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L’éducation de proximité pour vaincre le diabète
Hélène Degraeve ne fait pas les choses à moitié. Non contente d’avoir créé les seuls ateliers d’éducation thérapeutique au diabète en Haute-Garonne, cette pharmacienne a mis en place un point conseil au sein même de son officine, pour rompre l’isolement des patients diabétiques face à leur traitement.
En pied d’immeubles, la Pharmacie Degraeve accueille les habitants d’un quartier populaire de Muret, une commune située au sud de Toulouse. C’est là qu’Hélène Degraeve exerce avec passion son métier depuis 28 ans maintenant. Et la pharmacienne met un point d’honneur à connaître ses patients. Ici, on se salue, on échange des nouvelles, la vie de quartier a encore un sens et l’officine y prend toute sa place.
C’est en se tenant ainsi à l’écoute des clients qu’Hélène Degraeve a senti, il y a une dizaine d’années, que la progression du diabète posait de réels problèmes. « Le nombre de diabétiques augmentait sensiblement, les gens venaient à la pharmacie pour demander du matériel et des conseils. Je me suis alors rendu compte que je manquais de connaissances sur cette maladie. De plus, entre l’hôpital et le retour à la maison, aucun suivi n’était mis en place et le patient se retrouvait seul face à son traitement. » Avec un mari médecin hospitalier et qui traite justement le diabète, Hélène Degraeve était bien placée pour constater le manque de liens entre l’hôpital et l’officine.
Partager la parole et les expériences
« A cette époque, les réseaux de pharmaciens commençaient à se développer et une réflexion s’est engagée avec l’hôpital. J’ai participé à une étude sur la mise en place de groupes d’éducation thérapeutique pour permettre aux patients de comprendre et de s’approprier la maladie. Avec le soutien de deux diabétologues de Muret, nous avons pu réunir une équipe de praticiens volontaires. En 2003, les premiers ateliers d’éducation thérapeutique étaient lancés, en lien avec le réseau Diamip (l’association Diabète Midi-Pyrénées) et Pharmasoins-31, association de pharmaciens qui agit pour créer des liens entre les services hospitaliers et les professionnels de santé. » Quatre ateliers démarrent, grâce à deux médecins retraités, deux infirmiers, une diététicienne et, bien sûr, Hélène Degraeve. « Un travail d’éducation axé surtout sur le diabète de type 2, le moins bien pris en charge. Nous voulions donner aux malades les clés indispensables pour savoir ce qu’est vraiment cette maladie, comment résoudre les problèmes qu’elle engendre, comment la traiter. Avec une dimension très importante : le partage de paroles et d’expériences. »
Encore fallait-il informer les patients et les sensibiliser à l’intérêt d’une telle démarche. Les officines ont joué là un rôle important, en lien avec les médecins du secteur. Aujourd’hui, le système est bien rodé. Des ateliers interactifs sont proposés tous les deux mois sur deux communes (Muret et Carbonne), autour de quatre thèmes : « Alimentation », « Activité physique », « Podologie » et « Comprendre son diabète ». Ils sont animés par une équipe de professionnels libéraux : généraliste, diabétologue, diététicienne, infirmière, podologue. « Il s’agit d’un travail d’équipe avec des interventions très complémentaires », se félicite Hélène Degraeve, qui ne ménage pas son temps pour faire vivre ce réseau unique en Haute-Garonne. Aujourd’hui, les ateliers font le plein. « Ils accueillent dix personnes par séance, qui peuvent venir avec leurs conjoints. Les participants sont beaucoup plus informés et responsables mais ils sont très contents de venir bénéficier de conseils pratiques et échanger avec d’autres malades. Ils se sentent moins isolés et savent que nous sommes à leur écoute. » Suivre son traitement au quotidien, mieux consommer les glucides, s’occuper de ses pieds, pratiquer une activité physique sont autant de notions qui ne restent plus théoriques mais s’incarnent dans le vécu de chacun.
Un autre regard porté sur le pharmacien
Si le réseau a aujourd’hui trouvé sa vitesse de croisière, le monter et l’avoir fait vivre n’a pas été une sinécure. Les praticiens sont rémunérés grâce à une subvention de l’agence régionale de l’hospitalisation. Hélène Degraeve, elle, est entièrement bénévole. « J’y consacre beaucoup de temps et la pharmacie n’y gagne rien sur le plan matériel. Mais j’ai appris énormément au contact de ces patients et, au travers de ces rencontres, je peux faire passer des messages sur le rôle du pharmacien. On devient spécialiste du diabète aux yeux des clients, ce qui enrichit notre image d’acteur de la santé. Je regrette simplement le manque d’implication des instances ordinales dans ce type de démarche qui devrait être soutenue et encouragée. D’autant qu’il n’existe aucune reconnaissance officielle des pharmaciens dans ce réseau. D’autre part, tout le travail fait dans l’officine en termes de conseil et de délivrance n’est pas rémunéré. Il faudra trouver un système pour prendre en compte ce type de compétences. »
La titulaire implique ses deux assistants. « Ils ont participé à des ateliers et se sentent très concernés, comme toute l’équipe d’ailleurs, qui compte neuf personnes au total. Un point conseil est installé dans l’officine avec lecteur de glycémie. » C’est tout un suivi qui est proposé en pharmacie : réglage des appareils, interprétation des courbes, écoute des besoins individuels, explication des modes d’action des médicaments, conseils alimentaires. Un kit d’autosurveillance est également mis à disposition des patients avec toutes les informations nécessaires.
Trois ans de combat pour collecter les déchets de soins
Jamais à court d’idées, Hélène Degraeve a enfourché un autre cheval de bataille depuis : la collecte des déchets à risques infectieux émanant des personnes en autotraitement. Durant trois ans, elle s’est battue pour convaincre les élus de la communauté d’agglomération du Muretain de l’utilité d’organiser le ramassage et le traitement de ces déchets. L’idée a finalement fait son chemin et la structure intercommunale a accepté de financer ce service très apprécié, qui représente un coût de 1 500 euros seulement pour l’année. Ainsi, les officines peuvent proposer des boîtes gratuites permettant la récupération sans danger des aiguilles à insuline. A charge bien sûr pour les personnes concernées de porter les boîtes hermétiques à la déchetterie. Là encore, les officines jouent un rôle d’information essentiel.
Et comme si tout cela ne suffisait pas, Hélène Degraeve tente aujourd’hui d’initier un réseau pour les malades de l’hépatite C sur le modèle de Diamip. « Bien sûr, tout cela demande un investissement important, mais je ne regrette pas cette aventure. C’est une manière de défendre notre profession, de montrer que le pharmacien peut être le lien indispensable entre soignants et patients. Et quand les acteurs de la santé arrivent à travailler ensemble, on peut faire tellement de choses utiles. »
Envie d’essayer ?
Les avantages
– Une meilleure connaissance de la maladie et des traitements.
– Plus de proximité et de compréhension vis-à-vis de ses patients.
– Une autre vision du pharmacien : le patient se sent plus sécurisé, plus confiant.
– Une compétence reconnue par les médecins
Les difficultés
– Pas de reconnaissance officielle du rôle du pharmacien dans ce réseau, ni de rémunération.
– Beaucoup de travail de préparation et d’organisation.
– Il faut en outre pouvoir se libérer de l’officine quatre heures par mois.
Les conseils d’Hélène Degraeve
– « Il est indispensable de réactualiser ses connaissances, en lien avec les différents réseaux de praticiens ou de pharmaciens. »
– « Il est important de se rencontrer, de se connaître pour engager des réflexions communes sur la prise en charge des patients après l’hôpital. »
– « C’est en partant des besoins particuliers que l’on peut organiser une éducation qui serve à tous. L’écoute et le partage de la parole sont des éléments essentiels de l’éducation de proximité. »
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