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la schizophrénie

Publié le 1 mars 2006
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La schizophrénie nécessite un traitement pharmaceutique et psychosocial afin de permettre aux patients de vivre le plus normalement possible et de moins souffrir.

Définition

La schizophrénie est la plus fréquente des maladies psychiques. Sa principale caractéristique est la dissociation mentale : les processus de pensée, les sensations et les intentions n’interagissent plus pour former un ensemble cohérent guidant les actions d’une personne. Exemple : un malade schizophrène ressent de la tristesse lors d’une situation joyeuse.

La schizophrénie est une pathologie éprouvante pour les malades et leur entourage. Mal csonnue et perçue – à tort – comme dangereuse pour la société, elle est surtout nocive pour les malades (taux de suicide important).

Les manifestations cliniques

Les signes de la maladie

Les nombreux symptômes sont regroupés en deux catégories :

Les signes positifs ou productifs (syndrome délirant) : hallucinations, délires, angoisse, persécution, mysticisme…

Les signes négatifs (syndrome déficitaire) : indifférence affective, perte d’initiative, de sensation et d’émotion, isolement, troubles cognitifs (déficit de la mémoire du travail). L’évolution de la maladie n’est pas uniforme : survenue d’une rémission complète (une bouffée de délire aigu, puis plus rien), aggravation progressive ou apparition de plusieurs épisodes imprévisibles.

Classification

Il existe plusieurs types de schizophrénies selon la prédominance de signes positifs ou négatifs :

Schizophrénie simple : installation progressive de la maladie, prédominance de signes négatifs.

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Schizophrénie paranoïde : signes positifs au premier plan.

Schizophrénie hébéphrénique : dissociation et comportement autistique prépondérants.

Schizophrénie héboïdophrénique : symptômes schizophréniques et psychopathiques avec troubles de la conduite sociale.

Le principe du traitement

Le traitement psychiatrique de la schizophrénie vise le meilleur équilibre clinique et social. Les interventions associent :

– un traitement médicamenteux avec des psychotropes (principalement les neuroleptiques) qui atténuent voire estompent les symptômes. Le patient conserve néanmoins le potentiel évolutif de sa maladie ;

– la psychothérapie dont les thérapies cognitivocomportementales ;

– une aide sociale pour soutenir le patient dans un projet de vie ;

– l’hospitalisation : indispensable en phase aiguë et utile en phase chronique. Elle permet l’évaluation des troubles, l’instauration du traitement et la surveillance des effets indésirables.

Le traitement par neuroleptiques

Pourquoi les utilise-t-on ?

Les neuroleptiques agissent au niveau des neurotransmetteurs impliqués dans la physiopathologie de la schizophrénie. Par leur action antagoniste dopaminergique, ils améliorent la régulation de la vie émotionnelle et possèdent une grande efficacité sur les signes positifs. Certains agissent sur des récepteurs sérotoninergiques, ce qui contribue à améliorer les symptômes négatifs et les troubles cognitifs.

Enfin, chaque neuroleptique possède peu ou prou des effets sur les systèmes cholinergique, histaminergique et alpha-adrénergique, impliquant des effets collatéraux non négligeables (sédation…).

Sont-ils tous équivalents ?

Certains neuroleptiques sont considérés comme sédatifs, d’autres sont désinhibiteurs et antidéficitaires. Il existe aussi des neuroleptiques polyvalents ou mixtes. Certains n’ont pas le même type d’action à faible et à forte dose (cas du Solian et du Dogmatil).

On classe les neuroleptiques en deux catégories :

Ceux de première génération ou dits conventionnels qui bloquent essentiellement les récepteurs dopaminergiques D2, ce qui leur confère une grande efficacité sur les délires et les hallucinations, mais des effets secondaires non négligeables (hyperprolactinémie, symptomatologie extrapyramidale avec mouvements anormaux ou dyskinésies…).

On distingue :

Les phénothiazines : chlorpromazine (Largactil), cyamémazine (Tercian), fluphénazine (Moditen, Modécate), lévomépromazine (Nozinan), pipotiazine (Piportil), propériciazine (Neuleptil).

Les butyrophénones : halopéridol (Haldol), penfluridol (Sémap), pimozide (Orap), pipampérone (Dipipéron).

Les benzamides : sulpiride (Dogmatil).

Autres : flupentixol (Fluanxol LP), loxapine (Loxapac), zuclopenthixol (Clopixol).

Ceux de deuxième génération dits atypiques ou antipsychotiques : Abilify, Risperdal, Solian, Zyprexa, et Leponex qui agit sur certaines formes résistantes et chez les patients non répondeurs ou intolérants aux autres thérapeutiques.

Les neuroleptiques atypiques ont une grande efficacité sur les signes négatifs et les troubles cognitifs, mais parfois une moindre action sur les signes productifs. Ils présentent moins d’effets secondaires (dont les mouvements anormaux) que les neuroleptiques conventionnels.

Amisulpride (Solian). Contre-indications : phéochromocytome, moins de 15 ans, allaitement, tumeur prolactinodépendante, insuffisance rénale sévère.

Aripiprazole (Abilify). Contre-indication : patients âgés déments en raison d’un risque cérébrovasculaire. À savoir : peut augmenter l’effet de certains antihypertenseurs.

Clozapine (Leponex) (voir encadré).Contre-indications : antécédent d’agranulocytose, insuffisance médullaire fonctionnelle, épilepsie non contrôlée, affections hépatique, rénale ou cardiaque sévères, collapsus circulatoire et/ou dépression du système nerveux central, psychose alcoolique ou induite par d’autres toxiques, intoxication médicamenteuse, états comateux, iléus paralytique, allaitement. À savoir : la caféine et le tabac modifient les concentrations de la clozapine. Avertir le médecin en cas d’arrêt ou de modification de la consommation de ces substances (l’arrêt du tabac augmente les concentrations de la clozapine, celui du café, a l’effet inverse). Il est recommandé de ne pas administré Leponex avec un autre antipsychotique

Olanzapine (Zyprexa). Contre-indication : risque de glaucome à angle fermé, patients âgés déments. À savoir : le tabac peut diminuer les concentrations de l’olanzapine. Prudence en cas d’hypertrophie prostatique ou d’iléus en raison des effets anticholinergiques du Zyprexa.

Rispéridone (Risperdal). Contre-indication : allaitement, patient âgé dément. À savoir : instauration posologique progressive en raison du risque d’hypotension orthostatique.

Quels effets secondaires ?

Les effets indésirables sont à l’origine du manque d’observance. On recense cinq catégories d’effets indésirables :

Neurovégétatifs

– L’hypotension orthostatique : elle est potentialisée par les antihypertenseurs et les médicaments du système nerveux central. Conseil aux patients : ne pas se lever brusquement.

– Les effets atropiniques (sécheresse buccale, dysurie, constipation, tachycardie, confusion) : plus marqués avec les neuroleptiques classiques, ils imposent de boire régulièrement et/ou de prendre du Sulfarlem 25 ou de l’Artisial.

– Le syndrome malin : il associe hyperthermie, rigidité musculaire, troubles nerveux, altération de la conscience. Il est rare (0,5 %) mais potentiellement mortel.

– Les troubles de la régulation thermique : hypothermie lors d’exposition au froid, hyperthermie à la chaleur.

Neurologiques : ces effets extrapyramidaux à titre de dyskinésie (troubles du mouvement) concernent particulièrement les neuroleptiques classiques.

Les dyskinésies survenant précocement se manifestent par des dystonies aiguës (mouvements anormaux de la face), un syndrome parkinsonien, une akathisie (impossibilité de rester assis), une tasikinésie (tendance à la déambulation permanente). Quant aux dyskinésies tardives, en grande partie irréversibles, elles apparaissent sous forme de mouvements anormaux très variés.

Psychiques : sédation (attention à la conduite automobile !), confusion, anxiété, indifférence psychomotrice, dépression.

Endocriniens et métaboliques (observés fréquemment avec les neuroleptiques atypiques : hyperprolactinémie (gynécomastie, galactorrhée, impuissance, frigidité, aménorrhée), prise de poids, diabète.

Cardiaques : troubles du rythme.

Divers : photosensibilisation (coloration pourpre des téguments), dépôt cornéen, leucopénie, agranulocytose, tératogénicité, rétention biliaire, cytolyse hépatique.

La stratégie thérapeutique

Mise en route du traitement : aujourd’hui, les neuroleptiques de seconde génération sont privilégiés en raison de leur meilleur rapport efficacité/effets indésirables. Cependant, certains patients sont très bien équilibrés avec les neuroleptiques classiques, notamment quand la symptomatologie positive est très forte.

Durée du traitement : la prise de neuroleptiques est poursuivie à moyen ou long terme en fonction du nombre d’épisodes : deux ans après un premier épisode aigu, cinq ans après un deuxième. Très souvent, ils sont prescrits à vie à très petites doses. Il ne faut jamais arrêter brutalement un neuroleptique.

Posologie : elle varie d’un patient à l’autre et d’un neuroleptique à l’autre. Il n’existe pas de posologie standard. Après avoir trouvé la dose d’entretien par la voie orale, un neuroleptique retard améliore l’observance et permet d’utiliser une dose moindre.

Coprescriptions : en cas de signes extrapyramidaux (neurologiques) avérés sous neuroleptique, on prescrit des correcteurs anticholinergiques (tels que Akineton LP, Artane, Parkinane LP, Lepticur, Lepticur Park) durant une courte période. En cas de signes psychiatriques associés, on associe d’autres psychotropes (antidépresseurs, anxiolytiques, thymorégulateurs) voire de l’électroconvulsivothérapie (électrochocs).

L’approche psychosociale

Les mesures non pharmacologiques visent à favoriser l’observance, à améliorer le vécu du patient et à pallier ses déficiences cognitives en vue d’une réinsertion sociale.

Les psychothérapies

Une psychothérapie de soutien est indispensable afin d’éduquer le patient sur sa maladie, de renforcer l’observance thérapeutique grâce à des ateliers du médicament mis en place dans certaines structures hospitalières. Les techniques cognitivocomportementales permettent d’améliorer les difficultés de concentration, d’organisation et l’estime de soi.

L’intégration sociale

Un réaménagement du poste de travail peut être envisagé par la Cotorep. En cas d’inaptitude plus sévère, le patient est pris en charge par un centre d’aide par le travail ou par un atelier protégé, et bénéficie de l’allocation adulte handicapé.

L’action vers les familles

Les programmes de psychoéducation des familles sont essentiels. Les membres de la famille suivent une formation sur les différents aspects de la maladie et peuvent partager une expérience commune avec d’autres familles concernées. •

(1) Agonistes dopaminergiques : amantadine, apomorphine, bromocriptine, cabergoline, entacapone, lisuride, pergolide, piribédil, pramipexole, quinagolide, ropinirole.

(2) Dopaminergiques non antiparkinsoniens : cabergoline, pramipexole, quinazoline.

(3) Médicaments donnant des torsades de pointes : antiarythmiques de classe Ia (quinidine, hydroquinidine, disopyramide) et de classe III (amiodarone, dofétilide, ibutilide, sotalol), neuroleptiques phénothiaziniques (chlorpromazine, cyamémazine, lévomépromazine, thioridazine), neuroleptiques benzamides (amisulpride, sulpiride, tiapride), neuroleptiques butyrophénones (halopéridol, dropéridol), et autres médicaments tels que bépridil, cisapride, diphémanil, érythromycine IV, mizolastine, vincamine IV, halofantrine, moxifloxacine, pentamidine, sparfloxacine, spiramycine.

Leponex : délivrance et surveillance particulières

Délivrance : Leponex nécessite une prescription initiale hospitalière annuelle réservée aux psychiatres, neurologues et gériatres ; le renouvellement est possible en ville par ces mêmes spécialistes.

Initiation du traitement par paliers :

• 12,5 mg (1/2 cp) une à deux fois par jour le premier jour, 25 ou 50 mg le second jour.

• Puis augmentation progressive par paliers de 25 à 50 mg jusqu’à atteindre 300 mg/jour en l’espace de deux à trois semaines.

• Ensuite, augmenter la posologie par palier hebdomadaire de 50 à 100 mg si nécessaire.

• La posologie moyenne varie de 200 et 450 mg/jour en prises fractionnées, la dose plus importante étant administrée au coucher.

Contre-indications : dopaminergiques non antiparkinsoniens, médicaments au potentiel élevé de dépression de la moelle osseuse (cotrimoxazole, cytotoxiques…), antipsychotiques retards.

Surveillance sanguine : en raison du risque de neutropénie, un contrôle du nombre de globules blancs et de polynucléaires neutrophiles est indispensable : une fois par semaine durant les dix-huit premières semaines de traitement et au moins une fois par mois tout au long du traitement. Le médecin note sur l’ordonnance que la numération-formule leucocytaire a été réalisée (date) et que les valeurs sont dans les limites usuelles ; il tient à jour un carnet de suivi.

Surveillance cardiaque : le risque accru de myocardite ou de cardiomyopathie sous Leponex impose une surveillance cardiologique, plus particulièrement les deux premiers mois. •

Prise en charge du patient à l’officine

Comment communiquer ?

On doit se comporter le plus naturellement possible avec un patient schizophrène, très sensible au regard d’autrui. S’il aborde les effets secondaires, il faut lui conseiller d’en parler à son médecin rapidement.

À prendre en compte si vous proposez un générique : un patient psychotique est paniqué au changement de ses habitudes.

Inciter les familles de patients à contacter les associations dont l’Unafam (Union nationale des amis et familles de malades psychiques) : , tél. : 01 53 06 30 43, et la FNAP-Psy (Fédération nationale des associations de patients et ex-patients en psychiatrie) : , tél. : 01 43 64 85 42.

Conseils en délivrant les neuroleptiques

Prendre en compte le risque de bouche sèche : surveiller régulièrement l’état des dents (risque de carie), boire beaucoup d’eau, notamment en période de canicule, car le corps réagit moins bien à la chaleur.

Sensibiliser au risque de prise de poids : observer une alimentation équilibrée en privilégiant les fruits et les légumes. Une prise de 5 kg dans les trois mois nécessite une consultation diététique.

Éviter la photosensibilisation: appliquer systématiquement un écran haute protection en cas d’exposition solaire.

Contre-indiquer l’alcool en raison de ses effets sédatifs.