Deviendrez-vous pharmacien Santéclair ?

A partir du 10 novembre, vous devriez recevoir, comme toutes les officines de France métropolitaine, une lettre vous proposant de « rejoindre le réseau des pharmaciens d’officine partenaires mis en place par Santéclair » (voir ci-contre). En retournant le coupon-réponse, vous recevrez un cahier des charges et une proposition d’accord de partenariat avec ce groupement d’assureurs (lire « A noter »). Objectif de Santéclair : proposer à ses clients le remboursement total ou partiel de certains produits et médicaments (OTC, médication familiale, dermocosmétologie…), prescrits ou non, vendus en officine mais non pris en charge par l’assurance maladie obligatoire.

L’assureur a défini treize domaines de médicaments (alopécie, contraception, hygiène buccodentaire, trousse du voyageur, autosurveillance, insuffisance veineuse, petite enfance…) déclinés en une trentaine de paniers de soins thématiques totalisant une centaine de produits différents.

Le pharmacien fixe librement les prix des produits contenus dans les paniers de soins, mais s’engage à ne pas dépasser le prix maximal de chaque panier fixé par l’assureur. Par exemple, la « trousse minimale du voyageur » (contenant du Lopéramide, boîte de 12 gélules à 2 mg, du Nifuroxazide boîte de 12 gélules à 200 mg et un tube de crème de 50 ml haute protection) ne devra pas dépasser un total de 16,50 euros. De même, le coût total du panier de soins « sevrage tabagique » (comprenant une boîte de 28 patchs, 96 gommes à mâcher et une boîte de Zyban de 60 comprimés) ne devra pas dépasser 166,60 euros. Dans ce dernier cas, le pharmacien reste donc libre de choisir la marque des patchs et des gommes et le prix de chacun des produits, mais leur addition ne devra pas dépasser le plafond fixé par Santéclair.

Fini la concurrence ?

Mais attention, le pharmacien inscrit dans le cahier des charges les noms et les prix de chacun des produits qu’il a choisi d’intégrer dans les paniers et s’engage à vendre ces spécialités sans dépasser les prix qu’il a lui-même fixés pendant au moins une année, puisqu’il « ne saurait y avoir plus d’une modification de prix et produits par panier, par année civile » ! Contre paiement comptant, le pharmacien délivre aux bénéficiaires de Santéclair tout ou partie des produits du panier et lui remet un ticket de caisse pour qu’il puisse se faire rembourser par l’assureur. Avantage attendu pour le pharmacien : une clientèle fidélisée, guidée, si besoin était, par des vitrophanies signalant l’appartenance de l’officine au réseau mais aussi par la centrale téléphonique qui communiquera aux clients Santéclair les coordonnées des officines partenaires les plus proches de leur domicile ou de leur lieu d’appel.

Mais voilà : la modération tarifaire imposée par Santéclair ne va pas sans soulever quelques questions. Les prix fixés par l’assureur sont inférieurs, en fonction du lieu d’achat, de 7 à 18 % aux prix moyens constatés par IMS Health. Pour passer contrat avec Santéclair, les pharmacies qui pratiquent des prix supérieurs devront rogner sur leurs marges, tandis que celles qui pratiquent des prix inférieurs auront logiquement intérêt à accroître les leurs pour égaler le prix plafond. Conséquence possible : tous les pharmaciens liés à Santéclair vont pratiquer des prix identiques pour les produits inclus dans les paniers. Où sera la concurrence ? Autre interrogation : les prix consentis aux clients Santéclair n’introduisent-ils pas de facto une discrimination entre clients d’une même officine ? Une situation qui sera sans doute très compliquée à gérer au comptoir, ne serait-ce qu’à cause de l’étiquetage et de l’affichage obligatoire des prix…, sauf à faire bénéficier l’ensemble de vos clients des prix Santéclair.

Dissensions chez l’assureur.

AGF revient donc en force après avoir fait chou blanc en mai 2002. A l’époque, le contrat proposé ne visait que les pharmaciens d’Ile-de-France. Il ne leur permettait pas de choisir et de fixer les prix des produits contenus dans les paniers de soins et, surtout, il les obligeait à appliquer de faibles coefficients multiplicateurs sur tous les autres produits non remboursables de l’officine ne figurant pas dans les paniers. Un gel des prix intolérable. Ordre, syndicats et groupements étaient d’ailleurs montés au créneau pour repousser ce contrat. Dix-sept mois plus tard, l’assureur affirme que son accord de partenariat est conforme aux principes déontologiques et d’organisation géographique du réseau d’officines, qu’il a obtenu « une meilleure compréhension des enjeux » de la part des syndicats et que le Collectif des groupements veillera à une « neutralité bienveillante ». Peut-être. Mais il semble en tout cas que ce contrat fasse déjà des vagues au sein même du conseil d’administration de Santéclair. Défendu par AGF, il n’aurait pas reçu l’assentiment de ses partenaires. Qu’importe, AGF y croit. Lui qui a déjà l’habitude de travailler avec les opticiens et les chirurgiens-dentistes, estime que son réseau réunira environ 2 500 officines sachant que « le professionnel, s’il est intéressé, signe rapidement, et qu’il y a peu de candidatures spontanées par la suite ».

Mais pour ne rien laisser au hasard, il est déjà prévu de démarcher les pharmaciens qui n’auraient pas répondu. Pas n’importe lesquels. Fort de son accord « innovant », qui va « à l’encontre des habitudes corporatistes », les agents AGF devront en premier lieu proposer cette offre à des « pharmacies à fort potentiel, bénéficiant d’un bon positionnement géographique, et/ou pratiquant une politique de prix concurrentiels, peut-on lire dans un document interne. Des titulaires jeunes et dynamiques attentifs au marché, qui raisonnent sur du long terme, qui font déjà des efforts sur des prix et pour qui cela ne représente pas un effort supplémentaire d’appliquer les prix fixés par Santéclair ». L’ouverture du réseau aux assurés est prévue pour le 1er semestre 2004 avec une grande campagne de communication à l’appui. Vous sentez-vous l’étoffe d’un pharmacien Santéclair ?

A noter : Qu’est-ce que santéclair ?

Un holding entre AGF, MMA, MAAF Assurances et une institution de prévoyance, IPECA. Grâce à cette alliance, Santéclair est devenu numéro un français dans le domaine de la santé et dispose aujourd’hui d’un réseau de 1 000 opticiens et de 2 700 chirurgiens-dentistes et orthodontistes partenaires. Les contrats santé individuels ou collectifs de ce groupement représentent 5 millions de clients.