars. » Celle que l’on surnomme « la Prof » s’étonne encore, en souriant, de voir autant de monde fréquenter la pharmacie durant l’été. « Moi, quand je suis en vacances, je ne vais jamais dans une pharmacie. Pour les clients, j’ai l’impression qu’il s’agit d’un lieu de passage obligé. » Tant mieux pour l’officine, qui voit arriver un flux important de patients le matin et après la plage. « Les gens sont cools et attendent patiemment leur tour en papotant. » Au menu : le renouvellement des ordonnances, beaucoup de conseils sur les coups de soleil, les petits blessures, et une demande plus importante pour la pilule du lendemain. Elle commente : « Je préférerais nettement vendre des préservatifs à la place. »

Maryline Moal préparatrice à Douarnenez (29)

En été, les touristes et les plaisanciers envahissent Douarnenez, à la grande satisfaction des commerçants. La petite ville bretonne s’égaie, s’anime et donc supporte les problèmes de circulation routière et de stationnement. Pour autant, question de tradition, les pharmacies de la cité ne changent pas leurs horaires. Elles sont fermées le lundi matin et le samedi après-midi, sauf la pharmacie de garde, bien sûr. En revanche, les deux titulaires de la pharmacie où exerce Maryline, ainsi que deux autres préparatrices, prennent des dispositions pour ne pas pénaliser leur personnel. « Les titulaires emploient des saisonniers, dont une étudiante en 6e année de pharmacie pour trois semaines et un préparateur pour deux mois, explique-t-elle. Cela permet à toute l’équipe de prendre des vacances en juillet-août, contrairement à la plupart des officines où les employés ne peuvent poser leurs congés que hors saison. » L’officine est située sur le port et nombreux sont les plaisanciers à s’y rendre, en quête de trousses de secours à constituer ou à compléter pour leurs voiliers. « Ils viennent avec une liste de produits qui leur a été fournie par la Fédération française de voile, car la trousse de secours est obligatoire pour tous les bateaux. Sinon, leurs achats les plus fréquents sont des produits pour traiter les coups de soleil. » C’est une clientèle de passage, juste pour une escale, souvent dans le cadre du Tour du Finistère à la voile. Les touristes qui séjournent à Douarnenez, eux, quémandent un dépannage car ils ont oublié leurs médicaments : les pilules en particulier, et aussi les anticholestérols, les traitements pour l’hypertension ou la thyroïde. Certains ont des ordonnances, mais pas toujours. « Nous les dépannons la plupart du temps. Quand j’ai un doute, je demande conseil au titulaire. Avant de leur donner des médicaments génériques, je leur demande s’ils y sont habitués et je ne les force pas, ou alors je regarde sur l’ordonnance pour voir si le nom de la molécule est noté. » Sinon, leurs achats réguliers sont des crèmes solaires, des antimoustiques et, en parapharmacie, des crèmes pour le visage ou des laits pour le corps. Sans compter toutes les demandes de conseils en cas de petits bobos, d’indigestion de fruits de mer ou de piqûres de vives. Et Marilyn ne se contente pas des demandes des clients pour profiter de l’ambiance estivale. Entre midi et 14 heures, elle va prendre un petit bain de soleil… « Je vais à la plage, qui est à deux minutes en voiture, je pique-nique et je nage. »

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Jessica Pages préparatrice à La Grande-Motte (36)

Aux portes de la Camargue, à vingt minutes de Montpellier, La Grande-Motte, ce sont d’immenses résidences pyramidales plongeant dans la Méditerranée, de vastes espaces verts et ombragés dans toute la station, 7 000 habitants à l’année, dix fois plus en juillet/août. Jessica Pagès, 27 ans, est préparatrice dans l’une des quatre officines de cette station balnéaire (la Pharmacie du Port) où elle a d’ailleurs été formée. Cette native de Chaumont (Haute-Marne) ne regrette pas de travailler toute l’année à La Grande-Motte. « Chaque matin, c’est vraiment sympa d’aller au boulot en vélo en longeant le bord de mer et les pyramides. En plus, mes patrons sont très gentils et toute l’équipe s’entend bien », assure-t-elle. À moins de 300 mètres de la plage la plus proche, la Pharmacie du Port est ouverte six jours sur sept de 9 h 00 à 12 h 30 et de 15 h 00 à 19 h 30, dimanche matin en plus en juillet/août. « Même si nous avons du monde toute l’année à la pharmacie, nous voyons encore plus de clients en pleine saison, dont beaucoup d’étrangers », apprécie Jessica, qui aime par-dessus tout « le contact avec la clientèle parce qu’il y a toujours plein de surprises ». Exemple, ce client qui a demandé un produit solaire pour cheval : « En combien de bidons de 5 litres ? », lui a-t-on répondu sur le ton de la plaisanterie. Mais ce n’en était pas une, l’animal en question souffrait d’une dépigmentation autour des nasaux et le cavalier est sorti de l’officine avec une crème solaire pour bébé. « Les coups de soleil, c’est la demande numéro un en été, indique Jessica. Nous donnons aussi beaucoup de soins pour des piqûres de vives. » Ici, la clientèle est « très sympa tout au long de l’année, différente en été mais tranquille et toujours de bonne humeur car en vacances », conclut Jessica. Le « rush » des journées bien remplies est cependant beaucoup plus facile à supporter avec une pause en bord de mer. Rien de tel qu’un petit plongeon dans la Méditerranée pour se détendre… Jessica, désormais vraie Méditerranéenne d’adoption, « préfère en plein été aller à la plage en fin de journée car il fait moins chaud et il y a moins de monde ».