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Les pharmacies sont trop chères !

Publié le 5 avril 2008
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Plus encore qu’avant, taille et typologie sont des critères de hausse des prix. Il y a de quoi inquiéter les jeunes, pour lesquels des prix si élevés sont soit rédhibitoires, soit constituent un risque entrepreneurial disproportionné.

Le marché des transactions d’officines échappe décidément à toute logique économique. En effet, malgré une piètre année 2007, de fortes pressions gouvernementales sur la distribution du médicament et les menaces de déréglementation au niveau européen, le « prix moyen France entière » a tout de même augmenté pour atteindre 91% du CA TTC, selon l’étude d’Interfimo sur les prix de cession des pharmacies en 2007* ! Actuellement, le prix se fixe selon le type de pharmacie et l’importance du chiffre d’affaires, et non selon les critères de rentabilité. En 2006, le prix de cession exprimé en multiple de l’EBE avait déjà atteint un niveau record : 8 fois l’EBE ! Ce seuil a été dépassé en 2007 et atteint maintenant 8,2 fois l’EBE. Où s’arrêtera-t-on ? En 1997, le prix de cession moyen se situait à 5,3 fois l’EBE…

Beaucoup moins de ventes en 2007

Contrairement à 2006, les mutations se ralentissent. Incontestablement, le marché s’essouffle sous l’effet de la flambée des prix. Les délais de transaction sont donc de plus en plus longs. En volume, Interfimo a recensé 1 350 cessions de fonds sur 2007, soit une baisse de 15 % par rapport à 2006. En ajoutant à ce chiffre les cessions de parts sociales, ce sont environ 1 650 officines qui ont changé de mains l’an dernier, soit 200 de moins qu’en 2006.

Quatorze régions connaissent un turnover plus faible qu’en 2006. Seules cinq font preuve de dynamisme : la Bretagne, la Picardie, PACA, la Champagne-Ardenne et, surtout, le Limousin (avec plus de 63 mutations pour 1 000 officines). Toutes proportions gardées, l’Alsace et la Corse affichent une progression sensible de leur taux de rotation.

Les départs à la retraite animent le marché

Le marché a été encore plus que d’habitude animé par les départs en retraite, souvent anticipés par opportunité fiscale (exonération sur les plus-values). En nette augmentation (+ 33 %), ils tirent les volumes et restent la principale cause de transmission de l’officine. Les cessions-réinstallations, elles, sont en chute libre. « Ce marché est complètement grippé car les vendeurs ne sont pas satisfaits des propositions d’achat qui leur sont faites, explique Luc Fialletout, directeur général adjoint d’Interfimo. Sauf les titulaires qui souhaitent sortir de la profession et qui, pour ce faire, admettent de vendre à un prix auquel ils peuvent rencontrer un acquéreur. »

Le marché ne va pas pouvoir rester indéfiniment dans cette situation figée, où des jeunes veulent acheter mais où le prix à payer interdit tout espoir. « Les vendeurs n’ont pas intégré dans leurs prétentions les capacités d’endettement et les limites financières des acquéreurs », poursuit Luc Fialletout.

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Un second marché des petites officines

« Les moyennes générales ne veulent plus rien dire, commente le directeur général adjoint d’Interfimo. Les écarts se creusent et les prix se radicalisent. » Comme les années précédentes, au sein même de la plupart des régions, les prix de cession moyens masquent des disparités très importantes. Au niveau national, Interfimo relève qu’un tiers environ des pharmacies s’est valorisé au-dessous de 80 % du CA TTC et un autre tiers au-dessus de 105 %.

Par ailleurs, un marché spécifique des cessions réalisées sous la barre des 65 % semble prendre corps, alors qu’il n’était pas significatif jusqu’à présent. « Les petites pharmacies vendues peu cher représentent pour un jeune pharmacien un moyen intéressant de se constituer un apport personnel qui lui permettra ensuite d’acheter plus gros », souligne Luc Fialletout. L’émergence de ce marché prouve, selon lui, que « les petites officines ont trouvé leur prix d’équilibre. »

Les écarts se réduisent entre les régions

2007 confirme la tendance observée depuis deux ans au niveau des moyennes régionales : les écarts de prix se réduisent entre les régions les plus chères et les moins chères, passant de 29 points en 2004 à 17 points en 2007. Onze régions ont vu leur prix grimper, dont la Bretagne, les Pays de la Loire et l’Alsace (son prix moyen s’est rapproché des régions les plus chères). C’est aussi le cas des régions habituellement les moins bien valorisées comme le Nord-Pas-de-Calais et la région parisienne.

Le Centre et Champagne-Ardenne connaissent une correction des prix à la hausse après une baisse en 2006 de 5 à 6 points qui les avait placés parmi les régions les moins chères. La palme revient à Champagne-Ardenne avec +10 points.

Les régions les plus au sud, traditionnellement les plus chères, ont été « sages » en 2007. Le Languedoc-Roussillon voit son prix moyen inchangé, tandis que la Corse, PACA, Midi-Pyrénées et Aquitaine sont en léger repli (- 1 point). Résultat : les prix au soleil se stabilisent autour de 100 %.

Cinq autres régions, dont trois situées au sud de la Loire, baissent également. En recul de 4 points, le prix moyen en Poitou-Charentes se rapproche de la moyenne nationale après deux années de forte hausse.

Les disparités selon la taille s’accentuent, les SEL poursuivent leur essor

Les écarts de prix se creusent de plus en plus entre les petites officines (moins de 800 000 Û), qui se vendent mal et peu cher, et les officines les plus importantes (plus de 2 000 000 Û), qui se vendent bien et cher : 22 points les séparent contre 10 en 2006. Les pharmacies au-delà de ce seuil de CA se sont négociées en moyenne à 97 % du CA TTC (+ 3 points).

Dans le même temps, les petites officines ont subi une décote de 9 points, à 75 % du CA TTC (84 % en 2006). Les disparités de prix s’affirment à la fois en fonction de la taille des officines et de leur typologie, qui s’avère un facteur d’appréciation important de leur potentiel de développement. Les pharmacies de centres commerciaux, qui réalisent aussi les plus gros CA, se vendent à 100 % du CA TTC (+ 7 points versus 2006).

Cette année, Interfimo n’a pas réalisé de zoom sur les SEL, mais il s’agit toujours de la forme juridique qui a le plus le vent en poupe. Elle représente environ 50 % des acquisitions. Les officines acquises sous cette forme le sont en général à un prix plus élevé que celles acquises en nom propre ou en SNC.

Si rien ne bouge au niveau de l’organisation du cadre d’exploitation des pharmacies et si rien n’évolue au niveau du régime de l’impôt sur les sociétés, la sortie des pharmaciens qui investissent aujourd’hui dans des SEL sera demain problématique car fiscalement prohibitive et désastreuse sur le plan patrimonial. Ce problème s’effacera le jour où la profession parviendra à faire sortir le décret d’application des SPF-PL (holdings) en pharmacie et à obtenir de manière concomitante les aménagements nécessaires de la loi de 1990 sur les SEL.

* Cette estimation est établie sur un panel comparable de près de 800 cessions. Interfimo veille à comptabiliser chaque vente à sa date de prise d’effet et non à sa publication au « BODACC », généralement décalée (ou prise de possession), parfois de plusieurs mois, soit en anticipation, soit en retard. Ce qui explique les écarts avec les statistiques de Pharmétudes publiées dans le n° 2722 du « Moniteur des pharmacies ». A titre d’exemple, sur quelque 110 publications du seul mois de janvier 2007 (hors DOM), 70 concernaient des prises d’effet remontant à 2006. 2006 n’ayant pas connu un décalage de cette ampleur, on pourrait avoir l’illusion d’un marché homogène entre 2006 et 2007 alors que le nombre de cessions a, en réalité,, chuté de 15 %.

Les grandes leçons à retenir de 2007

– Le prix de cession moyen poursuit sa progression pour atteindre 91 % du CA TTC (+ 1 point). Cette moyenne cache une forte dispersion des prix.

– Le niveau de prix atteint en 2007 freine le renouvellement de la profession.

– L’augmentation des cessions pour cause de départ à la retraite ne parvient à masquer le manque de dynamisme du marché (-15 % en volume).

– Les clivages régionaux tendent à se réduire.

– On observe une amplification des écarts selon la taille et la typologie des officines.

– Les écarts continuent à se creuser entre les prix de marché et la valeur économique et financière (en multiple de l’EBE) des officines. Le prix de cession atteint en effet 8,2 fois l’EBE.