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Furieusement tendance !

Publié le 6 décembre 2003
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La déferlante de magasins-concepts à laquelle on assiste actuellement est le reflet des tendances de fond en matière de consommation : l’« achat bien-être », la stimulation polysensorielle, la création d’univers commerciaux à forte identité. Les spécialistes en marketing du point de vente appellent cela le « fun shopping ». L’officine, poussée par certains agenceurs, commence elle aussi à s’ouvrir à ces nouvelles tendances. Visite guidée.

Les modes de consommation ont fortement évolué avec les années de crise, l’augmentation de toutes les formes d’insécurité et l’avènement parallèle d’une société de loisirs, stimulée par les 35 heures. Mais comme le souligne Altema (le journal des tendances de consommation): « Si la raison l’emporte, le consommateur n’entend pas pour autant renoncer à la recherche du plaisir, de la fête, de la convivialité… L’acte d’achat devient un moment privilégié qui s’inscrit dans un projet de vie et dans un mode de construction individuelle ».

D’autant que les progrès de l’analyse sensorielle au service de l’industrie automobile ou agroalimentaire ont mis au jour l’importance des émotions dans l’acte d’achat, matérialisés par des CD-ROM odorants, des appareils électroménagers colorés, le toucher… Parallèlement, on assiste à une montée en puissance des valeurs de confiance, de confort et de réconfort, étroitement liées à la tradition et à l’authenticité.

Confiance, réconfort, convivialité, plaisir…, l’officine peut naturellement se retrouver au carrefour de ces tendances. D’ailleurs des agenceurs spécialisés se sont inspirés des concepts innovants dans les autres circuits de distribution pour, disent-ils, faire émerger une pharmacie nouvelle, ouverte, ludique, attractive mais toujours sécurisante.

Leurs sources d’inspiration ? Des enseignes dans la confection, les loisirs, la restauration, le sport, le bien-être… qui ont démontré par leur succès que le prix n’était pas une condition suffisante pour garantir la compétitivité d’un point de vente et qui répondent au plus près aux attentes identifiées des consommateurs.

Le magasin lieu de vie et de distraction.

La « soif d’accomplissement » est la première clé pour comprendre ces évolutions dans le secteur du commerce de proximité. Elle fait de la consommation un catalyseur d’identité individuelle, à laquelle ont su répondre des magasins comme Loisirs et Création, Nature et Découvertes, Truffaut ou encore Une Heure pour Soi.

Autre tendance forte : la recherche d’authenticité, teintée d’une certaine nostalgie, que l’on retrouve dans les décors traditionnels de L’Occitane, d’Origin’s, de Chevignon ou encore de Résonances, une enseigne qui propose des produits pour la maison et le bien-être inspirés des métiers artisanaux et des traditions populaires.

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Troisième tendance : la recherche d’émotions qui porte le consommateur vers des environnements d’achat ludiques, qui stimulent l’imaginaire et aiguisent la curiosité : Sephora avec son « bar à textures », Sephora Blanc avec son « espace-manège transculturel », Apache, Zara…

Tout cela sur fond de disparition progressive des frontières, de mélange des genres, de volonté de vivre de nouvelles expériences (y compris dans l’acte d’achat), d’estompage des limites entre le domicile et l’extérieur, le travail et le loisir et… entre la maladie et la forme. On ne s’étonnera donc pas de voir un magasin comme Colette vendre à la fois des vêtements, des disques, des objets de décoration, des cosmétiques, des livres tout en proposant un service de restauration original.

Ces magasins-concepts à forte identité, véritables lieux de vie et de distraction, ont le même but : retenir le consommateur le plus longtemps possible, favoriser le plaisir d’acheter, faire du magasin un support de communication et imprimer dans l’esprit de l’acheteur la « mémoire du lieu » pour le faire revenir. Leurs moyens ? Offrir l’espace, le confort, le plaisir de la déambulation, la convivialité, le service, des animations permanentes, du spectacle, une stimulation sensorielle, de l’émotion, des sensations…

Bien-être et disponibilité.

Chez Loisirs et Créations, cela se traduit par une ambiance de bien-être générée par le mariage des matériaux (bois, briques et carrelages en terre cuite) et un éclairage chaud qui respecte les couleurs. En guise de signalétique haute, des produits faits main. Le regard s’accroche aussi à des panneaux signalétiques événementiels qui présentent les accessoires et les étapes nécessaires à la réalisation d’un objet.

A l’intérieur du magasin, on progresse de boutique en boutique autour de la notion de loisirs créatifs (Arts du fil, Arts décoratifs, Perles, Activités enfantines…). Tout est à portée de mains et on ne résiste donc pas au plaisir tactile de les plonger dans les présentoirs de perles. Ce concept de magasin s’articule autour du service et de la spécialisation : fournitures nécessaires à la pratique d’une activité, livres de conseils et d’idées, kits de découverte, accessoires facilitant l’achat. Disponible, l’équipe est constituée de conseillères spécialisées dans chaque domaine.

Même disponibilité chez Résonances où les conseillers, vêtus de tabliers d’artisan rétro, déambulent dans les différentes boutiques : cuisine, salle de bains, quincaillerie, bricolage, librairie… Les meubles en bois clair avec une signalétique à l’ancienne encadrée de zinc alternent avec des photos en noir et blanc (tout en hauteur) symbolisant les métiers et proposent, outre les produits, des conseils de recette et d’utilisation. La librairie est traitée comme un salon bibliothèque avec des murs de livres, une table centrale et des canapés de cuir pour prendre le temps de choisir et de s’installer confortablement, la salle de bains bruit d’une eau serpentant le long d’un mur de carrelage.

Chez Colette, de grandes tables d’exposition constituent une invitation à les toucher. Une senteur de figue est diffusée pour imprégner la mémoire inconsciente des clients.

Le Flagship-Store Kenzo, dans l’ancien magasin de la Samaritaine, se veut quant à lui une invitation au voyage. S’inspirant des jardins intérieurs, avec un décor de fleurs géantes, il offre au regard des murs immaculés, des jeux de transparence, des vitrines non obstruées qui abolissent les limites entre intérieur et extérieur. Ambiance sonore différente à chaque étape, diffusion d’essences naturelles, fauteuils aux lignes douces et accueillantes : tout a été étudié pour donner au consommateur l’envie de prendre son temps. Le moindre décor a été pensé pour susciter l’étonnement, le plaisir de la découverte. On sent ici l’envie de supprimer les contraintes grâce au confort visuel et à un travail sur les sens en jouant la carte tactile, olfactive, acoustique…

Le facteur plaisir entre à l’officine.

L’officine ne s’est pas tenue à l’écart de ces nouvelles tendances. Certains agenceurs et quelques pharmaciens se sont d’ores et déjà ouverts à des notions comme le « fun shopping » et la polysensorialité. La Pharmacie Grand-Vitrolles, réalisée par Mobil M-Groupe Coupechoux, en est un exemple emblématique avec ses murs d’images, véritables incitations à la déambulation, le flottement presque tactile des voiles de son plafond en textile, ses sièges-bulles design qui ressemblent à des verres ballons, ses kakemonos qui se déploient comme des drapeaux, ses bornes-comptoirs cruciformes comme des points d’appel lumineux, ses textes signalétiques (« fièvre et douleur » en dégradés de gris et de noir traités en lettres grasses, « bien-être et détente » en dégradés de bleus traités en lettres graciles et aériennes).

« Nous sommes à l’écoute de tout ce qui touche à l’architecture contemporaine et à son actualisation dans les commerces de proximité, en particulier dans la confection qui reste un secteur de référence très ludique, commente Patrice Coupechoux, P-DG de Mobil M. Le facteur plaisir est entré en pharmacie où il se conjugue avec la rationalité du métier. Le but est de raconter une histoire, de théâtraliser le lieu de vente, de lui donner des rythmes en proposant au client des séquences, d’oser apporter des éléments visuels ou architecturaux en forme de clin d’oeil, comme des présentoirs-fleurs ou arbres de couleur acidulée, qui peuvent friser l’excentricité mais sans jamais perdre de vue la rentabilité et la promotion des produits. La Pharmacie Grand-Vitrolles a progressé de 25 % en six mois et le temps de présence du client dans l’espace de vente peut aller jusqu’à vingt minutes. » Mais ce que l’agenceur a fait à Grand-Vitrolles n’est qu’un début : « Avec un plafond qui monte à 4 mètres de hauteur et une surface de 35 m2, nous allons réaliser avant la fin de l’année une pharmacie au coeur de Madrid, qui sera une véritable cathédrale lumineuse. Nous envisageons aussi en France un agencement festif qui permettra des changements à vue : sa modularité autorisera le pharmacien à transformer entièrement son lieu de vente à chaque saison en changeant les ambiances murales et l’atmosphère de l’officine. »

S’inspirer du tissu socioculturel à l’officine.

L’introduction d’éléments visuels ludiques, décalés par rapport à l’image officinale habituelle, Pierre Botton (ETC Agencement) y a pensé aussi. Mais chez lui l’image prend une dimension culturelle : elle doit correspondre à un art de vivre local, illustrer une tradition, de manière à insérer l’officine dans son tissu socioculturel. Pour cela, il fait appel à une jeune créatrice, Aude Moynot, qui réalise un travail original sur l’image, la transparence et les jeux de lumières et qui compose des tableaux inédits en sortant des détails urbains ou des matières de leur contexte figuratif, de manière à traiter l’univers quotidien en oeuvre d’art.

Résultat : une porte en Plexiglas imprimé, représentant un détail architectural de la vieille ville de Saint-Bonnet-le-Château, entre deux linéaires de parapharmacie par exemple, pour amuser et étonner. Une réalisation qui orne aujourd’hui la porte d’accès coulissante menant à l’arrière-boutique et qui joue sur le décalage ludique d’une porte dans une porte. « L’art est et reste l’une des principales possibilités de fédérer les personnes qui fréquentent l’officine », estime Pierre Botton.

Pierre Botton a également proposé à une pharmacie de banlieue d’insérer au coeur des linéaires des compositions réalisées à partir des maillots signés par des footballeurs célèbres. Des audaces qui n’empêchent pas le respect d’une certaine tradition officinale : les clients sont amenés au comptoir par un parcours lumineux constitué de diodes encastrées dans le sol, ils croisent des images en trompe-l’oeil, mais ils arrivent dans un site de délivrance du médicament qui recrée un lien d’authenticité avec les sources culturelles de la profession (vieux pots en porcelaine, photos d’anciennes pharmacies, décor de bois…).

C’est cela aussi créer une ambiance, une identité, une filiation au sein d’un point de vente. « L’omniprésence d’un personnel spécialisé et identifié comme tel devient alors incontournable. Nous commençons à suggérer aux titulaires une identité vestimentaire en harmonie avec l’identité visuelle du lieu, et même une déclinaison en couleur en fonction de la boutique à laquelle est plus spécialement attaché tel ou tel membre de l’équipe. Je présenterai sans doute lors du prochain Pharmagora des vêtements conçus par de jeunes créateurs », continue Pierre Botton.

Flanerie en officine.

La démarche de Jean-Pierre Auchecorne (Interdesign) tend également à créer une identité visuelle propre au distributeur. Il s’agit de stimuler l’imaginaire tout en maintenant une identification facile du point de vente en cohérence avec l’exercice. « L’architecture est de plus en plus transparente, comme tendue vers le produit. Ce qui compte c’est l’ambiance et le rapport à la matière (sol, plafond, murs). Quelques exemples : les plafonds sont de moins en moins décorés et chargés, les carrelages sont surdimensionnés, avec des carreaux de 80 x 80 cm. Aucune concession n’est faite à l’inutile. Tout doit contribuer à stimuler l’envie de parcourir l’espace, à travers des détails qui induisent plaisir et confort. » Ces notions ont été actualisées au sein de la Pharmacie Loock à Villeneuve-d’Ascq (59), en cours d’achèvement, et qui présente différentes ambiances et boutiques reliées entre elles par un fil conducteur visuel : des toiles sur lesquelles sont projetées des images numériques (décors, paysages, promotions…) qui se déplacent à travers toute l’officine grâce à deux caméras.

L’objectif : faire entrer à l’officine des clients qui ne sont pas poussés par l’ordonnance et qui viennent ici faire du shopping comme dans tous les commerces liés aux loisirs ou au bien-être. « Nous avons généré ici l’envie de flâner, de passer d’une boutique à l’autre, de se sentir bien et de perdre un peu de temps : la notion de « crédit-temps » est essentielle. Il faut tout faire pour augmenter le temps de présence du client dans le point de vente. » Pour lui, l’officine doit devenir un espace de santé, de services, de dialogue et de… plaisir. « Il faut également multiplier les pôles d’expertise et les zones de test qui permettent une plus grande proximité avec les produits, de même que les espaces de démonstration et de découverte. Certains prévoient d’ailleurs à cet effet un budget communication annuel : un fait nouveau dans l’univers pharmaceutique. »

Délivrance spectacle.

Jeu, mise en scène, théâtralisation, Yves Fache (Opus) va sans doute encore plus loin en faisant de la délivrance du médicament, activité centrale de l’officine, un véritable spectacle. Pour ce faire, il a partagé son savoir-faire d’agenceur avec les connaissances techniques des installateurs de l’automate Apotéka (Mékapharm). Il s’agit pour lui de faire arriver les médicaments au comptoir par un tapis roulant dans un tunnel en Plexiglas – fabriqué par Boursin Pavitub – placé à 80 centimètres du sol, cheminant au coeur du linéaire de médication familiale. Le tunnel est entièrement illuminé par des lampes fluo diffusant de la lumière noire qui transforment les boîtages blancs des médicaments en cubes fluorescents bleus. Les comptoirs sont implantés perpendiculairement au linéaire et il n’y a plus de zone derrière le comptoir.

L’objectif : rapprocher physiquement le médicament du client et introduire une dimension ludique dans la délivrance. Tout ceci dans une stricte éthique professionnelle : le médicament doit rester inaccessible. Pour cela, Yves Fache envisage trois solutions : remplacer le linéaire par une photo Duratrans en hauteur représentant l’implantation des produits saisonniers – placés en tiroir, à proximité -, recouvrir chaque étagère à mi-hauteur d’une feuille Altuglas souple qui se déformera lorsqu’un médicament sera saisi par un membre de l’équipe, ou encore tenir les clients à une certaine distance par une bande d’interdiction en ruban rétractable entre deux poteaux chromés (un système identique à celui qui interdit la sortie aux caisses non occupées des hypermarchés). Quatre officines, dont la Pharmacie Sillam à Paris, devraient d’ici à février 2004 être équipées de ce système.

Bernard Galy et Richard Montant (Créateurs Artisans Réunis) ont également intégré dans leurs concepts d’agencement la dimension ludique et le besoin de confort en proposant aux clients de l’officine de véritables salons et en les plongeant dans des ambiances colorées inédites. En témoigne la Pharmacie Rabaud à Floirac, chaleureuse avec ses murs jaunes d’or (il fallait oser !), son salon d’attente et de lecture constitué de deux banquettes en demi-cercles, ses tables de présentation événementielle en bois, son coin enfants visible de partout grâce à des oursons, son comptoir-table pour la délivrance assise, son sol dessiné jaune et brun en Bolon, imitation du jonc de mer. Par ailleurs, la Pharmacie Rabaud possède désormais une véritable charte graphique et un marketing du point de vente fortement identitaires, avec le rappel sur tous les frontons signalétiques de la feuille de Ginkgo biloba, l’« arbre de vie ». « La problématique officinale aujourd’hui est de concilier et de valoriser deux univers paradoxaux : le médicament, antiludique au possible, et la parapharmacie qui relève de l’achat plaisir. D’où la nécessité de structurer fortement l’espace, pour pouvoir ménager l’image professionnelle et le service liés au médicament, et une mise en scène créative qui affiche sa différence sans s’éloigner totalement des standards correspondant à des modes de consommation acquis : présentoirs, gondoles d’incitation à l’achat, choix. Le produit reste extrêmement présent dans un univers et une architecture commerciale forts. »

La polysensorialité à petits pas.

Richard Montant estime aussi que le fond sonore deviendra rapidement indispensable à l’officine : « Non seulement il favorise la confidentialité mais, surtout, il facilite l’appropriation de l’espace d’achat et la déambulation en déstressant les clients. Il ne fait pas de doute que nous en viendrons à une sonorisation – discrète – par boutiques à l’intérieur du point de vente, et par cible de clientèle en fonction des produits exposés et des heures de la journée. On sera alors loin de ce qui se passe aujourd’hui entre la diffusion de CD personnels et la radio. »

Pierre Botton a tout de même identifié pour la pharmacie un certain nombre de freins à l’innovation, parmi lesquels la nécessité d’être à la pointe des nouvelles technologies (équipes spécialisées) et le coût de son intégration au sein de l’officine, qui reste malgré tout une PME : « Nous avons déjà envisagé la mise en place d’un linéaire entièrement interactif : la demande est formulée sur écran tactile au centre de l’officine ou au sein de chaque « boutique ». Les produits et frontons correspondants dans l’espace de vente et le linéaire sont éclairés simultanément pour guider visuellement le client vers l’offre adéquate. »

Ces nouveautés ne concerneront dans un premier temps que les grandes surfaces de vente (150 à 200 m2) et les officines automatisées réalisant au moins 3 millions d’euros de chiffres d’affaires. Une qualité de service high-tech qui ne se concevra, selon Pierre Botton, que dans des officines « éthiques », qui auront misé sur la qualité de service et non sur le discount.

Pierre Botton annonce également l’émergence dans un futur proche de pharmacies véritablement polysensorielles ou les produits en promotion seront aussi vendus par attractivité olfactive (diffusion de la senteur du produit ou de l’un de ses composants : vanille, lavande, cacao…) et où tous les produits pourront être essayés au sein de zones de test – avec point d’eau, lingettes, distributeur de serviettes – ou au sein du linéaire grâce à des tablettes amovibles avec testeurs selon les promotions et les besoins.

Pierre Botton appelle d’ailleurs de ses voeux une collaboration efficace avec les laboratoires de dermocosmétique, notamment pour la mise au point de testeurs monodoses qui résoudraient les problèmes liés à l’hygiène du test in situ.

Aux laboratoires …

Justement, les laboratoires ne sont pas en reste vis-à-vis des nouvelles tendances. Darphin, par exemple, travaille depuis près d’un an à la conception d’un corner événementiel fondé sur le service et la polysensorialité (changement de visuels à vue, ambiance lumineuse avec variateurs, diffusion de fragrances, minisoins tactiles ludiques…). Un agenceur italien a été sollicité pour réaliser un prototype. Alfonso Maligno (Interior Architecture) a déjà réalisé quelques agencements en France dont la Pharmacie Roset-Petit à Lyon.

Alfonso Maligno affirme partir à la recherche des sens pour satisfaire un consommateur qui aujourd’hui veut voir, entendre, toucher, sentir, goûter. « L’émotion devient un moteur essentiel de la consommation : pour être complet, le plaisir doit concerner tous les sens. Le bien-être, l’émotion, l’épanouissement individuel deviennent des revendications importantes des consommateurs. Comme les produits, les points de vente de l’avenir devront proposer des sensations à leurs visiteurs et être en mesure de les renouveler en permanence. Cela implique pour les agenceurs de créer des espaces esthétiques, ludiques, conviviaux et originaux. Dans un contexte général où le monde virtuel tend à compléter et même parfois remplacer le monde réel, les produits et les biens deviennent plus abstraits. Les valeurs ajoutées immatérielles, impalpables, jouent un rôle de plus en plus important dans les attentes des consommateurs. Les produits présentés doivent être mis en scène, « animés », au sens étymologique du terme, c’est-à-dire dotés d’une âme. La dynamique de l’espace doit avoir pour ambition de réenchanter le quotidien de ceux qui le visitent en véhiculant des valeurs de réassurance : authenticité, transparence, vérité, vertu. »

L’agenceur italien propose donc aux titulaires de revisiter l’ambiance et l’identité de leurs points de vente, loin des standards habituels de ce qui se fait actuellement. La Pharmacie du Soleil à Saint-Etienne (42), en cours d’agencement par Interior Architecture, s’organisera par exemple autour d’un centre conçu comme une véritable place de village, lieu de rencontres et de découvertes. Le corner Darphin, quant à lui, pourrait se présenter comme une vague lumineuse changeant d’ambiance visuelle en fonction des saisons, des services et des promotions proposés par le titulaire.

Et la déontologie ?

On le voit, l’agencement officinal est aujourd’hui à un tournant, poussé par l’évolution rapide des consommateurs. Les points de vente deviennent eux-mêmes des produits au regard de leur impact sur l’acte d’achat, non plus uniquement des sites de vente mais des espaces de séduction qui donnent un nouveau sens aux achats. Une question de fond demeure : comment les clients des pharmacies, qui viennent d’abord pour se soigner, réagiront-ils ? Accepteront-ils de faire du « fun shopping » dans une pharmacie ? Cultiver l’art de la séduction ne risque-t-il pas d’écorner son image de sérieux ? Donner du plaisir est-il compatible avec la déontologie ? Réponses dans quelques années…

A retenir

PLAISIR. « Soif d’accomplissement » des consommateurs ou « façonnage » issu du marketing, le principe des « magasins-concepts » est une réussite. Objectifs : que le client éprouve du bien-être dans le magasin… et qu’il y reste le plus longtemps possible. Le client garde la « mémoire du lieu ».

PHARMACIE.

Cette tendance commence à toucher le commerce de proximité et entre à l’officine. La notion de forme s’y substitue à la notion de maladie. Le principe d’extrême disponibilité développé par les magasins-concepts s’y retrouve à via un accroissement des services et du dialogue.

FREINS.

Ce concept de magasin est notamment basé sur le jeu des nouvelles technologies et coûte cher. Deux écueils pour l’intégrer à l’officine.

DÉONTOLOGIE.

Ici, le point de vente devient lui-même un véritable produit. Le « fun shopping » est-il compatible avec la spécificité des officines et l’image de sérieux du médicament ? Les patients en jugeront.