L’expérience du terrain
Le 12 octobre dernier, le TFR faisait son entrée officielle dans les officines. Deux mois après, nous avons voulu savoir comment vous avez véçu sa mise en application au comptoir. Témoignages.
Avec l’arrivée effective du TFR à l’officine, la tâche s’annonçait ardue : expliquer aux patients qu’une partie du prix du médicament serait désormais à sa charge. Finalement, tous les laboratoires concernés, sauf sept (lire page 11), ont décidé d’aligner leur prix sur celui du TFR. Du coup, c’est tout l’argumentaire préparé par les officinaux qui est tombé à l’eau. « Nous avions patiemment prévenu les clients qu’il faudrait qu’ils passent aux génériques à l’arrivée du TFR sous peine de payer une partie non remboursée, explique Michèle Sevellec, titulaire à Bordeaux. Nous étions en pleine contradiction. Nous continuons à substituer comme avant et, désormais, nous ne parlons plus du TFR. »
Globalement la pilule est bien passée auprès des clients. Les explications liées au TFR n’ont pas été nécessaires outre mesure. « Les patients avaient bien été informés en amont par la presse et les médias grand public », constate Richard Riquelme, titulaire à Paris. « Les clients ont compris les enjeux et le principe du TFR, mais ils ont aussi l’impression qu’il s’agit d’économies de bouts de chandelle, que les vrais gaspillages sont ailleurs, et chacun trouve évidemment sa propre consommation de médicaments toujours raisonnable », remarque Alain Laurenti, pharmacien à Serverette (Lozère). « Ce que les gens ne comprennent pas, c’est pourquoi on n’a pas obligé les laboratoires à baisser leurs prix avant plutôt que de mettre en place le TFR. Moi je n’hésite pas à leur répondre que c’est parce que tout ça est fait par des gens qui n’y connaissent rien ! », tranche Christelle Bertholom, titulaire à Trégunc (Finistère). « Pour nous, la mise en place du TFR était prévisible et ne change en rien nos habitudes de délivrance, confie Philippe Gaydier, titulaire à Lille (Nord). Nous n’avons même pas besoin de l’évoquer ou d’en parler puisque nous atteignons un taux de substitution proche de 100 % quand le princeps est généricable. De toute façon, les gens refuseraient de payer le moindre supplément. A tel point que même en automédication ils demandent un sirop générique ! »
La santé n’est plus gratuite.
Comme en matière de circulation routière ou de lutte contre le tabac, le gouvernement a trouvé l’arme absolue : s’en prendre au portefeuille. « Comme par hasard, dès qu’il s’agit de payer quelque chose les gens ne sont plus malades !, note Patrick Gaillat, titulaire à Thiers (63). Pour les Français, la santé doit être gratuite. » Une remarque confirmée par une étude d’IMS Health réalisé fin octobre auprès de 1 000 patients. A prix égal, 70 % d’entre eux disent ne pas avoir de préférence pour le médicament de marque et 81 % déclarent opter pour le générique pour ne pas avoir à supporter le surplus financier si le princeps est plus cher. « Les gens ne veulent rien payer et recherchent les prix les moins chers en permanence », confirme Michèle Sevellec.
Comme toujours, il faut bien des exceptions pour confirmer la règle. « J’ai principalement une clientèle de personnes âgées très réfractaires aux génériques. L’arrivée du TFR n’a pas changé leur opinion et ils acceptent de payer la différence sans difficulté. Ils sont résignés », regrette Georgette Aujames, titulaire à Châlons-en-Champagne (51), département pourtant leader de la substitution depuis 1999. Daniel Brunaud, titulaire à Mainsat (23), fait le même constat : « Le TFR, ça aide pour ceux qui refusaient les génériques. Mais ce n’est pas un encouragement à substituer, surtout ici où il y a une population âgée et où la plupart des médecins n’ont jamais cessé de prescrire des princeps. »
La belle unanimité des patients sur les mérites de la substitution et des TFR, affichée jusqu’ici, pourrait bien se fissurer. La visite médicale, partie en contre-attaque, semble marquer des points. « Les patients de certains cabinets médicaux, toujours les mêmes d’ailleurs, nous répètent ce que le médecin leur a dit, qui le tient lui-même d’un visiteur médical : votre médicament habituel n’a pas changé de prix ! », s’énerve Patrick Gaillat. « Sur certains produits comme le Renitec ou le Lexomil, on ne voit plus de prescriptions en DC. C’est certain, la visite médicale est passée par là », témoigne un pharmacien du centre de la France.
Le TFR est « généricide ».
C’est donc peut-être seulement aujourd’hui que démarre la bataille du générique. Car si depuis le mois d’octobre, les ventes de génériques se sont littéralement envolées, y compris dans les groupes soumis à TFR, c’est sans doute parce que les laboratoires n’avaient pas encore eu le temps de riposter. Si des jours plus difficiles se profilent, pour le moment les pharmaciens substituent tous azimuts… et parfois plus. « Lorsqu’on me demande un princeps parce qu’il est au même prix, je dis que je n’en ai plus. Chez moi, c’est le générique ou rien ! », impose un titulaire de la région Ouest. « Je ne référence plus aucun des princeps qui ne sont pas au TFR, témoigne un autre officinal. Je n’ai ni Pevaryl ni Avlocardyl en stock. »
Au final, le TFR n’a pas changé grand-chose au quotidien des pharmaciens au comptoir et leur opinion sur cette mesure n’a pas non plus évolué : elle tuera le générique. « Elle est inefficace, assure Alain Laurenti. Mettre sous contrôle les médecins et les pharmaciens qui ne substituent pas aurait eu un impact cent mille fois plus important que le TFR pour développer les génériques. » Quant à une éventuelle nouvelle vague de TFR, elle est, doit-on le préciser, rejetée en bloc.
A noter
BIZARRERIE
L’unique générique du Nalcron a un prix de vente supérieur au TFR. Allez donc expliquer à votre patient qu’il doit payer de sa poche pour obtenir un générique alors qu’on lui explique depuis des mois qu’avec le générique il ne paiera rien…
LES NEUF PRINCEPS QUI N’ONT pas ALIGNÉ LEUR PRIX SUR LE TFR :
Nalcron, Profénid et Corvasal (Aventis), Surgam (Grünenthal), Tagamet (Axcan), Pevaryl (Janssen-Cilag), Fludex (Euthérapie), Avlocardyl (AstraZeneca), Timoptol (MSD).
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