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« J’ai les yeux rouges »

Publié le 1 février 2008
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Aller à la pharmacie est le réflexe des patients qui se plaignent d’avoir les yeux rouges. Bien mené, l’interrogatoire permet de déterminer les causes qui relèvent d’une prise en charge au comptoir et d’orienter le traitement.

Les yeux rouges

L’oeil rouge est un symptôme commun à de nombreux troubles oculaires, du plus bénin à l’urgence ophtalmologique. D’apparition rapide, il est souvent associé à d’autres signes qui orientent le diagnostic.

Les causes bénignes •

Les conjonctivites : causes de rougeur oculaire les plus fréquentes, elles peuvent être :

– virales : sécrétions séreuses claires et une infection concomitante fréquente (rhume, angine…) ;

– bactériennes : sécrétions purulentes et paupières collées au réveil ;

– allergiques : prurit des paupières, rhinite allergique, saison des pollens, rougeur bilatérale ;

– irritatives : suite à une fatigue, au travail sur écran, la piscine, la pollution, le vent, le tabac, le maquillage ou à une sécheresse oculaire (personnes âgées, lentilles de contact, médicaments, air conditionné…), elles sont plutôt caractérisées par une sensation de picotement, de corps étranger dans l’oeil et d’un larmoiement réflexe.

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La kératite phototraumatique : consécutive à l’exposition solaire, à l’ophtalmie des neiges ou à une soudure (coup d’arc), elle se caractérise par une photophobie, un larmoiement et une douleur locale.

L’hémorragie sous-conjonctivale : cette tâche de sang localisée sur l’oeil fait souvent suite à un effort physique intense et évolue spontanément en quelques jours.

La consultation s’impose

Une baisse ou des troubles de l’acuité visuelle, une douleur locale importante, des signes associés tels des nausées ou des maux de tête, tout traumatisme de l’oeil avec une plaie ou une brûlure, une hémorragie étendue ou bilatérale ou des troubles oculaires survenant chez des patients immunodéprimés, diabétiques, ayant subi une chirurgie oculaire ou un traitement corticoïde, imposent une consultation médicale rapide.

Conduite de l’interrogatoire

Évaluer la gravité

« Ressentez-vous une douleur importante ? », « Votre vision est-elle perturbée ? », « Avez-vous des maux de tête ? », « Avez-vous reçu un choc, un produit dans l’oeil ? » Une réponse positive doit orienter systématiquement vers une consultation ; de même, devant une hémorragie sous-conjonctivale, pour la question : « Êtes-vous hypertendu, diabétique? », « Êtes-vous sous anticoagulant ou sous aspirine à forte dose ? »

Chercher la cause

1. « Y a-t-il des secrétions, claires, purulentes ? Depuis quand ? » Une réponse positive signe une conjonctivite.

2. « Les deux yeux sont-ils atteints ? L’ont-ils été dès le départ ? » Une réponse positive signe une conjonctivite virale : le patient transmet souvent l’infection d’un oeil à l’autre en se frottant les yeux.

3. « Portez-vous des lentilles de contact ? », « Avez-vous une sensation d’oeil sec, de grain de sable, de picotements ? », « Les symptômes sont-ils apparus après une exposition au soleil ou à un agent irritant ? », « La lumière vous gêne-t-elle ? » Des réponses positives signent une conjonctivite irritative, par sécheresse oculaire ou encore une kératite phototraumatique.

4. « Avez-vous mis un traitement avant de venir ? » Cette question permet d’éviter les interactions médicamenteuses.

Expliquer la démarche

Les objectifs

Dire au patient que le traitement proposé est destiné à nettoyer les yeux, éviter les surinfections et soulager les symptômes, et que les pathologies bénignes de l’oeil évoluent généralement favorablement en quelques heures.

Le suivi

Insister sur la nécessité d’une consultation si les symptômes persistent au-delà de 48 heures (24 h en cas de phototraumatisme) ou s’ils se renouvellent.

Les traitements

Le traitement associe le lavage oculaire systématique, un collyre spécifique et des mesures d’hygiène.

Le lavage oculaire

Réalisé au moins trois fois par jour, il nettoie l’oeil, les paupières, les cils des sécrétions et calme les irritations. En pratique : nettoyer abondamment les culs-de-sac conjonctivaux avec du sérum physiologique simple ou, si l’oeil est irrité, avec des solutions à base d’antiseptiques boratés (Dacryum, Phylarm, Dacudoses…) ou d’acide salicylique (Ciella, Optrex, Sophtal…). Éviter d’utiliser les oeillères (elles favorisent les infections). Préférer les formes unidoses sans conservateurs allergisants.

Collyres et gels •

Conjonctivite infectieuse. Pour les conjonctivites virale ou bactérienne, en l’absence de facteur de risque, conseiller un collyre antiseptique pendant 5 à 8 jours, sans dépasser 15 jours de traitement. D’efficacité quasi comparable aux antibiotiques maintenant listés, ils sont sans risque de résistances.

Conjonctivite allergique. Un collyre antiallergique peut être proposé en curatif ou en préventif pendant 20 à 30 jours. En cas de signes importants, conseiller un antihistaminique par voie orale (cétirizine, isothipendyl…).

Conjonctivite irritative. Conseiller un collyre anti-irritation tant que les symptômes persistent. Des compresses froides de sérum physiologique peuvent également soulager. Un collyre antiseptique peut être proposé en complément pour éviter les surinfections.

Sécheresse oculaire. Instiller des suppléments lacrymaux comme le sérum physiologique (Unilarm, Larmes artificielles…) ou des gels visqueux de durée d’action plus longue (polymères, acide hyaluronique…) plusieurs fois par jour. Les utiliser dès le matin car les symptômes augmentent dans la journée.

Kératite phototraumatique. Mettre les yeux au repos dans la quasi-obscurité pendant plusieurs heures ou maintenir l’oeil fermé par une compresse pliée en deux sous un sparadrap microporeux. Conseiller un collyre anti-irritation et l’application le soir, pendant quelques jours, d’une pommade cicatrisante à la vitamine A pour favoriser la cicatrisation de la cornée. En pratique : enlever les lentilles de contact pendant la durée du traitement ; attendre 15 minutes entre deux instillations de produits différents ; noter la date d’ouverture sur la boîte ; éviter de toucher le globe oculaire, les cils ou les paupières avec l’embout du collyre ; préférer les présentations monodoses pour éviter les contaminations.

Les mesures d’hygiène •

Mesures générales. Éviter les surinfections en se lavant les mains avant et après chaque traitement. Protéger l’oeil en portant si besoin des lunettes de soleil. Limiter les irritants : penser aux lunettes pour la piscine, éviter les zones enfumées, les écrans de télévision ou d’ordinateur et humidifier l’atmosphère.

Mesures spécifiques.

Conjonctivites virales et bactériennes : pour éviter la contagion, utiliser du linge de toilette individuel, ne pas se frotter les yeux pour éviter l’extension, utiliser des mouchoirs jetables. – Conjonctivite allergiques : supprimer le ou les allergènes en cause, laver les fosses nasales à l’eau de mer. •

Les vasoconstricteurs (synéphrine, phényléphrine) :

• n’apportent aucun bénéfice aux collyres,

• impliquent un risque de glaucome aigu,

• sont de plus contre-indiqués avec d’autres médicaments vasoconstricteurs (contenant de la pseudo éphédrine), les lentilles de contact, chez les enfants, les sportifs, la femme enceinte et allaitante, et en cas d’hypertension et d’hyperthyroïdie.