- Accueil ›
- Profession ›
- Socioprofessionnel ›
- L’Europe lave plus blanc
L’Europe lave plus blanc
La législation des compléments alimentaires évolue lentement mais sûrement. D’ici le 1er août 2003, conformément aux souhaits de l’Europe, la directive relative à ces produits doit être transcrite en droit français. Les compléments alimentaires auront enfin un réel statut. Explications.
Le marché français des compléments alimentaires ne pèse que 0,5 milliard d’euros alors qu’il est évalué à 15 milliards d’euros en Europe et à 35 voire 40 milliards de dollars au niveau mondial. S’il demeure mineur pour le moment, le potentiel de ce marché n’en est pas moins important, puisque, selon le Syndicat national des fabricants de produits diététique et de compléments alimentaires, sa croissance annuelle serait de 14 % jusqu’en 2007 dans les pays occidentaux. Les contraintes réglementaires et le vide juridique qui entourent ces produits sont deux des principales raisons qui expliquent la frilosité du marché en France. Mais cela devrait changer avec la directive européenne 2002/46/CE relative aux compléments alimentaires du 12 juillet 2002. Reste maintenant à la transposer au niveau de chaque Etat membre, au plus tard le 31 juillet 2003.
Inspectrice principale à la DGCCRF, Catherine Rioux doute que cette échéance soit respectée en France. « Les textes sont prêts mais plusieurs consultations avec les ministères chargés de l’agriculture, de la santé et avec le Conseil d’Etat sont encore prévues. Mais la directive européenne sera transcrite telle quelle en droit français. » L’Europe souhaite ainsi autoriser dès cet été la commercialisation de compléments alimentaires conformes. Les industriels pourront toutefois se mettre en accord avec la réglementation jusqu’au 1er août 2005, date à laquelle les produits non conformes seront alors interdits.
Ni aliments, ni médicaments.
Outre qu’elle favorise la libre circulation des compléments alimentaires et qu’elle garantit la protection des consommateurs, la directive harmonise les législations des Etats membres sur ces produits. Elle donne d’abord une nouvelle définition du complément alimentaire, même si celui-ci est toujours considéré sur le plan juridique comme une denrée alimentaire. Auparavant, il s’agissait de « produits destinés à être ingérés en complément de l’alimentation courante, afin de pallier l’insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers ».
Désormais, un complément alimentaire est défini comme « une denrée alimentaire dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constitue une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses, à savoir les formes de présentation telles que les gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules et autres formes similaires, ainsi que les sachets de poudre, les ampoules de liquide, les flacons munis d’un compte-gouttes et les autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre destinées à être prises en unités mesurées de faible quantité ». En novembre 2002, dans Les Nouvelles pharmaceutiques, l’Ordre considérait que « la [nouvelle] définition est sans doute plus large que celle en vigueur jusqu’ici en France ». Si notre pays est plus rigoureux que ses voisins sur les ingrédients qu’il autorise dans les compléments alimentaires, il n’en est pas moins envahi par des produits de l’Union européenne contenant parfois des substances qu’il interdit sur son territoire, libre circulation des biens oblige… En cela, la directive de 2002 devrait rassurer les consommateurs.
Les vitamines et minéraux d’abord.
Pour le moment, la directive réglemente uniquement le statut des vitamines et des minéraux (voir encadré p. 28). Elle impose les listes positives des nutriments pouvant entrer dans la composition des compléments alimentaires en tenant compte de critères de pureté spécifiques à chaque substance. La directive n’édicte cependant pas encore de quantités minimales et maximales. Ces limites seront fixées plus tard… Elle annonce simplement que les teneurs doivent être suffisantes pour avoir un intérêt pour le consommateur. Des quantités maximales doivent être respectées afin de ne pas engendrer d’effets néfastes pour la santé.
En attendant l’officialisation au niveau européen des teneurs autorisées pour les vitamines et les minéraux, la DGCCRF confirme que les normes actuelles restent en vigueur : la concentration d’un nutriment ne doit pas excéder une fois les apports journaliers recommandés (AJR), sauf pour la vitamine C pour laquelle deux fois les AJR sont autorisés.
Par ailleurs, la France souhaite d’emblée devancer l’évolution de la directive européenne. « Elle prépare également des textes pour l’ensemble des substances utilisées dans les compléments alimentaires, à savoir les plantes, les extraits végétaux, les acides aminés, les acides gras essentiels, les fibres… Il s’agit de listes positives. Les textes doivent encore être soumis à l’Europe », indique Catherine Rioux. Pour les plantes, le Syndicat de la diététique et des compléments alimentaires (SDCA), qui participe à la concertation, demande à « ce que soient bien distinguées celles qui relèvent d’un usage traditionnel physiologique ou nutritionnel, pour lesquelles le SDCA travaille à établir un répertoire tenant compte des travaux effectués par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, de celles qui devraient être considérées comme de nouveaux ingrédients ». Des dispositions communautaires concernant l’ensemble de ces substances devront être adoptées au plus tard le 12 juillet 2007.
En toutes lettres.
Autre point fondamental de la directive, l’étiquetage. Dorénavant, seule la mention « complément alimentaire » peut et doit figurer en toutes lettres sur les conditionnements. Parmi les autres obligations : le nom des nutriments présents dans la formule, leur quantité, la portion quotidienne de produit recommandée, en plus de la liste complète des ingrédients par ordre quantitatif décroissant, de la date de péremption, du numéro de lot, de la raison sociale et l’adresse du fabricant. Figurent impérativement un avertissement en cas de consommation supérieure à la dose journalière mentionnée, une alerte pour mettre hors de portée des enfants ces produits et la mention qu’un complément alimentaire ne se substitue pas à une alimentation diversifiée. Il est interdit d’affirmer ou de suggérer qu’un régime alimentaire équilibré et varié ne forme pas une source suffisante de nutriments.
Ni l’étiquetage, ni la présentation ou encore la publicité relative à un complément alimentaire ne doivent faire référence à des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d’une maladie humaine.
Là aussi se profile un projet au niveau européen pour redéfinir les allégations, notamment celles relatives à la santé. Pour l’instant demeurent trois catégories d’allégations : nutritionnelles, fonctionnelles et relatives à la réduction d’un risque de maladie (ou allégation relative à la santé). Toute allégation doit être justifiée sur le plan scientifique, ne doit être ni fausse, ni trompeuse. Une allégation nutritionnelle établit, suggère ou implique qu’une denrée alimentaire possède des propriétés nutritionnelles particulières du fait de sa valeur énergétique et/ou de ses nutriments : « riche en vitamine C », « source de calcium et de magnésium »… Une allégation fonctionnelle indique l’effet d’un produit (ou de l’un de ses composants) dans la croissance, le développement ou les fonctions physiologiques normales du corps. Par exemple : « le calcium participe au maintien du capital osseux », « le fer intervient dans la formation des globules rouges »…
Quant aux allégations relatives à la santé, elles peuvent faire référence à l’amélioration d’une fonction physiologique au-delà de ce qui peut découler d’un régime, à la réduction des facteurs de risque de développement d’une maladie ou encore aux bénéfices généraux, non spécifiques d’un complément alimentaire pour la bonne santé, le bien-être et les fonctions normales du corps. En revanche, sont interdites les allégations thérapeutiques en dehors des allégations santé permises, les allégations santé faisant référence aux fonctions physiologiques et/ou comportementales et les allégations relatives aux boissons contenant plus de 1,2 % d’alcool.
Contrôles à tous les niveaux.
Pour vérifier que la législation est bien respectée, des contrôles sont prévus. D’abord lorsqu’un complément alimentaire revendique une allégation santé, le fabricant doit demander auprès l’Agence française sanitaire des produits de santé un visa PP (visa « Publicitaire préalable »), sauf si l’allégation a été validée au préalable par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments et la Commission interministérielle d’étude des produits destinés à une alimentation particulière. Ces demandes sont obligatoires pour tous les produits alimentaires favorisant le diagnostic, la prévention ou le traitement des maladies et des dérèglements physiologiques, la modification de l’état physique ou physiologique et la correction, la restauration ou la modification des fonctions organiques. De plus, la directive européenne implique que désormais les contrôles des produits disponibles sur le marché se feront sur la base d’un même référentiel juridique dans les différents Etats membres.
En France, la DGCCRF peut déjà intervenir à n’importe quel stade de la fabrication ou de la vente d’un complément alimentaire. La directive prévoit aussi qu’un fabricant puisse se voir réclamer une copie de l’étiquetage par la DGCCRF. Brigitte Lelièvre, responsable « réglementation-nutrition de la diététique et des compléments alimentaires » pour le SDCA, estime que « l’enjeu de cette transposition n’est pas tant d’assurer un haut niveau de protection du consommateur et de la santé que de savoir si les moyens juridiques retenus pénaliseront les filières françaises de production des matières premières, de fabrication ou de distribution des compléments alimentaires par rapport à leurs concurrents européens ».
Mais la vigilance reste de mise. Des compléments alimentaires contenant des substances interdites en France sont accessibles via Internet. Pour cette raison, Brigitte Lelièvre préfère, « pour la sécurité du consommateur », qu’ils « soient commercialisés dans des circuits ayant pignon sur rue [sic !]. Tous les circuits de distribution ont leur carte à jouer. La pharmacie, leader avec 51 % de part de marché, joue et peut continuer à jouer un rôle essentiel. Le conseil du pharmacien ne peut que favoriser la fidélisation de la clientèle ».
Mais l’Ordre s’interroge encore sur un point capital, sans pour autant se prononcer. Il regrette en effet que « cette directive laisse en suspens une question essentielle, à savoir la possibilité pour les pharmaciens de vendre ou non de tels produits dans leurs officines ». Le tribunal de commerce de Paris a toutefois reconnu en juillet 2002 la nécessité de l’intervention du pharmacien dans la vente de compléments alimentaires en s’appuyant notamment sur le fait que la Commission européenne relève « les dangers que peut représenter la mise sur le marché de produits dont la teneur en vitamines et/ou sels minéraux est déjà au maximum de la ration quotidienne pouvant être ingérée par un organisme humain ».
A retenir
La directive européenne de juillet 2002 indique les vitamines et minéraux pouvant entrer dans les compléments alimentaires, mais pas les teneurs minimales et maximales.
La france prépare des listes positives pour les autres substances (plantes, acides aminés…) pouvant être utilisées.
Le tribunal de commerce de paris (juillet 2002) reconnaît aux pharmaciens le droit de vendre des compléments alimentaires.
Les habitudes d’achats des consommateurs
Le Syndicat national des fabricants de produits diététiques et compléments alimentaires, a pu déceler les attentes des consommateurs de compléments alimentaires sur leur lieu d’achat (pharmacies, parapharmacies, grandes et moyennes surfaces, magasins diététiques) grâce à une étude menée auprès de 600 d’entre eux en juin et juillet 2001. Premier enseignement, peu surprenant d’ailleurs, les consommateurs sont avant tout des consommatrices (68 %). Un tiers d’entre elles a entre 35 et 50 ans. Il apparaît que le prix n’est pas forcément un frein.
L’officine garde le tonus. Sont plus souvent achetés en pharmacie qu’ailleurs les toniques, les produits destinés à prendre en charge les symptômes de la périménopause et ceux luttant contre le stress et la sédation. La minceur, les capsules solaires, les cheveux et phanères, la peau sont des secteurs où l’acte d’achat se concrétise plus volontiers en dehors du circuit officinal.
Vitamines et minéraux autorisés dans les compléments alimentaires
Les vitamines :
– Vitamine A sous forme de rétinol, d’acétate et palmitate de rétinol et de bêtacarotène.
– Vitamine D sous forme de cholécalciférol et d’ergocalciférol.
– Vitamine E sous forme de D-alphatocophérol et acétate, DL-alphatocophérol et acétate, de succinate acide de D-alphatocophérol.
– Vitamine K sous forme de phylloquinone (phytoménadione).
– Vitamine B1 (thiamine) sous forme de chlorhydrate et de mononitrate de thiamine.
– Vitamine B2 sous forme de riboflavine et de riboflavine-5′-phosphate de sodium.
– Vitamine PP (ou B3 ou niacine) sous forme d’acide nicotinique et de nicotinamide.
– Vitamine B5 (acide pantothénique) sous forme de D-pantothénate de calcium et de sodium, de dexpantothénol.
– Vitamine B6 sous forme de chlorhydrate de pyridoxine et de pyridoxine-5′-phosphate.
– Vitamine B9 (acide folique) sous forme d’acide ptéroylmonoglutamique.
– Vitamine B12 (cobalamines) sous forme de cyanocobalamine et d’hydroxocobalamine.
– Vitamine B8 (ou H ou biotine) sous forme de D-biotine.
– Vitamine C sous forme d’acide L-ascorbique, de L-ascorbate de sodium, de calcium ou de potassium, et de L-ascorbyl-6-palmitate.
Les minéraux :
– Le calcium sous forme de : carbonate, chlorure, gluconate, glycérophosphate lactate, hydroxyde, oxyde ; les sels de calcium de l’acide citrique et de l’acide orthophosphorique.
– Le magnésium sous forme de : acétate, carbonate, chlorure, gluconate, glycérophosphate, lactate, hydroxyde, oxyde, sulfate ; les sels de magnésium de l’acide orthophosphorique.
– Le fer sous forme de : carbonate, citrate, gluconate, fumarate, lactate et sulfate ferreux ; citrate ferrique d’ammonium, diphosphate ferrique de sodium, pyrophosphate ferrique, saccharate ferrique.
– Le cuivre sous forme de : carbonate, citrate, gluconate, sulfate ; le complexe cuivre-lysine.
– L’iode, les iodures de sodium et de potassium, les iodates de sodium et de potassium.
– Le zinc sous forme de : acétate, chlorure, citrate, gluconate, lactate, oxyde, carbonate, sulfate.
– Le manganèse sous forme de : carbonate, chlorure, citrate, gluconate, glycérophosphate, sulfate.
– Le sodium sous forme de : bicarbonate, carbonate, chlorure, citrate, gluconate, lactate, hydroxyde ; les sels de sodium de l’acide orthophosphorique.
– Le potassium sous forme de : bicarbonate, carbonate, chlorure, citrate, gluconate, glycérophosphate, lactate, hydroxyde ; les sels de potassium de l’acide orthophosphorique.
– Le sélénium sous forme de : sélénate de sodium, hydrogénosélénite de sodium, sélénite de sodium.
– Le chrome, le chlorure et le sulfate de chrome.
– Le molybdène, le molybdate d’ammoniaque et de sodium.
– Le fluor et les fluorures de potassium et de sodium
– Le phosphore.
Le point sur Su.Vi.Max
Depuis octobre 1994, plus de 13 000 Français ont participé à l’étude Su.Vi.Max. En attendant la divulgation des résultats le 21 juin, le Dr Serge Hercberg, directeur de recherche à l’INSERM et coordinateur national de Su.Vi.Max, revient sur cette aventure.
« Le Moniteur des pharmacies » : Pouvez-vous nous rappeler quel est le but de l’étude Su.Vi.Max ?
Serge Hercberg : Elle a pour premier objectif d’évaluer l’efficacité d’une supplémentation en vitamines et minéraux antioxydants à doses nutritionnelles sur la prévention des maladies cardiovasculaires et des cancers. Le second est de mieux connaître les relations qui existent entre alimentation et santé en constituant une banque de données sur la consommation alimentaire, l’état nutritionnel et l’état de santé des Français. Elle sera utilisable par les pouvoirs publics, les chercheurs et l’industrie pharmaceutique et agroalimentaire.
Disposons-nous de résultats préliminaires ?
On a déjà pu constater qu’une fraction non négligeable de la population (jusqu’à 20 % !) avait des apports nutritionnels en dessous de ceux conseillés en vitamines et minéraux. On s’est aussi aperçu d’une chose amusante. Les femmes ont souvent un meilleur statut en vitamine C que les hommes. A priori, on pouvait s’attendre à des résultats inverses puisqu’elles mangent moins. L’explication est donc liée à une plus forte consommation de fruits et légumes.
Su.Vi.Max débouchera-t-elle sur des recommandations concernant la prise de compléments alimentaires ?
Non, notre hypothèse de départ n’était pas celle-là. Elle consistait à valider les apports de l’alimentation. Les recommandations qui en découleront seront donc des recommandations nutritionnelles. –
Propos recueillis par Laurent Lefort
- Economie officinale : les pharmaciens obligés de rogner sur leur rémunération
- Grille des salaires pour les pharmacies d’officine
- Explosion des défaillances en Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Occitanie
- La carte Vitale numérique, ce n’est pas pour tout suite
- [VIDÉO] Financiarisation de l’officine : « Le pharmacien doit rester maître de son exercice »
- Bon usage du médicament : le Leem sensibilise les patients âgés
- Prophylaxie pré-exposition au VIH : dis, quand reviendra-t-elle ?
- Indus, rémunération des interventions pharmaceutiques, fraudes… L’intérêt insoupçonné de l’ordonnance numérique
- Financement des officines : 4 solutions vertueuses… ou pas
- Prescriptions, consultations : les compétences des infirmiers sur le point de s’élargir