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Réforme des retraites : gagnant ou perdant ?

Publié le 13 mai 2023
Par Anne-Charlotte Navarro
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Après des débats parlementaires expédiés et malgré plusieurs mois de mobilisation des syndicats, la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023 portant réforme des retraites a été publiée le 15 avril au Journal officiel. Elle rentrera en application à compter de septembre 2023, selon le calendrier prévu par le Président de la république. Retour sur les changements effectifs pour les officinaux.

 

La mesure phare de la réforme des retraites est de reculer progressivement l’âge de départ à 64 ans et d’augmenter le nombre de trimestres de cotisations à 172, soit 43 ans. Elle concerne tant le régime de base que celui de la retraite complémentaire Agirc-Arrco*.

L’âge : pivot pour les salariés et les titulaires

 

Selon le Code de la Sécurité sociale, tout salarié ne peut partir à la retraite qu’à la double condition de justifier d’au moins un trimestre d’assurance au régime général d’assurance vieillesse et d’avoir atteint l’âge fixé par la loi.

 

Depuis le 1er janvier 2017, l’âge à partir duquel le salarié peut demander la liquidation de sa retraite est de 62 ans. A compter du 1er septembre 2023, cet âge va passer progressivement à 64 ans. Il va augmenter de trois mois par année pour les salariés nés entre les mois de septembre 1961 et décembre 1967. Les salariés nés à compter du 1er janvier 1968 ne pourront partir à la retraite qu’à 64 ans.

 

Par exemple, Paule, pharmacienne adjointe, est née en juillet 1962. Avant la réforme, elle aurait dû prendre sa retraite à 62 ans, soit en juillet 2024. Elle est concernée par l’augmentation progressive de l’âge de la retraite. Selon le texte, elle va devoir partir à 62 ans et six mois révolus, soit en janvier 2025.

 

« Bien que le régime des professionnels libéraux soit exclu de la réforme, les pharmaciens titulaires doivent également se sentir concernés, signale Laurent Cassel, expert-comptable au cabinet AdequA. Le report de l’âge de départ à la retraite est aussi un sujet pour eux puisque les deux régimes sont alignés ». Cette information est confirmée par la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP). Ainsi, la liquidation de la retraite d’un pharmacien titulaire ne pourra pas intervenir avant 64 ans.

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Allongement du nombre de trimestres de cotisation

 

Second critère à prendre en compte, le nombre de trimestres de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein, ou le nombre de périodes reconnues équivalentes, est également modifié par le texte. Si le salarié part en retraite avant d’avoir atteint le nombre de trimestres requis, sa pension de vieillesse subira une décote proportionnelle au nombre de trimestres manquants.

 

La précédente réforme des retraites menées en 2014, dite réforme Touraine, avait déjà augmenté progressivement le nombre de trimestres requis pour obtenir une pension à taux plein. L’objectif du gouvernement du président François Hollande était de porter le nombre de trimestres à 172, soit 43 ans d’assurance pour l’ensemble des assurés nés à partir de 1973.

 

La réforme du président Emmanuel Macron accélère ce calendrier. A compter du 1er septembre 2023, au lieu d’ajouter un trimestre de plus tous les trois ans, les salariés nés à compter de septembre 1961 se verront ajouter un trimestre par an. La cible de 172 trimestres de cotisations ou de 43 annuités sera donc atteinte dès 2027 pour la génération née en 1965 au lieu de 2035 pour celle née en 1973 dans la réforme Touraine.

 

Reprenons l’exemple de Paule, pharmacienne adjointe, née en juillet 1962. Pour bénéficier d’une retraite à taux plein, elle devra cotiser un trimestre de plus, soit 169 trimestres contre 168 auparavant.

La décote des pharmaciens peut baisser !

 

La réforme ne touche pas à l’âge maximal de départ à la retraite, fixé à 67 ans. Cette limite permet au salarié n’ayant pas assez de trimestres de cotisation de partir avec une retraite à taux plein dès 67 ans sans prendre en compte les trimestres manquants, quelle que soit la durée de cotisation.

 

Un avantage : puisque la décote subie par le retraité partant sans avoir atteint le nombre de trimestres requis est proportionnelle au nombre de trimestres manquants, le recul de l’âge légal de départ va mécaniquement réduire le montant de la décote subie par le retraité qui s’est mis à cotiser plus tard. Ainsi, les pharmaciens adjoints ayant commencé à travailler tardivement sont avantagés. S’ils décident de partir une fois l’âge légal atteint sans avoir le nombre de trimestres requis, le montant de la décote de la pension sera moindre qu’auparavant. S’ils décident de poursuivre au-delà de l’âge légal, ils ne devront réaliser qu’au maximum trois ans de plus.

 

« Un pharmacien titulaire encore en forme aura intérêt à cotiser jusqu’à 67 ans pour améliorer le montant de sa pension. Il évitera ainsi des éventuelles décotes et pourra même bénéficier de majoration », indique Laurent Cassel.

 

Cette règle bénéficie également aux préparateurs mais, en pratique, elle concernera sans doute plus les pharmaciens en raison de la durée de leurs études.

Et les stages et l’apprentissage ?

 

Le projet de réforme ne prévoit pas de modifier les règles de prise en compte des stages en entreprise applicables depuis la loi dite Touraine de 2014. Pour les stages effectués à compter du 14 mars 2015, les étudiants peuvent cumuler des droits à la retraite à plusieurs conditions, dont notamment le fait que le stage ait été obligatoire et que dans les deux mois suivant la fin de celui-ci, l’étudiant ait payé la cotisation correspondante. La loi prévoit d’allonger le délai de rachat des trimestres. Un décret publié prochainement précisera l’âge maximal de l’assuré pour faire sa demande de rachat. Selon les débats parlementaires, il est probable qu’il soit supérieur à 25 ans.

 

Pour les préparateurs, depuis 2014, la réforme Touraine prend en compte les périodes d’apprentissage sur le ratio 1 trimestre d’apprentissage = 1 trimestre de retraite acquis. Pour les salariés ayant effectué leur apprentissage avant le 1er janvier 2014, les trimestres ne sont pas pris en compte automatiquement. Tout dépend du salaire versé alors : il devait être au moins égal à 200 fois le Smic horaire brut en vigueur au 1er janvier de l’année considérée. Les préparateurs peuvent dans ce cas racheter au maximum quatre trimestres.

Préparateur, une carrière longue ?

 

La réforme des retraites modifie le dispositif de retraite anticipée dite « carrière longue ». Si l’assuré social avait commencé à travailler avant 20 ans, il pouvait prendre sa retraite à 60 ans, voire 58 ans s’il avait commencé avant 16 ans. Désormais, le texte prévoit d’apprécier le début d’activité non plus en fonction de l’âge de 16 ans ou de 20 ans, mais d’y ajouter des âges intermédiaires de 18 ans et de 21 ans. Ainsi, l’âge légal de départ en retraite sera abaissé pour les assurés qui ont commencé à travailler avant 16 ans, 18 ans, 20 ans ou 21 ans. La réduction de l’âge de départ doit être précisée par décret.

Et les enfants ?

 

Lors des débats parlementaires, il est apparu que les femmes étaient désavantagées en raison des congés maternité. La loi introduit alors une surcote « parents » pour les pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2023. Ce bonus de pension s’appliquera aux parents qui, ayant le nombre de trimestres requis avant l’âge légal, continueront à travailler entre 63 et 64 ans. Le détail de ce bonus doit être précisé dans un décret à paraître. A priori, il ne concernera que la pension de base et pas la pension de retraite complémentaire. Le texte prévoit que ce bonus bénéficiera également aux pharmaciens titulaires. 

 

Au-delà de ce bonus de pension de base, les mères se voient attribuer quatre trimestres de majoration de durée d’assurance « maternité » pour chaque enfant au titre de l’incidence de la maternité sur leur vie professionnelle, notamment la grossesse et l’accouchement.

 

A ces trimestres s’ajoutent quatre autres de majoration d’assurance « éducation », que les parents peuvent se partager. Ces derniers doivent exprimer leur choix de partage dans un délai de six mois à compter du quatrième anniversaire de l’enfant. A défaut, les trimestres reviennent à la mère. Lorsque les deux parents sont de même sexe, la majoration est partagée par moitié entre eux. Ces trimestres de majoration sont également attribués en cas d’adoption.

 

* Association générale des institutions de retraite des cadres-Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés.

 

A partir du 1er septembre 2023, salariés et titulaires d’officine devront travailler plus longtemps pour faire valoir leurs droits à la retraite. La réforme augmente l’âge légal de départ (64 ans) et le nombre de trimestres de cotisation (172).

 

L’âge maximal de départ à la retraite reste fixé à 67 ans pour les salariés.

 

De nombreux décrets manquent pour préciser les régimes et apprécier les situations particulières à chacun.

 
 
 

À retenir 

A partir du 1er septembre 2023, salariés et titulaires d’officine devront travailler plus longtemps pour faire valoir leurs droits à la retraite. La réforme augmente l’âge légal de départ (64 ans) et le nombre de trimestres de cotisation (172).

L’âge maximal de départ à la retraite reste fixé à 67 ans pour les salariés.

De nombreux décrets manquent pour préciser les régimes et apprécier les situations particulières à chacun.