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Les mycoses cutanées

Publié le 1 juillet 2006
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Les mycoses peuvent atteindre la peau, les muqueuses ou les phanères (ongles, poils, cheveux). Rarement graves, elles sont toujours tenaces et nécessitent des traitements longs.

Définition

Les mycoses sont des infections fréquentes dues essentiellement à deux types de champignons microscopiques :

Les dermatophytes, champignons kératinophiles, c’est-à-dire attaquant avec prédilection la kératine (peau, poils, cheveux) mais jamais les muqueuses. Les dermatophytes ne font pas partie de la flore normale de la peau ou des muqueuses. Ils sont toujours pathogènes.

Les levures (Candida albicans principalement) qui se multiplient par bourgeonnement au niveau des muqueuses, de la peau et des ongles (mais pas des poils ni des cheveux). Le candida est un saprophyte des muqueuses, s’y trouvant la plupart du temps à l’état naturel sans provoquer aucun trouble. Ce n’est qu’à la faveur d’une rupture d’équilibre qu’il devient pathogène. La présence de Candida albicans sur la peau est toujours pathogène.

L’aspect des lésions dépend de la localisation et de l’agent responsable (voir infographie ci-contre). La présence de démangeaisons est fréquente.

But du traitement

Le but du traitement est de « stériliser » les lésions, c’est-à-dire d’éliminer la totalité des champignons présents. En parallèle, il est indispensable d’éliminer les sources de contamination (locaux souillés, animal porteur…) et les facteurs favorisants (humidité, macération…).

Le traitement fait appel le plus souvent à des antifongiques locaux, nombreux et de bonne tolérance. Les antifongiques, dont la tolérance est parfois médiocre, s’utilisent dans les infections étendues et/ou sévères.

Les antifongiques locaux

Les formes galéniques

La forme galénique adaptée dépend de l’aspect clinique et de la localisation de la mycose. D’une façon générale :

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– Les crèmes, gels et solutions sont appliqués sur la peau glabre (sans poils) et dans les plis (plis interdigitaux, intertrigo génital, crural, sous-mammaire). La crème n’est pas recommandée si la lésion est macérée.

– L’émulsion fluide est indiquée en cas de mycose des muqueuses et des semi-muqueuses (vulvite, balanite, anite, candidose du siège…) et pour les peaux fragiles (enfants, visage…).

– En cas de lésion macérée, le choix se porte sur la poudre.

– Les vernis (solutions locales filmogènes) sont destinés au traitement des mycoses de l’ongle.

Les imidazolés

Ce sont les plus nombreux et les plus utilisés des antifongiques. Toutes les dénominations communes des imidazolés se terminent par le suffixe -nazole : éconazole, miconazole, bifonazole… Certains d’entre eux sont non listés et peuvent être délivrés sans ordonnance.

Indications : ils sont actifs aussi bien sur les dermatophytes que sur les candidas. Pas de contre-indications. Interactions : aucune recensée (pas de passage à travers la peau, sauf si elle est lésée ou chez le nourrisson). Effets secondaires : ils sont rares et limités à une sensation de brûlure, ou parfois un prurit et une rougeur de la peau. Posologie : on distingue les imidazolés à application biquotidienne matin et soir (Daktarin, Fazol, Pevaryl, Trimysten, Trosyd) et ceux qui s’appliquent une seule fois par jour (Amycor, Fongamil, Ketoderm, Myk). En fonction de la mycose, la durée de traitement varie de une à trois semaines, parfois plus.

Les non-imidazolés

Mycoster (cyclopiroxolamine). Indications : actif sur les dermatophytes, les candidas et les staphylocoques. La cyclopiroxolamine possède la particularité de traverser la kératine de l’ongle. Contre-indications : aucune. Interactions : sans. Posologie : en cas de mycoses cutanées, deux applications par jour pendant trois semaines.

Lamisil (terbinafine). Indications : dermatophytes, levures (candida). Posologie : dans les mycoses cutanées et les intertrigos interorteils, une application par jour pendant une semaine suffit.

Fungizone (amphotéricine B). Indications : candidoses cutanées. L’amphotéricine n’est pas active sur les dermatophytes. Effets secondaires : risque d’allergie ou d’eczéma au conservateur (dérivé mercuriel). Posologie : deux à quatre applications par jour pendant quinze jours à un mois selon la localisation, ce qui explique que Fungizone en application locale ne soit plus guère prescrit.

Les formes destinées aux ongles

Deux des traitements locaux des mycoses de l’ongle se présentent sous forme de vernis. Ils sont indiqués en cas d’atteinte de l’ongle sans atteinte de la matrice (la zone à l’opposé du bord libre). En cas d’atteinte de la matrice, un traitement par voie orale est indispensable.

Locéryl.Posologie : une fois par semaine, de six mois (pour les mains) à neuf mois (pour les pieds). Mode d’utilisation : l’ongle doit être limé pour éliminer au maximum la zone atteinte. Limer également la surface de l’ongle sans abîmer la peau au pourtour de l’ongle. Nettoyer la surface de l’ongle à l’aide de dissolvant. Appliquer le vernis à l’aide d’une des spatules fournies et nettoyer la spatule entre chaque ongle à l’aide d’une compresse ou d’un tissu imprégné de dissolvant afin d’éviter la contamination du vernis. Reboucher hermétiquement le flacon. Retirer le vernis à l’aide de dissolvant avant chaque nouvelle application et limer l’ongle si nécessaire. Précautions d’emploi : ne pas utiliser chez l’enfant, la femme enceinte et en cas d’allaitement.

Mycoster.Posologie : une fois par jour pendant environ trois mois (ongles des mains) à six mois (ongles des pieds). Mode d’utilisation : appliquer le soir sur tous les ongles atteints. Éliminer la couche filmogène une fois par semaine à l’aide de dissolvant.

Amycor Onychoset. C’est un principe un peu différent : Amycor Onychoset est composé d’un antimycosique, le bifonazole, et d’une concentration élevée d’urée, substance kératolytique. La pommade ainsi constituée s’applique sur l’ongle sous pansement occlusif. Elle attaque l’ongle et finit par dissoudre toute la partie atteinte en une à trois semaines. Mode d’emploi : appliquer une fois par jour sur l’ongle infecté et couvrir avec l’un des pansements occlusifs fournis. Au bout de 24 heures, retirer le pansement, baigner l’ongle dans l’eau chaude et éliminer la partie ramollie de l’ongle à l’aide du grattoir. Se laver les mains après utilisation. Relais : Après élimination de l’ongle, le relais est pris par Amycor crème une fois par jour pendant quatre à huit semaines.

Les antifongiques oraux

Ils présentent globalement une tolérance médiocre et, pour certains, un risque d’interactions graves. Toutes les formes orales sont contre-indiquées chez la femme enceinte.

Griséfuline (griséofulvine)

Sa tolérance est très médiocre (nombreux effets secondaires et interactions) mais elle peut s’administrer chez l’enfant chez qui la tolérance est meilleure.

Indication : mycoses à dermatophytes des cheveux, des ongles et de la peau. Posologie : un à deux comprimé à 500 mg par jour au cours des repas, en une ou deux prises. Enfant : 10 à 20 mg/kg/jour. Interactions : elles sont nombreuses. En particulier, la griséofulvine diminue l’effet des estroprogestatifs (utiliser un autre mode de contraception pendant le traitement et un mois après), des anticoagulants oraux (surveiller l’INR) et de la ciclosporine (risque de rejet de greffe). Effets secondaires : ils sont fréquents chez l’adulte. Céphalées, troubles gastro-intestinaux (anorexie, nausées, diarrhées, perturbation du goût) et, plus rarement, risque de réactions allergiques cutanées et de photosensibilisation, troubles hépatiques, troubles hématologiques (baisse des globules blancs, anémie…). La griséofulvine entraîne un effet antabuse avec l’alcool (sensation de chaleur, rougeur, tachycardie…). Grossesse : la griséofulvine est tératogène. Elle est contre-indiquée pendant la grossesse. Rappel : ne pas utiliser de contraceptifs oestrogènes (interaction).

Les antifongiques azolés

Tous les antifongiques azolés sont susceptibles de donner des interactions majeures avec certains médicaments. En effet, ce sont de puissants inhibiteurs enzymatiques. Ils bloquent le métabolisme d’autres substances, qui deviennent rapidement toxiques par surdosage. La liste des contre-indications et associations déconseillées est longue. Mieux vaut retenir que toutes les associations comportant du Nizoral ou du Sporanox (pharmacie hospitalière) doivent être très soigneusement contrôlées. C’est aussi le cas du Daktarin gel buccal (miconazole) qui est destiné à traiter localement les candidoses buccales mais dont une partie est résorbée par le tube digestif, entraînant un risque grave d’interactions.

Nizoral (kétoconazole). Indications : Nizoral est essentiellement utilisé dans les infections systémiques ou viscérales et dans la prévention des affections mycosiques en cas de dépression immunitaire. Il peut dans certains cas être prescrit pour une infection cutanéomuqueuse étendue ou en cas de résistance aux traitements antifongiques habituels. Effets secondaires : ils sont moins fréquents qu’avec la griséofulvine mais peuvent être graves. Le risque est l’hépatotoxicité. Les transaminases doivent être surveillées tous les quinze jours, notamment lors des traitements de durée supérieure à un mois. Interactions : parmi les contre-indications absolues, retenir l’association à la mizolastine (Mizollen) et au bépridil (Cordium), avec un risque majoré de troubles du rythme cardiaque, et à certaines statines (simvastatine, atorvastatine) : risque de rhabdomyolyse. Grossesse : c’est une contre-indication absolue.

Sporanox (itraconazole)

L’itraconazole est uniquement délivré par les pharmacies hospitalières, mais il peut arriver qu’un patient traité vienne chercher son ordonnance habituelle en ville. Attention aux interactions, très nombreuses et potentiellement mortelles ! Sont contre-indiqués : atorvastatine, simvastatine (rhabdomyolyse), halofantrine, mizolastine (troubles du rythme cardiaque), vardénafil (hypotension majeure)…

Lamisil (terbinafine) Indications :

mycoses des ongles, dermatophyties cutanées et candidoses cutanées, uniquement si elles ne peuvent pas être traitées localement (lésions trop étendues ou résistance aux traitements habituels). Contre-indication : insuffisance hépatique sévère, insuffisance rénale sévère. Interaction : pas d’interaction contre-indiquée. Effets secondaires : risque rare mais grave d’hépatite. Certaines ont conduit à une transplantation hépatique ou à un décès. Plus fréquemment : troubles digestifs (perte de l’appétit, nausées, douleurs abdominales, diarrhées), réactions cutanées (éruptions, urticaire). La terbinafine peut entraîner des altérations ou des pertes partielles ou totales du goût.

La prévention

Éviter la contagion

Les dermatophytoses sont des infections contagieuses par contact direct ou indirect (sol, linge ou objets contaminés). Les pieds contaminés libèrent des squames parasités.

La prévention nécessite d’éviter les contacts directs avec les sols humides pouvant être contaminés : sols de salle de bains si l’un des membres de la famille est atteint, saunas, piscines, douches collectives, salles de sport où l’on circule pieds nus… Porter des sandales, en particulier si la fréquentation de ces endroits est quotidienne (sportifs, surveillants de piscine). En cas d’impossibilité, se rincer les pieds et appliquer une poudre antifongique entre les orteils après avoir fréquenté le lieu suspect.

Les serviettes de toilette doivent être personnelles, même au sein de la famille.

Lutter contre la macération

L’un des principaux facteurs favorisants est la macération, entretenue par l’humidité et la chaleur. Le printemps et l’été sont donc des saisons propices aux mycoses.

En prévention des mycoses interdigitales au niveau des pieds :

– éviter le port systématique de chaussures de sport ou de chaussures très étroites ;

– préférer les chaussettes en coton au synthétique ;

En prévention des mycoses au niveau des plis : après la douche ou le bain, sécher soigneusement toutes les zones de plis (entre les orteils, plis de l’aine, plis axillaires…).

Prévenir les récidives

L’auto-infestation est fréquente. En cas de découverte d’une mycose des pieds ou des ongles, vérifier s’il n’y a pas d’atteinte du membre symétrique ou des autres membres. Pendant le traitement d’une mycose des pieds, les chaussures (en particulier celles portées pieds nus) doivent être traitées en saupoudrant régulièrement l’intérieur de poudre antifongique, et les sources potentielles de recontamination lavées à 70 °C si possible (linge, tapis de bain, serviettes…). •

Malassezia furfur

Le ptiyriasis versicolor

Il existe une autre levure assez fréquente :Malassezia furfur, responsable du pityriasis versicolor.

Cette mycose se traduit par des petites taches arrondies sur le torse, de couleur jaune chamois, pouvant confluer pour donner de grandes nappes.

Le traitement passe par l’application locale d’un dérivé imidazolé, le plus souvent en application unique (Kétoderm monodose : une seule application en douche).

Le sulfure de sélénium (Selsun) est également actif (en douche trois fois par semaine pendant trois semaines).

Les mycoses vaginales

Les mycoses génitales sont très fréquentes chez la femme. Dues le plus souvent à un candida, elles entraînent des pertes blanches (leucorrhées) et des démangeaisons. Elles peuvent être déclenchées par les modifications hormonales liées au cycle, une immunodépression,un diabète, une cure d’antibiotiques… et sont parfois récidivantes.

Le traitement associe généralement ovules et crème antimycosique à base de dérivé imidazolé. Les ovules sont placés au fond du vagin, le soir au coucher, pendant un à trois jours consécutifs selon la spécialité. Les préservatifs en latex peuvent être altérés par les excipients de l’ovule et sont déconseillés pendant le traitement.

Pendant l’épisode de mycose, il est déconseillé d’utiliser un savon à pH acide (pH favorable à la multiplication de candida). Préférer un savon à pH neutre ou alcalin : Monagyn, Saforelle solution lavante, Mousse Apaisante Spécial Irritations Rogé Cavaillès, Saugella Poligyn…

Insister sur l’observance

En cas de traitement oral

Sensibiliser les patients à la nécessité d’une bonne observance (parfois jusqu’à un an de traitement) pour éliminer la totalité du champignon.

Le traitement ne doit pas être stoppé dès l’amélioration clinique.

Signaler le traitement systématiquement à tous les professionnels de santé (médecin généraliste ou spécialiste, pharmacien, dentiste…), car les interactions sont nombreuses et potentiellement graves.

Contacter le médecin en cas de signes d’hépatotoxicité.

En cas de traitement par vernis

Mycoster s’applique tous les jours en ne retirant le vernis cumulé qu’une fois par semaine.

Locéryl ne s’applique qu’une fois par semaine.

La bonne observance conditionne le succès du traitement.

Remerciements au Pr Alain Claudy, dermatologue à l’hôpital Édouard Herriot (Lyon).