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Un besoin vital de pharmaciens !

Publié le 13 septembre 2003
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Numerus clausus insuffisant, études longues, peur d’investir dans un secteur libéral qui a beaucoup évolué… Les jeunes pharmaciens sont de moins en moins nombreux à s’orienter vers la biologie. Pourtant, la profession a encore de l’avenir. Etat des lieux.

Au 31 décembre 2002, la section G de l’ordre des pharmaciens – celle qui regroupe tous les biologistes d’exercice public (notamment hospitaliers) ou privé (directeurs ou directeurs adjoints de laboratoires d’analyses de biologie médicale ) – comptait 7 887 inscriptions. Taux de croissance observé : – 0,16 %.

Elargir le numerus clausus.

Depuis une dizaine d’années, le nombre de pharmaciens-biologistes est en nette régression. Les jeunes arrivant sur le marché du travail ne sont pas assez nombreux pour combler les postes laissés vacants, qu’il s’agisse des départs en retraite ou des congés. « Le numerus clausus limite de manière drastique les biologistes sortants, pharmaciens ou médecins, explique Robert Desmoulins, pharmacien-biologiste, directeur associé d’un laboratoire privé à Palaiseau et président de la section G. Notre objectif est d’arriver à convaincre les pouvoirs publics de la nécessité de son élargissement. Pour l’instant, il ne permet pas de renouveler la profession. » Et le besoin ne fait que croître, d’année en année. « On manque cruellement de biologistes. En déterminant le numerus clausus, on n’a pas tenu compte du vieillissement de la population et des conditions de vie en général », constate Serge Philippakis, pharmacien-biologiste, gérant d’un laboratoire privé à Paris.

Même son de cloche du côté du public. « On est resté trop longtemps en période de pénurie. Aujourd’hui, lorsqu’il y a un départ, à la retraite notamment, on ne trouve personne pour assurer le remplacement. On travaille en sous-effectif. Une loi (ndlr : la loi de 75 qui fixe le nombre de biologistes par rapport à l’activité du laboratoire) non adaptée à l’hôpital et un numerus clausus figé ont appauvri le nombre de pharmaciens-biologistes du public », résume Jean Lelioux, pharmacien-biologiste à l’Hôpital général de Beaune.

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Partout, les pharmaciens-biologistes en poste ont du mal à recruter. « Les remplacements pour les périodes de congés posent de gros problèmes. Petite annonce, bouche-à-oreille, annonce déposée à l’internat de pharmacie ou médecine…, tous les moyens sont utilisés pour recruter un biologiste. Même dans la région de Toulouse, qui est une ville universitaire, on a des difficultés », signale Christophe Bernard, pharmacien-biologiste en laboratoire privé à Toulouse.

Un rôle technique et humain.

Mais le numerus clausus n’est pas le seul responsable de la déficience en pharmaciens-biologistes. La longueur des études – bac + 10 au minimum (les six ans nécessaires au diplôme de docteur en pharmacie plus les années d’internat) – dissuade également bon nombre d’étudiants. Pourtant, à en croire les pharmaciens installés, les jeunes ne devraient pas hésiter à se lancer dans la biologie. Le métier de pharmacien-biologiste est riche, varié et peut être lucratif pour ceux qui veulent investir dans le secteur libéral. « Ces dernières années, le secteur privé a beaucoup évolué au niveau technique et législatif. Matériel performant, guide de bonnes exécutions, formation continue… ont rendu l’exercice de plus en plus fiable. Cette évolution permet aujourd’hui d’offrir un service d’un haut niveau de qualité. En plus de notre rôle technique et analytique, nous avons un rôle social et humain important : nous sommes en contact direct avec les patients, nous devenons une aide, un soutien psychologique en parlant, rassurant… », commente Robert Desmoulins. Avec l’évolution des techniques, les nouvelles analyses à réaliser, la biologie de ville a donc encore de beaux jours devant elle. « Vu la croissance, le volume de l’activité, le rôle du biologiste de ville, l’avenir devrait être assuré pour les générations futures. »

Du salariat à l’association.

Qu’en est-il de l’évolution professionnelle ? Dans les laboratoires d’analyses médicales, le salaire de départ est d’environ 3 000 euros brut par mois. L’évolution normale est ensuite la création ou le rachat d’un laboratoire. « Le salariat ne doit être qu’un passage qui doit rapidement mener à l’association. Il faut pousser les jeunes à investir, à devenir des chefs d’entreprise. L’avenir de la profession en dépend », indique Robert Desmoulins. « Il y a énormément d’investissements au départ, mais on s’y retrouve ensuite. L’hôpital, c’est la sécurité, mais ça n’est pas le plus intéressant. La biologie de ville offre de multiples facettes », ajoute Christophe Bernard.

Quel avenir pour la profession ?

Elle dépend beaucoup du maintien de la proximité. « La distribution des laboratoires de biologie au niveau du tissu rural permet de rendre un service important, de qualité, d’avoir un contact avec la population. Il faut maintenir cette répartition géographique. Aujourd’hui, les laboratoires ont tendance à se regrouper, à se concentrer économiquement. Et ces structures ne sont pas toujours entre les mains de bons professionnels : les investisseurs majoritaires ont parfois un lointain rapport avec la biologie, et les biologistes qui achètent quelques parts ne sont plus des associés mais des porteurs d’actions très minoritaires. C’est une tendance qui ne doit pas se généraliser », souligne Robert Desmoulins.

La biologie de ville serait donc menacée par la création de groupements d’intérêt économique ou la mainmise de grands groupes industrialisés sur le capital des LABM. « Il faut défendre la biologie de proximité. Les jeunes biologistes doivent s’investir dans ce sens, économiquement et individuellement. Cela passe également par une réelle volonté politique de favoriser les petits LABM plutôt que les groupements et leur concentration de moyens », conclut Patrick Laurent, pharmacien-biologiste en laboratoire privé à Dijon.

Chiffres clés

– 7 887 pharmaciens-biologistes.

– 2 416 biologistes des hôpitaux publics, soit 30,63 % des inscriptions à la section G.

– 5 191 biologistes exerçant en LABM privés* soit 65,82 % des inscriptions.

– 280 biologistes autres (centres anticancéreux, centres mutualistes, etc.), soit 3,55 % des inscriptions.

– 4 265 LABM.

– Exercice en LABM : 4 215 directeurs (80,41 %), 917 directeurs adjoints (17,49 %) et 108 remplaçants (2,06 %).

– Densité : au niveau national, la densité est de 8,87 pharmaciens-biologistes privés pour 100 000 habitants.

* Ces dernières années, les biologistes privés ont été nombreux à opter pour les sociétés d’exercice libéral.