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Un maître mot, le lobbying
Elue le 16 juin à la tête de la section A de l’Ordre, Isabelle Adenot a abordé pour la première fois lundi, devant la presse, la ligne qu’elle entend tenir sur les gros dossiers professionnels.
Mon message fort, c’est la rupture de style ! », lançait Isabelle Adenot le jour de son élection (voir Le Moniteur n° 2495), annonçant déjà un tour de France des régions « pour être plus près des confrères ». Chose promise, chose due, la présidente de la section A a informé lundi qu’elle entamerait ces visites en octobre-novembre.
La section A de l’Ordre, représentant les titulaires, s’est dotée ici d’une présidente qui voit dans le pharmacien à la fois l’officinal et le chef d’entreprise : « J’intègre totalement notre dualité gestion, commerçants/professionnel de santé », déclare-t-elle. Un discours pas si répandu à l’officine et encore moins chez un ordinal. De même qu’une certaine idée de la concurrence entre officines : « Actuellement, la concurrence ne se fait souvent que sur les prix. Là, on se trompe. Il y a aussi la concurrence sur les services et la qualité. » Mais cette pharmacienne, qui avait hésité il y a vingt ans entre s’investir dans son groupement ou bien à l’Ordre, n’est-elle pas aussi diplômée en expertise comptable (1) ? Pas étonnant, donc, à ce qu’Isabelle Adenot loue le rôle des groupements « qui ont apporté beaucoup à la profession. Grâce à eux, nous sommes moins isolés derrière nos comptoirs ». Pas étonnant non plus à ce qu’elle aborde un certain nombre de dossiers professionnels, évoqués lundi face à la presse professionnelle, bien sûr avec la vision de l’officinal mais aussi avec l’oeil et la pugnacité du chef d’entreprise.
Faire-savoir.
« Il faudra peut-être un jour se pencher sur la publicité, à laquelle je préfère d’ailleurs le mot « information ». » Pour la nouvelle présidente de la section A, il est inadmissible que les sociétés de matériel médical, par exemple, puissent faire de la publicité alors que le pharmacien, lui, ne le peut pas, laissant de ce fait échapper un marché. « Il y aura sans doute quelques articles du Code de la santé à revoir », suggère-t-elle.
Elle souhaite aussi mieux faire connaître le métier pour pallier la pénurie de diplômes. Et d’évoquer un lobbying auprès des médias estudiantins, une action au prochain Salon de l’étudiant, avec la préparation de fiches métier. Mais il faudra aussi donner envie : « Nous avons quand même un métier superbe. Montrons-le. Au moins nous ne sommes pas aux objectifs, comme dans l’industrie ! »
Avancer sur MURCEF.
A court terme, la présidente annonce un débouché rapide du dossier sur la loi MURCEF et l’ouverture du capital des officines aux jeunes, notamment. Le rapport remis à l’Ordre cet été par un professeur de droit a été transmis aux groupements et syndicats pour une vaste réflexion. Objectif : aider les officinaux à se regrouper au travers de sociétés. Mais cet enthousiasme pourrait être douché par Bercy (lire page 10). La révision de la gestion des stupéfiants sera rapidement aussi à l’ordre du jour, promet Isabelle Adenot. Mais avec les questions de plus en plus récurrentes sur la réforme de la distribution du médicament, elle annonce surtout un lobbying pour réaffirmer la défense du monopole (« mais je n’aime pas ce mot car les gens y attachent un avantage or il s’agit ici de défense de la santé publique »).
Concernant le maillage, « si restructuration, il doit y avoir [NdlR, pour répondre la demande du ministère de la Santé], ce ne sera que pour des centres-villes ou centres-bourgs. Cela dit, je ne vois pas pourquoi on interdirait à des pharmaciens d’exercer dans de petites unités ». L’un des dossiers explosifs à régler au plus vite concerne aussi la permanence des soins : « Il faudra très vite nous rapprocher des syndicats sur ce point […]. Même si il ne peut être réglé uniquement au plan national. Il faut absolument que la permanence des soins continue d’être assurée ! Par contre, se lever pour 0,98 euro pour des tampons ou une ordonnance homéopathique, ras-le-bol… »
Consulter les SSII.
A plus long terme, Isabelle Adenot souhaite voir évoluer le pharmacien : « Quel niveau pour notre service (en matière de dépistage, de prévention, d’information…) ?, interroge-t-elle. Il y a 11 000 à 18 000 décès par ans dus à l’iatrogénie en France. Quel rôle tiendrons-nous par rapport à l’observance et à l’iatrogénie ? » Dans le même ordre d’idée, c’est « le défi de la médication officinale » que souhaite relever Isabelle Adenot, rendue furieuse par la contre-communication réalisée à cet égard à l’occasion des déremboursements. « Mais le défi de la médication officinale, ce sera aussi de faire le tri dans tous les produits derrière nos comptoirs… »
L’opinion pharmaceutique est également un objectif clair d’Isabelle Adenot, très en phase avec Jean Parrot, président de l’Ordre : « Pour cela et pour la mise en place d’un dossier patient, il faudra sans doute recevoir toutes les SSII pour voir comment aider concrètement les pharmaciens au comptoir. » Et de « lancer un appel » aux syndicats sur ce dossier : il est vrai que si l’USPO est très favorable au développement de l’opinion pharmaceutique, la FSPF et l’UNPF apparaissent beaucoup plus réticentes, notamment en raison de l’hostilité des médecins, dont on a déjà vu les dégâts qu’elle pouvait faire avec les génériques.
Le défi du vieillissement.
En parallèle, c’est la refonte de l’espace pharmacie qui paraît aussi nécessaire à la présidente de la section A, eu égard justement à l’idée d’opinion pharmaceutique, mais aussi au problème désormais aigu du vieillissement de la population et des sorties de la réserve hospitalière qui se rapprochent à grands pas : « Il faudra vraiment réfléchir à des postes assis à l’officine et à la confidentialité. Si on loupe le virage de la confidentialité, on aura tout loupé ! » A long terme, définir précisément la place des pharmaciens dans les réseaux et les voir s’y investir massivement est également l’une de ses priorités : « C’est important car cela peut optimiser la qualité et les coûts », précise-t-elle. Deux « fondamentaux » que renvoient de plus en plus les pouvoirs publics à la figure des professionnels de santé. Et si le rôle de coordonnateur de réseau semble hors de portée du pharmacien, compte tenu des contraintes réglementaires qui pèsent sur son exercice, celle de coordonnateur dans le cadre des maisons de retraite, rôle déjà réclamé ces trois dernières années (2), pourrait être réabordé : « Nous allons redéfinir d’ici la fin de l’année la notion de service liée au pharmacien dans les maisons de retraite. » Et la sollicitation d’ordonnance ?
(1) Isabelle Adenot est aussi diplômée du DECF, diplôme d’études comptables et financières.
(2) Le décret sur les pharmacies à usage intérieur prévoyait un médecin coordonnateur au sein de chaque établissement. Une mesure pas encore appliquée.
A retenir
– DUALITE
Pour Isabelle Adenot, la pharmacie doit assumer sa dualité commerçant/officinal.
– CONCURRENCE
Elle doit être fondée, entre officines, sur la qualité et les services. Deux chantiers à creuser pour répondre aux attentes des patients et des pouvoirs publics.
– URGENCE
La loi MURCEF (entrée des jeunes dans le capital), les gardes, les regroupements d’officines et la notion de service rendu dans les maisons de retraite sont des dossiers prioritaires, une fois passée la tornade des TFR et des déremboursements…
– MONOPOLE
Le lobbying de l’Ordre est et sera constant, affirme haut et fort Isabelle Adenot.
– CONFIDENTIALITE
La présidente souhaite généraliser les postes assis à l’officine. Pour elle, la profession ne doit pas rater « le virage de la confidentialité ».
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