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Au plus près des patients

Publié le 1 février 2006
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Encore marginale, l’implication des préparateurs dans l’activité du maintien à domicile grignote du terrain. Lumière sur les motivations et les formations de ceux qui s’investissent.

Longtemps chasse gardée du pharmacien, l’activité du maintien à domicile (MAD) côté préparateurs se résumait au coup de main pour la livraison d’un lit ou sa tarification… Cette époque est bel et bien révolue. Désormais, préparateurs et préparatrices se retrouvent aussi en première ligne pour répondre aux questions pointues que réservent le matériel médical : prévention des escarres, nutrition entérale, perfusion… « Pour exceller dans ce domaine, ce sont les qualités humaines et de conseil qui priment », estime Jean-François Le Quéré, titulaire à Salles (Gironde). Dans son officine, c’est Sandrine Grégoire (mention complémentaire), 38 ans, qui a la responsabilité de l’espace MAD. « Je me suis portée volontaire parce que j’aime le contact avec les patients, explique-t-elle. La relation diffère d’une délivrance d’ordonnance classique. On va à domicile, on se démène pour trouver la solution adéquate pour les problèmes d’escarres ou d’incontinence par exemple. C’est vraiment un acte valorisant. » La relation humaine avec les patients transparaît également dans le discours d’Annabelle Bonnisseau, 27 ans, préparatrice à la Pharmacie de la République à Dijon (Côte-d’Or). Elle livre chaque jour médicaments et matériel médical dans plusieurs maisons de retraite.

Du MAD au MSAD. Pour ceux qui ne connaissent pas bien le MAD, cette activité semble se résumer au lit et au fauteuil roulant. Mais ce n’est pas tout ! Toutes les aides techniques permettant aux malades de pouvoir éviter une hospitalisation sont concernées. Citons les protections pour incontinence, les aérosols et les kits de perfusions. Les « pros » font cependant la distinction entre matériel et soins. « On utilise souvent le terme MAD pour désigner le matériel qui équipe le malade comme le lit, le matelas ou le fauteuil. Le terme SAD ou soins à domicile regroupe l’équipement permettant de faire des soins, tels l’oxygène ou une pompe à perfusion », détaille Laurence Bouton, directrice commerciale de Locapharm. Ainsi, pour ne pas distinguer l’environnement du malade des soins qui lui sont prodigués, le terme MSAD (matériel et soins à domicile) convient mieux et est aujourd’hui couramment utilisé. Il s’adresse à toute personne présentant une perte d’autonomie.

En général, la perfusion ou l’oxygénothérapie sont prises en charge par des structures spécialisées (Locapharm, Oxypharm, Hopidom…) car elles nécessitent un savoir-faire particulier et des astreintes 24 heures sur 24. Mais contrairement à une idée reçue, le MSAD ne concerne pas seulement la personne âgée. L’activité peut venir au secours de ce jeune adulte alité parce qu’il s’est cassé une jambe, de cet enfant atteint de mucoviscidose qui suit sa cure d’antibiothérapie en ambulatoire, mais aussi de cette femme en soins palliatifs avec une PCA (1)… Pour faire du MSAD, il faut un ensemble de professionnels : un médecin, une infirmière, une aide sociale qui s’affaire pour faire valoir des droits ou monter un dossier d’APA (2), un kinésithérapeute pour mobiliser un patient en post-AVC et un officinal pour délivrer le matériel.

Les officinaux seront de plus en plus sollicités. Les préparateurs ont bien compris, à l’instar d’Annabelle, que « l’hospitalisation à domicile, c’est l’avenir et il faut être prêt ». Autant dire que les officinaux sont et seront de plus en plus sollicités. En effet, les pathologies complexes comme le diabète ou les escarres, et le nombre croissant de patients nécessitant des aides techniques (lit, protections pour l’incontinence…) sont des incontournables de l’officine. Sans compter l’accroissement de la longévité, le nombre de patients de plus de 75 ans vivant à domicile (plus de 80 %) et la volonté affichée de mourir chez soi pour 70 % des Français. Autre moteur du MSAD et non des moindres : diminuer les infections nosocomiales en privilégiant si possible les traitements ambulatoires. Or, ce n’est pas toujours facile de s’y retrouver dans le matériel, surtout quand les études abordent si peu les pansements actifs ou les aiguilles de Huber pour piquer dans un septum de chambre implantée…

« À l’école on n’apprend rien sur le matériel, on voit du pilulier et du mortier », regrette Mina Costes, 37 ans, préparatrice à la Pharmacie Champanet à Albi (Tarn). À tel point que délivrer du matériel peut s’avérer un véritable supplice. « Avant, lorsque je voyais une ordonnance avec un nom de pansement pour les escarres, j’allais derrière le comptoir en m’angoissant car je ne savais pas lequel délivrer exactement », se souvient Philippe Astier, 35 ans, préparateur à Cavaillon. Désormais, il est incollable (ou presque) sur ce sujet. Et ce, grâce à la formation. Comme Sandrine, Mina, Annabelle, Béatrice, Stéphane, Fatma et Ameline, il a percé quelques secrets du MSAD.

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Choisir la connaissance. Ainsi, de nombreux préparateurs ont choisi de se perfectionner. Ils représentent la moitié des effectifs dans les formations en quatre jours, et leur présence est constante au DU de Besançon.« Il y a environ deux préparateurs en moyenne sur quarante élèves dans chaque session du DU «Matériel à l’officine et MSAD», précise le Pr Alain Berthelot, responsable de ce diplôme d’université. Leurs motivations ? Ne plus se sentir démunis au comptoir avant tout.

« Le matériel, c’était ma bête noire ! » , confie Ameline Dupire, 22 ans, préparatrice à la Pharmacie Duizabo à Lescar (Pyrénées-Atlantiques) où elle a repris en main le secteur MAD et orthopédie dès son embauche (commande, gestion et information). Elle avoue, en riant, qu’elle ne savait même pas qu’il existait différentes sortes de pansements selon le degré de l’escarre avant de suivre la formation de quatre jours de Carla Université.

Quant à Stéphane Blanchart, 37 ans, préparateur à la Pharmacie Chayssac à Calonne-Ricouart (Pas-de-Calais), c’est pour accompagner sa soeur pharmacienne qu’il s’est inscrit au DU de Besançon. Il voulait en profiter pour approfondir ses connaissances car il est également associé avec son titulaire et un autre pharmacien dans une société de matériel médical.

Parce qu’elle s’occupe de quatre foyers pour personnes âgées sur Dijon avec un autre préparateur expérimenté, et pour prouver qu’elle peut le réussir comme un pharmacien, Annabelle a désiré valider son expérience sur le terrain en postulant au DU de Besançon. Auprès de son employeur, elle a mis en avant le développement prochain des soins à domicile, notamment la perfusion en ambulatoire. Elle en est persuadée, « la compétence dans ce domaine devient une nécessité ». Fatma Sebaï, 27 ans, a elle proposé à son titulaire de développer le MAD. Une initiative bien accueillie qui l’a conduite à Besançon pour suivre le DU. Convaincus du bien-fondé du MAD, ces préparateurs ne se doutaient pas de ce qu’ils allaient découvrir…

Vive la culture MAD ! Si certains d’entre eux ont rechigné parfois à aller en cours au CFA durant leur BP, tous ont pris du plaisir à entrer dans l’univers des cathéters et du sondage urinaire. Pousse-seringue, pompe à perfusion ou nutrition entérale par gastrostomie…, tous ces appareils et ces voies d’administration ne figurent pas au programme du BP. Même diplômé, qui a déjà vu l’intérieur d’un set de perfusion ? « J’ai trouvé la partie médicale sur les stomies et les chambres implantables très intéressantes, moi qui n’y connaissais rien », confie Béatrice Duval, 39 ans, préparatrice à la Pharmacie du Cailly à Maromme (Seine-Maritime), après avoir suivi la formation de la CERP Rouen.

Si, bien évidemment on apprend plus de choses dans un DU de 100 heures qu’en quatre jours, les formations courtes présentent l’avantage de l’accessibilité et de l’enseignement pratique (manipulation de nombreux dispositifs médicaux). Le DU peut effrayer car il s’adresse a priori à un public de bac + 4. Or les préparateurs qui l’ont suivi s’en sortent haut la main. L’intérêt ? Il apporte une véritable « culture » du MSAD. Tel médecin détaille la pose d’une chambre implantable reliée à un cathéter en voie centrale, tel autre décrit les techniques de sondage urinaire. Même si l’officinal ne réalise pas directement ces soins, les maîtriser lui donne de l’aisance pour discuter avec l’infirmière ou le patient qui présente une rougeur au site d’injection. Les connaissances acquises durant la formation sont vite mises en pratique.

Renouer avec le patient. Par exemple, Ameline n’a pas hésité à intervenir face au désarroi d’une cliente soignant, sans avis médical, l’escarre pourtant inguérissable de son mari. Finis la Bétadine et le pansement gras sur une escarre exsudative ! Place au nettoyage avec du sérum physiologique et au pansement avec un alginate ou un hydrocellulaire. Prodiguant écoute et conseils sous le regard approbatif de son pharmacien, Ameline fait ce qu’elle aime dans le MAD : améliorer la vie d’un patient dans une relation conviviale, sans avoir peur de ne pas comprendre la question ou de fuir faute de connaître la réponse. Philippe a pu, grâce à l’aspect pratique de la formation (découverte de tous les lecteurs de gémie utilisés dans le diabète), mettre au point une journée dépistage du diabète à l’officine, mais aussi ouvrir le dialogue sur l’incontinence. En discutant avec une cliente qui venait acheter des changes complets pour sa mère, il a découvert qu’elle souffrait du même problème que sa parente et a pu aborder la rééducation périnéale. « Mes collègues me demandent des renseignements, c’est gratifiant », explique Béatrice Duval.

Quant à l’éventuelle répercussion salariale de l’expertise en MSAD, aucun des préparateurs interrogés n’y fait allusion. À la question : « Pensez-vous que cela débouche sur une augmentation de salaire ? », la réponse est unanime : « Cette formation, je ne l’ai pas faite pour gagner plus d’argent mais parce que j’aime mon métier et que je veux bien le faire. » Comme s’il y avait la volonté de renouer ce lien intime avec le patient qui s’est dilué au fil des délivrances d’ordonnances trop mécaniques et rapides. « En nous retrouvant au chevet des malades, en essayant de répondre au mieux et au plus vite aux besoins des personnes alitées, on fait du vrai conseil et il se crée une véritable relation de confiance. On a vraiment l’impression d’aider les gens. Nous sommes perçus comme des professionnels de santé à part entière », analyse Sandrine. Le MSAD redonnerait-il un nouveau visage humain à l’officine ?

(1) PCA pour « patient controlled analgesia » : terme qui regroupe la technique permettant au patient de contrôler lui-même sa douleur en s’injectant un antalgique majeur par voie parentérale via un système d’administration comme une pompe ou un pousse-seringue, le plus souvent portable.

(2) APA : allocation personnalisée d’autonomie.

repères

Comment se former ?

Les formations courtes en quatre jours (28 heures)

sont réalisées par des organismes de formation agréés.

Les diplômes universitaires (100 heures de formation environ sur une semaine et demie à deux semaines) sont accessibles aux préparateurs dans deux facultés de pharmacie (Besançon et Nantes).

Des formations en soirée ou en demi-journée sont proposées par des prestataires de services (Locapharm, Oxypharm…) et des laboratoires (Hartmann…).

Qu’apprend-on ?

Au programme des diplômes universitaires (DU) : environnement du MAD, la LPPR (tarification), les grands appareils (urinaire, respiratoire, digestif, locomoteur) et les solutions techniques (lits et fauteuils roulants, prévention des escarres avec les matelas, coussins et pansements, palliatifs de l’incontinence, aérosols). Sont également abordés l’oxygénothérapie, la nutrition artificielle (supplémentation, nutritions entérale et parentérale avec mélanges nutritifs), la perfusion, le traitement ambulatoire de la douleur avec la PCA, l’insulinothérapie et la chimiothérapie.

Les formations courtes agréées par les OPCA-PL abordent la plupart des thèmes ci-dessus en se focalisant sur les situations les plus rencontrées à l’officine, les matériels adaptés et les conseils d’utilisation. N’hésitez pas à demander un programme détaillé et faites jouer le bouche-à-oreille.

La prise en charge

Qui contacter ?

L’organisme de formation courte et l’OPCA-PL (tél. : 01 46 39 38 37, ) en ce qui concerne les DU.

Quelle participation ?

• Pour les formations sur quatre jours : 60 ¤/jour versés pour le salaire, 0,15 ¤ HT/km pour le trajet officine-lieu de stage au-delà de 30 km, 10 ¤ pour le repas, 40 ¤ pour la nuitée plus le dîner.

• Pour les diplômes universitaires : attention, seul le DU de Besançon est pris en charge par l’OPCA-PL, car la faculté de Nantes ne fait pas passer le diplôme aux préparateurs !

L’OPCA-PL prend en charge les frais de formation sur la base de 7 ¤/heure avec un plafond de 100 heures (soit 700 ¤). Le prix moyen d’un DU avoisinant les 900 ¤, une partie reste donc à la charge de l’employeur ou du salarié. Les autres frais sont pris en charge sur le modèle des formations courtes.

Législation

La délivrance du matériel à domicile ne nécessite pas de diplôme particulier.

Seule la dispensation de l’oxygénothérapie demande la présence indispensable d’un pharmacien.

La tarification d’un fauteuil roulant exige un agrément CERAH délivré suite à une formation courte à Woippy près de Metz (renseignements au : 03 87 51 38 13).

Il faut par ailleurs demander à la Sécurité sociale un agrément des locaux et du diplôme.

Zoom

Les DU de MSAD

Faculté de pharmacie de Besançon: DU « Matériel à l’officine pour le maintien et soins à domicile à domicile »

Deux sessions par an.

Tél. : 03 81 66 55 55. E-mail : fc-pharma@univ-comte.fr

Les « plus » : solide formation théorique avec des intervenants très variés, mises en situation concrète (chambre du malade reconstituée avec soulève-malade), gros plan sur la législation et la désinfection, remise du diplôme si réussite à l’examen pour les préparateurs. La formation est ouverte au personnel paramédical sous couvert de compétences, d’une solide motivation et de places restantes (priorité aux pharmaciens).

Faculté de pharmacie de Nantes: DU « Maintien et soins à domicile »

Tél. : 02 51 25 07 22.

Le responsable de la formation, Marcel Jugé, peut être joint au 02 40 41 28 63. E-mail : marcel.juge@univ-nantes.fr

Les « plus » : mise en avant des derniers matériels et protocoles, bibliographie fournie pour mise à niveau sur la physiopathologie. Mais pas de diplôme à la clé pour les préparateurs, juste la possibilité de passer un QCM pour obtenir une validation de la formation.