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L’ insuffisance rénale chronique
L’insuffisance rénale chronique est un défaut de fonctionnement des reins s’aggravant inéluctablement vers une insuffisance totale nécessitant dialyse ou greffe. Un traitement hygiénodiététique et médicamenteux bien suivi permet de ralentir sa progression.
Définition
L’insuffisance rénale chronique (IRC) est l’impossibilité progressive pour les reins d’éliminer les déchets toxiques de l’organisme (sodium, potassium, acide urique, acides métaboliques). Elle entraîne :
– une hypertension artérielle, due à la rétention sodée et à la dérégulation des mécanismes vaso-actifs et du système rénine-angiotensine-aldostérone.
– une anémie, due au défaut de synthèse de l’érythropoïétine (hormone stimulant la formation d’érythrocytes) par le rein.
– une diminution de la synthèse de vitamine D active (la transformation de la vitamine D inactive en forme active se fait par hydroxylation au niveau du rein) entraînant des troubles du métabolisme du calcium et du phosphore.
But du traitement
En premier lieu, l’objectif est de prendre en charge la maladie causale lorsque cela est possible (lithiase, obstacle urinaire…). En parallèle, l’objectif du traitement est de ralentir la progression de l’IRC pour retarder au maximum l’évolution vers la phase terminale, qui nécessite dialyse ou greffe de rein. Le traitement s’articule en quatre points :
– règles hygiénodiététiques, pour diminuer l’HTA et ralentir la dégradation du rein ;
– traitements protecteurs du rein tels les antihypertenseurs ;
– prévention du risque cardiovasculaire avec contrôle de la dyslipidémie et du tabagisme ;
– traitement des complications : anémie, anomalie du métabolisme phosphocalcique, acidose métabolique.
Diététique
Les mesures diététiques doivent être adaptées au stade de l’insuffisance rénale. Si possible consulter une diététicienne.
Contrôle du poids
Pour les patients en surpoids, l’objectif est d’obtenir un indice de masse corporelle inférieur (IMC) à 25 kg/m2, avec un tour de taille < 94 cm (homme) ou 80 cm (femme). Pour les patients ayant un IMC correct, il faut surveiller que l'apport énergétique soit suffisant (30 à 35 kcal/jour) malgré les interdits alimentaires, car plus la fonction rénale se dégrade, moins le patient a faim.
Contrôle de l’alimentation
•Réduire la consommation de sel à 6 g/jour(les français en consomment de 12 à 15 g/jour). Éviter les aliments très salés (anchois, charcuterie, olives…) et la salière à table. En cas d’oedème qui traduit un écart de régime, la réduction est plus drastique (2 à 6 g/jour).
•Limiter les apports en protéines (l’excès de protéines est toxique pour le rein) à 1g puis à 0,8 g/kg/jour en cas d’insuffisance rénale modérée, et à moins de 0,8 g en cas d’affection sévère. En pratique, en début de maladie, ne manger de la viande (100 g) ou du poisson (120 g) ou des oeufs (2 oeufs) qu’une fois par jour. Lorsque l’insuffisance rénale progresse, il y a un dégoût pour la viande et une anorexie. Consommer les laitages avec modération car riches en protéines. Un apport en calcium est alors souvent nécessaire.
•Limiter les lipides. L’insuffisance rénale chronique étant un facteur de risque cardio-vasculaire majeur, éviter de cumuler d’autres risques comme l’hypercholestérolémie. Choisir des huiles végétales riches en acides gras mono-insaturés (arachide, olive) ou polyinsaturés (tournesol, maïs, noix…). Éviter les acides gras saturés (beurre, lard…).
•Pas d’excès en potassium. L’insuffisance rénale favorise la rétention du potassium. Supprimer ou diminuer chocolat, fruits secs, bananes, légumes secs… de façon à maintenir la kaliémie inférieure ou égale à 5,5 mmol/l. Cuire les légumes dans une grande quantité d’eau pour diminuer la teneur en potassium. Proscrire les sels de régime, riches en potassium.
•Éviter l’excès de phosphore qui stimule la synthèse de parathormone et entraîne une décalcification osseuse. De plus, le phosphore en excès forme des dépôts phosphocalciques dans les tissus et les artères. L’objectif est de maintenir la phosphorémie inférieure ou égale à 1,45 mmol/L. Si nécessaire, diminuer les protéines (qui contiennent du phosphore) sous réserve que le patient ne soit pas dénutri.
Traitements néphroprotecteur
Antihypertenseurs
90 % des patients souffrent d’hypertension artérielle à un stade avancé de l’IRC. La baisse de la pression artérielle à 130/80 mm Hg (voire 125/75 chez les patients atteints de protéinurie) est un objectif majeur pour ralentir la progression de la maladie. Le traitement de référence est un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou un antagoniste de l’angiotensine II (sartans), molécules néphroprotectrices. Si la pression artérielle reste supérieure à 130/80, un diurétique (en particulier furosémide à haute dose) ou d’autres antihypertenseurs sont associés.
•IEC et sartans. Trois IEC (bénazépril, captopril et lisinopril) et deux antagonistes de l’angiotensine II (losartan et irbésartan) ont spécifiquement une AMM dans le ralentissement de la progression de l’insuffisance rénale. Mode d’action : IEC et sartans bloquent le système rénine-angiotensine, en particulier lorsqu’il sont associés à une restriction en sel. Mode d’emploi : une seule prise par jour, à débuter à dose faible. Posologie à adapter au stade de l’IRC (en fonction de la clairance à la créatinine). Effets indésirables : toux sèche récalcitrante (IEC), hyperkaliémie, aggravation de l’anémie. Contre-indications : grossesse (à partir du 2e trimestre).
•Furosemide. Mode d’action : inhibe la réabsorption rénale du chlore et par suite du sodium donc effet salidiurétique (élimination d’eau et de sel), ce qui est intéressant car les patients ont très souvent une surcharge hydrosodée. Mode d’emploi : 250 à 500 mg/jour, en une prise le matin ou matin et midi. Il existe une présentation « Lasilix spécial » dosée à 500 mg spécialement réservée à l’insuffisant rénal chronique. Contre-indications : insuffisance rénale aigue fonctionnelle (déshydratation, hémorragie, défaillance cardiaque…), obstacle sur les voies urinaires…
Anticholestérolémiants
En cas de dyslipidémie, une statine est prescrite en complément des mesures diététiques, avec comme objectif de faire descendre le LDL-cholestérol en-dessous de 1 g/l. Mode d’action : les statines sont des inhibiteurs de l’HMG Co-A réductase, enzyme responsable de la transformation du précurseur du cholestérol en cholestérol. Mode d’emploi : prise unique à tout moment de la journée. Contre-indications : affection hépatique évolutive, élévation prolongée des transaminases.
Autres traitements néphroprotecteurs
•Le sevrage tabagique peut être facilité grâce à l’utilisation de substituts nicotiniques.
•Le contrôle glycémique. Essentiel chez le patient diabétique car le diabète favorise l’insuffisance rénale chronique.
Traitements des complications
Traitements de l’anémie
•Fer. En cas d’anémie, une carence en fer doit toujours être recherchée et traitée en priorité, par voie orale ou intraveineuse. Ce n’est qu’une fois corrigée la carence en fer qu’une prescription d’érythropoïétine (hormone normalement synthétisée par les reins) peut être envisagée.
•Érythropoïétine (EPO). Elle est indiquée en cas d’anémie sévère accompagnée de symptômes cliniques en particulier asthénie, essoufflement. Son détournement possible à des fins de dopage et son coût élevé expliquent la mise en place de modalités de délivrance particulière. Mode d’action : hormone obtenue par génie génétique, qui stimule la formation des globules rouges à partir des cellules-souches de la moelle osseuse. Mode d’emploi : elle s’administre par voie sous-cutanée, au niveau des membres ou de la paroi abdominale. La concentration cible d’hémoglobine est de 10 à 12 g/dl. À conserver au réfrigérateur entre + 2 et + 8 °C et à l’abri de la lumière. Contre-indications : hypertension artérielle non contrôlée. Délivrance : prescription initiale hospitalière annuelle ou émanant d’un médecin d’un service de dialyse à domicile. Renouvellement possible par tout médecin. Les EPO sont des médicaments d’exception : prescription sur ordonnance à quatre volets pour médicament d’exception dûment complétée.
Correcteurs phosphocalciques
Le contrôle des troubles du métabolisme phosphocalcique repose essentiellement sur les mesures diététiques. Le traitement médicamenteux ne concerne que les insuffisances rénales avancées.
•Vitamine D. Est indiquée en prévention et en traitement de l’ostéodystrophie (trouble de l’élaboration du tissu osseux). Mode d’action : la vitamine D favorise la rétention du calcium et du phosphore en stimulant leur absorption intestinale et, au niveau du rein, leur réabsorption tubulaire. Mode d’emploi : avaler avec un verre d’eau ou diluer les gouttes dans de l’eau ou du lait. Pour Un-Alfa, conserver les gouttes dans le bas du réfrigérateur. Contre-indication : hypercalcémie, hyperphosphorémie.
•Carbonate de calcium. Mode d’action : il a deux actions complémentaires. Pris au cours des repas, il forme des complexes phosphocalciques dans l’intestin piégeant le phosphore et permettant son élimination. Absorbé en-dehors des repas, il agit comme source de calcium pour lutter contre l’hypocalcémie. Mode d’emploi : à prendre au cours ou en dehors des repas selon l’objectif. Contre-indication : hypercalcémie, hyperphosphorémie initiale supérieure à 65 mg/l (> 2,2 mmol/l), lithiase, immobilisations prolongées s’accompagnant d’hypercalciurie et/ou d’hypercalcémie.
Traitement de l’hyperkaliémie (kayexalate)
Le polystyrène sulfonate de sodium (Kayexalate) n’est prescrit qu’en cas d’hyperkaliémie persistant malgré l’application de mesures diététiques. Mode d’action : résine échangeuse de cations. Dans le côlon, le Kayexalate libère ses ions sodium pour fixer les ions potassium et les éliminer dans les fécès. Mode d’emploi : le Kayexalate se prend soit par voie orale, une mesurette une à quatre fois par jour, soit par voie rectale (action plus rapide) en lavement. Contre-indications : kaliémie < 5 mmol/l, pathologie intestinale obstructive (pour la voie orale).
Traitement de l’acidose métabolique
La correction de l’acidose (seulement en casd’insuffisance rénale avancée) peut se faire en consommant de l’eau de Vichy (riche en bicarbonates mais également en sodium) ou de 4 à 6 grammes par jour de bicarbonate de sodium.
Vie quotidienne
À l’officine, il faut insister auprès du patient : il peut ralentir la progression de son insuffisance rénale en suivant attentivement son régime et son traitement.
Organiser les repas
•Aliments : le régime alimentaire fait partie intégrante du traitement. Il contribue à retarder la dégradation de la fonction rénale.
•Boissons. Boire normalement (sauf cas particulier) environ 1,5 l/jour (eau, café, thé, soupe tisane). Y veiller en particulier en période de forte chaleur, ou en cas de pertes hydriques (vomissements, diarrhée). Une déshydratation serait très préjudiciable pour les reins. Éviter les jus de fruits, trop riches en potassium.
Éliminer
•Mictions. Parmi les premiers signes cliniques d’une insuffisance rénale peut survenir une nycturie (tendance à uriner plus la nuit que le jour), qui oblige à se lever plusieurs fois la nuit. Tout signe d’infection urinaire (douleurs ou brulûres à la miction, fièvre, présence de sang dans les urines) nécessite une consultation rapide.
•Transit intestinal. Il n’est pas modifié par l’IRC mais peut l’être par les médicaments : diarrhée avec le calcium, constipation avec le Kayexalate. Attention : le Sorbitol est déconseillé avec le Kayexalate.
Se soigner
Il faut être très vigilant sur l’automédication (pas d’ibuprofène, pas de formes effervescentes qui contiennent du sel, pas de compléments alimentaires ou de phytothérapie sans avis du néphrologue). Vigilance sur toutes les prescriptions, en particulier celles qui n’émanent pas du service de néphrologie. Les posologies doivent être adaptées en fonction de la clairance à la créatinine pour tous les médicaments éliminés par le rein. Les produits de contraste doivent être évités.
Arrêter le tabac
Le sevrage tabagique est indispensable pour ralentir l’évolution de l’IRC. Des substituts à la nicotine peuvent être proposés.
Se reposer
La fatigue commence par une fatigue à l’effort. Elle peut être due à l’anémie. Des troubles du sommeil, des crampes ou impatiences peuvent survenir la nuit. Ils doivent être signalés au médecin.
Souffrance psychologique
L’insuffisance rénale chronique ne se guérit pas dans la plupart des cas. Elle évolue plus ou moins rapidement vers une insuffisance rénale terminale nécessitant une dialyse ou une greffe de rein. La découverte d’une IRC, parfois fortuite au décours d’un examen de routine, est une véritable épée de Damoclès qui altère la qualité de vie des patients même avant le stade de dialyse, avec un retentissement sur la vie familiale (fatigue, anxiété chronique, irritabilité, modification des habitudes alimentaires) et professionnelle. Des groupes de parole sont ouverts dans les Fédérations d’aide aux insuffisants rénaux et une douzaine de Réseaux de santé en Franceproposent des programmes d’éducation thérapeutique. •
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