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Médecine à tous les repas
Les aliments aux vertus avérées ou non sur la santé remplissent les Caddy. Pour certains, des conseils seraient les bienvenus. A tel point que l’on peut se demander si leur place est bien en hypermarché.
C’est une histoire déjà ancienne. Dans les années 80, les aliments allégés déferlent dans les assiettes. Les « light » sont dans la lignée des priorités nutritionnelles déjà en vigueur : le cholestérol et les excès de poids, facteurs de risque cardiovasculaire. Vingt ans ont passé, les préoccupations sont les mêmes. Mais les consommateurs ne veulent plus renoncer à leur plaisir.
« Contrairement à un médicament, l’aliment santé propose au moins un attribut santé, avec en plus des attributs sensoriels qui lui sont propres. Il peut même jouer sur la symbiose avec son environnement naturel ou socioculturel », a expliqué François Guillon, président de l’Institut de recherche et d’études en marketing de l’alimentation santé, au cours d’une conférence sur « le marketing des aliments santé » donnée à l’Institut français pour la nutrition. Les fabricants s’engouffrent dans les brèches ouvertes par les avancées de la recherche médicale en matière alimentaire. Les publicités qui exploitent le thème de la santé prolifèrent sur des produits alimentaires courants. « Des abus qui donnent aux consommateurs le sentiment d’être manipulés », proteste l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV). Par ailleurs, les messages sont jugés complexes voire énigmatiques : 77 % des consommateurs trouvent l’étiquetage de ces produits incompréhensible.
1 % du marché total.
Actuellement, les ventes d’aliments aux allégations santé et bien-être représentent à peine plus de 1 % du marché total. « Un produit alimentaire sur deux ne voit pas l’aube de la troisième année. Grosse différence avec les médicaments pour lesquels les échecs commerciaux sont rares. L’industrie pharmaceutique a d’ailleurs tendance à interpréter cette différence en évoquant le caractère non nécessaire des produits alimentaires de grande consommation », conclut François Guillon. CLCV affirme que neuf consommateurs sur dix souhaitent que les allégations soient vérifiées par des scientifiques. Ce que font certains industriels avec les margarines « anticholestérol » enrichies en phytostérols, tels Fruit d’Or avec Pro-Activ et Saint Hubert avec Ilô. Leur succès est indiscutable, fort d’un avis favorable de l’AFSSA quant aux allégations revendiquées.
Des effets cardiovasculaires prouvés.
Les stérols végétaux sont présents dans les huiles végétales comme l’huile de graines de tournesol. L’apport moyen en phytostérols dans le régime alimentaire occidental se situe entre 200 et 400 mg par jour, mais il faudrait en consommer 1,6 g par jour. « Les phytostérols inhibent l’absorption intestinale du cholestérol, explique le Pr Nicolas Danchin, cardiologue à l’hôpital Georges-Pompidou (Paris). Ils réduisent de 10 à 15 % le LDL-cholestérol sans avoir d’action sur le HDL-cholestérol. Pour obtenir cet effet, il faut en consommer 20 à 30 grammes par jour. En dessous, l’efficacité est nulle. Ce message capital est difficile à faire comprendre aux consommateurs. Ces margarines s’emploient en complément d’un régime et/ou d’un traitement médicamenteux et peuvent permettre de retarder l’augmentation des doses de fibrates ou de statines. Je les conseille à mes patients aussi bien en prévention primaire que secondaire. »
La panacée, ces margarines ? « Il reste des zones d’ombre. On ne sait pas très bien ce qui peut se passer en cas de surdosage, affirme Nicolas Danchin. Il est vrai que compte tenu du prix de vente, le risque reste théorique. Néanmoins, s’il ne se pose pas avec les margarines, il pourrait être envisagé avec d’autres produits comme les yaourts. » De fait, l’AFSSA a émis un avis défavorable concernant l’enrichissement en phytostérols des produits laitiers. « Ils réduisent également l’absorption de certaines vitamines dont les carotènes. On recommande donc de manger des fruits et légumes. »
A la lisière du médicament.
Etudes cliniques et scientifiques rigoureuses, « indications » validées, doses quotidiennes à respecter, ces produits ne s’adressent qu’aux personnes à risque cardiovasculaire. Ils sont à utiliser de préférence sur avis médical, notamment pour les patients sous hypocholestérolémiant. Les femmes enceintes, qui allaitent ou les jeunes enfants ne doivent pas en consommer. Qui le leur dit au moment de l’achat ? La place de ces produits ne serait-elle pas plutôt en officine ? La question embarrasse. Le Pr Robert Anton, de la faculté de pharmacie de Strasbourg, a livré sa propre opinion lors du séminaire « Aliments santé, quelles limites réglementaires entre aliment et médicament ? » organisé par Euroforum. « Le cap de l’aliment a été dépassé. Une AMM préalable réglerait le problème des preuves et des justifications. » Un avis que conteste Marie-Odile Gailing, directrice des affaires scientifiques et réglementaires chez Nestlé : « Ces margarines sont à la limite entre l’aliment et le médicament mais ne peuvent être considérées comme des traitements. Elles n’inhibent pas la biosynthèse du cholestérol. » « C’est une vraie question sans réponse immédiate, concède Nicolas Danchin. Personnellement, je considère qu’il ne faut pas surajouter des contraintes. Le problème se poserait vraiment si on prouvait que baisser le LDL-cholestérol était dangereux pour la santé. » L’ezetimibe (Ezetrol), bientôt commercialisé par MSD et Schering-Plough, se positionne en concurrent direct de ces margarines aussi bien en termes de mécanisme d’action, d’effet thérapeutique que d’indications (en complément des statines ou fibrates, lorsque celles-ci s’avèrent insuffisamment efficaces). Sauf qu’il s’agira d’un médicament…
François Guillon relate l’anecdote d’une dame achetant, sur les conseils de son médecin, une margarine bien précise, « snobant » la version « générique » aussi efficace mais moins onéreuse. « La crédibilité du message était née de la confiance de cette cliente en son médecin prescripteur. Je lui ai fait remarquer l’alternative représentée par l’autre margarine, elle a eu confiance en mon discours et est repartie également avec la seconde boîte… » Cette scène aurait pu se dérouler en officine, non ?
A lire
« Le guide des aliments santé » de la revue 60 Millions de consommateurs, hors-série d’avril-mai 2003, s’articule en trois grands chapitres. Complet, clair et documenté, il passe en revue 25 aliments santé : produits laitiers, corps gras, biscuits, céréales, eaux et boissons avec à la clé un avis sur les allégations. Un second point aborde la réglementation, qualifiée d’« encore floue ». Enfin, les principales recommandations nutritionnelles sont rappelées.
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