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l’ artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs
La prévention du risque cardiovasculaire constitue l’essentiel de la prise en charge de l’artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs. Un traitement symptomatique est associé en cas de gêne fonctionnelle.
Définition
L’artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs (AOMI) est une maladie qui se caractérise par la présence de sténoses (rétrécissements localisés) ou d’occlusions des artères des membres inférieurs, entraînant une mauvaise irrigation des tissus. Après un stade asymptomatique évoluant sur plusieurs années, les manifestations les plus évocatrices sont les douleurs à la marche (crampes aux mollets), qui stoppent le déplacement après une distance variable appelé le périmètre de marche. Elles cèdent au repos puis reprennent à la marche : c’est la claudication intermittente. Non traitées, les douleurs peuvent devenir permanentes et des troubles cutanés peuvent apparaître (ulcérations, gangrène). L’AOMI est un signal d’alarme qui révèle un risque cardiovasculaire élevé. Les patients souffrant d’AOMI sont exposés à un risque concomitant ou secondaire d’athérosclérose au niveau de l’aorte, des artères coronaires, carotidiennes et cérébrales avec survenue d’infarctus du myocarde et d’accidents vasculaires cérébraux.
Évolution
Sans traitement, l’espérance de vie est inférieure de dix ans à celle d’individus sains de même âge, les risques d’accident vasculaire cérébral et d’infarctus sont respectivement multipliés par 2 et 4. Chaque année, on dénombre 70 000 hospitalisations en moyenne, 50 000 patients sont opérés pour pontage et 10 000 pour amputation. Pourtant, si elle est prise en charge, la maladie évolue favorablement : au stade de claudication intermittente, une stabilisation, voire une amélioration, est obtenue dans trois quarts des cas, d’où l’importance d’un dépistage précoce. Mais elle reste largement sous-estimée (peu de patients consultent pour la douleur à la marche) : 2,5 millions de personnes seraient atteintes en France, 800 000 seulement sont prises en charge.
Stratégie de prise en charge
Objectifs
•Soulager la douleur, ainsi qu’élargir le périmètre de marche.
•Prévenir les complications locales.
•Prévenir le risque cardiovasculaire, y compris chez le patient asymptomatique.
Traitement systématique
Quel que soit le stade de l’AOMI (symptomatique ou non), le traitement comprend :
– la recherche d’autres atteintes cardiovasculaires (ECG, échographie de l’aorte…),
– la prise en charge du risque cardiovasculaire au cas par cas : exercice quotidien, éducation thérapeutique, traitement médicamenteux (association d’un antiagrégant plaquettaire, une statine et un IEC),
– la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires : sevrage tabagique et contrôle des facteurs de risque obésité, diabète, hypercholestérolémie, hypertension artérielle.
Selon le stade de l’AOMI
• Claudication intermittente. La réadaptation cardiovasculaire (marche, exercice) est le traitement de première intention. Viennent ensuite les médicaments vasoactifs (bien que non recommandés par l’HAS) et réadaptation cardiovasculaire. La revascularisation est envisagée, après trois mois de traitement symptomatique sans amélioration ou d’emblée pour certaines localisations.
•Ischémie persistante chronique : hospitalisation systématique et revascularisation.
•Ischémie évoluée. L’ischémie aiguë est une urgence médicale qui nécessite des injections d’héparine hypocoagulantes et un acte chirurgical immédiat. L’amputation est l’ultime recours dans les formes évoluées sans possibilité de revascularisation ou avec gangrène étendue.
Règles hygiéno-diététiques
Elles sont indispensables à tous les stades de la maladie pour contrôler le risque cardiovasculaire. Au stade I, elles peuvent permettre à elles seules de stabiliser l’évolution.
•Le sevrage tabagique est impératif et doit être total et définitif. Suivant le niveau de dépendance, l’état anxieux et d’éventuelles addictions associées comme l’alcool, des aides pourront être nécessaires : les substituts nicotiniques, le bupropion LP (Zyban) ou la varénicline (Champix) ou encore une prise en charge globale dans un service spécialisé.
•L’activité physique est fondamentale pour développer une circulation collatérale de suppléance et améliorer progressivement le périmètre de marche. Elle doit être adaptée aux capacités de chacun. En pratique, on recommande une marche quotidienne, lente mais d’au moins 30 minutes. La réadaptation cardiovasculaire est un programme personnalisé (marche sur tapis roulant, exercices musculaires et respiratoires) réalisé en centre spécialisé ou à domicile. Elle est indiquée pour les patients dont les facteurs de risque ne sont pas contrôlés ou souffrant d’atteintes coronariennes.
•Les mesures diététiques sont mises en place afin de lutter contre l’obésité (l’objectif du régime alimentaire est d’abaisser le masse corporelle à moins de 25 kg/m2), les dyslipidémie (pour réduire le LDL-cholestérol à moins de 1g/l) et en cas de diabète associé.
Les traitements médicamenteux
Les médicaments vasoactifs
Nous citerons ici les produits disposant d’une AMM « traitement symptomatique de la claudication intermittente des artériopathies chroniques oblitérantes des membres inférieurs ». D’autres vasoactifs, dont l’efficacité est jugée moindre, sont indiquées dans le « traitement d’appoint de la claudication intermittente des AOMI » : il s’agit de l’ifenprodil (Vadilex), la nicergoline (Sermion) et le piribédil (Trivastal). Mode d’action : ils dilatent les artères et augmentent la perfusion de sang dans les membres. Leur action, difficile à évaluer, diminue la douleur et augmente le périmètre de marche. Ils n’ont, par contre, pas montré d’efficacité sur la prévention, les complications systémiques ou le risque d’amputation. Indications : ils sont indiqués dans la claudication intermittente, n’ont pas lieu d’être prescrits en l’absence de symptômes et n’ont aucun intérêt à être associés entre eux. Ils sont disponibles par voie orale en traitement d’entretien et en solution injectable en cas de poussées aiguës.
• Buflomédil (Fonzylane). Contre-indications : épilepsie, insuffisance rénale sévère. À savoir : la marge thérapeutique est étroite ; un surdosage peut conduire à des effets neurologiques (convulsions) ou cardiaques (troubles du rythme, hypototension) graves. Respecter les doses prescrites est donc primordial, surtout chez les insuffisants rénaux. En cas de surdosage accidentel, une hospitalisation s’impose.
• Naftidrofuryl (Praxilène, Gevatran, Naftilux). Contre-indications : antécedents de lithiases rénales. À savoir : boire abondamment pendant le traitement ; ce médicament est en effet susceptible de modifier la composition des urines favorisant la formation d’une lithiase rénale oxalocalcique. Par ailleurs, la prise sans boisson au moment du coucher peut entraîner une oesophagite locale. Dans l’idéal, les prises seront réparties au cours des repas.
• Extraits de Gingko biloba (Tanakan). À savoir : ce produit est disponible en comprimés et en solution buvable pour laquelle il faudra prendre en compte la teneur en alcool.
• Pentoxifylline (Torental). Contre-indications : hémorragie en cours ou risque hémorragique majeur. À savoir : chez les patients sous anticoagulants oraux, la surveillance biologique est primordiale pour limiter les risques d’hémorragies.
Traitement du risque cardiovasculaire
Recommandée par la Haute autorité de santé (HAS) en 2006, la triple association médicamenteuse antiplaquettaire, statine et IEC diminue de 70 % le risque d’accidents cardiovasculaires. Pour mémoire, on notera que les bêtabloquants ne sont pas contre indiqués en cas d’AOMI.
•Antiagrégants plaquettaires. Mode d’action : ils diminuent la viscosité du sang et évitent la formation de caillots sanguins pouvant obstruer l’artère. Ils permettent d’augmenter le périmètre de marche en cas de claudication intermittente et limiter l’extension de la maladie.
• Clopidogrel (Plavix). Il est utilisé en première intention car son efficacité est mieux documentée. Il est d’ailleurs le seul à avoir une AMM spécifique dans l’AOMI même si le rapport coût/bénéfice est bien meilleur pour l’aspirine. Contre-indications : hémorragies évolutives, insuffisance hépatique sévère.
• Aspirine. On utilise l’aspirine ou acétylsalicylate de lysine à faible dose. L’aspirine n’a toutefois pas d’AMM dans l’AOMI. Les produits qui ont une indication spécifique dans la prévention du risque vasculaire sont : Kardégic, Aspirine Protect et Aspirine Upsa 325 mg. Contre-indications : antécédent d’ulcère gastrique ou duodénal ou d’hémorragies digestives, insuffisance rénale, asthme, dispositif intra-utérin.
• Héparine. Des injections d’héparine en intraveineux sont utilisées en cas d’ischémie aigue.
• Prostaglandines. L’iloprost ou prostaglandine PGE, est indiqué dans le traitement de l’ischémie chronique sévère des membres inférieurs chez les patients ayant un risque d’amputation, et chez lesquels la revascularisation par chirurgie ou angioplastie a échoué ou n’est pas indiquée. Elle est disponible, en solution pour perfusion (Ilomédine 0,1 mg/1 ml), uniquement à l’hôpital.
•Statines. Mode d’action : les statines sont des hypolipémiants utilisés dans un triple objectif : correction du LDL-cholestérol, protection du risque cardiovasculaire (indépendamment du taux de cholestérol), et augmentation du périmètre de marche. Toutes les statines peuvent être utilisées mais la simvastatine et l’atorvastatine sont les plus étudiées. Contre-indications : myopathies, affections hépatiques évolutives, grossesse et allaitement.
•Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC). Ils améliorent le périmètre de marche et préviennent les complications systémiques de l’athérothrombose y compris en l’absence d’HTA. Tous peuvent être utilisés mais le ramipril (Triatec) est celui qui bénéficie de plus d’études : il réduirait de 25 % le risque de survenue d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral et de mortalité cardiovasculaire. L’instauration du traitement doit se faire par paliers progressifs de deux à quatre semaines jusqu’à 10 mg par mois sous surveillance de la tension et de la fonction rénale. À savoir : un oedème de Quincke peut survenir pendant le traitement : arrêter immédiatement la prise des IEC et consulter le médecin. Contre-indications : deuxième et troisième trimestre de la grossesse.
Les traitements de revascularisation
La revascularisation permet essentiellement une amélioration du périmètre de marche. Elle est proposée en cas de claudication après échec d’au moins trois mois du traitement médical ou plus précocement en cas de lésion invalidante ou de localisations particulières.
L’angioplastie
L’angioplastie est la dilatation des artères sténosées par l’introduction d’une sonde munie d’un ballonnet gonflable après ponction percutanée. Elle s’adresse en priorité aux lésions superficielles et localisées.
Techniques chirurgicales
Les techniques chirurgicales sont indiquées en cas de retentissement fonctionnel sévère ou de lésions potentiellement évolutives.
Pontage artériel
Il consiste à court-circuiter les zones obstruées et créer de nouveaux trajets circulatoires grâce à des autogreffes ou des prothèses synthétiques.
Sympathectomie lombaire
Enfin, la sympathectomie lombaire, dont l’objectif est d’améliorer la circulation collatérale, consiste à enlever la chaîne sympathique au niveau des lombaires.
L’amputation
L’amputation est l’ultime recours dans les formes évoluées ou en cas d’ischémie aiguë, sans possibilités de revascularisation ou avec gangrène trop étendue. L’objectif est de limiter au maximum le niveau d’amputation. Elle est systématiquement associée à une chirurgie vasculaire.
Vie quotidienne
Observance
•Traitement. Le traitement médicamenteux de prévention des risques (antiagrégants, statines et IEC) est un traitement à vie qui doit être suivi à la lettre par le patient. Il vient en complément des mesures hygiénodiététiques et non en remplacement et nécessite un suivi régulier tous les trois mois.
•Suivi médical. Dès l’apparition de douleurs (stade II), tous les patients devraient être suivis par un cardiologue : 50 % des patients ont, dès ce stade, des lésions coronariennes qu’il convient de rechercher et de traiter conjointement.
•L’éducation thérapeutique. Elle permet d’apporter au patient une connaissance de l’AOMI (symptômes, signes d’alerte, traitements et effets indésirables…) dans le but d’obtenir une meilleure observance des mesures thérapeutiques. Une éducation en groupe ou individuelle par des médecins, infirmiers et diététiciens est recommandée.
Hygiène des pieds
Lorsque le pied est mal irrigué, tout traumatisme peut avoir des conséquences graves à titre d’ulcérations ou de nécroses.
•Mesures de précaution. Pour limiter le risque de blessures :
– se laver les pieds et les sécher soigneusement chaque jour pour éviter l’apparition de mycoses,
– examiner la plante des pieds régulièrement à la recherche de coupures,
– couper les ongles avec précautions,
– ne jamais marcher pied nu,
– porter des chaussures larges et souples,
– consulter régulièrement un pédicure.
•Soins en cas de blessures :
– nettoyer la blessure au sérum physiologique,
– mettre un tulle gras ou de la vaseline stérile,
– bannir les autres crèmes, cicatrisants, détergents,
– consulter le médecin et vérifier la vaccination antitétanique.
Exercice physique
Marcher quotidiennement est indispensable : se donner des buts réalisables, mieux vaut marcher très lentement et longtemps, s’inscrire à des clubs de randonnée. Marcher jusqu’à l’apparition de la douleur ne présente aucun danger, il suffit de s’arrêter quelques minutes.
Alimentation
Corriger les erreurs alimentaires, en particulier en cas d’hypercholestérolémie et/ou de surpoids. Limiter les graisses saturées d’origine animale (beurre, fromages, charcuteries, viandes grasses…) et le jaune d’oeuf. Augmenter la consommation d’acides gras polyinsaturés oméga 3 (poissons) et de fibres (fruits, légumes, céréales).
Sexualité
Chez l’homme, une impuissance d’origine vasculaire est possible. Elle n’est pas inéluctable surtout si le traitement s’avère efficace. Il existe des solutions. Incitez-le à en parler à son médecin.
Lutte contre la douleur
Les douleurs à la marche sont soulagées par l’arrêt de l’exercice physique. Les douleurs au repos , à type de brûlures sont caractéristiques de l’ischémie permanente, en particulier au niveau des orteils, doivent inciter à consulter. La position « jambes pendantes » soulagera le patient. •
* Toutes les statines et IEC peuvent être utilisés. Les molécules citées sont celles qui sont les plus prescrites et les mieux étudiées dans le cadre de l’AOMI.
« Des pas pour la vie » : une campagne nationale
Initiée l’année passée par la SFMV (Société française de médecine vasculaire) en partenariat avec l’IAT (Institut de l’athérothrombose) dans 3 villes françaises, la campagne « Des pas pour la vie » prend de l’ampleur en 2008 : le 20 novembre prochain, 75 sites dans 54 villes françaises proposeront aux personnes de plus de 60 ans non traités qui ont au moins un facteur de risque, et non traité jusque là, un diagnostic par mesure de l’index de pression systolique. L’année passée, la campagne avait permis un dépistage positif chez 18 % des patients observés. Pour plus de renseignements :
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