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L’insuffisance cardiaque
L’insuffisance cardiaque, qui concerne majoritairement le sujet âgé, est une maladie dont le pronostic est grave. La moitié des patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque décède dans les cinq ans.
Définition
L’insuffisance cardiaque est l’incapacité du coeur à fournir un débit sanguin suffisant pour répondre aux besoins de l’organisme. Les signes cliniques de l’insuffisance cardiaque chronique apparaissent progressivement au fur et à mesure de l’évolution de la maladie : dyspnée (d’abord à l’effort, puis omniprésente), asthénie, oedèmes des chevilles, puis des jambes. L’insuffisance cardiaque peut aussi se révéler brutalement par un oedème aigu du poumon. Véritable inondation des alvéoles pulmonaires, l’oedème aigu du poumon survient volontiers la nuit et se traduit généralement par une gêne respiratoire intense et brutale, une toux quinteuse avec expectoration abondante, moussante, rosée. C’est une urgence absolue, prise en charge à l’hôpital.
But du traitement
Traitement de la cause
Le traitement de la cause est le meilleur traitement quand il est possible. Les deux causes les plus fréquentes d’insuffisance cardiaque sont l’athérosclérose des coronaires (ce qui entraîne une diminution de l’oxygénation du muscle cardiaque) et l’hypertension artérielle. Selon les cas, le traitement étiologique nécessite donc un acte chirurgical (pontage des coronaires…) ou bien médical (contrôle de l’hypertension artérielle…).
Traitement des symptômes
Le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique vise à diminuer la dyspnée et les oedèmes et nécessite le plus souvent l’association de plusieurs médicaments. Les mesures hygiénodiététiques sont primordiales.
Le traitement : la triade de base
Le traitement médicamenteux a évolué ces dernières années. Il est désormais bien codifié et comporte généralement un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC), un diurétique de l’anse, et un bêtabloquant commencé à doses très faibles.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)
Les IEC ont un effet vasodilatateur veineux et artériel qui facilite l’éjection du sang par le coeur. Mécanisme d’action principal : ils inhibent « l’enzyme de conversion » qui transforme l’angiotensine I en angiotensine II, hormone vasoconstrictrice qui stimule aussi la libération d’aldostérone et donc la rétention hydrosodée (les oedèmes). Les IEC inhibent aussi la dégradation de la bradykinine, vasodilatatrice. L’effet de la bradykinine sera donc amplifié et se cumule avec l’effet inhibiteur sur l’angiotensine II. Posologies : les IEC sont utilisés à la posologie maximale tolérée (souvent supérieure aux posologies utilisées dans l’hypertension artérielle), sous réserve d’instaurer le traitement progressivement. Effets secondaires : hypotension artérielle (risque de vertiges et des chutes chez le sujet âgé en cas de baisse trop brutale de la pression artérielle. C’est pourquoi le traitement est initié à doses faibles et augmenté progressivement sur plusieurs jours voire semaines) ; toux : elle survient assez fréquemment (jusqu’à 20 % des cas), reste insensible aux antitussifs et peut obliger à arrêter le traitement. Un patient qui présente cet effet secondaire avec un IEC le présentera a priori avec n’importe quel IEC ; insuffisance rénale (un IEC s’oppose à la vasoconstriction des artères rénales comme de toute les artères, ce qui peut empêcher de maintenir une pression de filtration suffisante) ; hyperkaliémie (les IEC peuvent induire une hyperkaliémie en cas d’insuffisance rénale et d’association à un diurétique de type anti-aldostérone (spironolactone). Contre-indications : la femme enceinte, mais l’insuffisance cardiaque est rarement une pathologie du sujet jeune ; en cas de réaction (oedème de la face et du cou) lors de la prise d’un IEC.
Les diurétiques
En favorisant l’élimination de l’eau et du sodium, ils luttent contre les oedèmes périphériques (chevilles enflées) et pulmonaires (dyspnée). Mode d’action : les « diurétiques de l’anse » (principalement le furosémide et le bumétanide) inhibent la réabsorption du sodium au niveau du rein, dans la branche ascendante de l’anse de Henlé. Le sodium est donc éliminé dans les urines entraînant avec lui l’élimination de l’eau. Posologies : le furosémide est prescrit à la posologie minimale efficace pour réduire les oedèmes, en pratique de l’ordre de 20 à 60 mg per os le matin. Dans les formes très évoluées, des doses de 500 mg/jour peuvent être nécessaires (Lasilix 500 mg, médicament hospitalier). Pour le bumétanide, moins utilisé, la posologie est de 1 à 2 mg le matin. Effets secondaires : hypokaliémie (les diurétiques de l’anse empêchent la réabsorption du sodium mais aussi du potassium, ce qui peut entraîner une hypokaliémie dangereuse (troubles du rythme cardiaque). L’association à un sel de potassium (Diffu-K, Kaleorid…) peut s’avérer nécessaire, en fonction de la kaliémie. Risque de déshydratation (vertiges, hypotension orthostatique) : attention en cas de pertes hydriques (diarrhée, fièvre…) ou de réduction des apports. Contre-indications : un obstacle sur les voies urinaires, une déshydratation, des désordres hydroélectrolytiques non corrigés, l’insuffisance rénale aiguë (furosémide) et l’allaitement (furosémide).
Bêtabloquants
Les bêta-bloquants ont été contre-indiqués pendant très longtemps chez l’insuffisant cardiaque. Des études récentes ont finalement démontré leur intérêt, chez des malades déjà traités par diurétique et IEC, à condition de commencer le traitement à doses très faibles et sous surveillance médicale car il y a un risque d’aggravation soudaine de la pathologie.
Seuls trois bêtabloquants ont actuellement l’indication dans l’insuffisance cardiaque : le carvédilol (Kredex), le bisoprolol (Cardensiel et Cardiocor) et le métoprolol (Selozok LP). Ce sont tous trois des médicaments à délivrance particulière. Le nébivolol (Nebilox, Temerit), utilisé dans l’HTA, vient d’obtenir une extension d’indication dans l’insuffisance cardiaque. Actuellement, il n’y a pas de présentation spécifique dans cette indication. Mode d’action : les bétabloquants s’opposent aux effets des catécholamines par antagonisme compétitif sur les récepteurs bêta-adrénergiques. Il en résulte une baisse de la fréquence cardiaque, notamment à l’effort et une baisse de la consommation d’oxygène. Posologie : la posologie d’entretien n’est atteinte qu’après deux à trois mois de traitement. Pour limiter la progression de la maladie, la dose de béta-bloquant finale doit être aussi élevée que possible. Effets secondaires : les bêtabloquants sont inotropes négatifs, c’est-à-dire qu’ils diminuent la contractilité cardiaque. Ils sont donc potentiellement dangereux chez les patients insuffisants cardiaques. Ils ne doivent être introduits qu’à distance d’un épisode de décompensation, lorsque le patient est bien équilibré par diurétique et IEC, et à posologie très faible et très lentement progressive pour éviter tout épisode de décompensation. Les autres effets secondaires sont l’hypotension, la bradycardie et un bronchospasme.
Délivrance particulière : en raison de leur danger potentiel chez l’insuffisant cardiaque, la prescription de bêtabloquants fait appel à des molécules spécifiques dont la prescription est réservée aux spécialistes en cardiologie ou en médecine interne. Ces spécialités existent chacune sous divers dosages permettant une période de titration, c’est-à-dire d’augmentation progressive de la posologie par paliers de deux à quatre semaines. La première prise (le plus petit dosage) se fait au cabinet du médecin ou à l’hôpital, avec surveillance clinique étroite de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, et de l’état clinique pendant trois à quatre heures suivie d’un électrocardiogramme. Pour Kredex et Selozok, chaque augmentation de dose doit donner lieu à une prise sous surveillance clinique pendant deux heures. Une fois la dose d’entretien atteinte, le généraliste peut renouveler la prescription, à condition de ne pas modifier la dose. Contre-indications : insuffisance cardiaque sévère décompensée, asthme et bronchopneumopathie obstructive, hypotension sévère, phénomènes de Raynaud.
Les autres médicaments
Ils sont prescrits de façon moins systématique, en fonction du contexte.
Les antialdostérones
Le spironolactone seul ou en association, éplérénone sont associés aux IEC chez les patients en insuffisance cardiaque sévère. Mode d’action : ils s’opposent à l’hyperaldostéronisme (sécrétion trop élevée d’aldostérone qui favorise la rétention du sodium et l’excrétion du potassium) qu’entraîne l’insuffisance cardiaque sévère. Commercialisé depuis fin 2005, l’éplérénone (Inspra) est indiqué en cas d’insuffisance cardiaque après un infarctus du myocarde récent. C’est un antagoniste sélectif de l’aldostérone qui n’intervient pas sur les récepteurs aux androgènes, d’où l’absence d’effets secondaires au niveau de la sphère génitale. Posologies : la spironolactone est utilisée à doses faibles (25 mg/jour en moyenne). L’éplérénone est prescrite à la dose de 25 mg/jour le premier mois, puis 50 mg/jour en dose d’entretien. Effets secondaires : hyperkaliémie (leur prescription conjointe avec un diurétique doit s’accompagner d’un contrôle régulier de la kaliémie). La spironolactone entraîne des gynécomasties (hypertrophie de la glande mammaire chez l’homme) chez près de 10 % des patients et des troubles sexuels fréquents (impuissance, aménorrhée…). Contre-indications : insuffisance rénale sévère ou aiguë, hyperkaliémie.
Les digitaliques
Les digitaliques ne sont pas prescrits en première intention mais uniquement lorsqu’il existe une fibrillation auriculaire (rythme cardiaque rapide et irrégulier) ou si le traitement n’est pas assez efficace. Mode d’action : ils sont bradycardisants (ralentissent le rythme cardiaque) et ont un effet inotrope positif (renforcent les contractions cardiaques). La digoxine est préférée à la digitoxine en raison de sa demi-vie plus courte (sera éliminée plus rapidement en cas de surdosage). Effets secondaires : les digitaliques ont une marge thérapeutique étroite (dose toxique proche de la dose efficace). La toxicité est accrue en cas d’hypokaliémie. Les premiers signes de surdosage sont : symptômes digestifs (nausées, vomissements, diarrhée, inappétence) et neurosensoriels (asthénie, céphalées, troubles de la vision des couleurs). Le surdosage peut entraîner des troubles cardiaques mortels. Contre-indications : certains troubles du rythme cardiaques.
Les sartans
Seuls le candésartan et le valsartan ont actuellement une AMM dans le traitement de l’insuffisance cardiaque en cas d’intolérance aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou en association avec un IEC chez les patients non contrôlés (pour le candésartan). Mode d’action : les sartans sont des antagonistes des récepteurs AT1 de l’angiotensine II. Leur mode d’action est proche de celui des IEC, mais ils sont plus sélectifs et n’agissent que sur certains récepteurs. Posologie : ils sont utilisés à fortes posologies dans l’insuffisance cardiaque, mais le traitement est débuté à dose faible, et augmenté très progressivement (paliers de deux semaines environ). Effets secondaires : ils peuvent entraîner une hypotension orthostatique, une altération de la fonction rénale et une hyperkaliémie. Contre-indications : à partir du deuxième trimestre de la grossesse ; les patients présentant une hyperkaliémie supérieure à 5 mmol/l, insuffisance rénale sévère.
Les médicaments associés
En fonction des troubles associés (troubles du rythme, ischémie…) ou de l’étiologie, d’autres molécules peuvent être prescrites : anticoagulants, antiagrégants plaquettaires (faibles doses d’aspirine ou clopidogrel), amiodarone, dérivés nitrés, molsidomine, inhibiteurs calciques…
Traitement hygiénodiététique
Alimentation
• Diminuer le sel.
Sans appliquer de régime sans sel drastique (hormis cas particulier), il est essentiel de diminuer la consommation de sel, pour éviter la rétention d’eau. Le but : ne pas dépasser 4 à 6 g de sel par jour. À éviter : conserves, plats cuisinés du commerce, sauces industrielles, charcuterie, crustacés, huîtres. En pratique : saler légèrement l’eau de cuisson des légumes; ne pas rajouter de sel dans l’assiette; ne pas mettre de salière sur la table. Ne pas utiliser de sels de régime en remplacement, très riches en potassium (risque d’hyperkaliémie en association avec les IEC).
• Régime hypocalorique. Chez le patient en surpoids (IMC supérieur à 25), le régime doit viser à réduire le poids.
Boissons
Boire normalement (1 à 1,5 l par jour), sauf en phase de décompensation où la consommation de liquide doit être réduite. Limiter l’alcool à deux verres maximum par jour.
Tabac
Le tabac étant un facteur de risque cardiovasculaire, le sevrage est impératif. Pour aider le patient, lui proposer des substituts nicotiniques.
Exercice physique
Hors épisodes de décompensation, l’activité physique doit être régulière, par exemple, une demi heure de marche, de natation ou de bicyclette par jour. Stopper en cas d’essoufflement. Prendre le temps de se reposer, surtout en cas d’aggravation des symptômes.
Éviter l’aggravation
• Se peser régulièrement.
Une prise de poids rapide (2 kg en trois jours) est un signe d’oedème. Se peser deux fois par semaine, sur la même balance.
• Repérer les signes d’aggravation. Consulter en cas d’aggravation de l’essoufflement, d’oedèmes des chevilles ou des jambes, ou de difficulté à respirer une fois allongé.
• Attention aux températures extrêmes. Éviter de sortir si les températures sont trop froides ou en cas de fortes chaleur. En cas de canicule, le traitement doit être adapté.
• Voyager en toute sécurité. Éviter l’altitude élevée, ainsi que les climats chauds et humides. L’avion (pressurisé) est le mode de transport idéal sauf si l’insuffisance cardiaque est avancée. •
Attention aux comprimés effervescents !
Les comprimés effervescents contiennent tous une quantité importante de sodium. En cas de prescription d’antalgiques chez un insuffisant cardiaque, déconseiller la prise de formes effervescentes surtout au long cours et préconiser la forme comprimés secs ou gélules. Pour mémoire, le but est de ne pas dépasser 4 à 6 g de sel par jour.
Peut-on prévenir l’insuffisance cardiaque ?
• L’insuffisance cardiaque fait le plus souvent suite à une cardiopathie ischémique (mauvaise irrigation du coeur).
• La prise en charge des facteurs de risque des maladies coronaires, le traitement de l’ischémie, la prise en charge rapide d’un infarctus du myocarde, le traitement d’une hypertension, la correction des valvulopathies, sont des éléments de prévention primaire (avant la survenue) de l’insuffisance cardiaque.
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