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C’est moi qui commande ! des préparateurs responsables
Il y a des officines où les préparateurs gèrent de A à Z des rayons, avec la bénédiction et la confiance des titulaires. « Porphyre » est allé à leur rencontre.
La seule chose que je ne fais pas, c’est signer le chèque », confie Thierry Reverchon. Il faut dire que le préparateur gère entièrement les rayons dont il a la charge, du choix des produits à référencer au calcul de la marge et du prix de vente en passant par l’accueil des représentants des laboratoires (lire ci-dessous). Pour Jean-Marc Leder, son titulaire, qui emploie trois préparateurs, la délégation est une affaire qui roule. « Avoir la responsabilité de gérer un laboratoire, c’est avoir envie que ses produits marchent », estime-t-il.
Déléguer, un mode de management efficace. Cette façon de manager une équipe pourrait dans les années à venir faire la différence. Car, en ces temps de concurrence effrénée, trouver dans ses collaborateurs de véritables copilotes c’est aussi assurer de meilleurs résultats en termes de ventes. Pharmacien titulaire à Sarreguemines (Moselle), Laurent Blajmann emploie 19 préparateurs sur un effectif de 35 personnes. « Lorsque je passe le relais aux préparateurs, c’est de A à Z, en fonction de la formation et de la maturité, déclare-t-il. Nous sommes des titulaires très présents au comptoir. De fait, chez nous les laboratoires viennent nous saluer, puis vont voir directement les préparateurs concernés. À notre échelle, je ne vois pas comment nous pourrions agir autrement, sinon les titulaires ne feraient plus du tout de comptoir. »
Dans l’officine de Laurent Blajmann, la délégation totale des commandes se fait sur certains secteurs : diététique, diabétologie, parapharmacie, orthopédie ou phytothérapie par exemple. La formation ici est donc primordiale. Les deux entretiens d’évaluation proposés chaque année permettent de déterminer les souhaits de formation et de perfectionnement de chacun. « Notre amplitude horaire étant importante, nous essayons de diversifier et d’équilibrer les formations pour que tous les postes soient pourvus », explique Laurent Blajmann.
Mais pour la grande majorité des pharmaciens, c’est une autre histoire. Les représentants des laboratoires eux-mêmes s’adressent encore au titulaire avant d’être dirigés, le cas échéant, vers la bonne personne. Un directeur commercial constate : « Nous voyons de tout mais nous avons plutôt affaire à des titulaires qui souhaitent nous recevoir eux-mêmes, voire, quelques fois, leur épouse… » Les délégués et représentants s’adaptent, mais ils s’assurent la plupart du temps qu’ils auront affaire au décisionnaire, responsable de la négociation. « Nous avons des comptes à rendre nous aussi, car nous sommes là pour placer des produits, estime une représentante de Biocanina. Si les choses doivent se passer en deux temps parce que le pharmacien doit donner son aval, ce n’est pas efficace. » Pourtant, selon une étude menée par Celtipharm en 2006 dans 104 pharmacies (voir encadré page 23), les préparateurs contribuent à près de 55 % au chiffre d’affaires (les pharmaciens pour 23 %). Or ils ne sont que 5 % à recevoir la visite nominative des laboratoires.
Qui dit responsabilité, dit intéressement. Titulaire à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), Hervé Zibi confirme : « Généralement, les pharmaciens restent très individualistes. Ce sont des gens habitués à tout gérer, ils veulent être responsable de tout. Comme il y a beaucoup d’argent en jeu, ils aiment prendre en charge tout ce qui est négociation. » Ce pharmacien, qui passe pour un « extraterrestre » dans la profession, délègue la quasi-totalité de son travail. C’est le bon fonctionnement global de l’entreprise qui l’intéresse. « Dans une officine, toutes les tâches sont importantes. Déléguer me libère du temps et les préparateurs font autre chose. C’est beaucoup plus intéressant pour eux, et pour moi aussi de ne pas tout gérer. » Dans cette pharmacie qui emploie une dizaine de personnes, cinq préparateurs sont aux commandes. En fonction de leurs envies, et de leurs capacités, Hervé Zibi leur a confié la gestion de laboratoires. « Je ne les laisse pas comme ça dans la nature. Je leur explique ce qu’il faut faire et comment, et je les briefe lors des deux ou trois premières visites des représentants. » Le titulaire exige en contrepartie une gestion très serrée des linéaires, des produits, des stocks, etc. Les préparateurs ont un salaire correspondant à leur formation initiale, mais, ici, ils sont en plus intéressés au chiffre d’affaires de l’entreprise par le biais d’un plan d’épargne entreprise. Formule plutôt originale, car bien souvent les préparateurs se contentent d’un salaire, que compense la motivation suscitée par la diversification de leurs tâches. « C’est une gestion différente et ces personnes ont un intéressement parce que l’ensemble de la pharmacie fonctionne bien », précise Hervé Zibi.
La responsabilisation quelle que soit la taille de l’officine. On délègue dans de toutes petites officines aussi. C’est le cas de Gaël Rousseau, dont la pharmacie, qui emploie un préparateur et demi, est installée dans la périphérie de Nantes, en zone rurbaine. Dans cette officine, les préparateurs bénéficient d’un treizième mois et le titulaire réfléchit à une deuxième formule pour intéresser son personnel. « Cela ne peut être formalisé dans la mesure où, étant donné le contexte actuel du médicament, nous pouvons avoir une augmentation du chiffre d’affaires sans augmentation de marge. Je suis d’accord pour redistribuer, mais je dois le faire dans la nuance », confie Gaël Rousseau. Hormis les commandes de son groupement (Giphar), il a choisi de déléguer beaucoup et de confier la responsabilité des commandes de produits pharmaceutiques jusqu’au bout de la chaîne. « On ne peut pas être bon partout, justifie-t-il. Déléguer ne consiste pas à donner à faire aux autres ce que l’on n’a pas envie de faire soi-même, comme cela peut être le cas. Donner des responsabilités, c’est très fédérateur et ça génère une bonne ambiance qui est perçue largement au-delà du comptoir, notamment par les clients. » Cet état d’esprit, certains laboratoires en perçoivent l’évolution, mais la tendance est encore assez conservatrice. Le représentant d’un grand laboratoire spécialiste de l’asepsie le constate : « En général, c’est sûr, c’est le titulaire que nous rencontrons. C’est lui l’homme-orchestre. Mais il passe le relais de plus en plus. Peut-être que fin 2007 la proportion des pharmaciens qui délèguent représentera 12 à 15 %. » C’est mieux, mais c’est encore peu.
Reverchon
« Je m’occupe de l’approvisionnement en génériques, d’une grande partie des vignetés qui vont avec et de secteurs délimités comme les accessoires. Les principaux fournisseurs traitent avec moi directement, les nouveaux appellent d’abord le patron. Je suis en relation avec près de 80 laboratoires. Cette responsabilité faisait partie de la définition de poste quand je me suis présenté en 1992. C’était nouveau, le patron voulait relever le défi. C’est lui qui définit les grandes lignes et je m’occupe de tout : choisir le laboratoire (parfois), les produits que je souhaite référencer, les marges, les prix de vente – que je fixe en tenant compte de la concurrence. Je gère aussi les litiges en cas de commande non conforme et parfois même je change de laboratoire. Bref, la seule chose que je ne fais pas, c’est signer le chèque. C’est un défi, mais, avec l’habitude, on acquiert une méthode. Nous avons la chance de travailler de façon collégiale et de communiquer beaucoup entre nous. C’est du travail en plus, mais c’est une chance et c’est motivant car je ne m’ennuie jamais. »
Natacha Simonet
« J’ai fait mes 5 années d’apprentissage ici et j’ai été embauchée en 2005. Même lorsque j’étais apprentie on me demandait mon avis sur des produits. Depuis, le pharmacien m’a cédé quelques laboratoires avec lesquels je suis directement en relation. Je m’occupe de la cosmétologie. Pour cela, je suis en relation avec les laboratoires Darphin et T. Leclerc et je m’occupe aussi des produits vétérinaires. Je reçois les représentants, je passe les commandes, j’organise la mise en avant des produits et des promotions, je bataille pour avoir les meilleures conditions commerciales, etc. Quand je passe une commande, j’en parle avec l’équipe. Nous nous tenons au courant afin de savoir qui a besoin d’une vitrine pour mettre en avant un produit. C’est important de toucher à tout. Ici, d’ailleurs, chacun gère ses relations avec des laboratoires, et, surtout, les laboratoires nous proposent des formations. Tout le monde est à niveau. On sait exactement ce que l’on vend. J’ai beaucoup de responsabilités et c’est très plaisant. Cela apporte un plus à notre métier. Gérer les laboratoires ouvre des perspectives. »
« Pourquoi je délègue »
Titulaire à Paris dans le XXe arrondissement, Jean-Marc Leder a choisi de confier la gestion des commandes à ses trois préparateurs en pharmacie.
Laissez-vous champ libre à vos préparateurs ?
Chacun, dans sa partie, s’occupe de commandes. Il ne s’agit pas seulement de faire du réassort mais de gérer les relations avec les laboratoires, s’occuper des négociations et assumer ce rôle de commande jusqu’au contrôle de conformité des factures. J’ai choisi de déléguer ces tâches à mes préparateurs mais, évidemment, c’est un autre mode de fonctionnement.
PublicitéPourquoi déléguez-vous totalement ?
Non seulement parce que la gestion totale d’un rayon jusqu’au passage des commandes responsabilise, mais aussi parce que c’est plus motivant pour les préparateurs. Cela valorise leur métier. Expédier les affaires courantes, se contenter de faire de la vente au comptoir, c’est assez routinier. J’ai pensé que diversifier les missions pourrait apporter autre chose à mon équipe. D’autant plus qu’avoir la responsabilité de gérer les relations , c’est avoir envie que ses produits marchent. Lorsqu’on assume les commandes d’un produit par conviction et que l’on communique à l’équipe l’intérêt de le vendre, ça aussi c’est très motivant.
Cette attitude est plutôt peu commune ?
Évidemment, beaucoup de pharmaciens titulaires ont encore le sentiment de perdre une parcelle de leur pouvoir en cédant cette part de leur activité à des préparateurs. Je dirais alors que cela relève du manque de confiance. D’autres titulaires ne veulent pas que les conditions commerciales soient connues de la base. C’est peut-être encore une tradition dans la profession officinale. Ce n’est pas mon souci, j’ai choisi de fonctionner autrement, depuis longtemps, et cela nous réussit plutôt bien. Les préparateurs en pharmacie qui travaillent avec moi sont là depuis longtemps, et cela facilite peut-être les choses. Mais, en tout cas, ils prennent des initiatives, et je pense que ça marche mieux quand cela vient d’eux.
Quel est le rôle de l’information ?
Il est essentiel. Dans les relations avec les laboratoires, le problème est justement de faire circuler l’information. Il peut y avoir le produit concurrent d’un autre laboratoire, dont s’occuperait un autre préparateur. Dans ce cas précis, faire circuler l’information est une nécessité. C’est un bon moyen pour optimiser les stocks et les commandes. Nous faisons des réunions, même si c’est trop rare, et nous communiquons par tableau d’affichage. C’est assez pragmatique. Quand je reçois une proposition de formation, nous nous débrouillons pour que quelqu’un puisse y assister et communiquer, ensuite, au reste de l’équipe. Nous faisons en sorte d’échanger le plus possible.
Cicero Cardoso
« Je suis arrivé à la pharmacie Leder, en 2000, pour aider à mettre en place le système informatique et faire du tiers payant. Puis j’ai été amené peu à peu à passer des commandes. Il y avait des gammes à développer, je m’y suis intéressé mais j’ai dû batailler au début, pour pouvoir les lancer. Je m’intéressais à l’orthopédie et monsieur Leder m’a fait passer un agrément en orthèse (6 mois de formation). Aujourd’hui, je m’occupe donc du secteur orthopédie mais je gère aussi les relations avec Arkopharma, Mustela et Klorane Bébé. Les laboratoires n’ont pas le choix ici, c’est aux préparateurs qu’ils ont affaire. Mais je demande l’avis du pharmacien sur bon nombre de choses, en particulier quand il s’agit d’une grosse commande car ce n’est pas évident de prendre une décision tout seul. Il faut même gérer la concurrence, c’est compliqué, il n’y a pas de coefficient établi sur chaque gamme. Le travail que je fais ici m’intéresse, et toutes ces tâches m’évitent la routine du comptoir. »
Du côté des laboratoires Les mentalités ne suivent pas
Bien qu’encore peu courant, des pharmaciens titulaires acceptent de déléguer. Dans ce cas, les laboratoires sont tenus de jouer le jeu.
Frédéric Chonte,
directeur commercial
Laboratoire Ducray, cosmétiques
« Chez nous les commerciaux s’adaptent totalement à l’organisation managériale de l’officine. Nous préférons avoir affaire aux personnes qui sont en contact avec la clientèle. La dermocosmétique se développant fortement depuis plusieurs années, nous avons de plus en plus affaire à une personne responsable du secteur. Nous proposons des formations spécifiques, en soirée pour des lancements de produits, et en ateliers d’une demi-journée. Nous avons une équipe de formateurs qui visite les points de vente régulièrement et organise des formations in situ pour les équipes, en présence du pharmacien s’il le souhaite. Nous laissons beaucoup de matériel. Les préparateurs qui commandent, nous les bichonnons, ce sont les ambassadeurs de nos produits. »
Annie Moitel, coordinatrice du développement régional
Laboratoire Boiron, homéopathie
«
Pour ce qui est des délégués à la médication familiale, la règle est de s’adresser aux titulaires. Les préparateurs, nous les contactons en général pour les commandes quotidiennes. Mais beaucoup parmi eux, sont investis dans la gestion du rayon homéopathique parce qu’ils ont suivi une formation ou sont passionnés par l’homéopathie. Dans ce cas, c’est eux que nous rencontrons. Ce sont nos «homéoliens». »
Véronique Cesbron,
commerciale
Laboratoires Hartmann, incontinence adulte
En fonction des officines, je demande directement le préparateur chargé de la commande, mais seulement s’il s’en occupe d’un bout à l’autre et s’il peut prendre des initiatives sur de nouveaux produits, sur les promotions ou des commandes plus importantes, etc. C’est essentiel pour nous, sinon on perd du temps. De fait, les pharmaciens ne délèguent pas si souvent et n’intéressent pas suffisamment leurs préparateurs. Ce serait pourtant idéal. Responsabilisés sur un rayon, ils se sentiraient beaucoup plus valorisés et investis dans l’entreprise. »
Pierre Guibourg,
directeur des ventes OTC
Laboratoire Chauvin, produits conseil
« En ce qui concerne les commandes, nous nous adressons à la personne identifiée par sa fonction, plutôt que par son diplôme. C’est donc avec le responsable de l’achat que l’on prend rendez-vous. Il semble que la tendance soit à la responsabilisation des personnels de la pharmacie, même si, bien souvent, c’est le titulaire qui passe les commandes. »
Clément Jeanneditfouque, directeur régional
Arkopharma, phytothérapie
« Un préparateur qui gère tout, c’est assez rare, mais lorsqu’une relation est établie c’est lui que nos commerciaux contactent directement. Lorsqu’un titulaire nous dirige vers un préparateur nous nous assurons que celui-ci a toute latitude pour commander et qu’il s’occupe aussi des négociations. Cela fait gagner du temps. Nous avons besoin du bon interlocuteur pour ne pas avoir à revenir, notamment lors des campagnes de précommande.
Ghislaine Godard,
représentante
Biocanina, produits et médicaments
vétérinaires
«
La plupart du temps, c’est le pharmacien titulaire qui me passe la personne ad hoc. Et c’est souvent fonction de la taille de la pharmacie. Si le préparateur n’a pas la décision finale, c’est gênant parce que lorsque je me rends dans une officine, il faut non seulement que j’aie présenté mes nouveautés mais aussi que je reparte avec des commandes conséquentes. Je préfère avoir affaire directement à la personne responsable du réassort et de la commande de nouveautés. Dans le cas contraire, je m’adresse au titulaire. »
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