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Les infections buccodentaires

Publié le 1 février 2006
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Les infections buccodentaires proviennent en général d’une carie dentaire non soignée ou d’une parodontite (inflammation de la gencive). Elles nécessitent un soin local effectué par un chirurgien-dentiste, parfois complété par une antibiothérapie.

Définition

La cavité buccale contient des millions de micro-organismes. Ces bactéries forment, avec d’autres substances, un film adhérent à la surface de la dent et de la gencive appelé la plaque dentaire.

• La carie se forme lorsque la plaque dentaire n’est pas correctement éliminée grâce à une hygiène adéquate. Elle peut ainsi attaquer la dent et provoquer un petit trou. Si la carie n’est pas soignée aux premiers stades, elle s’étend à la dentine et peut engendrer un abcès périapical : des bactéries se développent dans les cavités dentaires et forment une collection de pus dans une poche fermée.

• La gingivite est une inflammation de la gencive. Fréquente, elle est essentiellement due à la plaque dentaire et au tartre. La parodontite, elle, correspond à un stade plus avancé de la gingivite, liée à la formation de poches le long des racines dentaires. Ces poches sont colonisées par de nombreuses bactéries.

Dans les deux cas, il existe une infection bactérienne comprenant en particulier des germes anaérobies (qui se développent dans des cavités fermées, sans oxygène) comme Fusobacterium nucleatum, Porphyromonas gingivalis et endodonties ou bien des staphylocoques.

Les étapes du traitement

La prévention

La prévention des caries et des gingivites repose sur l’élimination régulière de la plaque dentaire grâce à une hygiène buccale adaptée et à l’apport local de fluor (dentifrices, éventuellement associés aux bains de bouche fuorés): celui-ci est en effet bactéricide sur les germes de la plaque dentaire et il favorise la reminéralisation de l’émail dentaire.

Les soins dentaires

Les caries et les parodontites relèvent avant tout d’un soin local effectué par un chirurgien-dentiste : obturation (plombage) de la carie, nettoyage des gencives, détartrage… D’où la nécessité de consulter une fois par an.

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Les médicaments

En cas d’infection bactérienne, le recours à un antibiotique n’est pas systématique mais dépend essentiellement du terrain du patient. Les principaux facteurs de risque d’infection sont les suivants : l’immunodépression, les maladies chroniques non contrôlées, la dénutrition, les prothèses cardiaques et les cardiopathies congénitales. L’utilisation d’un bain de bouche peut suffire ou bien peut compléter l’antibiothérapie par voie orale. L’infection doit d’abord être maîtrisée en raison du risque de complication sévère (cellulite sévère).

Les anti-inflammatoires peuvent contribuer à soulager la douleur mais ne doivent pas être prescrits en première intention.

Les antibiotiques par voie orale

Les antibiotiques prescrits par voie orale dans le cadre d’une infection buccodentaire doivent avoir une bonne diffusion dans la cavité buccale et être efficaces sur les germes anaérobies. La durée du traitement antibiotique ne fait l’objet d’aucune recommandation précise, elle se prolonge en moyenne une semaine.

Choix de l’antibiotique

• Quatre antibiotiques sont principalement utilisés en première intention : l’amoxicilline, le métronidazole, la spiramycine et la pristinamycine. Ils font partie des antibiotiques recommandés par l’Afssaps en odontologie et stomatologie.

La spiramycine (macrolide) est notamment préconisée en cas d’allergie connue aux bêtalactamines.

• En seconde intention, il est possible d’utiliser l’association amoxicilline-acide claviculaire (Augmentin).

• Les cyclines sont réservées au traitement de la parodontite juvénile localisée.

• Dans les infections sévères, les mêmes familles d’antibiotiques sont administrées par voie parentérale.

Amoxicilline

Mode d’action : l’amoxicilline appartient à la classe des bêtalactamines. Ce groupe d’antibiotiques agit en disloquant la paroi des bactéries, ce qui provoque leur élimination. Effets secondaires : l’amoxicilline peut provoquer des troubles digestifs transitoires (diarrhées, nausées vomissements). Le risque plus grave est celui d’allergie, qui se manifeste par une réaction cutanée maculopapuleuse (taches rouges légèrement surélevées) généralisée. Ces réactions allergiques peuvent être sévères voire fatales. Contre-indications : l’amoxicilline ne doit pas être utilisée en cas d’allergie aux antibiotiques de la famille des bêtalactamines (pénicillines et céphalosporines). Le risque de réaction cutanée est accru en cas de mononucléose infectieuse ou si le patient est sous allopurinol. Administration : deux à trois prises par jour, indifféremment au cours ou en dehors des repas.

Bacampicilline (Penglobe)

Mode d’action : la bacampicilline appartient au même groupe d’antibiotiques que l’amoxicilline et partage le même mode d’action. Effets secondaires : ce sont les mêmes que pour l’amoxicilline (troubles digestifs et risque d’allergie). Contre-indications : allergie aux autres pénicillines et aux céphalosporines. Administration : deux prises par jour, au cours ou en dehors des repas.

Métronidazole (Flagyl)

Mode d’action : le métronidazole n’agit que sur les bactéries anaérobies car la réaction nécessaire à son activation n’a lieu qu’au sein des bactéries anaérobies. Une fois activé, il provoque des dégâts sur l’ADN de la bactérie. Effets indésirables : le métronidazole est responsable d’un effet antabuse. Toute prise d’alcool (y compris dans les médicaments comme les gouttes, ampoules buvables ou sirops alcoolisés), pendant le traitement et dans les deux à trois jours qui suivent son arrêt, entraîne une réaction désagréable : flush, bouffée vasomotrice, chaleur, rougeur, vomissement, tachycardie… À noter également : le métronidazole peut (rarement) provoquer des vertiges et des troubles neurologiques. Contre-indications : allaitement, car le métronidazole passe dans le lait maternel. Administration : trois prises par jour, pendant ou en dehors des repas.

Spiramycine (Rovamycine)

Mode d’action : c’est un macrolide. Il inhibe la synthèse de certaines protéines ARN-dépendantes de la bactérie. Effets indésirables : les troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée, inconfort abdominal) sont assez fréquents (3 à 10 % des patients). Ils augmentent avec la dose et disparaissent habituellement en 24 à 48 heures. Contre-indication : insuffisance hépatique grave. Administration : deux à trois prises par jour au cours des repas.

Métronidazole + spiramycine (Rodogyl, Birodogyl)

Mode d’action : il existe une synergie d’action entre ces deux antibiotiques, l’association étant plus efficace que la somme des effets des deux antibiotiques. Effets indésirables : troubles digestifs et effet antabuse. Contre-indications : allaitement, insuffisance hépatique grave. Administration : trois prises par jour, pendant les repas.

Pristinamycine (Pyostacine)

Mode d’action : la pristinamycine est un antibiotique rattaché au groupe des macrolides. Il bloque la synthèse des protéines et inhibe la synthèse des acides nucléiques de la bactérie. Effets indésirables : vomissements, diarrhée, pesanteur gastrique. Risque de pustulose exanthématique généralisée (érythème généralisé avec fièvre, associé à des pustules, en début de traitement). Contre-indications : antécédent d’éruption pustuleuse, allaitement. Administration : deux à trois prises par jour au cours des repas.

Les bains de bouche antiseptiques

Les bains de bouche antiseptiques peuvent permettre d’éviter une surinfection. Ils s’utilisent en traitement local d’appoint des infections de la cavité buccale (seuls ou en association avec l’antibiothérapie) et en soins postopératoires en odontostomatologie, pendant une ou deux semaines. Les principales molécules utilisées sont la chlorhexidine, l’hexétidine, l’iode, le vératrol et le résorcinol. L’emploi à long terme de chlorhexidine entraîne une coloration des dents et de la langue et une dysgueusie (altération du goût), et parfois la desquamation ou l’irritation des muqueuses buccales. Attention : la chlorhexidine est inactivée par le monofluorophosphate et le laurylsulfate de sodium, que l’on retrouve dans la plupart des pâtes dentifrices ! Respecter de préférence un délai d’attente de quelques minutes entre le brossage des dents et un bain de bouche à la chlorhexidine.

Hygiène de vie

Nettoyage des dents

L’élimination soigneuse et régulière de la plaque dentaire reste le geste primordial pour prévenir les infections buccodentaires.

• La brosse à dent : elle doit être médium ou souple, à petite tête, et comporter des brins denses. Le brossage s’effectue après chaque repas pendant trois minutes, en insistant sur les espaces interdentaires. La brosse est changée au minimum tous les trois mois.

• Le matériel interdentaire : l’utilisation des brossettes, des bâtonnets interdentaires et du fil dentaire est recommandée avant chaque brossage pour déloger les petits débris alimentaires coincés dans les espaces interdentaires. Le choix dépend de l’espace libre entre chaque dent.

• Les bains de bouche antiplaque : leur but est de désorganiser la plaque dentaire juste avant le brossage pour faciliter son élimination. Ils s’utilisent purs, pendant trente secondes, deux fois par jour. Exemples : Plax, Paroplak, Émail Diamant antiplaque…

• L’hydropulseur : il est surtout utile pour nettoyer les espaces interdentaires et effectuer un massage des gencives (renforçant leur résistance), mais son utilisation ne dispense pas d’un brossage manuel ou électrique au préalable.

Consultation du dentiste

Une visite de contrôle annuelle chez le dentiste est recommandée aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant. Elle permet de soigner les caries éventuelles à un stade précoce (carie de l’émail), et d’effectuer un détartrage si nécessaire.

À propos du fluor

Le fluor ralentit la déminéralisation des dents en remplaçant certains composants naturels de la dent, les hydroxyapatites, par des fluoroapatites, plus résistants. De plus, il possède une action antibactérienne.

Dentifrices

L’utilisation de dentifrice fluoré est donc recommandée en prévention de la carie en utilisant des dentifrices dosés à 500 ppm au maximum chez l’enfant de moins de 6 ans. Les dentifrices dosés à plus de 1 500 ppm sont des médicaments.

Supplémentation

L’apport de fluor sous forme de gouttes ou de comprimés n’est plus systématique chez le nourrisson. Il ne doit pas être prescrit dans les régions où l’eau de boisson contient plus de 0,3 mg/l de fluor (15 % des régions de France). Dans les autres régions, la supplémentation en fluor doit tenir compte des autres sources (eau, sel…) pour éviter tout surdosage. Car il existe un risque de fluorose (aspect tacheté de l’émail).

• La dose optimale jusqu’à 12 ans – tous apports confondus – est de 0,05 mg/kg sans dépasser 1 mg/jour. En l’absence d’autres sources fluorées, l’apport est de :

• 0,25 mg/jour de 0 à 18 mois,

• 0,50 mg/jour de 18 mois à 4 ans,

• 0,75 mg/jour de 4 à 6 ans,

• 1mg/jour de 6 à 12 ans

L’alimentation anticaries

• Éviter les aliments cariogènes. Il s’agit principalement du sucre et des produits sucrés qui servent de substrat aux bactéries cariogènes. Mais c’est la fréquence de consommation plus que la quantité consommée qui fait le lit de la carie.

• Mâcher un chewing-gum sans sucre à base de xylitol lorsqu’un brossage des dents est impossible. Le xylitol réduit la quantité de plaque dentaire.

• Consommer du fromage en fin de repas. La plupart des fromages ont des propriétés anticariogènes : ils stimulent le flux salivaire, augmentent la concentration en calcium et en phosphore de la plaque dentaire, empêchent la baisse du pH salivaire et favorisent la reminéralisation.

• La pomme, le thé, ainsi que le maïs auraient également des effets carioprotecteurs.

L’endocardite bactérienne

En France, trente décès surviennent chaque année chez des patients cardiaques à risque à la suite d’une intervention dans la cavité buccale. Ces décès sont dus à une endocardite bactérienne. Les bactéries d’un foyer infectieux dentaire migrent par voie sanguine et vont se fixer sur le coeur, y entraînant des lésions potentiellement mortelles. L’endocardite bactérienne survient chez des patients atteints de cardiopathies à haut risque comme ceux ayant des prothèses valvulaires. Chez ces patients, avant certains gestes dentaires, le dentiste prescrit une antibioprophylaxie systématique de l’endocardite infectieuse contre les streptocoques, ceux-ci étant les germes les plus fréquemment en cause. La prophylaxie par voie orale se fait en une seule prise d’antibiotique une heure avant le geste : 3 g d’amoxicilline chez l’adulte ou, en cas d’allergie aux bêtalactamines, 600 mg de clindamycine ou 1 g de pristinamycine. La prévention est identique chez les sujets porteurs de prothèses articulaires (risque d’infection au niveau de la prothèse).