Interpro Réservé aux abonnés

Déréglementation : observez les LABM pour vous préparer

Publié le 26 janvier 2008
Mettre en favori

Concentration du réseau, multiplication des SEL, offensive des grands capitaux sur une profession également sous le coup d’une procédure d’infraction de l’Europe, menace sur l’indépendance professionnelle… Les similitudes sont nombreuses entre l’officine et la biologie privée. Sauf que les laboratoires d’analyses de biologie médicale (LABM) sont déjà dans le grand bain jusqu’au cou. Un précieux éclairage pour l’officine en cette période de mutations.

Sur les montages des SEL, la biologie est en avance de 10 ans sur la pharmacie d’officine », indique Robert Desmoulins, président du conseil central de la section G de l’Ordre. Bien avant l’officine, la biologie s’est en effet lancée dans une consolidation de ses structures et une concentration financière. Alors que l’essor des SEL est récent en pharmacie (le début des années 2000), les biologistes se sont engagés dans une course à la taille critique (par croissance externe) et à la régulation économique dès 1990.

Ce changement d’échelle est devenu perceptible avec la multiplication des plateaux techniques dont la capacité de traitement n’a plus rien à voir avec le caractère artisanal du laboratoire d’antan. Les SEL multisites et les chaînes ont pris le pas sur les autres formes d’exploitation (SCP, par définition monosite, laboratoires individuels). Ainsi, par exemple, sur la Côte d’Azur, 5 SEL détiennent 21 laboratoires, appelées maintenant à se chaîner.

Ces mégastructures apparaissent comme la plus récente évolution d’un processus commencé il y a donc près de 20 ans. Le ferment de cette évolution : la lutte contre la baisse de la profitabilité, dans un contexte paradoxal de valorisation excessive des fonds. L’objectif à court terme est de restaurer la profitabilité des LABM. A long terme, pour certains de ceux qui créent des réseaux de SEL, il est aussi capitalistique – pour ne pas dire hégémonique.

L’« extraordinaire imagination » des biologistes

A l’heure actuelle, plus d’un millier de SEL se sont créées, rassemblant plus de 2 000 laboratoires (sur un total de 4 900). Les disparités de taille entre LABM sont saisissantes. Un monde sépare maintenant des structures quasi industrielles dont l’activité est supérieure à 100 millions d’euros de chiffre d’affaires et un laboratoire isolé qui réalise 400 000 euros et qui, lorsque son directeur aura atteint l’âge de la retraite, sera condamné à fermer.

Ces nouveaux modèles d’exercice de la biologie sont centrés sur l’efficacité économique. « Les montages juridiques utilisés sont extrêmement complexes et vont au-delà de l’apparence de la SEL à cinq sites autorisée par la loi », indique Philippe Taboulet, expert-comptable (cabinet Audit Révision Conseil), lequel se dit étonné par l’extraordinaire imagination déployée par certains biologistes pour monter des groupements de laboratoires et monétiser leur capital dans d’excellentes conditions. « L’acquisition de parts de SEL s’effectue de plus en plus par une autre SEL qui n’hésite pas en surenchérir », constate Philippe Taboulet. La SEL devenue mère dispose déjà de sa propre activité de biologiste et peut posséder quasiment 100 % du capital de la société fille, alors que le biologiste entrant dans une structure SEL ne pourrait acquérir que 25 % via une SPFPL holding, inopérante aujourd’hui puisque le décret, comme pour l’officine, n’a pas paru. Ce type d’acquisition mère/fille préfigure souvent des fusions de confrères. Mais ces opérations sont aujourd’hui contrariées par la loi qui limite la propriété des SEL à 5 LABM. Ainsi, le nombre de sites possédés par les SEL peut faire échec à la fusion et contraindre deux SEL à rester sous le régime mère/fille.

Les regroupements : un levier de rentabilité

Le réseau français de biologistes libéraux est le plus dense et le plus dispersé d’Europe. Les regroupements de LABM s’imposent donc, à la fois pour des raisons techniques et économiques. Pour les pouvoirs publics, et dans l’esprit de beaucoup de biologistes, la recomposition de cette profession en unités plus rationnelles et modernes, mais moins nombreuses, entraîne obligatoirement des gains de productivité, lesquels peuvent ensuite être récupérés en partie par l’assurance maladie par une baisse de la cotation des actes de biologie.

Les regroupements se sont donc encore accélérés en 2007. Ces fusions ont pris le pas sur les acquisitions. La diminution de la rentabilité mais aussi les enjeux et contraintes accrues de la qualité poussent le biologiste à la recherche de synergies avec d’autres confrères et de rationalisation de son activité. « Le prix et la qualité des analyses deviennent les questions principales, l’émiettement des laboratoires ne peut y répondre, alors que les fournisseurs de la profession eux-mêmes se concentrent », explique Philippe Taboulet.

Publicité

Ces fusions se traduisent par la fermeture de sites qui ne sont pas assez actifs et rentables au regard de ce qu’elles coûtent en charges d’exploitation. Mais aussi par une réduction du nombre de biologistes au sein de la nouvelle entité, car l’autre motivation des fusions est le dégraissage en diplômes. « Le départ d’un biologiste peut en effet créer un levier d’amélioration de la rentabilité des diplômes restants, c’est aussi pour cela que le prix demeure élevé », précise Philippe Taboulet. La nouvelle structure rentabilise mieux les outils de travail en mettant en commun les spécialités, tandis que chaque biologiste se partage la responsabilité et le travail de l’ensemble. Ce phénomène de concentration aboutit à la mainmise complète d’investisseurs sur des groupes de SEL fusionnées dans une structure hiérarchique qui sert de tête de pont. La concentration de la profession pourrait conduire, selon l’expert-comptable, à une réduction de moitié du nombre de laboratoires en France dans les 5 à 10 ans à venir.

La baisse des coûts de structure devrait entraîner celle de la lettre B mais augmenter le prix du ticket d’entrée dans la profession, d’où la tendance à acquérir en SEL. Car le prix d’acquisition des parts est moins déterminant sous cette forme juridique, l’investissement se finançant par l’exploitation courante et la SEL profitant de leviers juridiques, financiers et fiscaux. De plus, la rationalisation des LABM et l’optimisation des moyens engagés (matériels et humains) compensent le prix acquitté.

La réalité du marché européen et les nouveaux déficits, qui accroîtront encore plus la pression tarifaire, donnent la faveur aux regroupements et expliquent que certains devancent les événements par des actions sur le terrain. « Avec une révision annuelle de la nomenclature à près de – 4 %, l’élimination va être naturelle et rapide », prédit Philippe Taboulet. Selon lui, les conditions d’une accélération nouvelle de la concentration de cette profession sont réunies, appelant une évolution de la réglementation.

Des investisseurs extérieurs aux dents longues

Sans attendre le libéralisme annoncé sous l’effet de l’Europe, le marché rentable de la biologie française a déjà attiré de nombreux prédateurs non biologistes qui peuvent légalement entrer dans le capital jusqu’à hauteur de 25 %, mais qui aimeraient bien faire sauter cette limite. Pour contourner celle-ci, les montages mis en place sont très ingénieux.

Labco, un de ces grands acteurs économiques, est déjà bien implanté : il possède 150 laboratoires dont 70 en France (1 600 collaborateurs, 240 millions d’euros de CA, présence en France, Italie, Espagne, Allemagne et Portugal). La holding Labco est détenue par des biologistes fondateurs, des managers et des investisseurs. Elle détient 25 % des parts des premières SEL exploitées et les 75 % restantes sont détenues par les biologistes en exercice, et ainsi de suite, en cascade, mais avec un montage de « SEL fille » avec 99 % pour la SEL et 1 % aux biologistes en exercice. Un pacte d’associés et les statuts garantissent la remontée du résultat à la holding.

Autre acteur présent : Unilabs/Capio (50 laboratoires dont 9 en France, 1 800 collaborateurs, 250 millions de CA, présence en France, Suisse, Portugal, Espagne). Sa politique d’implantation est basée sur le démembrement de propriété : nue-propriété au biologiste, lequel reste associé avec le droit de vote associé et usufruit au laboratoire investisseur vers lequel remontent les profits. En fait, deux entités mères, Unilabs France et Unilabs Suisse, détiennent les SEL en pleine propriété et les biologistes y exerçant détiennent 75 % en nue-propriété. « Une seconde technique de contournement permet de transférer de façon insidieuse la propriété des laboratoires à un groupe financier : la création au sein des SEL d’obligations convertibles en actions », dénonce Robert Desmoulins.

Un troisième intervenant, la Générale de santé (22 laboratoires en France), développe une autre stratégie reposant sur le rachat de laboratoires ayant des contrats d’exercice avec des cliniques.

Par ailleurs, l’article 5-1 de la loi MURCEF, en élargissant l’actionnariat majoritaire des SEL aux personnes morales, est utilisé comme cheval de Troie par des multinationales installées hors de France pour prendre le contrôle de SEL de laboratoires. C’est ainsi qu’une société de biologie espagnole a pu acquérir 99 % du capital de plusieurs SEL installées en France. La section G de l’Ordre souhaite refermer au plus vite la brèche ouverte en 2001 par la loi MURCEF pour que la propriété de l’outil de travail demeure le socle de l’exercice libéral du biologiste. Pour que son voeu soit exaucé, il suffirait, conformément à la loi Dutreil d’août 2005, que le gouvernement prenne un décret spécifique à la biologie libérale ayant pour effet qu’au moins la moitié du capital social des SEL soit détenue par les biologistes qui y exercent.

« Ces sociétés de biologie exploitent la peur des biologistes qui sont désemparés devant l’évolution actuelle, et proposent le jackpot à ceux proches de la retraite en leur faisant une offre d’achat de leur laboratoire à 130 %, rapporte Florence Bérard, biologiste en région parisienne. Si on voulait appliquer aux pharmaciens un système de regroupement, cela serait sans doute moins facile puisqu’on ne sous-traite pas encore le fait d’aller chercher ses médicaments à la pharmacie, donc ce réseau est davantage verrouillé. »

Pour le principal syndicat professionnel, le Syndicat des biologistes (SDB), et l’Ordre, il ne fait aucun doute que ces sociétés financières revendront en bloc et à prix d’or leur réseau de laboratoires à un autre investisseur. « Pour le moment, les premiers investisseurs ne sont pas regardants et ne demandent aucun compte au biologiste sur l’organisation et la rentabilité du système, mais le poids du capital entrera dans le fonctionnement du LABM dans un deuxième phase », prédit Jean Benoit, président du SDB.

Intrusion européenne dans l’exercice libéral héxagonal

L’Europe s’est invitée à ce débat en 2004, suite à une plainte d’un laboratoire allemand à qui il avait été refusé d’exercer la biologie en France. Bruxelles demanda des explications mais l’Etat français ne répondit pas dans les délais. Ce qui devait arriver arriva : en avril 2006, un avis motivé de l’Europe vint « chatouiller » la biologie française sur la non-conformité des dispositions adoptées par la France pour permettre l’entrée des laboratoires européens. Puis, le 12 décembre 2006, la France reçut un nouvel avis motivé de la Commission européenne à propos de la réglementation sur les SEL de LABM. Bruxelles considère que la loi du 31 décembre 1990, qui plafonne à 25 % la détention du capital social par des non-biologistes et à 2 le nombre de SEL dans lesquelles des participations peuvent être prises, constituerait une entrave à l’exercice de la liberté d’établissement consacrée par l’article 43 du traité de l’Union. La France avait jusqu’au 12 février 2007 pour faire parvenir sa réponse. Les biologistes ne sont pas les seuls inquiets, car les suites qui seront données à cet avis toucheront potentiellement l’ensemble des professions libérales, dont les officinaux. Le risque ? Ni plus ni moins la prise de contrôle des SEL par des groupes financiers et la perte d’indépendance des professionnels de santé.

Des négociations sont en cours avec Bruxelles depuis février 2007. Entre-temps, un décret d’application relatif aux transmissions d’analyses aux laboratoires européens a été publié le 19 octobre dernier. Pour autant, le responsable reste le préleveur (le point le plus sensible reste l’acte de prélèvement qui ne peut être automatisé). Ce décret risque d’entraîner une remise à plat des règles de fonctionnement des LABM et pose une question grave : la France va-t-elle devenir uniquement une zone de prélèvement ? Le mouvement est malheureusement déjà en marche. « Dans le Sud-Ouest, des LABM se sont rapprochés techniquement de laboratoires espagnols en passant des accords techniques d’échange d’analyses qui peuvent être le premier temps d’une collaboration future plus étendue », signale Christophe La Rosa, biologiste. Ces transferts d’activité se répandent aussi en Alsace : des laboratoires allemands démarchent des petits LABM frontaliers depuis qu’ils sont autorisés à exercer la biologie en France et que leurs actes sont remboursés par la Sécurité sociale. Et maintenant, les sollicitations s’étendent au reste de la région.

L’état français plaide pour de grosses structures

Le futur proche devrait donner raison à Philippe Taboulet : 2008 sera une grande année de réforme pour la biologie libérale, tant dans son mode d’organisation que dans son fonctionnement. « Les structures au 31 décembre 2008 n’auront plus rien à voir avec celles au 31 décembre 2007 », avance-t-il.

Une vaste réflexion de fond est engagée avec le ministère de la Santé sur l’évolution de la biologie afin notamment de mieux adapter la réglementation actuelle (normes) qui complique le fonctionnement des laboratoires et de donner aux laboratoires de ville qui le souhaitent la possibilité de mieux s’organiser. Ces évolutions réglementaires devraient encore accélérer la recomposition en marche de la profession.

En attendant l’Europe, c’est l’Etat lui-même qui ouvre les portes du libéralisme, au travers d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) où les courants libéraux l’emportent sur la logique de l’encadrement. Pour l’IGAS, la réglementation doit faciliter la constitution d’entités d’une taille suffisante pour permettre les investissements nécessaires dans la qualité et les économies d’échelle.

Le rapport prône l’émergence de plateaux techniques communs et puissants, la satellisation des centres de prélèvements autour du plateau technique référent et l’ouverture du nombre de laboratoires au sein d’une SEL au-delà de 5.

Les syndicats souhaitent organiser ce développement plutôt que laisser perdurer des montages désordonnés qui aujourd’hui favorisent les plus financiers de la profession. Le SDB plaide en faveur d’une libéralisation encadrée du système. « La SEL doit devenir une unité d’exercice au sein de laquelle chaque biologiste est coresponsable de l’ensemble de l’activité des laboratoires de la SEL », expose Jean Benoit. Il est urgent, selon lui, de libéraliser le fonctionnement à l’intérieur de la SEL pour pouvoir monter des plateaux techniques spécialisés performants.

Le SDB souhaite faire sauter la règle du 40/60 (40 % de l’activité sur place, 60 % de l’activité envoyés) au sein de la SEL et maintenir ce quota de transmission dans le cadre des contrats de collaborations entre laboratoires. Le SDB demande encore que les SEL puissent regrouper jusqu’à 10 laboratoires et que les biologistes puissent prendre des participations dans 2 SEL. Et ce de manière à pouvoir constituer des groupes de 10 ou 20 laboratoires parfaitement performants et capables d’assurer leurs investissements, l’assurance qualité, la formation continue… et constituer ainsi des pôles régionaux.

Toutefois, Jean Benoit est conscient de la nécessité et de la difficulté à conserver au sein de cette nouvelle organisation une activité minimale dans chaque laboratoire et, à l’intérieur, la présence d’un biologiste en contact des patients et des médecins. Pour sauvegarder l’essence du métier et éviter la création de structures fantômes qui fonctionneront comme de véritables guichets d’usines. Jean Benoit demande enfin un rôle accru du biologiste dans l’équipe de soins assorti de contraintes et d’obligations. « Le biologiste doit devenir un référent du médecin pour l’interprétation des résultats, pour le choix des tests à réaliser, désire-t-il. Il faut aussi qu’il puisse intervenir sur la prescription pour la rendre conforme à la nomenclature et à des référentiels de prescription en biologie. »

Si le gouvernement ne légifère pas dans ce sens, le président du SDB craint que les offensives des nouveaux entrants, bien décidés à se tailler des territoires en multipliant les centres de prélèvements, parviennent à leurs fins et que ces modèles capitalistiques plombent les prix des analyses à terme.

Demain, des libéraux transformés en prête-noms ?

Les unités les plus petites et les laboratoires mal gérés risquent d’être les premières victimes de ces tendances lourdes. La rupture sera encore plus marquée demain entre les structures performantes à taille et rentabilité respectables, les unités les plus modestes, quasi invendables, et, au milieu, les unités de taille intermédiaire appelées tôt ou tard à évoluer vers des structures plus importantes si elles veulent continuer à jouer un rôle. « A terme, la fusion restera inévitable et la taille de l’unité juridique s’imposera, affirme Philippe Taboulet. Dans la pratique, les structures de moyens du type GIE et SCM pourront constituer des étapes intermédiaires à ces évolutions, mais le coeur de l’organisation sera le pouvoir du plateau technique par rapport à ses centres collecteurs. »

De fait, les jeunes biologistes hésitent aujourd’hui à reprendre des structures isolées et préfèrent investir dans des structures d’avenir, même si leur détention dans le capital se dilue. « Les unités importantes sont recherchées car elles correspondent à des parts de marché et à une rationalisation de la SEL », poursuit Philippe Taboulet. Forcément, le ticket d’entrée est plus cher. Cependant, l’Ordre s’inquiète d’une dilution excessive de leur exercice qui pourrait à terme transformer les professionnels libéraux qu’ils sont en une sorte de prête-nom au sein d’une structure de nature essentiellement capitalistique. « Un biologiste peut posséder 99 % d’une SEL dans laquelle travaille un autre biologiste avec 1 % des parts. » Et ainsi de suite, par le jeu des SELAS, des biologistes sont aujourd’hui à la tête de « baronnies » de 15 ou 20 laboratoires.

Pour mettre fin aux montages en cascade et aux dérives expansionnistes qui portent une atteinte grave à l’indépendance des directeurs de laboratoires, Robert Desmoulins demande à ce que les prises de participation directes et indirectes par des personnes physiques et morales soient limitées à deux.

La section G de l’Ordre défend une biologie praticienne, à l’opposé d’une biologie purement industrielle et déshumanisée, et dénonce les risques d’une évolution vers des SEL hypertrophiées. « Il faut éviter la multiplication de laboratoires, centres de prélèvements qui seront nécessairement créés en cas de libéralisation importante du cadre réglementaire, énonce Robert Desmoulins. En effet, cette multiplication mais aussi, comme le réclament certains, le libre échange d’activités à l’intérieur de la SEL risquent de transformer les laboratoires, dépouillés de leurs activités analytiques au profit du plateau technique, en centres de prélèvement et de rendu de résultats dont le contrôle ne justifierait plus la présence d’un biologiste et qui perdraient de fait leur statut de LABM. » C’est l’essence même de cette profession qui pourrait alors disparaître. « Il est indispensable, pour pouvoir préserver l’exercice d’une biologie de proximité, de maintenir la présence d’un biologiste dans chaque laboratoire détenu par la SEL pendant les heures d’ouverture de manière à pouvoir répondre aux besoins de santé publique et de rendre obligatoire à terme la présence de deux diplômes pour tenir un laboratoire. »

Les nouveaux modèles de la biologie qui sont en train de se décider et de se dessiner ne sont pas transposables tels quels. Pour une raison simple : les textes qui régissent la biologie sont différents de ceux de la pharmacie et le plateau technique ne revêt pas en officine la même importance. Néanmoins, comme la biologie, la pharmacie ne fera pas l’économie du changement et d’une révolution annoncée de ses structures.

Sondage

Sondage réalisé par téléphone du 7 au 10 janvier 2008 sur un échantillon de 154 pharmacies représentatif de la population des pharmacies françaises en fonction de la répartition géographique et du chiffre d’affaires de l’officine.

Les LABM se concentrent capitalistiquement et s’organisent en pôles de SEL. Est-ce selon vous la bonne stratégie en réponse aux menaces de l’Europe ?

Pensez-vous que la vente d’un LABM indépendant à des investisseurs étrangers est pour le biologiste une bonne opération ?

Sur le plan financier :

Sur le plan professionnel :

Pour la pérennité du laboratoire :

Etes-vous favorable à ce que des LABM deviennent de simples centres de prélèvement reliés à un plateau technique ?

« Non à la biologie déshumanisée ! »

2008 sera une année pleine d’incertitudes. C’est en tout cas le sentiment de Florence Bérard, pharmacienne biologiste installée en SEL (sur deux sites seulement) à Arpajon. « L’exercice libéral de la biologie est actuellement confronté à deux risques qui peuvent aboutir dans les deux cas au même résultat. L’un est lié aux exigences de la Commission européenne pilotées par des lobbies puissants, l’autre est suspendu au rapport de l’IGAS et à ce que décidera le gouvernement sur la nouvelle organisation de la biologie médicale en France. »

Devant l’incertitude de la situation actuelle, notre consoeur biologiste ne cache pas son inquiétude. Elle ne s’imagine pas exercer demain dans des structures industrielles non ouvertes au public qui se contenteraient de recevoir des prélèvements. « Le travail sera beaucoup moins intéressant si le biologiste n’est plus en contact avec le malade et n’est là que pour valider des résultats, redoute Florence Bérard. Il sera important de trouver un juste équilibre entre la désincarnation de la biologie industrielle et le maintien d’un exercice humanisé et proche du patient. »

Malgré ces menaces, Florence Bérard n’envisage pas dans un premier temps de continuer à se regrouper en SEL avec d’autres laboratoires. Elle cherche plutôt à fusionner les deux sites en un et à créer une SCM avec d’autres LABM, une structure plus rapide à monter pour pouvoir mettre en commun des moyens, du matériel, la gestion des analyses, des achats, etc.

Christophe La Rosa préfère les réseaux

Christophe La Rosa et ses associés ont créé un réseau de 12 LABM. Au départ pour améliorer leur rentabilité et maintenant pour anticiper sur la dérégulation à venir. Christophe La Rosa, pharmacien biologiste à Saint-Gratien (Val-d’Oise), est entré dès 1994 dans un mini-réseau composé en 2005 de sept laboratoires d’analyses médicales exploités par deux SELARL. « La baisse drastique de la cotation des actes de biologie nous a conduits à mettre en commun des moyens de production, essentiellement des automates à meilleure rentabilité. Le réseau nous a permis de spécialiser certains sites en fonction de leur type d’activité, mais aussi de mettre en place des procédures qualité. »

Le système est souple et bien huilé : « Chaque salarié dépend d’une SELARL mais a signé un contrat avec une clause de mobilité qui lui permet de travailler sur un autre site si besoin, explique Christophe La Rosa. Nous sommes tous à égalité de parts et les décisions sont prises de façon collégiale. Le réseau a permis aussi à chacun de se spécialiser dans un domaine de la biologie et dans un domaine extérieur, comme le droit du travail, la comptabilité ou les relations avec les banques. »

Acquérir une taille industrielle

Afin d’anticiper la déréglementation, Christophe La Rosa et ses associés ont utilisé tous les moyens juridiques à leur disposition pour consolider le réseau tout en conservant une structure basée sur une stricte égalité entre associés. « Ainsi, en 2006 puis 2007, explique-t-il, nous avons progressivement modifié notre forme juridique en SELCA afin de permettre l’entrée de nouveaux associés et aussi de nous permettre de se rapprocher d’une SELARL gérant à l’époque trois laboratoires. »

A la faveur de cette restructuration, ce groupe de biologistes a pu mettre en place une structure fédérant 12 laboratoires en respectant le principe initial d’équité entre associés. « Une SELCA de tête dans laquelle nous sommes tous actionnaires à égalité, possède 99 % de 2 autres SELCA gérant respectivement 4 et 3 laboratoires, poursuit Christophe La Rosa. Ce montage nous a permis une réalisation partielle de notre capital et, du fait de l’endettement de la société nouvellement créée, facilité l’entrée de nouveaux associés en diminuant leur apport. Leur entrée en augmentation de capital ayant, de plus, permis de soulager l’endettement de la société. »

Ce réseau n’entend pas s’arrêter là et souhaite acquérir une taille industrielle. « Nous cherchons à nous rapprocher de structures existantes ou racheter des laboratoires isolés », confie Christophe La Rosa, qui espère passer à 17 laboratoires d’ici fin 2008 grâce à des prises de participations en cascade et en recourant à la SELAS. Le chiffre d’affaires de l’ensemble pèse déjà 18 millions d’euros.

Parallèlement, afin de faciliter les échanges, les processus économiques de gestion entre des différentes structures, ce réseau a mis en place une société civile de moyens qui gère la partie technique, la partie comptable et les achats. Cette nouvelle organisation a permis, en outre, de développer de nouveaux pôles d’organisation interne (développements externes) et de mettre en place des procédures qualité (accréditation en cours).

Repères

– Un peu plus de 8 000 pharmaciens biologistes étaient inscrits à l’ordre des pharmaciens au 1er janvier 2007.

– L’institution comptabilisait 4 237 établissements privés dépendant de la section G. de l’Ordre

– 2 184 étaient exploités sous forme de SEL.

Les propositions libérales de l’IGAS

– Liberté d’organisation des laboratoires.

– Libéralisation de constitution des structures juridiques.

– Respect de la qualité comme première norme, ce qui impose à terme la certification ISO 15189.

-Allégement, voire abrogation de normes inadéquates : réduction des normes de personnel technique, évolution des techniciens vers des compétences de qualiticien, abandon de normes de locaux et de matériels mais, en revanche, obligation de disposer d’au moins deux biologistes par laboratoire.