Vinca-alcaloïdes : une toxicité hématologique à surveiller

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Vinca-alcaloïdes : une toxicité hématologique à surveiller

Publié le 3 mai 2023
Par Maïtena Teknetzian
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Identifiés par leur dénomination commune internationale (DCI) commençant par le préfixe « vin- », les vinca-alcaloïdes sont des poisons du fuseau responsables d’une toxicité neurologique et hématologique. Leur utilisation requiert une surveillance rigoureuse de la numération de la formule sanguine. 

Mécanisme d’action  

Les vinca-alcaloïdes sont des alcaloïdes extraits de la pervenche de Madagascar (Vinca rosea) ou obtenus par hémisynthèse. Ce sont des poisons du fuseau mitotique. Ils agissent sur la mitose cellulaire en se fixant spécifiquement sur la tubuline (protéine du cytosquelette cellulaire) et en inhibant sa polymérisation en microtubules. Cela a pour effet d’empêcher la formation du fuseau mitotique et le rassemblement, au centre de la cellule, des chromosomes qui restent dispersés dans le cytoplasme. Les vinca-alcaloïdes bloquent donc les divisions cellulaires en métaphase. 

Indications  

La vinorelbine est indiquée dans le cancer bronchique non à petites cellules et le cancer du sein métastasé.

Les autres molécules sont employées dans le traitement de leucémies, de lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens ou dans certaines tumeurs solides (cancer du sein, de l’ovaire, du rein, du testicule, de la vessie, etc.).

Les vinca-alcaloïdes s’administrent par voie intraveineuse. Seule la vinorelbine existe aussi en capsules destinées à une administration orale. La vinorelbine orale, la vinblastine et la vincristine sont disponibles en ville. La vinorelbine injectable, la vindésine et la vinflunine sont réservées à l’usage hospitalier.

Pharmacocinétique  

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Absorption : après administration orale, la vinorelbine orale est rapidement absorbée (ne pas renouveler la prise en cas de vomissement). Sa biodisponibilité n’est pas affectée par la prise alimentaire. Il est cependant recommandé de prendre les capsules de vinorelbine à la fin d’un repas pour limiter le risque de nausées ou de vomissements.  

Distribution : la fixation des vinca-alcaloïdes aux protéines plasmatiques est faible. La vinorelbine diffuse largement dans l’organisme, notamment dans le tissu pulmonaire.

Métabolisme : ils sont fortement métabolisés au niveau du foie par le cytochrome P450 (CYP) 3A4, ce qui explique les nombreuses interactions avec les inducteurs et inhibiteurs enzymatiques.

Elimination : ces molécules et leurs métabolites sont éliminés principalement par voie biliaire. La demi-vie de la vinorelbine est de 40 heures, celle de la vinblastine est de 25 heures et celle de la vincristine de 85 heures en moyenne.

Effets indésirables  

Les principaux effets indésirables sont une hématotoxicité avec un risque de neutropénie, de thrombopénie et d’anémie.

Les vinca-alcaloïdes sont aussi responsables d’une toxicité neurologique et peuvent provoquer des paresthésies ou des dysesthésies, des crampes, des polynévrites, des vertiges, une perte des réflexes ostéotendineux. Cette neurotoxicité peut également être à l’origine d’une constipation très fréquente (dont le risque est majoré par l’association aux morphiniques et qui peut être diminué par une hydratation suffisante – 2 litres par jour – et une alimentation riche en fibres), voire, plus rarement, d’un iléus paralytique.

Des nausées et des vomissements sont en outre très fréquents et peuvent être prévenus par un traitement par sétrons ou métoclopramide. Autres effets encore, une inflammation de la muqueuse buccale (justifiant de ne pas croquer les capsules de vinorelbine) mais aussi digestive ainsi que des diarrhées ont été signalés.

Une alopécie peut apparaître. Elle est réversible à l’arrêt du traitement.

De la fatigue est très fréquemment observée et des arthralgies le sont fréquemment (notamment au niveau de la mâchoire). Des cas de dyspnée et de bronchospasme ont été rapportés. 

Contre-indications  

Les vinca-alcaloïdes sont contre-indiqués si le taux de polynucléaires neutrophiles se situe en dessous de 1 500/mm3, ou celui de plaquettes est inférieur à 100 000/mm3, ainsi qu’en présence d’infection sévère actuelle ou datant de moins de 2 semaines. 

Ils sont également contre-indiqués chez la femme enceinte (risque tératogène et embryofœtolétale chez l’animal, imposant une contraception efficace chez la femme en âge de procréer pendant le traitement et jusqu’à 3 mois après son arrêt) et allaitante (du fait d’un manque de données).

La vincristine est contre-indiqué en cas de neuropathie sévère.

L’insuffisance hépatique et les antécédents de résection chirurgicale digestive (susceptible de modifier la biodisponibilité) sont une contre-indication à la vinorelbine orale, qui existe aussi chez le patient nécessitant une oxygénothérapie au long cours.

Interactions  

Comme avec les autres cytotoxiques, la vaccination contre la fièvre jaune est contre-indiquée et l’administration des autres vaccins vivants déconseillée (risque de maladie vaccinale généralisée potentiellement létale) durant les 3 à 6 mois suivant l’arrêt du traitement.

L’association avec le millepertuis est contre-indiquée et celle avec les autres inducteurs enzymatiques (rifampicine, barbituriques, etc.) déconseillée du fait d’une diminution des concentrations plasmatique et de l’efficacité du vinca-alcaloïde.  

L’association avec la phénytoïne est déconseillée (risque de convulsions par diminution de l’absorption de la phénytoïne), ainsi que celle avec l’apalutamide et les inhibiteurs puissants du CYP3A4 (comme l’itraconazole), en raison d’une majoration de la toxicité du vinca-alcaloïde par diminution du métabolisme hépatique. La consommation de jus de pamplemousse est à éviter.

Surveillance  

Une numération de la formule sanguine (NFS) est obligatoire avant chaque administration. Celle-ci est hebdomadaire pour la vinorelbine orale. Dans ce cas, une trousse avec 4 pochettes hebdomadaires fournie par le fabricant permet au pharmacien de séquencer la dispensation en doses hebdomadaires et de noter sur les pochettes la date de l’administration et la date de la prise de sang à effectuer.

L’apparition de signes cliniques évocateurs d’infection (fièvre supérieure ou égale à + 38 °C, maux de gorge, toux, brûlures mictionnelles, etc.) impose de contacter impérativement un médecin et de réaliser en urgence une NFS.

D’autres anticancéreux, également dérivés de plante agissent comme poison du fuseau.

Il s’agit des taxanes, ou dérivés de l’If, qui doivent leur nom, ainsi que le suffixe caractéristique de leur DCI en « -taxel », au nom latin de ce conifère (Taxus baccata). Les taxanes (cabazitaxel, docétaxel, paclitaxel) sont réservés à l’usage hospitalier.

Ils inhibent la dépolymérisation de la tubuline et l’allongement du fuseau mitotique (guidant la cassure du centromère et la séparation des chromatides). Cela a pour effet d’empêcher la migration des 2 lots de chromosomes à chacun des pôles de la cellule mère. Ils bloquent les divisions cellulaires en anaphase.

Ces poisons du fuseau sont très incriminés dans la survenue d’alopécie et d’onychopathie (35 % des patients traités sont concernés par la toxicité unguéale) à type de ligne de Beau (sillons transversaux), d’onychomadèse (décollement proximal de l’ongle) ou d’onycholyse (décollement du bord libre de l’ongle), mais aussi d’hémorragies sous-unguéales et de dyschromies.

Ils peuvent aussi être fréquemment responsables de neutropénie fébrile (notamment dans les protocoles les associant aux dérivés du platine) et peuvent induire des réactions d’hypersensibilité parfois sévères. 

A savoir

Les taxanes, autres poisons du fuseau

D’autres anticancéreux, également dérivés de plante agissent comme poison du fuseau.

Il s’agit des taxanes, ou dérivés de l’If, qui doivent leur nom, ainsi que le suffixe caractéristique de leur DCI en « -taxel », au nom latin de ce conifère (Taxus baccata). Les taxanes (cabazitaxel, docétaxel, paclitaxel) sont réservés à l’usage hospitalier.

Ils inhibent la dépolymérisation de la tubuline et l’allongement du fuseau mitotique (guidant la cassure du centromère et la séparation des chromatides). Cela a pour effet d’empêcher la migration des 2 lots de chromosomes à chacun des pôles de la cellule mère. Ils bloquent les divisions cellulaires en anaphase.

Ces poisons du fuseau sont très incriminés dans la survenue d’alopécie et d’onychopathie (35 % des patients traités sont concernés par la toxicité unguéale) à type de ligne de Beau (sillons transversaux), d’onychomadèse (décollement proximal de l’ongle) ou d’onycholyse (décollement du bord libre de l’ongle), mais aussi d’hémorragies sous-unguéales et de dyschromies.

Ils peuvent aussi être fréquemment responsables de neutropénie fébrile (notamment dans les protocoles les associant aux dérivés du platine) et peuvent induire des réactions d’hypersensibilité parfois sévères. 

Sources : « Anticancéreux : les points essentiels » et « Microtubules », Collège national de pharmacologie médical, pharmacomedicale.org ; fiche « Vinorelbine-Navelbine », Société française de pharmacologie oncologique, mise à jour de septembre 2022 ; « Les poisons du fuseau », InfoCancer, arcagy.org ; thésaurus des interactions médicamenteuses de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, 2020 ; base de données publique des médicaments.